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France : Les enseignants en grève contre les coupes budgétaires du gouvernement


Par Antoine Lerougetel
16 mars 2004

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Le 12 mars quelques 30 à 40% des enseignants de France ont fait grève et ont manifesté en nombre dans toutes les grandes villes contre l'accélération des restrictions et la détérioration des conditions de travail dans l'éducation imposées par le gouvernement de Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin. Cette grève était appelée par la FSU, la plus grande fédération syndicale des enseignants et de la fonction publique, la section éducation de la CGT (toutes deux ayant des liens avec le Parti communiste moribond), le Sgen-CFDT et l'UNSA ( toutes deux entretenant des liens étroits avec le Parti socialiste). Ce fut la première grève nationale d'enseignants depuis le mouvement de masse du printemps dernier.

Les revendications majeures étaient les suivantes : restitution des 4 300 postes d'enseignants supprimés, rajout de 6 000 nouveaux postes au CAPES (concours de recrutement des enseignants), recrutement de 20 000 surveillants, fin des contrats de courte durée et leur remplacement par un statut de professeur à temps complet, et abandon des projets de décentralisation et de démantèlement du service public d'éducation nationale.

L'ampleur de la mobilisation a surpris les dirigeants syndicaux et mis à jour leur manque de perspective pour la poursuite de l'action. Les syndicats qui ont appelé à la grève ne doivent se rencontrer à nouveau que le 22 mars, dans une bonne dizaine de jours. Entre 60 000 et 100 000 enseignants sont descendus dans les rues de France pour protester dans des manifestations bien fournies, bravant dans bien des cas les fortes pluies.

Ce fut le cas à Paris où 15 000 personnes ont défilé de Sèvres-Babylone à l'université de Jussieu, avec en tête de cortège les chercheurs tenant une bannière sur laquelle on pouvait lire : « Sauvons la recherche et l'université ». Quelques 10 000 personnes sont descendues dans la rue à Toulouse et Marseille, près de 5 000 à Rennes, Lyon et Lille et entre 1 500 et 4 000 dans des villes comme Poitiers, Bordeaux, Quimper, Amiens et Strasbourg.

A Paris, comme dans les manifestations qui se sont déroulées dans toutes les grandes villes et centres urbains, les enseignants ont été rejoints par d'importants contingents de chercheurs, de professeurs d'universités et de doctorants protestant contre la réduction du budget et des postes dans la recherche. Leur lutte qui dure depuis un certain temps a atteint un moment fort la semaine dernière avec la démission collective de leurs tâches administratives de plus de mille chefs de laboratoire. [voir World Socialist Web Site, 11 mars 2004, "France: researchers protest Raffarin government with mass resignations"]

De nombreux étudiants protestaient aussi contre la suppression pure et simple du statut de surveillant, étudiants chargés de la surveillance dans les établissements scolaires, qui permet aux étudiants sans ressources de financer leurs études. Ils dénonçaient aussi la suppression des postes au concours de recrutement (CAPES). Des lycéens faisaient aussi partie des cortèges et protestaient contre la suppression de matières à effectifs réduits et d'options due aux coupes budgétaires.

L'ampleur du mouvement est particulièrement remarquable car il survient après l'échec des mobilisations massives du printemps dernier visant à forcer le gouvernement à abandonner son programme de destruction des droits à la retraite et de démantèlement du service d'éducation nationale. Ces protestations sont le reflet d'une profonde inquiétude face au programme réactionnaire ininterrompu du gouvernement Chirac-Raffarin : Plus de 200 000 chômeurs se sont vus privés de leurs allocations chômage, on a assisté au passage en force au parlement, malgré l'opposition des organisation de défense des droits civiques et de la majorité des magistrats, d'un projet de loi de justice pénale, Perben 2, qui accroit fortement les pouvoirs répressifs de l'état, des centaines de médicaments ne sont désormais plus remboursés et des coupes budgétaires draconiennes supplémentaires sont en préparation concernant les services médicaux et l'assurance maladie.

Un professeur de lycée professionnel de Picardie, syndiqué à la CGT, a dit au WSWS : « Et c'est reparti. Les syndicats divisent le mouvement contre le gouvernement. Hier ils ont appelé les hospitaliers à faire grève, et aujourd'hui c'est nous. FO [la troisième plus grande fédération syndicale française] fait cavalier seul ». Son collègue a reconnu que les syndicats avaient conduit le mouvement à la défaite en concluant un marché pourri au printemps dernier, mais il dit : « Qu'est-ce qu'on peut faire d'autre ? Il faut espérer que le mouvement fera boule de neige et qu'il forcera le gouvernement à reculer. »

Un important bataillon d'étudiants d'éducation physique, Staps (sciences et techniques d'activités physiques et sportives), se préparant à devenir professeurs de sport était en tête de manifestation à Amiens. Deux d'entre eux, Fabien Ketels et Nicolas Normand, étudiands à l'université Jules Verne d'Amiens se sont entretenus avec le WSWS.

