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France: Manifestations contre Bush et pour la défense de la sécurité sociale


Par Antoine Lerougetel
8 juin 2004

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Des manifestations se sont déroulées en France le 5 juin pour protester contre la visite du président américain George W. Bush et contre la politique sociale du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.

Bush, après s'être rendu à Rome la veille et provoqué des dizaines de milliers de manifestants à défiler dans les rues contre lui et son allié de guerre, Silvio Berlusconi, Premier ministre italien, était en France pour participer avec 16 autres chefs d'état aux commémorations du 60e anniversaire du Débarquement de Normandie de 1944.

Mis à part l'occasion de faire des photos et les discours creux sur la liberté, la démocratie et la vieille amitié qui unit les deux pays, la visite à Paris de Bush a donné à celui-ci l'occasion de poursuivre résolument ses efforts pour obtenir des appuis aux efforts américains pour rendre légitime l'occupation illégale et de type colonial de l'Irak .

La visite a eu lieu une huitaine de jours seulement avant les élections européennes du 13 juin au cours desquelles l'UMP, parti au gouvernement du Président Jacques Chirac et du Premier ministre Raffarin- déjà sévèrement battu aux élections régionales- est sur le point de subir une autre défaite aux mains du Parti socialiste. L'UMP est à présent à dix points du Parti socialiste dans les sondages.

La manifestation parisienne contre la visite de Bush a coïncidé avec des manifestations dans tout le pays organisées par les syndicats et visant à s'opposer aux attaques gouvernementales contre le service public de santé et l'assurance maladie. Comme c'est traditionnellement le cas, c'est à Paris que la manifestation fut la plus importante. L'éventualité que deux manifestations le même jour se feraient du tort provoqua des disputes amères et inconvenantes entre organisateurs de la manifestation anti-Bush et ceux de la manifestation des syndicats qui agirent comme si les deux étaient mutuellement exclusives.

En fait, d'après les syndicats quelques 250 000 personnes- nettement moins que les mouvements du printemps dernier pour la défense des retraites et de l'éducation nationale ayant mobilisé jusqu'à 2 millions de personnes- manifestèrent dans toutes les grandes villes de France pour défendre le service public de santé, les chiffres de participation variant fortement suivant qu'ils étaient fournis par la police ou les syndicats.

Les vastes mobilisations et longues grèves reconductibles de 2003, étouffées par les bureaucraties syndicales avec l'aide des partis de gauche et d''extrême-gauche', ont inévitablement produit un certain scepticisme quant à l'action syndicale chez de nombreux salariés. A Paris où, d'après la CGT il y eut 50 000 personnes contre 10 000, suivant les chiffres de la police, le cortège s'est rassemblé à 14 heures et a défilé de République à Nation.

La manifestation contre Bush, dont le rassemblement était prévu à 18 heures, a regroupé quelques 12 000 personnes, selon la police et 25 000 selon les organisateurs, qui ont défilé entre Bastille et Gare de l'Est.

La manifestation parisienne pour la défense de la sécurité sociale était composée principalement de contingents de salariés défilant derrière les banderoles et drapeaux de la CGT (syndicat industriel le plus important en France et historiquement aligné au Parti communiste) les identifiant comme des travailleurs des industries de l'auto, des chemins de fer, des hôpitaux et d'autres secteurs. Il y avait aussi des contingents plus petits de la FSU, fédération de l'éducation, FO, UNSA, la confédération G10 et CFE-CGC avec fermant le cortège la CFDT (plus ou moins alignée au Parti socialiste). François Chérèque, dirigeant de la CFDT préféra ne pas accompagner les autres dirigeants syndicaux en tête de cortège.

Il n'y avait pas de formations politiques dans cette manifestation sinon de petites délégations de MJS, mouvement des jeunes socialistes. Le Parti communiste distribuait des tracts pour sa liste aux élections européennes, tout comme les soi-disant trotskistes de Lutte ouvrière (LO) et de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) qui présentent une liste commune aux élections. LO et la LCR ne rejoignirent pas le cortège mais se tinrent à l'écart en groupe sur le trottoir autour de leurs dirigeants respectifs, Arlette Laguillier et Alain Krivine.

