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La politique de l'opportunisme : l'extrême gauche en France

Cinquième partie : Les pablistes et le gouvernement Lula

Peter Schwarz
25 mai 2004

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Le rôle joué par le parti frère de la LCR dans la formation du gouvernement de Luiz Inácio da Silva, surnommé Lula, et qu'il continue de jouer en sa défense, est un enseignement sur les conséquences de la politique pabliste. Democracia Socialista, ainsi se nomme la section brésilienne du Secrétariat unifié, est une tendance au sein du Parti des travailleurs (PT). Celui-ci gouverne ce pays de 175 millions d'habitants en coalition avec des partis bourgeois depuis que Lula a gagné les élections présidentielles en octobre 2002

Les pablistes brésiliens avaient déjà rejoint le PT au moment de sa fondation en 1980. Le Secrétariat unifié soulignait à l'époque expressément qu'il ne s'agissait pas d'une forme d'entrisme. La tâche de ses membres brésiliens consistait à « prendre toute leur place dans le PT, pour le construire et non pour y faire de l'entrisme comme dans un parti réformiste, pour contribuer à la formation de son programme au feu de la pratique et non pour lui faire ingurgiter de force un programme préfabriqué. », écrivait l'organe en langue française du Secrétariat unifié en décembre 1980. (1)

Par entrisme les marxistes entendent le travail qu'ils effectuent dans une autre organisation sans pour autant abandonner leur propre programme ou la structure de leur organisation. Trotski avait ainsi proposé en 1934 à ses amis politiques en France d'entrer dans la SFIO, section française de la Deuxième internationale, dans laquelle était en train de se constituer une aile gauche. Il n'avait aucune illusion sur le caractère politique de la sociale-démocratie, il s'agissait pour lui d'influencer le processus de fermentation politique au sein de ce parti et de le mettre à profit afin de renforcer les rangs de la Quatrième internationale. Lorsque la direction de la SFIO effectua un virage marqué à droite l'année suivante et agit contre l'aile gauche, il n'hésita pas à tourner à nouveau le dos à la sociale-démocratie.

Le PT est issu des luttes ouvrières de masse qui secouèrent le Brésil à la fin des années 1970. La classe ouvrière s'était fortement accrue en nombre dans la période précédente du fait de l'investissement étranger sous la dictature militaire arrivée au pouvoir en 1964. Le dirigeant charismatique du PT, Lula avait été le dirigeant de la centrale syndicale CUT. L'orientation politique du PT était nettement réformiste. Son but n'était pas de renverser le capitalisme brésilien, ce qui aurait, vu l'étroite interdépendance de celui-ci et de l'économie mondiale, exigé une perspective socialiste internationale, mais de réduire sa dépendance vis-à-vis de l'impérialisme américain, et d'introduire des réformes au niveau national. Cette perspective devait nécessairement entrer en conflit avec la globalisation croissante de l'économie mondiale.

Etant donné la genèse du PT bien des choses militaient en faveur d'une activité entriste dans ses rangs. La tâche des marxistes aurait été de rassembler les éléments révolutionnaires et de déclarer une guerre politique à tous ceux qui voulaient se servir du PT pour réconcilier la classe ouvrière avec les institutions bourgeoises, ce qui allait effectivement devenir son rôle. Le Secrétariat Unifié déclara, en revanche, de façon typiquement pabliste, que les origines du PT elles-mêmes étaient la garantie qu'il prendrait une direction révolutionnaire. Le PT était selon lui « une expression directe de la mobilisation pour une organisation de classe indépendante » et il affirma que « quelle que soit l'orientation initiale d'un tel parti ouvrier de masse, son existence même créera une dynamique qu'il sera difficile de limiter à la collaboration de classes ». (2)

