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Après les élections américaines de 2004 : la crise politique et sociale va s'intensifier

Déclaration du comité de rédaction du World Socialist Web Site

3 novembre 2004

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La réélection de George W. Bush, que seule la mobilisation du vote chrétien évangélique sur la base d'appels ouvertement religieux a rendu possible, aura des conséquences profondes et désastreuses sur la démocratie américaine.

En dépit des platitudes et des banalités du discours de concession stéréotypé de John Kerry, les résultats de l'élection de 2004 ne seront pas la renaissance de l'unité du pays. L'élection de 2004 représente un nouveau stade du déclin et de la crise du système politique américain. Elle marque le point culminant de la stratégie développée par les Républicains au cours des trente dernières années qui consiste à se tourner vers les fondamentalistes religieux pour créer une base de masse pour la réaction sociale et le militarisme. L'oligarchie financière et de la grande entreprise a mis au monde son monstre de Frankenstein, une force dont le programme politique et social est incompatible avec les fondements laïques de la constitution des États-Unis et avec le maintien des normes démocratiques traditionnelles.

George W. Bush et les Républicains ont mené une campagne très réactionnaire, usant du mensonge et de la calomnie politique, jouant avec les peurs, les insécurités et la confusion de sections clé de l'électorat. Mais même avec les avantages que lui conférait le fait d'être le président sortant, avec des médias qui lui étaient sympathiques et avec l'exploitation incessante des événements du 11 septembre, Bush a à peine réussi à obtenir sa majorité de 51 pour cent du vote populaire.

Peu importe ce qu'en diront les «experts» politiques, l'élection est tout sauf l'endossement par la population de l'administration de Bush et de ses politiques. Historiquement, les présidents qui ont été réélus ont su tirer parti des avantages que leur procurait le fait d'être au pouvoir pour obtenir des victoires décisives. Ce fut le cas de Roosevelt dans les années 30, de Johnson dans les années 60, de Reagan dans les années 80 et même de Clinton en 1996. Bush n'a réussi qu'à faire un peu mieux que la majorité absolue.

Si on jette un coup d'il aux résultats électoraux par États, il est évident que les Républicains, quatre ans après l'élection contestée de 2000, n'ont pas pu gagner une seule région d'importance. Pratiquement tous les États qu'avait gagnés Gore en 2000, y compris les États les plus populeux et les plus industrialisés de la Côte Est, de la Côte Ouest et du Midwest, ont été gagnés par Kerry en 2004. En d'autres mots, les Républicains, malgré qu'ils aient utilisé sans retenue la peur, les mensonges et toutes les autres astuces du sac à malices de la réaction politique, ont atteint la limite de ce qu'ils pouvaient améliorer autant en terme de gains géographiques que de gains populaires.

La carte électorale montre un autre aspect de la crise de la démocratie américaine : la balkanisation de la politique aux États-Unis. Aucun des deux plus importants partis ne peut prétendre former un parti national.

L'élection a montré encore une fois un pays foncièrement polarisé, et une opposition large et profonde à Bush et à la guerre en Irak. L'augmentation importante du taux de vote, et plus particulièrement l'augmentation du vote jeune qui ont pour la plupart voté contre Bush et la guerre, reflète l'immense opposition sociale à la droite républicaine.

Mais l'élection aura pour conséquence de concentrer le pouvoir politique aux mains de l'extrême droite, qui contrôle désormais les trois branches du gouvernement, l'exécutif, le législatif et le judiciaire, au même moment où les Républicains ont accru leur majorité au Sénat. La table est mise pour plusieurs nominations à la Cour suprême qui vont la faire pencher encore plus à droite et mènera à l'annulation de Roe v. Wade sur le droit à l'avortement et d'autres jugements antidémocratiques avec de vastes implications.

L'élection a moins été la victoire de Bush que la défaite historique et immense du Parti démocrate. En plein milieu d'une guerre impopulaire, de pertes massives d'emplois, du déclin du niveau de vie, de la croissance de la pauvreté, d'une série de scandales de corruption financière et d'immenses réductions d'impôts pour les riches, les Démocrates ont démontré qu'ils étaient incapables de déloger une administration qui a pris le pouvoir par des moyens non démocratiques, est considérée comme illégitime par la moitié de la population et s'est depuis empêtrée dans des mensonges énormes. Kerry et son parti ont été incapables, malgré l'opposition de masse envers Bush, d'étendre la base sociale de leur appui et de faire une percée importante au sein de l'électorat de la classe ouvrière.

