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Opel : le comité d'entreprise signe un « accord d'avenir » introduisant des baisses de salaire


Par Dietmar Henning et Peter Schwarz
(Article original paru le 9 Mars 2005)

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Le 19 octobre dernier, les syndicats et comités d'entreprise de toutes les filiales de General Motors en Europe avaient appelé à une journée européenne d'action pour protester contre la suppression annoncée quelques jours avant de 12.000 emplois sur un total de 63.000. Pour les organisateurs, le seul but de cette action était de les aider à sauver la face et à couper l'herbe sous les pieds de la grève qui avait alors lieu à l'usine Opel de Bochum, le personnel ayant cessé spontanément le travail pendant cinq jours. Cinq mois plus tard, le trust mondial GM n'a pas seulement imposé la totalité des suppressions d'emplois ambitionnées, mais il a aussi sensiblement réduit les salaires de ceux qu'il continue d'employer. Tout cela avec le soutien sans réserve des syndicats et des comités d'entreprises.

Ceux-ci ont dans l'intervalle fait précisément ce qu'ils avaient solennellement déclaré ne pas vouloir faire lors des manifestations du 19 octobre: ils ont monté les différentes usines les unes contre les autres, sapé la solidarité des ouvriers entre eux et se sont fait les sbires du trust. Ce sont les salariés qui en payent le prix : en Allemagne, par la suppression de presque un tiers des 32.000 emplois et des réductions de salaire allant jusqu'à  15% ; et à Trollhättan, en Suède, par la suppression massive d'emplois et la fermeture à terme de l'usine Saab.

Les comités d'entreprises allemands finirent, après de longues tractations, par convaincre le trust qu'il lui reviendrait moins cher de produire à partir de 2008 son nouveau modèle de classe moyenne à Rüsselsheim au lieu de Trollhättan. Après que le Comité général d'entreprise eût, en décembre déjà, approuvé la suppression de 9.500 emplois, le président des comités d'entreprise d'Opel en Allemagne, Klaus Franz, signait le 4 mars un nouvel accord, ayant lui pour objet la réduction des salaires et le durcissement des conditions de travail. Un accord grâce auquel Opel économisera 500 millions d'Euros par an en coûts de personnel.

Le nouvel accord s'intitule, ironiquement, « contrat d'avenir ». Le comité d'entreprise veut ainsi faire valoir l'engagement (extrêmement douteux) de la direction du trust à ne fermer aucune usine en Allemagne jusqu'en 2010. Mais le qualificatif « d'avenir » devrait bien plutôt être vu comme une menace. On peut déjà s'attendre, après la complète capitulation des comités d'entreprise et des syndicats devant les exigences du trust, à de nouveaux licenciements et à de nouvelles réductions de salaires.

Baisses de salaires et flexibilisation du temps de travail

General Motors réclamait depuis des mois un abaissement des salaires d'Opel au niveau des salaires fixés par la convention salariale de la métallurgie et qui sont de près de 20% inférieurs. On s'est donc entendu dans l'« Accord d'avenir » sur des baisses de salaires différentes pour chacune des trois usines d'Allemagne de l'Ouest (Rüsselsheim, Kaiserslautern et Bochum).

Sont annulées, dans les trois usines, les hausses de salaires tarifaires d'un total de 3,5% déjà négociées pour 2004 et 2005. A Kaiserslautern, les salaires sont en outre réduits de 6,5%. Pour les usines de Kaiserlautern et de Rüsselsheim et pour les cinq années 2006 à 2010, 1% de la hausse tarifaire concernera des composantes salariales hors tarif. Pour Bochum, on s'est mis d'accord sur un gel des salaires sur une période de sept ans. Jusqu'en 2010, il n'y aura pas d'augmentation de salaire. 

Mesuré au tarif général de la métallurgie, cela représente pour Rüsselsheim une perte de 8,5% et pour Kaiserslautern une baisse de 15% de salaire. La réduction des salaires de Bochum devrait se situer, selon l'évolution des salaires tarifaires, entre 10 et 12%.