Dans les deux décennies qui suivirent, les pablistes agirent en membres loyaux du PT et parvinrent à de hautes fonctions non seulement dans le parti mais encore dans l'appareil d'Etat. Raul Pont et João Verle furent l'un après l'autre maires de Porto Alegre, Walter Pinheiro fut vice-président de la fraction parlementaire du PT au parlement fédéral et Miguel Rossetto devint ministre de la réforme agraire dans le gouvernement Lula. Le membre de DS le plus connu, Heloísa Helena, fut porte-parole de la fraction du PT au sénat et membre de la direction nationale du PT. En 1992 elle fut élue maire adjoint de Macéio et finalement députée du parlement régional d'Alagoas. En 1998, elle entra au sénat pour la région d'Alagoas avec un score de 56 pour cent. En décembre 2003, elle fut exclue du PT (nous reviendrons sur cette exclusion).

L'activité gouvernementale du PT sur le plan communal et régional donna suffisamment de temps à l'élite brésilienne pour s'assurer qu'aucun danger révolutionnaire n'émanait de ce parti.

Le PT au gouvernement

Le 27 octobre 2002, Lula fut, à sa troisième tentative, finalement élu président avec 61 pour cent des voix. Il fut soutenu par une partie de l'élite brésilienne, après avoir conclu un pacte électoral avec le Parti libéral de droite et une aile du Parti démocrate (PMBD). L'homme qui fit campagne avec Lula pour la vice-présidence était José Alencar, un magnat du textile et le chef du Parti libéral, ce qui rendait absurde la prétention du PT à vouloir une rupture avec le néolibéralisme.

Lula plaça immédiatement aux postes décisifs pour la politique économique des hommes de confiance du capital. Il nomma Henrique Meirelles chef de la banque centrale ; cet homme venait du même parti que l'ex-président haï dans le pays, Henrique Cardoso. Le ministère des finances alla à Antonio Palocci, adepte convaincu de la libéralisation du marché qui s'était fait un nom par la privatisation de services publics en tant que maire de Riberao Prato. Son gouvernement de coalition s'engagea à remplir toutes les conditions du Fonds monétaire international.

DS célébra cependant le succès électoral du PT comme une « victoire du peuple et importante défaite pour le néolibéralisme », mais dut concéder que la victoire était « toutefois limitée par les alliances avec des secteurs de droite et par les compromis d'assurer la continuité d'éléments centraux de la politique économique ». Cela ne l'empêcha toutefois ni d'assumer l'entière responsabilité pour ce gouvernement ni d'en faire partie. Elle proclama : « Le mouvement démocratique et populaire s'engage dans une expérience historique inédite et décisive, de tous les points de vue, pour notre futur. La tendance Démocratie socialiste du Parti des travailleurs se positionne pleinement comme partie prenante de ce processus, faisant siens les défis posés au PT et à la gauche brésilienne ». (3) DS accepta qu'un de ses membres, Miguel Rossetto, occupe le poste de ministre de la Réforme agraire dans ce gouvernement de coalition.

International Viewpoint, l'organe en anglais du Secrétariat unifié, justifia cela en disant que DS représentait un courant important du PT et qu'au dernier congrès elle avait obtenu 17,5 pour cent des voix pour son candidat à la présidence, Raul Pont. « Au vu de ces circonstances et des traditions inclusives du PT, Lula s'est vu obligé de proposer sa participation au gouvernement. Si elle avait refusé cela aurait été considéré dans le parti et surtout parmi les millions d'électeurs comme une dérobade devant la responsabilité pour l'espoir d'un véritable changement. Elle fut par conséquent d'avis (une décision qui a occasionné beaucoup de discussions dans la gauche hors du Brésil) que le membre de DS Miguel Rossetto devait essayer, comme ministre de la Réforme agraire, d'accomplir une réforme agraire ­ une question brûlante dans un pays où la distribution de la terre est particulièrement inégale - et que cela pourrait contribuer à ce que les travailleurs agricoles s'auto-organisent » (4)

En d'autres mots, après que les pablistes aient soutenu le PT pendant vingt ans sans le critiquer et donné aux électeurs l'illusoire « espoir d'un véritable changement », ils se sentaient maintenant obligés de diriger les affaires de la bourgeoisie au niveau du gouvernement ­ bien qu'il ne puisse plus guère subsister de doute sur la réelle orientation du gouvernement de coalition. Toute autre ligne de conduite aurait irrité les millions d'électeurs que DS avait trompés.

