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Une poignée de main et un discours marqué par la lâcheté.

Le chancelier Schröder vole au secours du président Bush

Par Ulrich Rippert
Le 26 septembre2003

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Alors que la résistance irakienne à l'occupation américaine s'intensifie de jour en jour, que les motifs de la guerre se sont avérés être autant de mensonges et que l'administration Bush traverse sa crise la plus profonde depuis qu'elle s'est emparée du pouvoir il y a trois ans, le chancelier allemand Schröder (SPD) profita de sa venue à l'assemblée plénière des Nations unies à New-York pour apporter, à grand renfort de publicité, son soutien au président Bush.
Au cours d'une conversation personnelle avec Bush qui dura à peine une quarantaine de minutes, il insista plusieurs fois sur le fait que les divergences relatives à la guerre étaient une chose du passé. Il s'agissait à présent d'envisager ensemble l'avenir. Son gouvernement était disposé à une collaboration étroite et véritable, dit Schröder.

Le chancelier allemand assura catégoriquement que le gouvernement allemand était vivement intéressé à « une stabilisation de la situation en Iraq » ce qui signifie rien moins qu'un soutien de l'occupation militaire et du pillage du pays. Il promit une aide financière et réitéra l'annonce faite au préalable que l'Allemagne participerait à la formation de policiers et de militaires irakiens.

Les deux ministres des affaires étrangères, Colin Powell et Joschka Fischer, prirent également part à l'entretien. Il s'agissait là de la première discussion entre Schröder et Bush depuis seize mois.

Pour finir, Schröder prononça un discours plein de pathos devant l'assemblée plénière des Nations unies, dans lequel il parla de façon générale de « collaboration internationale intensifiée » et de «la grande importance du droit international », sans même critiquer, ne serait qu'une seule fois, le gouvernement américain pour son attaque provoquante du droit international.

L'attitude prise par Schröder et Fischer à New-York aura des conséquences internationales importantes et ne peut être qualifiée autrement que de politiquement criminelle. Maintenant que s'est précisément produit le désastre contre lequel ils avaient mis en garde avant la guerre et que les motifs avancés pour la guerre - entre autres, l'existence d'armes de destruction massive - se sont révélés être des mensonges gros comme le bras, voilà qu'ils se précipitent au secours du gouvernement Bush.

Au lieu de se servir du discours devant les Nations unies et mettre Bush, Rumsfeld et Cheney en accusation pour avoir organisé une agression illégale, pour avoir menti de façon éhontée au monde entier sur les véritables motifs de cette guerre et avoir occupé un pays en violation du droit international, le gouvernement allemand leur tend la main en signe de réconciliation.

Le gouvernement allemand consolide par là les forces politiques les plus réactionnaires aux Etats-Unis et dans le monde et les encourage à monter d'autres aventures militaires. Schröder et Fischer ne tombent pas seulement dans le dos de la population irakienne et des millions de personnes qui ont manifesté contre la guerre. Ils renforcent un régime contre lequel s'est développé opposition et résistance dans les dernières semaines ­ et ce, même au sein de l'élite américaine.

Cette lâche adaptation au gouvernement Bush contribue encore à perpétuer la tuerie quotidienne dont sont victimes soldats américains et irakiens et la population civile de l'Iraq. Si Schröder avait condamné la politique militaire américaine devant l'ONU et l'avait appelée par son nom : une violation patente du droit international et donc un crime de guerre, cela aurait encouragé et aidé la résistance de la population américaine à la guerre.

Au lieu de quoi, il prononça un discours fait de phrases creuses et de faux-fuyants. Faisant l'éloge de l'ONU en tant que communauté des peuples, il peint son avenir en ces mots : « Il s'agit du chemin qui mène à un ordre universel basé sur le droit et la dignité humaine, de la gouvernance responsable et de la participation de tous les hommes au bien-être de ce monde ». Combien de mensonges est-il possible de faire tenir en une phrase? L' « Ordre universel basé sur le droit » fut précisement éliminé avant la guerre contre l'Iraq, l'administration Bush se débarassant du droit international en vigueur de façon agressive et sans aucun égard et menant une guerre offensive sans être provoquée.

En outre, le gouvernement américain se refuse strictement à reconnaître la Cour pénale internationale de la Haye parce qu'il sait que ses actions sont passibles de la Loi. Pour ce qui est de la « dignité humaine universelle », on doit se poser cette question : vaut-elle pour les prisonniers de guerre de Guantanamo, enfermés dans les cages d'un camp de concentration ­ ou encore pour les réfugiés des camps de déportation allemands?

Sans parler de la « participation de tous les êtres humains au bien-être de ce monde ». Voilà un chancelier qui vient d'apporter son soutien à un régime qui a fait de la création de l'inégalité sociale la base de sa politique. Plus de 40 millions d'Américains ne peuvent se payer une assurance maladie ou une assurance vieillesse, tandis que l'élite hyper-riche qui se trouve au sommet de la société se vautre dans le luxe. En Allemagne aussi on a aboli plus de droits sociaux et bien plus renforcé l'inégalité sociale au cours des cinq dernières années de coalition 'Rouge et Verte' (SPD et Verts) qu'au cours de la décennie et demie du gouvernement conservateur dirigé par Helmut Kohl.

Le fait que le gouvernement américain se sente encouragé par le nouveau ton adopté par Berlin était déjà visible dans le discours prononcé par Bush devant l'assemblée des Nations unies. En totale contradiction avec les faits et les preuves celui-ci répéta le vieux mensonge d'une soit-disante menace venue d'armes de destruction massive et défendit l'occupation militaire de l'Iraq au nom de la Liberté et de la Démocratie.