Menant une campagne hypocrite et jouant sur deux tableaux, appelant au sentiment anti-guerre tout en l'appuyant, appelant aux inquiétudes économiques des travailleurs tout en promettant l'austérité fiscale, critiquant la loi Patriot tout en demandant plus de pouvoirs pour les forces de l'ordre et l'État dans sa «guerre au terrorisme», Kerry et son parti ont été incapables de contrer dans les faits la stratégie des Républicains qui consiste à exploiter la crainte, les préjugés et la désorientation politique.

Les Républicains ont une stratégie électorale conséquente. Ils cherchent à créer une base populaire pour la réaction sociale et le militarisme en parrainant le fondamentalisme chrétien et en utilisant les questions comme le mariage gai, l'avortement et la prière à l'école.

Ils ont pu exploiter efficacement les contradictions qui pullulent dans le Parti démocrate. Kerry, par exemple, n'a jamais pu répondre à Bush qui critiquait son adversaire pour déclarer que les États-Unis menaient «la mauvaise guerre, au mauvais moment, au mauvais endroit» alors que lui et son candidat vice-présidentiel, John Edwards, avaient voté pour la guerre. Et la réponse de Kerry a été de répéter sans cesse qu'il mènerait la guerre en Irak, et les prochaines guerres, de façon plus efficace que le «commandant en chef» sortant.

Les soi-disant «voltes-faces» de Kerry viennent des contradictions d'un parti qui déclare parler au nom des travailleurs alors qu'il défend l'élite dirigeante des États-Unis et ses intérêts aussi bien à l'intérieur qu'à l'étranger.

Kerry a à peine obtenu une majorité de voix dans les États très industrialisés et urbanisés du Midwest américain comme le Michigan, le Wisconsin et le Minnesota. Il s'est très peu préoccupé de faire appel aux millions de travailleurs blancs et de pauvres ruraux et urbains dans le sud du pays dans des États comme le Tennessee et le Missouri et dans les anciens bastions du Parti démocrate comme la Virginie de l'Ouest riche en mines de charbon.

En l'absence d'un appel crédible et soutenu dirigé vers les travailleurs et basé sur leurs intérêts de classe, la stratégie républicaine basée sur la confusion et le conservatisme religieux rétrograde s'est avérée très efficace. Le Parti démocrate ne veut pas et ne peut pas soulever de manière sérieuse et directe les vraies questions sociales et économiques qui concernent la classe ouvrière parce que c'est un parti du capitalisme américain lié à l'oligarchie financière américaine. Les syndicats, bien qu'ils fournissent une partie de la main-d'oeuvre, des listes de numéro de téléphones, etc., sont totalement impotents lorsque vient le temps de mobiliser la classe ouvrière.

Il en résulte que des dizaines de millions de travailleurs ­ particulièrement dans les soi-disant «États rouges» du Sud, des plaines du centre et du Sud-Ouest ­ ont voté pour un président dont les politiques économiques ont eu un effet dévastateur sur leur propre niveau de vie. Mais cette anomalie ne tombe pas du ciel. Les Républicains ont fait d'importantes percées au sein de larges sections de la classe ouvrière qui ont été abandonnées tant par les Démocrates que leurs alliés de droite dans les syndicats.

Les «États rouges» de Bush comprennent la Virginie occidentale et le Kentucky, anciens bastions démocrates dont les communautés minières ont été dévastées par les fermetures et les coupures de salaires rendues possibles suite aux trahisons répétées des luttes menées durant les années 1980 et 1990 contre le démantèlement des syndicats et les baisses de salaires. Des histoires similaires peuvent être racontées en Iowa, Missouri, Arizona, Alabama et plusieurs autres des États qui ont fini par se retrouver dans la colonne des États républicains. Dans tous les cas, le Parti démocrate a travaillé en tandem avec la bureaucratie de l'AFL-CIO pour isoler les travailleurs et écraser leur résistance. Comme toujours, ces défaites laissent dans leur sillage la dévastation économique, le désespoir et la perte de toute perspective, créant un sol fertile pour la propagation de politiques réactionnaires présentées sous le couvert de la foi religieuse.