De nombreux tracts distribués aux manifestants expliquaient la perte des droits que constitue la réforme gouvernementale de la sécurité sociale qui n'est qu'un exercice, à peine déguisé, de réduction des dépenses : les honoraires des médecins ne seront plus entièrement remboursés- il faudra payer un euro pour chaque visite, quelle que soit la situation financière du patient ; le forfait hospitalier (de 13 euros par jour actuellement) va augmenter d'un euro par jour d'hospitalisation chaque année ; les médecins se verront imposer des limites sur leur droit à prescrire ; il sera mis en place des systèmes visant à vérifier que les patients ne demandent pas une seconde opinion s'ils ne sont pas satisfaits du diagnostic d'un médecin et à pénaliser de tels 'abus' ; une proposition d'augmentation de la taxe CSG, même pour les retraités, afin de financer le système de sécurité sociale.

Ces mesures sont la porte ouverte au recours massif à des assurances maladie privées pour ceux qui en ont les moyens. Certains tracts faisaient remarquer que le déficit de la sécurité sociale n'était pas dû à un usage abusif ou frauduleux du système mais plutôt à une baisse des rentrées d'argent du fait du chômage et à des cadeaux fiscaux massifs et réductions des charges patronales.

Néanmoins tous les tracts s'opposant aux mesures gouvernementales prétendent qu'avec la pression de la rue et l'action syndicale le gouvernement Chirac-Raffarin sera contraint de réduire ses attaques, voire même obligé de faire des réformes allant dans l'intérêt de la classe ouvrière. La section LCR de la Somme a tiré un tract proposant non pas la démission du gouvernement, mais que « la préservation et l'amélioration de notre système de santé solidaire de Sécurité sociale doivent être imposées au gouvernement ».

Il y avait très peu de tracts faisant référence à la guerre en Irak et certainement aucun effort de la part des organisateurs de la manifestation des syndicats ni, et c'est encore plus significatif, de la part des organisateurs de la manifestation anti-Bush pour encourager les gens du défilé de 14 heures à rejoindre celui de 18 heures contre la guerre.

Des équipes de sympathisants du WSWS ont distribué des tracts dans les deux manifestations établissant un lien très clair entre les attaques à l'encontre des droits et conditions sociales des salariés et l'explosion du militarisme américain et européen. Le tract, intitulé 'Un an depuis l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis', déclare : « Nous rejetons la position de ceux qui s'opposent à l'alternative socialiste sur la base que la seule question est de défaire Bush. Une telle position ignore les véritables racines du militarisme, de la guerre et de la réaction sociale : la crise du capitalisme américain et du capitalisme mondial ».

Le tract annonçait aussi une réunion publique des sympathisants du WSWS qui se tiendrait à Paris le 8 juin. Il appelait les travailleurs américains, européens et du monde entier à s'unir contre l'éruption du militarisme américain, s'opposait à l'Union européenne et appelait de ses vux les Etats-Unis Socialistes d'Europe.

Les sympathisants du WSWS ont profité de l'occasion pour démontrer l'unité fondamentale des questions essentielles soulevées par les deux manifestations. Ce qui n'a pas été le cas des autres organisations de gauche.

L'establishment politique français dans sa totalité a joué sur le mythe de l'intervention de l'impérialisme américain lors de la Seconde guerre mondiale la présentant comme une action généreuse de libération du joug nazi, plutôt que l'affirmation de son statut de puissance mondiale dominante, seulement retenue par l'URSS. Maintenant que ce masque de libérateur et de pacificateur est tombé, comme les USA sont devenus la super puissance unique sur la planète mondialisée, l'establishment français, de gauche comme de droite, essaie de remettre le masque en place afin de justifier son soutien constant à l'impérialisme américain et ses prétentions sur une part du butin de ce nouveau colonialisme.

Bien qu'en apparence opposée à l'occupation de l'Irak par les USA, le Parti socialiste français, comme le rapporte Le Monde du 5 juin « a décidé de se tenir soigneusement à l'écart de toute manifestation 'anti-Bush' » par crainte « pour un parti de gouvernement de se trouver associé à des cortèges 'où l'on pourrait crier 'Bush go home !' », ainsi que le confiait le secrétaire du PS lors d'un meeting pour les élections européennes le 1er juin.

Claude Bartolone, secrétaire national du Parti socialiste chargé de la communication, déclara qu'il était hors de question pour le Parti socialiste « de se mêler aux cortèges des anti-américains primairesNous n'avons aucune envie que notre position sur l'Irak soit encore plus déformée dans l'esprit des Américains par une faute de goût ».Aucun élu socialiste de Normandie ne boudera les cérémonies prévues à Caen, pas plus que le petit nombre de dirigeants socialistes invités, au premier rang desquels figure l'ancien Premier ministre Laurent Fabius.