Le treizième mois est lui aussi réduit. A Rüsselsheim et à Kaiserslautern, on versera encore cette année les 130% de salaire mensuel brut décidés dans le cadre du plan d'assainissement Olympia, à Bochum le treizième mois sera réduit à 85% de salaire mensuel. A partir de 2006, il ne se montera plus qu'à 70 % pour toutes les usines. Il n'atteindra à nouveau 100% que dans le cas où l'entreprise n'aura pas fait de pertes, ou aura réalisé un bénéfice. Mais Hans Demant, le président du conseil d'administration d'Opel a déjà déclaré qu'il n'escomptait  pas réaliser de bénéfice dans les prochaines années.

Outre les baisses de salaires, l'accord comporte une nouvelle flexibilisation du temps de travail. Celui-ci peut dorénavant varier entre 30 et 40 heures par semaine, la paye étant basée sur une moyenne de 35 heures de travail par semaine. De plus, les salariés devront, lorsque cela sera estimé nécessaire, travailler quinze samedis par an. A Bochum, l'accord prévoit 17 équipes de nuit, le samedi ou le dimanche. Tout cela sans rémunération supplémentaire. 

C'est grâce à ces attaques que le Comité général d'entreprise acheta l'engagement temporaire qu'aucune des trois usines allemandes ne serait fermée. Le PDG de General Motors, Rick Wagoner avait pourtant encore déclaré sans ambiguïté en janvier, dans une interview donnée au journal  Süddeutsche Zeitung: « Si nous ne réussissons pas en Europe, nous fermerons des usines. » Il ne pouvait « exclure des fermetures d'usines dans aucun pays du monde ». La concurrence était dure et sans merci, la surcapacité était grande; si Opel continuait de faire des pertes, il faudrait négocier à nouveau, avait-il dit. Il existe très probablement une clause à cet effet dans l'accord signé récemment.

Il était décisif pour le comité d'entreprise allemand que le nouvel modèle de classe moyenne aille à Rüsselsheim et non pas à Trollhättan. Klaus Franz, le président du Comité général d'entreprise avait fait dépendre d'un accord sur ce point l'aboutissement des négociations.  Les nouveaux modèles Opel Vectra et Opel Signum, tout comme le modèle Saab 9-3, seront produits à Rüsselsheim à partir de 2008, avec trois équipes et un débit annuel de 293.000 véhicules.

Bien que les membres du comité d'entreprise de Trollhättan aient eux aussi proposé de vastes réductions de salaires et un durcissement des conditions de travail, l'usine de Rüsselsheim possède selon General Motors sur le site suédois et pour toute la durée de l'accord, un avantage financier d'environ 200 millions d'Euros. L'usine mère allemande peut construire 60 voitures à l'heure alors que Trollhättan ne peut en produire que 39.

L'usine Saab de Trollhättan se voit ainsi pratiquement privée de sa subsistance. L'an dernier 105.000 véhicules y avaient été produits, deux tiers étant des Saab 9-3, dont le successeur sera dorénavant produit à Rüsselsheim.  On parle de la construction en petite série d'autres modèles de pointe et de modèles spéciaux dans l'usine suédoise pour compenser la perte de la Saab: la Cadillac BLS avec 10.000 véhicules par an, le modèle de pointe Saab 9-5, la Saab 9-3 Sport-Hatch qui vient d'être présentée au salon de l'automobile de Genève et une jeep de ville. Mais comme l'usine Saab est équipée pour une production de 200.000 véhicules par an, le transfert de la classe moyenne en Allemagne aura, quoi qu'il en soit, de très fortes répercussions sur les emplois et les salaires à Trollhättan, à condition bien sûr que l'usine ne soit pas entièrement fermée dans un avenir proche.