L'époque où le PT pouvait cacher son caractère bourgeois derrière des phrases de gauche, fut définitivement révolue à partir du moment où il assuma la responsabilité du gouvernement national. Il ne fallut pas longtemps pour que sa trajectoire vers la droite se manifeste au grand jour. Un ami politique de Miguel Rossetto l'a décrit de façon expressive. Ernesto Herrera, membre dirigeant uruguayen de l'internationale pabliste tira, huit mois après l'arrivée de Lula au gouvernement, ce terrible bilan :

« En prenant ses fonctions, le 1er janvier 2003, le président Luiz Inácio da Silva, dit Lula, promit la récupération de l''endettement social séculaire de ce pays', et de commencer à surmonter l' 'héritage maudit' laissé par Fernando Henrique Cardoso et les gouvernements néolibéraux qui l'ont précédé. Mais rien de cela ne se profile à l'horizon. Au contraire, le changement a fait place à la continuité la plus stricte. Le gouvernement Lula a finalement accepté les règles du jeu du capital transnational. Il a donné son accord à une surveillance de la part du FMI, des banquiers et des principaux actionnaires de l'Etat brésilien privatisé. Il a imposé 'la réforme' de la prévoyance vieillesse au bénéfice des fonds de pension privés. Il est en train de mettre un point final à la 'réforme fiscale', ordonnée par Washington.

En poursuivant sa feuille de route néolibérale, le gouvernement Lula prépare la flexibilisation de la législation du travail (exigée par les organisations patronales et le FMI). Sa politique aboutit à l'accroissement de la dette publique par rapport au PIB. Il a assuré 'l'autonomie' de la banque centrale qui, en réalité, représente le bras local de la Fed (Réserve fédérale) nord-américaine. Tout continue comme avant..., ou même en pire. Le chômage se situe à hauteur de 20% de la population active dans les grandes villes. Le revenu moyen des familles a chuté de 16% entre juillet 2002 et juillet 2003; la consommation a baissé de 1% au cours du premier trimestre 2003. Plus de 50% de ceux et celles qui travaillent ne disposent d'aucune sécurité sociale. [] Enfin, le projet de budget 2004 présenté au Congrès [Chambre des députés et Sénat fédéral] réduit toutes les sommes ayant trait aux rubriques budgétaires d'ordre social; et cela bien que le paiement des intérêts de la dette extérieure ne soit en aucune mesure remis en question. ». (5)

Herrera parvint à cette conclusion : « La fraction dirigeante du PT s'est transformée en un élément de soutien de l'ordre bourgeois. »

Le rôle joué par ses camarades de DS est à peine différent de celui de la « fraction dirigeante ». En juin déjà aux élections internes du syndicat CUT, DS avait soutenu la liste officielle de Lula contre une liste oppositionnelle de gauche. Puis, lorsque le parlement vota une réforme des retraites le 5 août malgré des manifestations et des mouvements de contestation véhéments, la majorité des députés de DS votèrent en sa faveur. Seuls deux députés votèrent contre, dont Heloísa Helena.

Le travail du ministre pabliste de la Réforme agraire était conforme à la trajectoire générale suivie par le gouvernement. Lors de sa prise de fonction, Miguel Rossetto avait encore expliqué qu'environ 4 millions de personnes avaient besoin de terre et il promit de distribuer de la terre à 60.000 paysans pendant la première année de gouvernement. Il pouvait s'appuyer sur une loi qui avait déjà été intégrée à la constitution en 1988 et permettait d'exproprier des terres non utilisées (qui représentent, selon une estimation de l'Eglise, en gros, un quart de la terre cultivable) et de les distribuer aux paysans sans terre. Au bout d'un an, seuls 10.000 paysans avaient reçu une terre, soit moins que durant la dernière année du gouvernement conservateur précédent.