Schröder et Fischer ont montré clairement devant les Nations unies que leur refus de la guerre contre l'Iraq ces derniers mois ne fut jamais sérieux, et qu'il n'était pas dû à des convictions politiques profondes. Ce furent au contraire toujours les intérêts économiques et politiques immédiats qui ont dominé. L'Allemagne et la France ayant été les principaux partenaires commerciaux de l'Irak dans les années 1980, les associations patronales des deux pays insistèrent avant la guerre pour que soit fait obstacle aux plans de guerre. Cela ayant échoué, ils exigent maintenant que sous aucun prétexte on ne permettent aux USA de s'établir en tant que puissance dominante en Irak.

Les fédérations patronales françaises et allemandes veulent avant tout empêcher que la privatisation de toutes les grandes entreprises publiques, qui va s'effectuer dans les prochaines semaines sous l'occupation américaine, se fasse sans eux. En outre, un contrôle illimité des Américains sur les vastes réserves de pétrole et de gaz naturel rendrait les pays européens, qui ne disposent pas eux-mêmes d'importantes réserves énergétiques, largement dépendants des Américains.

Derrière le marchandage à propos des formules d'une résolution des Nations unies et les disputes sur le calendrier à prévoir pour la tenue d'élections parlementaires en Iraq, il y a la lutte pour le pouvoir et l'influence des grandes puissances, toutes s'intéressant à une exploitation coloniale effrénée de ce pays ainsi maltraité.

A cela s'ajoute encore le fait que les activités de l'économie allemande aux Etats-Unis ont fortement pâti ces derniers mois. Daimler Chrysler dut ainsi réduire considérablement sa production aux USA. Au vu d'une situation économique déjà très tendue en Allemagne, les appels de la part des trusts en faveur d'une amélioration des relations transatlantiques deviennent de plus en plus forts.

Pourquoi?

La question de savoir pourquoi le gouvernement Schröder-Fischer se place précisément à présent et de façon si ostentatoire aux côtés du gouvernement Bush, ne s'explique pas totalement en se référant aux seuls intérêts économiques. Il existe encore d'autres raisons. C'est tout d'abord la peur d'un effondrement complet de l'ordre étatique et d'une rébellion massive dans tout le Moyen-Orient qui commence à effrayer la chancellerie. Schröder et Fischer craignent que la terreur de plus en plus brutale des Américains qui fait actuellement déjà en moyenne une soixantaine de morts par jour parmi les soldats et les civils irakiens ne déclenche un contre-mouvement qui ne serait plus contrôlable.

C'est pourquoi le gouvernement allemand s'est abstenu, lors de la discussion la semaine dernière au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, d'une résolution devant condamner l'appel du gouvernement israélien à l'assassinat du président palestinien Arafat. Mis à part le fait que ce cas avait déjà permis de voir ce qu'il fallait penser des mots ronflants de Schröder sur la nécessité de « mettre un terme à l'absence de droit », cette décision montrait clairement que le gouvernement compte, en cas de soulèvement palestinien, sur l'usage de la force et sur une répression brutale.

Ensuite, le virage opéré par Berlin dans la politique iraquienne est lié directement à l'évolution politique en Europe.

C'est au plus tard depuis le referendum sur l'Euro qui s'est tenu en Suède qu'on peut constater que l'unification européenne dans l'intérêt des banques et des trusts ne peut s'effectuer que contre une forte résistance de la population européenne. Dans tous les grands pays européens, la démolition de l'Etat social, l'introduction massive de bas salaires et les cadeaux fiscaux aux revenus les plus élevés se heurtent à une vaste opposition. Plus le gouvernement Schröder cherche à imposer en Europe des conditions à l'américaine, plus il éprouve une certaine affinité naturelle avec le régime de Bush.

Pour finir, Schröder et sa courbette new-yorkaise s'inscrivent parfaitement dans une vieille tradition sociale-démocrate. Déjà au cours des premières décennies du siècle dernier les sociaux-démocrates se sont efforcés d'être des proconsuls de l'impérialisme le plus puissant. Ce n'est que vis-à-vis de la classe ouvrière qu'ils se sont montrés intraitables, tenaces et brutaux. Ce n'est pas un hasard si Trotsky écrivit que la sociale-démocratie représentait la partie la plus pourrie du capitalisme européen pourrissant.

La poignée de main de l'Hôtel Waldorf Astoria de New-York n'inaugure toutefois pas une nouvelle période d'harmonie transatlantique, comme l'on affirmé certains commentateurs ­ bien au contraire. Bush répondit par le mépris à la politique de rapprochement de Berlin et il s'en sert afin d'insister sur la justesse de sa politique. Tandis que Schröder louait le discours de Bush devant les Nations unies, (« la façon dont Bush s'est exprimé sur le rôle de l'ONU est très positive ») Bush, lui, ne fit aucune concession sur le fond et il limita le rôle des Nations unies à l'aide humanitaire et à la préparation d'élections. Le contraste entre les remarques méprisantes que Bush laissa tomber à propos de la France au cours de l'assemblée générale et le traitement plutôt favorable réservé à Schröder laissent voir en outre, que le gouvernement americain tente toujours d'opposer les gouvernements européens les uns aux autres. Nonobstant l'harmonie et la réconciliation dont on a fait étalage à New-York, l'assemblée générale elle, montra clairement que les divergences au sein de l'ONU deviennent de plus en plus vives.

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