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Grande-Bretagne: Les leçons politiques de l'enquête Hutton

Par Julie Hyland
11 août 2003

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Le début de l'enquête de Lord Hutton le 11 août sur la mort d'un scientifique travaillant pour le gouvernement, le Dr David Kelly, est le résultat d'un profond conflit parmi la classe dirigeante britannique et son appareil d'état. Le conflit a pris la forme pour le moins bizarre d'une lutte entre le gouvernement du Premier Ministre Tony Blair et la Société de télédiffusion britannique (British Broadcasting Corporation, BBC), une institution étatique qui a longtemps fonctionné en tant que voix semi-officielle du monde des affaires et des milieux dirigeants de la Grande-Bretagne.

Le fait que le gouvernement ait attaqué aussi directement la crédibilité du télédiffuseur après qu'il ait rendu compte de déclarations exagérées sur l'existence d'armes de destructions massives irakiennes, provoquant ainsi une dispute tapageuse et publique, met en évidence le caractère explosif des tensions qui se sont accumulées au sommet des cercles dirigeants britanniques.

Kelly, officiellement mort par suicide, était lui-même une personnalité importante dans l'appareil d'état. Le corps du scientifique a été découvert dans un boisé le 18 juillet, seulement quelques jours après qu'il ait été « débusqué » comme étant la source des allégations de la BBC selon lesquelles le gouvernement Blair avait « pimenté » son dossier de septembre 2002 sur les armes de destruction massive irakiennes pour renforcer ses arguments en faveur de la guerre.

En tant que conseiller supérieur du Ministère de la Défense sur les armes biologiques, Kelly a été un acteur clé pendant les provocations britanniques en Irak qui ont duré plus d'une décennie. Lorsqu'il était le chef des inspections biologiques pour le programme des inspections en armes des Nations Unies, UNSCOM, il a fait quelque 36 voyages dans ce pays et il a joué un rôle de premier-plan en ce qui a trait aux interrogatoires des scientifiques irakiens. Il s'est attribué une réputation d'inspecteur « le plus craint », et d'un « homme vraiment impitoyable. » (Tiré de Plague Wars, T. Mangold and J. Goldberg, Pan Books).

Kelly était tellement fidèle aux pouvoirs établis qu'il avait été en charge d'écrire le brouillon de la section historique du dossier de septembre et, quoi qu'il eût accès à des renseignements secrets, il pouvait communiquer librement avec les journalistes. La gravité de la mort d'une personnalité aussi haute placée dans des circonstances aussi douteuses -- dans son dernier courriel à la journaliste du New York Times Judith Miller, Kelly avait fait mention de « de sombres personnages qui jouent à des jeux » -- est mis en évidence par la liste des témoins qui seront appelés à témoigner durant l'enquête Hutton.

Cette liste comprend Blair (seulement le deuxième premier ministre en fonction dans l'histoire à comparaître devant une enquête judiciaire), son directeur des communications, Alastair Campbell, le Secrétaire à la Défense Geoff Hoon, des officiels de premier plan provenant de la Défense Militaire et des services de renseignements britanniques, des fonctionnaires ainsi que plusieurs journalistes et télédiffuseurs, incluant Gavyn Davies, le président du Comité de Gouverneurs de la BBC.

Malgré l'insistance d'Hutton selon laquelle le tribunal sera indépendant et public, il serait naïf de penser que cette enquête procurera au public un compte-rendu véridique et non censuré de la mort de Kelly et des événements qui y ont mené.

Hutton a stipulé que cette enquête sera rigoureusement restreinte aux évènements immédiats qui ont mené à la découverte du corps du scientifique avec l'unique but de découvrir si Kelly était la source des divulgations à la BBC et aux autres par rapport au dossier de septembre et si, ayant été découvert, il a été exposé à de telles pressions qu'il a dû s'enlever la vie.

Les témoins ne seront pas contre-interrogés pendant leur première comparution devant le tribunal. Seulement après qu'Hutton aura décidé qui doit être questionné de plus près aura lieu le contre-interrogatoire, c'est-à-dire dans la deuxième phase de l'enquête, mais seulement après que ceux qui seront appelés à recomparaître auront été informés des critiques portées contre eux. Même à ce stade « l'étendue de l'interrogatoire et du contre-interrogatoire sera confinée à ce que je crois être utile à l'enquête, » a déclaré Hutton.

L'enquête n'examinera pas la question d'une importance fondamentale qui se trouve au cur de la crise : c'est-à-dire, que le gouvernement Blair a allégué des faussetés à propos des armes de destructions massives irakiennes et a ainsi dénaturé les normes démocratiques dans le but de se joindre aux États-Unis dans une guerre préventive et illégale. Cet assaut sur les droits démocratiques est combiné avec le fait que Blair a amené le pays en guerre en dépit d'une opposition populaire écrasante.

