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France: l'Assemblée Nationale interdit le foulard islamique à l'école

Par Alex Lefebvre
18 février 2004

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Le 10 février, l'Assemblée Nationale a voté (494 pour et 36 contre, avec 31 abstentions) une loi interdisant « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse » dans « les écoles, les collèges, et les lycées publics ». La loi sera applicable dès la rentrée 2004 en France et dans plusieurs de ses possessions d'outre-mer.

A l'intérieur de l'Assemblée, le parti conservateur dirigeant ­ l'Union pour une Majorité Populaire (UMP) ­ a voté massivement pour la loi, comme le parti de la gauche établie, le Parti Socialiste (PS). L'Union pour la Démocratie Française (UDF), un petit parti de centre-droite, et les staliniens du Parti Communiste Français (PCF) ont divisé leur voix pour et contre la loi.

Si la loi prétend traiter également toutes les religions, elle est le fruit d'une campagne pour interdire le foulard islamique dans les établissements publics en France ­ écoles, hôpitaux, mairies, etc. ­ qui se développe depuis le début de 2003 dans la classe politique et les médias établis. On considère toujours la possibilité de préparer d'autres lois interdisant le foulard dans d'autres établissements.

Ceux qui soutiennent la loi l'ont cyniquement présentée comme une défense de la laïcité, invoquant même les traditions anti-cléricales progressistes de la Révolution Française. Si les forces droitières qui ont présenté la loi ont pu lui donner cette étiquette pseudo-démocratique, c'est largement grâce aux médias centre-gauche, au PS et au groupe « d'extrême-gauche » Lutte Ouvrière (LO), qui ont approuvé la loi, et au PCF, qui a adopté une position ambiguë et conciliatoire.

On voit le caractère anti-démocratique de la loi au fait que le Ministre de l'éducation Luc Ferry a d'abord opposé l'idée d'une loi contre le foulard, disant qu'elle risquerait d'être anti-constitutionnelle. Cependant, Ferry a laissé de côté ses inquiétudes et a commencé à écrire la loi en décembre 2003.

C'est une mesure discriminatoire qui encourage des forces de droite, dirigée en premier lieu contre la communauté musulmane, mais finalement contre les droits démocratiques de toute la classe ouvrière.

Du point de vue de la lutte pour l'égalité sociale et des intérêts objectifs des travailleurs, il faut se poser la question : cette loi contribue-t-elle ou nuit-elle au développement de l'unité internationale et de la conscience politique de la classe ouvrière ? La loi travaille évidemment contre les deux, encourageant les sentiments anti-immigré et communautaires, et encourageant les divisions au sein de la classe ouvrière.

Du point de vue des droits démocratiques, la loi porte atteinte aux droits fondamentaux de liberté religieuse et donne à l'Etat français de nouvelles capacités d'intervenir dans des questions de pensée et d'expression individuelle. Il est fondamentalement incorrect de confondre une défense du principe démocratique progressif de la laïcité avec un décret gouvernemental qui attaque les droits des individus d'exprimer, d'une manière qui ne porte pas atteinte aux droits des autres, leurs croyances religieuses personnelles.

Beaucoup des défenseurs de la loi prétendent qu'elle attaque l'oppression des femmes symbolisée par le foulard. C'est une position sophiste. Il est impossible d'attribuer un caractère démocratique et « libérateur » à une loi qui pointe du doigt toute une catégorie de la population, se basant sur leur appartenance religieuse. On ne peut non plus prétendre, comme certains l'ont fait, que s'opposer à la loi signifie soutenir l'intégrisme islamique ou l'infériorisation des femmes.

Au contraire, le résultat inévitable de cette loi discriminatoire sera d'encourager le développement du séparatisme religieux et de la pensée communautaire parmi des sections opprimées de la population qui trouveront, et avec justification, que l'on les persécute.

Les préjugés religieux seront conquis par le développement politique et l'éducation de la classe ouvrière dans la lutte pour les droits démocratiques et le socialisme, non pas par des décrets de l'état imposés de par le haut par des gouvernements qui répondent aux intérêts d'une élite sociale.

La loi anti-voile est un volet supplémentaire dans la série de mesures répressives mises en place par le gouvernement du premier ministre Jean-Pierre Raffarin : de lourdes amendes pour des contraventions mineures, des propositions pour un système de « juges de proximité » qui rendraient rapidement et en série des jugements draconiens, et la centralisation des Groupes d'Intervention Régionale (GIR). Ces GIRs ont déjà mené des raids massifs dans des quartiers pauvres ; le gouvernement Raffarin s'est aussi servi des GIR pour concerter le personnel policier nécessaire pour briser des grèves.

On a passé la loi sous des conditions de mécontentement social grandissant et d'opposition populaire aux politiques anti-ouvrières de Raffarin et du Président Jacques Chirac. C'est une tentative de distraire les travailleurs de la crise sociale et de l'agenda gouvernemental : réduire les retraites, attaquer les services sociaux, et augmenter la répression policière. Comme aucun des partis établis ­ de droite ou de gauche ­ n'a quoi que ce soit à offrir aux travailleurs, l'élite politique en son ensemble veut favoriser le chauvinisme anti-immigré et l'hystérie sécuritaire. Elle emploie une tactique éprouvée : diviser pour mieux régner.

Il faut remarquer que l'on a passé la loi peu avant des élections. Déjà, avant les élections régionales du mois prochain, les médias sont remplis de commentaires inquiets sur la possibilité de défaites sérieux pour les partis officiels et de gains importants pour les partis d'extrême-droite et « d'extrême-gauche ». Le gouvernement Raffarin est profondément impopulaire ; un sondage récent a trouvé que 65 pourcent des électeurs comptaient utiliser leur vote pour exprimer leur opposition au gouvernement. Ces derniers mois les sondages ont indiqué que jusqu'à 30 pourcent des électeurs considèrent la possibilité de voter pour les listes « extrême-gauche » de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) et de Lutte Ouvrière.

