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Allemagne : l'ancien dirigeant du SPD Lafontaine et l'Alternative électorale

Par Dietmar Henning et Peter Schwarz
(Article original paru le 6 mai 2005)

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« La démolition sociale menace la paix sociale ». C'est par ces mots qu'une représentante du syndicat allemand des services introduisit l'ancien leader du SPD, Oskar Lafontaine, qui participait à un meeting de l'Alternative électorale travail et justice sociale (WASG). Lafontaine s'adressa à près de 500 adhérents et sympathisants du WASG le 28 avril dans la ville de Krefeld et pour ne pas exposer l'éminent social-démocrate, qui est toujours membre du SPD, à une procédure d'exclusion, le meeting eut lieu sous la forme d'un forum-débat sponsorisé par le syndicat de la métallurgie IG-Metall et le syndicat des services Ver.di.

Qu'on ne menace pas la paix sociale! La formule aurait bien pu servir de mot d'ordre à tout le meeting, étant donné qu'elle exprime parfaitement ce qui préoccupe vraiment Lafontaine et l'Alternative électorale. Ce qui leur tient à cour c'est le maintien de la paix sociale, de ce système réglé dans ses moindres détails de la péréquation des intérêts et du partenariat social qui fut pendant des décennies la responsabilité des syndicats et du SPD.

On ne fait pas d'omelette sans casser d'oufs, dit le proverbe. On ne peut pas non plus s'attaquer au chômage, à la démolition sociale et à tous les autres maux issus du capitalisme et que Lafontaine dénonce à cor et à cri sans remettre en cause la paix sociale. Mais c'est bien là ce que Lafontaine et l'Alternative souhaitent le moins au monde.

La WASG qui tient son premier congrès national à Dortmund ces jours-ci et participera pour la première fois à une élection lors du prochain scrutin régional de Rhénanie- Westphalie, est principalement composée de fonctionnaires blanchis sous le harnais du SPD et des syndicats et qui s'inquiètent de la perte d'autorité et de la désintégration extrêmement rapides du parti social-démocrate. Elle participe bien à l'élection séparément du SPD et de ce point de vue elle lui fait concurrence. Mais elle considère sa tâche politique comme étant de prévenir un règlement de compte avec le SPD, son programme et ses conceptions politiques et d'empêcher la formation d'un mouvement indépendant qui puisse remettre en question l'ordre capitaliste.

Ce n'est qu'après avoir longuement hésité que la WASG s'est décidée à participer à l'élection de Rhénanie-Westphalie. On considère que cette élection dans le dernier Land encore gourverné par une coalition du SPD et des Verts déterminera la direction générale de l'élection parlementaire fédérale de 2006 et la WASG ne veut pas être accusée de concourir à ce que le SPD perde le pouvoir en Rhénanie-Westphalie. C'est pourquoi elle avait tout d'abord annoncé qu'elle ne participerait pas à l'élection régionale, mais seulement à l'élection fédérale de 2006.

Ce n'est que lorsqu'il fut clair qu'une « Alternative électorale » qui ne se présentait pas à la principale élection de 2005 perdait toute crédibilité, qu'elle se décida, avec beaucoup d'hésitations, à présenter sa propre liste. Depuis, elle mène une campagne en sourdine, avec pour objectif de ne pas faire de mal au SPD. « Nous ne voulons pas prendre de voix au SPD. Nous visons les non-votants » déclara Horst Gromann, membre du SPD pendant trente ans et membre fondateur de la WASG, dans une interview donnée à Spiegel On Line.

Voilà bien longtemps que l'Alternative électorale courtise Lafontaine et qu'elle veut en faire son président dans l'espoir que l'ancien dirigeant du SPD sera une figure de proue médiatique et poussera d'autres adhérents du SPD à rejoindre les rangs du nouveau parti.

Mais Lafontaine a des réticences. Il se sert à son tour de l'Alternative pour faire pression sur le SPD. L'été dernier déjà, dans une interview donnée au Spiegel, il avait menacé de passer au nouveau parti « si Schröder poursuit sa politique d'échec jusqu'aux prochaines législatives». Après cela, il annonça qu'il allait rompre avec le SPD au cas ou celui-ci ne s'engageait pas jusqu'à l'élection de Rhénanie-Westphalie à révoquer les lois « Harz IV ». Il n'a pas jusqu'ici mis ses menaces à exécution, ce qui les rend de moins en moins effectives.

A Krefeld non plus Lafontaine ne voulut pas s'engager. Vers la fin du meeting, lorsqu'on lui demanda quelles consignes de vote il donnait, il évita de donner une réponse franche, dans le doute il était du côté des socialement faibles, dit-il. «Mon but n'est pas la dispersion de la gauche. Mon but c'est le renforcement de la gauche.» déclara-t-il et il en appela au SPD pour qu'il fasse une autre politique.