Alors que la distribution des terres régressait sous Rossetto, le nombre des occupations de terres dites « illégales » lui, augmenta, tout comme le nombre des ouvriers agricoles tués par des tueurs à gages sur ordre des grands propriétaires fonciers. Selon des informations de l'Organisation de la terre CPT il y en eut 60 contre 30 l'année précédente. Dans cette guerre de classe des campagnes, Rossetto prit la pose de l'arbitre impartial. Dans une interview donnée au journal O Estado l'été dernier il expliquait: « Nous ne tolérons aucune manifestation ou action violente de quelque côté que ce soit ­ que ce soit de la part des paysans sans terre ou de celle des milices armées des grand propriétaires » . En même temps, il consentit, sous la pression des propriétaires terriens, à déposer de sa charge Marcelo Resende, chef de l'agence gouvernementale de la réforme agraire, parce que celui-ci était trop proche des paysans sans terre.

Dans les villes aussi, la résistance face à la trajectoire vers la droite du gouvernement se développa, comme le montre Ernesto Herrera dans l'article cité plus haut : « Des dizaines de milliers d'activistes du mouvement social et de militants 'pétistes' se refusent à se faire complices. Ils manifestent leur indignation et s'insurgent face à ce qu'ils considèrent comme une capitulation inconditionnelle du gouvernement Lula et du PT. Des tracts, des affiches placardées dans les rues, des manifestations de masse, des assemblées syndicales et des congrès étudiants, ainsi que des séminaires et des débats publics dans différentes villes accusent déjà de 'trahison' le gouvernement. [...] La 'lune de miel' entre les secteurs les plus conscients et politisés du mouvement populaire et le gouvernement commence à prendre fin. S'ouvre une phase d'instabilité, d'expériences et d'affrontements accélérés avec le présent régime politique de domination. ».

Tout cela n'entama pas la loyauté à toute épreuve avec laquelle les pablistes brésiliens de DS soutenaient le PT.

L'expulsion d'Heloísa Helena

La direction du PT se décida finalement à l'offensive et prit des mesures contre l'aile gauche du parti. Le 14 décembre 2003, le conseil national du parti exclut quatre représentants de courants de gauche pour « atteintes » répétées « à la discipline » - le député João Batista Olivera de Araújo, surnommé Babá, du Courant socialiste ouvrier (CST), le député Luciano Genro, du Mouvement de la gauche socialiste (MES), le député João Fontes, qui n'appartient à aucune tendance mais qui avait appelé avec Babá et Genro à la résistance contre la politique gouvernementale et la sénatrice Heloísa Helena, à qui son vote contre la loi sur les retraites fut fatal.

DS réagit avec indignation. Dans une déclaration officielle elle explique : « L'expulsion votée est un coup dur contre ce que le Parti des travailleurs représente en tant que parti socialiste et démocratique. Elle met en cause la relation du PT avec les militants de gauche du monde entier. ». Mais la phrase suivante confirme sa loyauté vis a vis du PT : « Démocratie socialiste, cohérente avec les résolutions de sa dernière Conférence, réaffirme la centralité de la lutte au sein du PT pour la reprise d'une orientation socialiste et démocratique. » (6) Miguel Rossetto garda son poste de ministre.

