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Demande de statut de réfugié d'un déserteur américain

Le gouvernement canadien empêche la discussion sur la légalité de la guerre en Irak

Par Keith Jones
10 février 2005

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Le gouvernement fédéral canadien est intervenu dans l'audience d'un réfugié déserteur de l'armée américaine fin décembre pour empêcher la discussion sur la légalité de l'invasion et de l'occupation américaine de l'Irak.

Un avocat représentant le procureur général Irwin Cotler argumenta que la légalité de la guerre est au-delà du champ d'action de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR). Il déclara que la Cour internationale de justice située à La Haye est l'unique institution possédant l'autorité et la compétence pour entendre des témoignages concernant la légalité de la guerre.

Jeremy Hinzman, qui s'est enfui au Canada après que l'armée américaine ait rejeté deux fois sa requête pour obtenir le statut d'objecteur de conscience et après que son régiment ait reçu l'ordre d'aller en Irak, soutient que le Canada est légalement obligé de lui donner le statut de réfugié parce qu'il sera persécuté s'il est renvoyé aux États-Unis pour avoir refusé de participer à une guerre illégale.

Le tribunal du CISR chargé de l'étude du cas de Hinzman a rapidement adopté la position du gouvernement. Il jugea que l'argument de Hinzman selon lequel la guerre était illégale en vertu de la loi internationale, parce qu'elle n'était pas provoquée, parce qu'elle « a été condamnée par la communauté internationale », et parce que l'administration Bush a menti sur la possession d'armes de destruction massive du régime de Saddam Hussein et sur ses liens avec Al-Qaïda, n'avait pas de rapport avec sa demande d'un statut de réfugié.

«La partie de la preuve portant sur la légalité de l'action militaire américaine ne sera pas admise dans la preuve considérée lors des audiences sur cette demande», a écrit Brian Goodman, le président du tribunal du CISR.

L'avocat de Hinzman, Jeffry House, a répliqué en affirmant que son client serait disposé à attendre une décision sur la légalité de la guerre si le gouvernement canadien amenait la question devant la Cour internationale. Mais le gouvernement canadien n'a pas l'intention d'obtenir un tel verdict. Son intervention dans l'affaire Hinzman n'avait pas pour but que l'institution légale appropriée rendre un verdict sur la légalité de la guerre, mais, au contraire, visait à supprimer toute considération de la question.

L'intervention du gouvernement canadien dans l'affaire Hinzman est importante pour trois raisons.

Premièrement, elle discrédite la demande de statut de réfugié de Hinzman et augmente ainsi la probabilité qu'elle soit refusée et que Hinzman soit remis aux autorités américaines.

La loi limite les pouvoirs d'intervention du gouvernement fédéral dans le processus de détermination du statut de réfugié. Il n'y a aucun doute, cependant, que le gouvernement libéral de Paul Martin ainsi que l'élite politique et économique du Canada sont déterminés à faire en sorte que le Canada ne devienne pas une terre d'accueil pour les déserteurs américains et que, en même temps, il encourage la désertion et les sentiments antiguerre parmi l'armée américaine. Plus particulièrement, ils ne veulent pas voir une répétition de l'expérience de la guerre du Vietnam, alors que des dizaines de milliers de conscrits et de déserteurs s'étaient réfugiés au Canada et le gouvernement canadien avait été forcé à cause du sentiment anti-guerre au sein de la population à donner à ces réfugiés le droit de rester au Canada.

La demande de statut de réfugié de Hinzman a déclenché une avalanche de commentaires médiatiques défavorables. Les éditorialistes et les chroniqueurs de la presse écrite soutiennent que Hinzman ne doit pas obtenir son statut de réfugié parce qu'il s'est joint à l'armée américaine sur une base volontaire et qu'il ne fera pas face à de «véritables» persécutions s'il est renvoyé aux États-Unis. (En fait, Hinzman peut être emprisonné pour cinq ans. Il craint aussi d'être victime de représailles extra-légales. Lui et sa femme, qui est d'origine vietnamienne, ont reçu des menaces de mort et ont été la cible d'insultes racistes.) De façon révélatrice, le Globe and Mail et le National Post ont tous les deux choisi le même titre pour leurs éditoriaux contre Hinzman : «Un déserteur, pas un réfugié». L'administration Bush n'aurait pas fait mieux.

Deuxièmement, l'intervention du gouvernement canadien pour empêcher Hinzman d'illustrer le caractère illégal de la guerre représente une autre attaque sur le droit d'obtenir un statut de réfugié.