L'histoire récente du débat sur le foulard souligne le fait que l'on a stimulé le débat pour détourner et masquer une crise sociale et politique grandissante. La première série de discussions ­ en avril 2003 par le Ministre de l'Intérieur UMP Nicolas Sarkozy, et ensuite en mai-juin par les des Socialistes haut placés Jack Lang et Laurent Fabius ­ coïncidait avec la vague massive de grèves et de manifestations pour défendre les retraites contre les projets de Raffarin. L'avant-garde de ces actions se trouvait chez les enseignants, qui luttaient non seulement pour défendre les pensions, mais aussi par un projet du gouvernement pour affaiblir et régionaliser le système d'éducation public.

La deuxième manche de l'agitation anti-foulard ­ commençant en octobre 2003, quand Chirac et son éminence grise, le chef de l'UMP Alain Juppé, se sont prononcés pour une loi interdisant le foulard ­ coïncidait avec la chute du gouvernement Raffarin dans les sondages, après son inactivité pendant la canicule d'août 2003 qui a coûté la vite à 15,000 personnes.

Le PS a fermement soutenu ces mesures dès le départ, et les médias centre-gauche, y compris notamment le journal Le Monde, a joué un rôle important dans la campagne pour donner un air de légitimité démocratique à cette politique de persécution raciale menée par l'élite française.

Le reste de la gauche française a largement suivi le PS. Si le chef du PCF, Marie-George Buffet, a officiellement opposé la loi, c'était au prix de se contredire : elle l'avait prônée en 2003 et des sections importantes du groupe PCF à l'Assemblée ont voté pour la loi. « L'extrême-gauche » s'est divisée sur la question ; LO a ouvertement appuyée la campagne gouvernementale, tandis que la LCR, elle-même divisée, a proclamé qu'une loi n'était pas nécessaire. En même temps qu'elle opposait officiellement la loi anti-foulard, la LCR a forcé un des ses candidats régionaux pour Aix-en-Provence dans le sud-est de la France, l'avocat Benoît Hubert, à se retirer après avoir participé à une manifestation contre la loi.

Le soutien porté par la gauche établie à la campagne anti-islamique de l'UMP démontre la banqueroute des arguments présentés pour un vote Chirac au second tour de l'élection présidentielle de 2002. Quand le candidat du PS, Lionel Jospin (qui était alors premier ministre), a terminé en troisième position au premier tour et s'est vu éliminé, laissant une élection disputée par Chirac de l'UMP et le candidat néo-fasciste du Front National (FN), Jean-Marie Le Pen, les Socialistes, les Communistes, et les Verts ont agressivement fait campagne pour Chirac, le présentant comme sauveur de la «République » contre la démagogie raciste et anti-démocratique de Le Pen.

A présent que Chirac et l'UMP ont adopté une tactique dans le style de Le Pen, lançant leur propre campagne anti-immigré, la gauche établie s'est enfoncée plus loin dans la traîtrise en les soutenant. Cette expérience doit s'imprimer profondément dans la conscience des travailleurs et des jeunes comme une démonstration de la logique de la politique opportuniste.

Les cercles dirigeants en France savent ­ et, à un certain niveau, craignent ­ que leur propagande anti-immigré mobilisera les électeurs susceptibles de voter pour le FN avant les élections de mars. Malgré le soutien qu'il a porté à la loi anti-foulard, Le Monde a publié plusieurs mises en gardes à ce sujet. Dans un article du 18 décembre, intitulé « Le Front National observe de loin un débat dont il espère tirer profit», Le Monde a cité sans commentaires les prédictions enthousiastes des dirigeants du FN.

Marine Le Pen, la fille de Jean-Marie Le Pen qui est désignée comme son successeur politique, a dit au Monde : «L'affaire du voile renvoie au poids de l'immigration dans notre pays, et cela fait des années que nous en parlons. [] Quand les politologues annoncent que le Front sera le bénéficiaire du climat actuel, je les rejoins».

Si la presse française a présenté la question exclusivement sous une optique nationale, les manuvres anti-islamiques du gouvernement Raffarin s'inscrivent dans un cadre européen. Les gouvernements européens, attaquant les conditions de travail et les dépenses sociales pour être concurrentiels sur le marché mondial tout en augmentant les dépenses militaires, ont recours de plus en plus à des mesures anti-immigré et à la démagogie sécuritaire pour contenir les tensions sociales. D'autres gouvernements européens regardent de près les évènements français et considèrent la possibilité de faire passer des lois semblables.

Après le discours de Chirac le 17 décembre 2003 décrétant le passage de la loi, plusieurs responsables belges l'ont félicité et ont dit que la Belgique devrait suivre l'exemple de la France. Le ministre belge de l'intérieur, Patrick Dewael, a dit: «Nous devrions en faire autant dans notre pays [] il doit être également clair que les élèves d'une école publique ne peuvent pas porter de voile ou d'autres symboles religieux ostensibles ». Le premier ministre belge, Guy Verhofstadt, a exprimé son opposition au port du voile islamique par les fonctionnaires.

Plusieurs régions allemandes considèrent aussi la possibilité d'interdire le port du voile islamique par tous les fonctionnaires (Sarre, Hesse, et Berlin) ou simplement par les enseignants (Bade-Wurtemberg, Bavière, et Basse-Saxe).

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