L'attitude de DS eut dans le monde entier l'assentiment de la presse pabliste. En Allemagne, Hermann Dierkes, qui siège au conseil de la ville de Duisburg sur la liste ouverte du PDS, écrivit: « Le courant DS et d'autres gens de la gauche du parti estime qu'il est trop tôt pour déclarer le PT perdu. Ils s'orientent au lieu de cela vers un débat de fond à l'intérieur du parti de gauche qui jusqu'à maintenant a été d'une façon générale démocratique et pluraliste et dans lequel des dizaines de milliers de gens qui s'engagent sont toujours actifs et espèrent un Brésil meilleur et socialiste» (7)

Dans International Viewpoint, organe en langue anglaise des pablistes, un des principaux représentants de DS, l'universitaire João Machado, professeur d'économie, avait déjà justifié en détail, avant l'expulsion d'Helena, les raisons pour lesquelles DS était résolue à rester liée au PT. L'article est un exemple classique de trompe-l'il pabliste. A l'aide de nombreuses formules comme « d'une part, d'autre part » et d'adjectifs comme « contradictoire », « dialectique » il justifie cette descente dans des formes d'opportunisme de plus en plus grossières. (8)

Après neuf mois aux affaires, le gouvernement Lula « a confirmé son caractère contradictoire et à bien des égards même surprenant, » écrit l'auteur et il qualifie de « surprise majeure » le fait que sa politique économique soit « en parfaite continuité avec celle du gouvernement antérieur ». « D'autre part » poursuit-il, « la politique internationale, celle de la réforme agraire et d'autres politiques sectorielles du gouvernement Lula, ont été cohérentes avec le programme historique du PT ». « Les grandes contradictions mentionnées » conclut-il « rendent complexe l'exercice visant à établir un bilan équilibré de ce processus. ».

Et ainsi de suite dans le même style. Machado qualifie d'un côté le succès électoral de Lula comme « une défaite électorale du néolibéralisme » et comme « une victoire du mouvement syndical et populaire » dont « les capacités d'organisation et de mobilisation » ont été renouvelées par l'élection. « Mais en même temps » écrit-il, «les conditions sociales et économiques défavorables au mouvement se sont encore aggravées, en premier lieu le chômage».

« Une phase d'attentisme envers le gouvernement » fait place à une phase critique vis-à-vis du gouvernement, écrit-il ensuite. Il se produit « un processus de réorganisation, d'unification et de mobilisation des mouvements sociaux avec l'objectif de faire pression sur le gouvernement et de contester ses choix ». Il existe « une importante politisation des mouvements sociaux dont l'axe central est la redéfinition de leur rôle face au gouvernement ». Et selon lui, « contribuer au développement de ce processus dans le sens de l'affirmation des mouvements sociaux en tant que sujet fondamental du conflit d'orientation de la société et du gouvernement constitue la principale tâche de la gauche brésilienne aujourd'hui ».

Mais quiconque penserait que Machado prend fait et cause pour une offensive contre le gouvernement et une orientation politique indépendante en est pour ses frais. Après plusieurs pages de «d'une part, d'autre part » il fait campagne pour s'opposer à une rupture avec le PT. Il justifie cela par les « racines profondes » de ce parti.

« Le gouvernement ne peut étouffer les activités du parti. » écrit-il. « Les racines du mouvement qui a construit le PT depuis 23 ans plongent dans la classe travailleuse et le peuple et s'y épanouissent. L'histoire de la construction du PT c'est l'histoire des luttes sociales, politiques et culturelles dans la société brésilienne, c'est aussi une histoire de débats internes. Il y a des arguments forts pour que ce processus se poursuive ». Et il poursuit : « Il ne serait donc pas correct, sur la base de l'orientation gouvernementale au cours de neuf mois, de conclure que le jeu est terminé, comme si les options choisies exprimaient de manière homogène tout le mouvement et déterminaient son avenir ; comme s'il n'y avait pas de contradictions et de forces qui se déplacent face à elles. »

Finalement, il condamne expressément tous ceux qui quittent le PT : « Ce n'est pas la sortie précipitée de tout petits fragments du PT qui rejoignent le PSTU [un groupe moréniste qui se tient en dehors du PT] qui pourrait constituer une alternative, car une telle possibilité n'a rien de commun avec la signification historique du PT depuis sa création. [] La lutte pour le PT en tant que parti socialiste et démocratique n'est pas terminée ».