Lafontaine jugea positives les récentes déclarations critiques de l'actuel dirigeant du SPD Müntefering à l'égard du capitalisme. Il salua « expressément » la critique anticapitaliste de tous les partis, le sien inclus. Une semaine avant le meeting de Krefeld, il avait déclaré à la chaîne de télévision Phoenix qu'il se réjouissait du fait qu'« au sein du SPD se dessinait apparemment une certaine prise de conscience ». Si le SPD perdait l'élection de Rhénanie- Westphalie, ajouta-t-il « alors le dernier néolibéral au SPD devra s'être rendu compte qu'il y a quelque chose qui ne marche pas ».

La répartition des tâches toutefois, entre Müntefering qui traite les investisseurs internationaux de « criquets ravageurs» et le chancelier Schröder qui leur remplit les poches en baissant l'impôt sur les bénéfices, est tellement évidente que même Lafontaine ne peut pas l'ignorer. Il modéra son éloge de Müntefering avec la mise en garde que « cela ne [devait] pas être une manouvre électorale de plus », ajoutant « ce ne sont pas les paroles qui comptent mais les actes».

Le sauvetage de la social-démocratie

Les contorsions effectuées par Lafontaine et l'Alternative électorale vis-à-vis du SPD correspondent à leur orientation politique qui est de sauver la social-démocratie. Ils considèrent le déclin de ce parti comme une menace grave pour l'ordre existant dont le SPD a été un soutien fiable depuis 1914, lorsqu'il appuya le gouvernement impérial dans la Première guerre mondiale. C'est pourquoi ils s'efforcent de pousser le SPD à montrer plus de considération pour ses électeurs traditionnels de la classe ouvrière, du moins en paroles. Si cela échoue et si le SPD continue, après avoir perdu le gouvernement, à se désagréger, alors l'Alternative électorale doit servir de refuge et poursuivre la politique sociale-démocrate. Dans ce cas, Lafontaine entrerait effectivement à la WASG ou dans une formation similaire.

La critique du cours poursuivi par le gouvernement Schröder de la part de Lafontaine, à laquelle il a consacré trois ouvrages et d'innombrables prises de paroles depuis qu'il a démissionné en catastrophe de son poste de ministre des Finances et de président du SPD au printemps 1999, a pour objectif de répandre des illusions sur la faisabilité d'un programme réformiste dans le cadre de l'Etat national.

Comme un croyant qui se lamente sur ses peines en s'adressant à un dieu imaginaire, il se répand en jérémiades interminables et à tous les modes sur les mêmes questions : la rupture des promesses électorales, l'échec du consensus social, l'absence de responsabilité du Capital. Jamais et nulle part il ne parle des causes de ces problèmes et du tournant à droite de la social-démocratie (qui ne s'est pas produit juste en Allemagne), la domination de tous les aspects de la vie nationale par les marchés financiers internationaux et les trusts transnationaux, qui enlève toute possibilité à une politique de réformes sociales quelle qu'elle soit.

Si Lafontaine reconnaissait que le tournant à droite du SPD a des causes objectives et qu'il n'est pas seulement dû à l'infamie personnelle de Schröder, son rival de toujours, il devrait remettre en question le programme réformiste de la social-démocratie tout entier et prendre fait et cause pour une alternative révolutionnaire. Mais c'est précisément ce qu'il veut éviter à tout prix.

A Krefeld, Lafontaine partageait la tribune avec Klaus Ernst, membre de la direction nationale de l'Alternative électorale et deux universitaires chrétiens. Ils s'échauffèrent beaucoup à propos du changement d'interprétation de mots tels que « réforme » « coût du travail », « responsabilité » etc. Lafontaine dit qu'avec des « falsifications verbales » on imposait des attaques contre la protection sociale qu'on appelait des réformes. Ainsi le coût du travail dont la réduction était exigée de tous côtés, n'était rien d'autre que l'argent destiné aux pauvres, aux malades, aux vieux, à ceux qui avaient besoin de soins et aux chômeurs. On remplaçait la « responsabilité » par « la responsabilité individuelle » et l'« assistance aux socialement faibles » par l'« aide à soi-même ». « On a de cette façon résilié le consensus » de la période d'après-guerre, se plaignit Lafontaine.

Il posa dix revendications qui furent vite baptisées « les dix commandements d'Oskar » par un participant. Ces revendications ne remettaient pas le capitalisme en question, mais seulement quelques-uns de ses abus les plus criants. Lafontaine exige entre autre l'interdiction de rémunérer les directeurs d'entreprises en options sur actions, une obligation de responsabilité pour ceux-ci, une interdiction de vendre des fonds spéculatifs en Allemagne ainsi qu'une loi « qui interdise et règlemente les crédits pour la population assortis d'intérêts de 10 à 11%».