Le Monde fit remarquer, le 5 juin: « A gauche, les grandes organisations se sont peu investies pour protester contre la venue de George Bush à Paris samedi 5 juin. Certes la plupart d'entre elles ont signé l'appel à défiler ce jour-là, lancé sous le patronage du Mouvement de la Paix » ; elles s'insurgent contre le fait que « la mémoire de toutes les victimes de la barbarie hitlérienne », « de celles et de ceux qui sont tombés pour libérer l'Europe et le monde du racisme et du fascisme » soit « utilisée pour légitimer des logiques impériales ».

La CGT, qui au départ soutenait la manifestation anti-Bush n'a pas appelé ses militants à y défiler. « Pas question pour la centrale de Bernard Thibaut [dirigeant de la CGT] de risquer d'affaiblir la mobilisation sur 'la sécu' ».

« Le PCF [Parti communiste français] s'est fait prudent. Il avait émis l'idée d'avancer d'un jour les manifs anti-Bush ». Dans l'Humanité, quotidien du PCF, la semaine précédente, la manifestation sur la sécu avait été mentionnée cinq fois en première page et la manifestation anti-Bush n'avait pas eu la même publicité. Décaler la manifestation au 6 juin, dit Arielle Denis du Mouvement de la Paix, était politiquement impossible. La manifestation aurait semblé être contre les cérémonies commémorant le Débarquement et la Libération. L'affaire aurait été impossible pour le PCF dont de nombreux élus participaient aux commémorations officielles.

La manifestation anti-Bush fut organisée sous l'égide de l'organisme Agir contre la guerre et fut activement soutenue par la LCR, divers groupes de soutien aux Palestiniens et un comité de solidarité avec la Tchétchénie. Dans la manifestation, une place privilégiée fut accordée à un groupe appelé « Américains contre la guerre ». La banderole en tête de cortège portait l'inscription suivante : « Liberté et souveraineté pour les Irakiens. Retrait des troupes d'occupation- paix, justice et démocratie au Moyen Orient ».

Les contingents les plus importants de la manifestation qui comptaient quelques 5 000 personnes dont de nombreux jeunes défilaient derrière les banderoles de « Agir contre la guerre » et « Solidarité Palestine ». Plus de mille personnes ont défilé avec Lutte ouvrière et la Ligue communiste révolutionnaire. Il y avait environ 200 personnes dans la délégation de la FSU et un tout petit groupe du PCF où figurait Francis Wurtz, tête de liste pour l'Ile de France aux élections européennes.

Dans aucune des deux manifestations, mis à part dans les tracts du WSWS, il n'y avait de programme visant à unifier la classe ouvrière européenne, américaine et du monde entier pour la construction d'une société socialiste comme moyen de surmonter l'éruption du militarisme impérialiste et la poussée pour détruire les acquis sociaux de la classe ouvrière.

Le WSWS s'entretint avec Jean-Marc Calvet, hospitalier de la Cgt qui était dans la manifestation de la sécu avec sa fille Laetitia de dix-sept ans. Il est le représentant syndical de 1 500 salariés d'un hôpital de Seine et Marne près de Paris. Parlant de l'échec de la lutte contre la réforme gouvernementale des retraites l'an passé il dit : « On peut tous remettre en question ce qu'on a fait. Si on avait réussi à faire descendre dans la rue 5 millions de gens on aurait pu gagner ». Il a dit qu'il croyait que les gens n'avaient pas vraiment compris la situation. Il a reconnu qu'il y avait moins de gens dans la rue cette année que l'an dernier et a dit qu'il était difficile de mobiliser les gens dans son hôpital.

Il ne faisait aucun doute dans son esprit que les représentants des salariés ne devaient absolument pas participer aux cérémonies aux côtés de Bush. « Chirac est en train de légitimer la guerre de Bush et Bush de renforcer Chirac et Raffarin ».Quand on lui demanda son avis sur la controverse concernant la synchronisation des deux manifestations, il dit qu'elles devraient effectivement être séparées mais il reconnut « je suis d'accord qu'il y a un lien entre la guerre et l'attaque contre les services publics ».


 

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