Sa référence aux contradictions et aux racines historiques du PT permet à Machado d'escamoter la question essentielle, celle de son programme et de sa fonction sociale. On pourrait ainsi, en faisant référence aux racines historiques, justifier le fait de se cramponner à toutes les organisations réformistes, aussi banqueroutières soient-t-elles, comme par exemple au SPD allemand ou encore au Parti communiste français, qui ont eux aussi des racines historiques et des contradictions internes. Ce qui détermine leur ligne ce ne sont pas les racines historiques mais leur orientation politique et sociale.

Machado a décidé tout simplement d'ignorer que le PT au gouvernement met en uvre un programme entièrement approuvé par le Fond monétaire international et par une section considérable de la bourgeoisie brésilienne. Ce sont précisément les « racines historiques » du PT, c'est-à-dire le fait qu'il jouit de la confiance d'une partie de la classe ouvrière, qui fait qu'il a tant de valeur aux yeux de la bourgeoisie. Le PT peut faire passer des mesures que la bourgeoisie ne pourrait pour l'instant pas imposer dans une confrontation déclarée avec la classe ouvrière. Le conflit sur la réforme des retraites de l'été dernier l'a montré de façon exemplaire. Des propositions de réforme presque identiques avaient toujours échoué du fait de la résistance de la population sous les gouvernements conservateurs.

Pour ce qui est des « contradictions » internes du PT invoquées par Machado, la direction du parti a fait savoir sans malentendu possible qu'il ne cédera sous aucun prétexte à la pression de la base. La direction du parti a expulsé Heloísa Helena et d'autres éléments de la gauche pour l'exemple. Elle préfère se séparer de membres populaires plutôt que de répondre à la pression grandissante venue d'en bas. La logique de son programme bourgeois pousse de plus en plus le PT dans les bras de la réaction, malgré le mécontentement qui existe dans ses propres rangs. Il a suffi de quelques mois passés au gouvernement pour que son véritable caractère soit révélé.

Alors que les électeurs et les membres du PT se détournent de lui, déçus, Machado et DS sont résolus à faire route commune avec lui et à boire le vin jusqu'à la lie. Leur invocation des « racines profondes » et des « contradictions » internes sert à jeter de la poudre aux yeux des travailleurs et à les empêcher de rompre avec un parti, qui s'est avéré être un piège politique. Leurs agissements ne sont pas dépourvus d'intérêt personnel, une rupture avec le PT s'accompagnerait de la perte de postes bien dotés et de prestige dans l'appareil du parti et dans l'appareil d'Etat.

L'exemple brésilien montre clairement où conduit la politique pabliste. En vingt ans de travail intensif, les pablistes ont participé à la construction d'un monstre politique qui poignarde la classe ouvrière dans le dos. La « gauche anticapitaliste » que la LCR veut construire en France jouerait un rôle similaire.

Notes

1) Daniel Jebrac, « Les portes étroites de la 'libéralisation' et la construction du PT », Inprecor, n° 91, 15 décembre 1980

2) « XIe Congrès mondial de la IVe Internationale - novembre 1979 », Inprecor, numéro spécial

3) « Résolution de la Coordination nationale de la tendance Démocratie socialiste du Parti des travailleurs »

4) "Brazil: another economic model is possible", International Viewpoint 349, May 2003

5) Ernesto Herrera, « Dilemme dans la gauche du PT »

6) « Déclaration de la Tendance Démocratie socialiste du Parti des travailleurs », 15 décembre 2003

7) Antonio Andrioli, Hermann Dierkes, "Nach den Ausschlüssen der ParlamentarierInnen. Regierung Lula und PT vor entscheidendem Jahr"

8) João Machado, « Pour une réorientation à gauche, après neuf mois du gouvernement Lula », Inprecor No 485-486


 

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