Le quatrième principe de Nuremberg stipule que toute personne est obligée, s'il y a une possibilité de le faire, de défier les gouvernements et les autorités militaires qui violent la loi internationale. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés stipule qu'un déserteur peut devenir un réfugié si le «type d'action militaire» qu'il a fui a été condamné par la communauté internationale comme allant à l'encontre des principes humanitaires élémentaires.

Le gouvernement canadien est précisément intervenu pour empêcher Hinzman d'argumenter que sa crainte des conséquences légales pour avoir refusé de tirer sur des personnes et de les tuer dans une guerre d'agression est la raison même pour lui octroyer le statut de réfugié.

« Ça ne peut pas ne pas être important pour un soldat qu'une guerre soit légale ou illégale » a déclaré l'avocat d'Hinzman, Jeffry House. « Ça ne peut pas être comme ça. On ne peut avoir une situation où une guerre est illégale et qu'il est juste d'emprisonner une personne qui refuse d'y participer. Si «illégal» veut dire quelque chose, alors cela veut dire que vous ne pouvez pas être poursuivi pour avoir refusé de participer.»

La dernière raison, mais non la moindre, est que l'intervention du gouvernement canadien dans l'affaire Hinzman illustre le caractère entièrement hypocrite et calculé de la décision du gouvernement canadien de ne pas joindre la «coalition des volontaires» menée par les États-Unis pour envahir l'Irak.

Même si les libéraux ont profité d'un important soutien populaire pour leur décision de ne pas déployer les Forces armées canadiennes (FAC) en Irak, le gouvernement libéral a donné un important soutien logistique et politique à l'invasion et à l'occupation américaine.

Pendant des mois, les FAC ont été impliquées dans la planification de la guerre avec l'armée américaine et britannique. C'est seulement après qu'eurent échoué les efforts du gouvernement canadien pour que Washington et les grandes puissances européennes s'entendent pour repousser la «date ultime» de mars 2003 pour Saddam Hussein que l'ancien premier ministre Jean Chrétien a décidé que les FAC ne participeraient pas à l'invasion.

Néanmoins, comme l'a concédé l'ambassadeur américain Paul Celluci, le Canada a fait beaucoup plus pour appuyer militairement la conquête de l'Irak que plusieurs membres de la coalition des volontaires. La marine canadienne a mené une opération multilatérale « antiterroriste » dans le Golfe Persique où elle travaillait main dans la main avec les États-Unis et la Grande-Bretagne. Le Canada a envoyé un important contingent en Afghanistan, libérant du même coup des troupes américaines pour qu'elle puisse aller en Irak, et plusieurs douzaines d'autres membres du personnel des FAC ont participé à la guerre en tant que membres «d'échange» des forces américaines et britanniques. Le Pentagone a pensé tellement de bien du général de brigade des FAC, Walter Natynczyk, qu'il fut l'un des principaux commandants des forces d'occupations.

La guerre venait tout juste de commencer, que le gouvernement Chrétien a soutenu publiquement la victoire américaine, tout en évitant la question de la légalité de l'invasion américano-britannique, déclarant que c'était une question sur laquelle les avocats et les historiens vont se quereller pendant les décennies à venir.

Cette position met en évidence le fait que le soutien du Canada au droit international, tout comme pour les autres puissances impérialistes, ne dépend que de ses propres intérêts. Autrement, comment expliquer que la question de savoir si une guerre lancée par la nation la plus puissante au monde est illégale ou non n'est qu'un sujet de débat entre universitaires?

La vérité est qu'Ottawa sait très bien que la doctrine Bush de la guerre « préventive » est en rupture avec les fondements de la loi internationale, des fondements que les États-Unis eux-mêmes ont contribué à développer dans les décennies qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale.

Une des raisons principales qui a poussé le gouvernement fédéral à intervenir dans l'affaire Hinzman est qu'il reconnaît que l'accusation, selon laquelle l'administration Bush a lancé une guerre d'agression telle que définie lors des procès des chefs de guerre allemands à Nuremberg, est une accusation à laquelle il lui est impossible de répondre.

L'intervention du fédéral illustre aussi la détermination des libéraux de se présenter comme des alliés fidèles à Washington. Dans un monde marqué par des antagonismes grandissants entre les grandes puissances et par une compétition économique frénétique, la grande entreprise canadienne juge que, pour assurer la défense de ses propres intérêts impérialistes, il est vital que le Canada développe un partenariat économique et géopolitique plus étroit avec les États-Unis.



 

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