A l'usine de Bochum aussi, il faudra dans deux ans déjà recommencer à craindre les suppressions d'emplois et les baisses de salaires. C'est alors que sera décidé où sera produite, à partir de 2010, la nouvelle génération de l'Astra. La fermeture d'au moins une usine européenne sera définitivement à l'ordre du jour au plus tard en 2010, expliqua le président du comité d'entreprise de Bochum, Rainer Einenkel. Les usines de Bochum, de Luton (Angleterre) et d'Anvers (Belgique) se font concurrence.  

La résistance sur place

Le rôle des comités d'entreprise ne se limite pas à négocier à signer des contrats étranglant le personnel. Ils sont aussi responsables de l'application de ces contrats dans les usines. Ils rencontrent en cela des difficultés croissantes.

Ainsi, ils ne furent, jusqu'à présent, pas en  mesure de trouver 6000 salariés acceptant de quitter Opel « volontairement » moyennant le versement d'une prime de départ. On était parvenu à s'entendre à ce sujet dans le cadre de l'accord du mois de décembre sur la suppression de 9500 emplois. Selon cet accord, 6000 salariés d'Opel (2700 à Rüsselsheim, 3000 à Bochum et 300 à Kaiserslautern) devaient quitter le trust contre paiement d'une prime de départ, calculée sur  base d'ancienneté. Le reste des suppressions d'emplois devant se faire par des retraites anticipées et des cessations progressives d'activité. 

A la date de clôture de cette mesure, fixée à l'origine à la fin du mois de janvier, on était bien loin du nombre envisagé de volontaires. Cela était en partie dû au fait que le trust se refusa à accepter les demandes d'ouvriers avec de nombreuses années d'ancienneté simplement parce que cela lui revenait trop cher. Le comité d'entreprise avait auparavant fait miroiter les sommes à six chiffres auxquelles avaient droit ceux qui étaient employés de longue date, afin de rendre l'accord intéressant. Mais il s'est avéré que le trust voulait avant tout se débarrasser d'ouvriers jeunes et peu qualifiés et qui n'avaient droit qu'à une petite prime de départ.   

A Rüsselsheim, la direction exclut 600 salariés de la mesure de prime au départ, à Bochum 300, en arguant qu'ils étaient « indispensables » au maintien de la production. Le dirigeant du comité d'entreprise de Bochum, Rainer Einenkel, confirma cependant que les primes avaient été refusées « avant tout pour des raisons de coût ».

L'objectif des 6000 départs volontaires n'ayant pas été atteint fin janvier, on repoussa la date de clôture au 25 février. La direction de l'entreprise et le comité d'entreprise exercèrent durant tout ce temps une pression  considérable. La direction du personnel aurait ainsi rappelé à de jeunes salariés, au cours d'entretiens personnels, qu'au cas on l'on aurait recours à des licenciements collectifs, ce seraient eux qui partiraient les premiers. 

A Rüsselsheim et à Kaiserslautern, on finit par remplir les quotas voulus ; à Bochum tout juste 1500 salariés, sur un objectif de 3000 « contrats de départ », avaient signé un tel contrat à la fin du mois de février. Les 1500 restants devront être trouvés d'ici 2007.  

Les membres des comités d'entreprise doivent encore faire passer les baisses de salaire et la flexibilisation du temps de travail qu'ils ont négociées. « Les sacrifices demandés au personnel sont très grands » dit le chef du comité d'entreprise de Bochum, Einenkel. Il dit s'attendre donc à des « débats difficiles lorsqu'il s'agira de les imposer dans la pratique ».

Le déclin du SPD

La difficulté de trouver des volontaires pour signer des contrats de départ, jette une lumière significative sur l'aliénation grandissante des ouvriers vis-à-vis du SPD.