Il ne fait aucun doute qu'une section considérable de l'électorat républicain est motivée par le racisme et d'autres sentiments réactionnaires. Mais une section substantielle vote républicain parce qu'aucun autre parti majeur ne répond à ses intérêts de classe.

Tout comme le virage à droite du Parti républicain est le résultat d'un long processus, l'effondrement des Démocrates est le produit d'une longue évolution. Durant plus d'une génération, le Parti démocrate s'est dissocié de toute politique jugée suspecte par le milieu des affaires. Son mouvement vers la droite a été marqué par un effort quasi comique de répudiation de l'étiquette «libérale» - ce que Kerry a continué de faire durant sa campagne électorale. Il en résulte que le parti a perdu toute capacité de faire appel aux véritables intérêts économiques de la classe ouvrière.

De toute façon, la classe ouvrière s'est déjà brûlé les doigts sur les promesses de politiciens démocrates de réformer la santé et d'autres services sociaux. Dans l'année de son assermentation, Bill Clinton a abandonné son plan sur la santé pour poursuivre essentiellement les politiques économiques de Reagan et de Bush père.

La réponse des Démocrates à leur dernière débâcle politique va être de se diriger encore plus à droite. Ils vont désespérément chercher à se réconcilier avec Bush et les Républicains, il vont essayer d'endosser les préceptes religieux et vont se présenter comme étant la version «modérée» de leur opposant bourgeois.

Nous rejetons d'avance la réaction démoralisée et superficielle qui va émerger du Parti démocrate, des libéraux de «gauche» et des radicaux tournés vers les Démocrates : la notion que la responsabilité de la réélection de Bush retombe sur le peuple américain, et qu'il n'y a rien à faire pour s'opposer à la politique de guerre et de réaction sociale des Républicains.

Le résultat des élections de 2004 rend inévitable l'intensification de la crise politique et sociale en Amérique et l'émergence de grands tournants et de grandes luttes. Il y a un grotesque déséquilibre politique qui est insoutenable ­ un déséquilibre qui reflète l'énorme polarisation économique de la société américaine. Tout le pouvoir politique est concentré entre les mains des forces de l'extrême droite. L'opposition officielle, sous la forme du Parti démocrate, a fait faillite. Au même moment, dans le pays en général, il y a une opposition massive à l'administration Bush, à la guerre en Irak et aux politiques de la droite républicaine. À cette combinaison explosive et instable, s'ajoute le fait que des millions de personnes ont voté pour Bush par peur et confusion ­ sentiments exploités par les Républicains ­ et ainsi assuré la poursuite de politiques qui vont continuer à miner leur niveau de vie.

Les conditions objectives vont fournir amplement de carburant pour alimenter les luttes sociales et politiques. Le bourbier en Irak et les aventures militaires qui vont suivre, l'approfondissement de la crise économique du capitalisme américain ­ marquée par l'explosion du déficit et la faiblesse du dollar ­ vont forcer la seconde administration Bush à lancer de nouvelles attaques contre la classe ouvrière, y compris les millions de travailleurs qui ont voté pour reconduire Bush à la Maison blanche.

Ces attaques ne peuvent être repoussées que par la mobilisation politique de la classe ouvrière sur la base d'un programme socialiste. Ce qui implique une opposition systématique aux politiques des républicains et de l'élite dirigeante américaine, y compris une lutte incessante pour mettre à nu l'hypocrisie et le cynisme de leurs appels religieux.

Une telle lutte ne peut être menée dans le cadre du système bipartite. Elle requiert une rupture claire et sans équivoque d'avec le Parti démocrate. Dans les mois à venir, alors qu'il tire les leçons des dernières élections, le Parti de l'égalité socialiste va intensifier la lutte pour le développement de ce nouveau mouvement socialiste de masse.

 


 

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