Les paramètres étroits qu'Hutton a annoncés pour l'enquête suggèrent que celle-ci a été convenue dans but de contenir une guerre de factions qui a émergé au sein de l'appareil d'état et d'empêcher qu'elle ne devienne hors de contrôle. L'enquête d'Hutton a été annoncée quelques heures après que le corps de Kelly ait été découvert. On peut dire sans crainte que la décision de lancer l'enquête sous les auspices d'un officiel fiable a été précédée de débats d'arrière-scène houleux aux échelons les plus hauts de l'élite dirigeante sur le meilleur moyen de dissimuler les évènements qui ont mené à la guerre contre l'Irak.

Les conflits entre les services de renseignements secrets et le gouvernement Blair sur la décision d'aller en guerre contre l'Irak -- aggravés par l'absence d'armes de destructions massives et la résistance montante du peuple irakien -- sont devenus le point d'ignition pour une série de conflits qui se sont développés sur une longue période.

Principalement, ces questions portent sur la stratégie fondamentale de l'impérialisme britannique, par-dessus tout, la question de savoir si la Grande-Bretagne doit continuer en tant que partenaire loyal des États-Unis, où si elle doit s'orienter de façon plus déterminée vers l'Europe. Ces questions ont longtemps affecté la classe dirigeante britannique et divisé l'establishment. Qu'elles doivent déborder de cette manière et diviser ouvertement l'appareil d'état est le résultat d'un processus social et politique profond.

La polarisation sociale sans précédent qui a commencé sous le gouvernement conservateur de Thatcher a continué et empiré sous Blair. D'un côté de la société, une élite minoritaire a accumulé une grande part de la richesse pendant que, de l'autre côté, la vaste majorité de la population a vu son niveau de vie stagner ou diminuer. L'inégalité économique grandissante au pays a été accompagné d'une augmentation du militarisme à l'extérieur. Ce processus a atteint son apogée sous Blair qui, en sept ans de fonction, a transporté la Grande-Bretagne d'une guerre à l'autre, des Balkans jusqu'à l'Afghanistan et l'Irak.

Les normes traditionnelles de procédure démocratique ont été bafouées. Séparés des masses, les vieux partis bourgeois se sont atrophiés et transformés en rien de plus que de pitoyables auxiliaires de l'appareil bureaucratique de l'État. Le parti Conservateur est un vestige en putréfaction pendant que le désengagement du parti Travailliste envers toute forme d'attachement aux intérêts sociaux des travailleurs a mené à l'érosion de son ancienne base ouvrière.

Le gouvernement est non seulement graduellement incapable de compter sur un appui populaire pour ses politiques, il est aussi de plus en plus hésitant de leur faire passer le test de l'opinion publique. Pour Blair, la seule opinion qui compte réellement est celle de l'élite économique et de ses porte-paroles médiatiques qui l'ont promu au pouvoir et l'ont gardé en place pour qu'il fasse ce qu'ils demandent.

Les vieilles structures qui ont maintenu le règne du capital britannique pendant des décennies sont en train de se décomposer. Dans l'air raréfié du monde de la politique, toutes les formes d'intrigues et de haines subjectives peuvent se développer et émerger sous la pression de forces extérieures. Ce niveau a maintenant été atteint. En plus de l'impact déstabilisateur à l'échelle internationale de la « campagne contre le terrorisme » de l'administration Bush, il y a une crise économique mondiale montante qui agit directement sur la Grande-Bretagne et qui ébranle la réputation de Blair de fidèle gardien de l'élite corporative.

L'enquête Hutton est la dernière enquête judiciaire d'une série (incluant l'enquête Scarman sur les émeutes des quartiers pauvres en 1981 et l'enquête Scott sur la vente illégale d'armes à l'Irak) qui, sous le prétexte d'obtenir la vérité, a servi à la dissimuler.

Ceci ne veut pas nécessairement dire qu'Hutton va simplement disculper le gouvernement et le Premier ministre. Il y aura disculpation, mais il reste à voir si Blair en sera le bénéficiaire. Pour l'élite dirigeante, il demeure toujours le danger qu'une telle crise devienne un catalyseur qui placerait les contradictions sociales en évidence et qui précipiterait des bouleversements politiques. Dans de telles conditions, sacrifier un gouvernement dans le but de préserver les intérêts généraux de l'état n'est pas sans précédent.

Pendant le scandale du Watergate aux États-Unis dans les années 1970, le Congrès a été obligé de tenir des audiences publiques dans le but de contenir des révélations nuisibles sur l'abus de pouvoir de l'administration Nixon. En fin de compte, un consensus a pris forme parmi les cercles dirigeants américains; dans l'intérêt général du capitalisme, Nixon devait partir.

Les questions les plus importantes de la présente crise vont plus loin que son impact immédiat sur Blair. Les questions plus profondes concernent le manque de représentation politique de la vaste majorité des gens ainsi que les menaces aux libertés démocratiques de la classe ouvrière qui proviennent du système politique et économique dans son ensemble.

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