D'autres revendications concernent l'augmentation du taux d'imposition supérieur à plus de 50%, l'imposition des entreprises « comme en 2000 », le retrait des lois Harz IV, des emplois à un euro de l'heure et des mini emplois, l'introduction de salaires minima, des augmentations de salaire comme aux Etats-Unis, en Angleterre et en France (au moins 4 %). Que l'Etat social ne soit pas finançable est, selon Lafontaine, « des balivernes ». « Si nous avions la législation sur l'impôt de la Suède, nous aurions 300 milliards d'euros de plus dans les caisses de l'Etat ».
Lafontaine ne répondit pas à la question de savoir comment ces revendications pouvaient être imposées face à la pression du Capital international. Lui-même avait jeté l'éponge et démissionné de son poste de ministre des finances lorsqu'il devint la cible d'attaques de la part du patronat.

Afin de donner un tant soit peu de crédibilité au fait que ses revendications sont réalisables dans le cadre de l'ordre existant, il donna à plusieurs reprises d'autres pays en exemple. Ce faisant, il mentionna souvent « l'espace anglo-saxon ». Auparavant, il avait déjà fait, dans des interviews données à la presse, l'éloge de la politique financière et de l'emploi aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, c'est-à-dire de la politique de Georges W. Bush et de Tony Blair.

Ce qui montre qu'il comptait avant tout sur l'ignorance de son public. Aux Etats-Unis, les salaires réels du bas de l'échelle ont stagné durant les trente dernières années, tandis que les traitements et les bénéfices des dirigeants d'entreprises ont littéralement explosé. Le pour cent le plus riche de la population américaine possède à présent 33% de la richesse nationale et les 10 pour cent les plus riches 71% de cette même richesse. Les 40 pour cent les plus pauvres ne possèdent par contre rien du tout. En Grande-Bretagne, il en va de même. Les mille britanniques les plus riches ont accru leur fortune de 150 milliards de livres sterling depuis l'arrivée au pouvoir de Tony Blair, un taux d'augmentation de 152 %.

Nombreux sont les arguments de Lafontaine qui ont un ton nationaliste. Il accompagna ainsi sa revendication d'un salaire minimum comme aux Etats Unis, en Angleterre et en France, de cette remarque : « afin que les travailleurs allemands se trouvent de nouveau au même niveau », comme si les travailleurs n'avaient pas dans tous les pays à lutter contre une dégradation constante de leur position sociale.

Il fit aussi référence aux « hautes valeurs économiques » qui furent créées en Allemagne et qui sont bien plus hautes que dans des pays comme la Pologne, la République tchèque et la Hongrie. L'introduction d'un salaire minimum fut justifiée par l'argument qu'il fallait se « protéger des travailleurs extrêmement pauvres d'Europe de l'Est ». Comme si les travailleurs d'Europe de l'Est étaient la cause du problème auquel font face les travailleurs allemands et non pas les trust mondiaux qui montent les travailleurs de l'Est et de l'Ouest les uns contre les autres.

Lafontaine plut à son public. Celui-ci se composait surtout de petits et moyens fonctionnaires âgés des syndicats et du SPD, ainsi que de membres de diverses alliances sociales dans lesquelles on retrouve surtout les églises, les travailleurs sociaux et leur clientèle. Presque chaque phrase était applaudie frénétiquement, certains même se levant de leur siège. Par moments, on aurait cru qu'on célébrait un culte.


Lafontaine crut de toute évidence qu'il devait compenser le peu de contenu de ses revendications par une certaine façon de les présenter. Au moment où il lut ses dix points, son cou s'enfla, il devint de plus en plus rouge, sa voix s'éleva de plus en plus et il gesticula des mains et des bras, tentant ainsi de donner à ses mots plus de signification qu'ils n'en avaient..
La prestation de Lafontaine et de la WASG n'eut en revanche guère de répercussion en dehors de ce meeting. Les sondages d'opinion prirent à peine note du nouveau parti. Beaucoup de gens en ont tout simplement assez de la démagogie à la Lafontaine.

Les efforts désespérés de la WASG ainsi que son opportunisme étaient encore visibles dans une autre phénomène : ses T-shirts, badges, drapeaux et affiches ont depuis peu adopté la couleur orange, en référence à la « révolution » ukrainienne. Cette « révolution » avait deux figures de proue : Victor Ioutchenko et la milliardaire Julia Timotchenko, les représentants convaincus de ce néolibéralisme contre lequel la WASG prétend se battre.

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