Fabien dit que ce n'est que tout dernièrement, juste avant la date du concours, qu'ils ont été informés de la réduction de 42% des postes au capes de professeurs d'éducation physique. Il n'y a, à présent, plus que 780 postes pour 10 000 candidats. « Si on les laisse faire, il n'y en aura plus que dans les 300 l'an prochain. Avant mon entrée à l'université, le gouvernement avait lancé une campagne pour encourager les étudiants à envisager une carrière dans l'éducation, comme il y aurait de nombreux débouchés du fait des nombreux départs en retraite. Mais maintenant, sur les 18 000 professeurs qui partent en retraite, on n'en remplacera que 12 500. »

Nicolas ajouta que l'argument du gouvernement selon lequel il y avait moins d'élèves n'était pas valable. « Les classes sont surchargées, et il faut faire quelque chose pour les élèves en échec scolaire. 10% des élèves qui quittent l'école sont illettrés. »

Fabien accusa le gouvernement d'avoir une politique de « désintellectualisation » et « d'anticulture » se manifestant par la réduction de matières comme l'éducation physique (EPS), la musique, le latin et le dessin. Un autre aspect de cette politique est leur refus de financer la recherche.

Nicolas fit remarquer que le Ministère de la santé avait financé une campagne publicitaire montrant la nécessité de l'exercice physique pour garder la santé. Les professeurs d'éducation physique enseignent une hygiène de vie, le sport pour tous passe par l'école. Il y a aussi le côté social de l'EPS et des sports d'équipe, la capacité à travailler ensemble et à se respecter.

Tous deux pensent que ce mouvement va faire pression sur le gouvernement lors des élections régionales du 21 mars. Ils ont dit qu'il était nécessaire d'unifier tous les mouvements qui luttent contre la politique de ce gouvernement. Ils dirent encore : «La gauche n'est pas assez unie contre la droite. » Ils se dirent résolument opposés à l'abstention car elle profiterait au Front national.

De nombreux manifestants, déçus par les partis composant le précédent gouvernement de « Gauche plurielle » du socialiste Lionel Jospin, dirent qu'ils voteraient pour l'alliance « d'extrême-gauche » de Lutte ouvrière (LO) et de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR).

Les bureaucraties syndicales ne pensaient pas que leur grève d'une journée réussirait à mobiliser. Ils le firent bien comprendre dans des déclarations faites aux médias les jours précédents le mouvement en disant qu'ils ne s'attendaient pas à ce que la grève soit un succès. Après coup, les dirigeants syndicaux supplièrent Raffarin d'entamer des discussions. Patrick Gontier, dirigeant de l'UNSA-Education déclara : « Le gouvernement ne peut plus faire la sourde oreille ». Mais le premier ministre Raffarin auquel ils avaient écrit a refusé de les recevoir, les renvoyant vers le conseiller à l'éducation de Matignon.

C'est cette même politique syndicale qui a délibérément cassé le mouvement de Mai-Juin 2003 contre la législation du gouvernement sur les retraites, mouvement conduit par les salariés de l'éducation et comptant jusqu'à 6 millions de salariés en grève et dans les manifestations. Le Sgen-CFDT accepta les propositions gouvernementales et se retira du mouvement le 15 mai, deux jours après le point culminant de la grève dans l'éducation où 70% des salariés de l'éducation se sont mis en grève et au moins un autre million les rejoignirent dans la rue.

L'acte de sabotage ultime fut la décision, le 10 juin 2003, de Gérard Aschiéri, dirigeant de la FSU, en accord avec les autres confédérations syndicales, CGT, FO et l'UNSA, de garantir le bon déroulement du baccalauréat, examen de fin d'études secondaires, comptant sur le travail des enseignants non grévistes pour ce faire. Les syndicats acceptèrent aussi la décentralisation ou transfert de 90 000 personnels non enseignants aux régions, au lieu de les conserver dans l'éducation nationale. Aschiéri et Bernard Thibault, dirigeant de la CGT, furent publiquement et comme il se doit, remerciés par le président Chirac et le ministre des affaires sociales, François Fillon pour services rendus.

Il en a résulté une chute importante du taux de syndicalisation dans les principaux syndicats enseignants : 7.5 pour cent en moins au Sgen-CFDT, 6 pour cent au SNES, syndicat le plus important de l'enseignement secondaire et principale organisation de la FSU, et une chute de 4 pour cent à l'UNSA.

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