Ce genre de contrat est, avec la retraite anticipée, un des moyens utilisés depuis longtemps dans la Ruhr pour éliminer des emplois. Dans les mines, l'industrie sidérurgique et l'industrie métallurgique on a déjà détruit de cette manière des centaines de milliers d'emplois. Le SPD qui se trouve depuis 38 ans à la tête du gouvernement du Land de Rhénanie-Westphalie et les syndicats ont toujours collaboré étroitement sur ce point. On retrouve d'ailleurs dans une large mesure les fonctionnaires du SPD dans les syndicats, et vice versa. Ainsi l'actuel chef du SPD et Ministre du Travail du Land de Rhénanie-Westphalie, Harald Schartau, fut longtemps à la tête du syndicat IG-Metall de Dortmund, dont dépend aussi Bochum.

Le fait que les ouvriers tournent le dos à ce genre de mesures (tout comme la grève de cinq jours de l'an dernier) est l'expression d'une profonde méfiance vis-à-vis du SPD et des syndicats. Dans la région de la Ruhr, il est tout à fait impossible de trouver un autre emploi et ceux qui sont touchés par les licenciements ne croient pas que cela puisse changer dans un avenir prévisible sous un gouvernement SPD. 

Les chiffres du chômage ont augmenté de façon alarmante dans la Ruhr au mois de février et se trouvent au niveau de ceux existant en Allemagne de l'Est. A Bochum même, le taux de chômage est passé de 14,8% en janvier à 17,8% en février et les villes voisines de Essen et Dortmund font état de taux de chômage semblables : 18,6% et de 20% ; Gelsenkirchen a même 26,4% de chômeurs. Il y a dans toute la région 362.000 demandeurs d'emplois. 

S'ajoutent à cela les conséquences de la loi Hartz IV, introduite par le gouvernement fédéral dirigé par le SPD. Les travailleurs d'Opel qui quittent leur emploi risquent de passer en l'espace d'un an d'un emploi d'ouvrier qualifié relativement bien payé à l'aide sociale. Il leur faudra peut-être vendre le logement payé à grand effort ou la modeste maison ou encore la voiture, et ils devront avoir dépensé toutes leurs économies avant de toucher une quelconque allocation. Le produit de dizaines d'années de dur travail anéanti en l'espace d'un an, voilà l'avenir que le SPD et les syndicats ont à offrir aux ouvriers. 

Le SPD risque maintenant pour la première fois de perdre le pouvoir dans ses bastions traditionnels de Rhénanie-Westphalie. Si l'on en croit les sondages actuels, la CDU et le FDP devanceront nettement la coalition gouvernementale SPD-Verts aux prochaines élections des Laender au mois de mai prochain. La montée du SPD dans les années 1960 était étroitement liée aux luttes militantes des mineurs qui s'étaient opposés à cette époque à la fermeture en masse des mines. On avait alors mis à la disposition des mineurs des emplois de remplacement grâce à la construction de l'usine Opel, fortement subventionnée par le gouvernement. Mais maintenant que cette usine est menacée de fermeture, le SPD n'a rien d'autre à offrir que du chômage et Hartz IV.

C'est une des raisons, et non des moindres, pour lesquelles le SPD a insisté pour obtenir une garantie verbale que le site serait maintenu. Le ministre du Travail et de l'Economie du Land, Schartau, avait évoqué la crainte que la situation chez Opel et le chômage croissant pouvaient transformer le SPD en parti insignifiant lors des prochaines élections des Laender et il s'était déclaré à plusieurs reprises lors des négociations en faveur d'un « compromis ».  « Si les gens savent que le site de Bochum est garanti à long terme, ils seront aussi prêts à faire des concessions » dit-il au journal Westfälische Rundschau. L'accord conclu à présent ne devrait cependant pas améliorer beaucoup les chances électorales du SPD.

Quelle est l'alternative?

Tandis que le SPD et les syndicats sont de plus en plus rejetés, il n'existe pas encore d'alternative politique solide.

La soi-disant Alternative travail et justice sociale (ASG) se présente bien aux élections des Laender et elle jouit d'un certain soutien chez Opel. Mais tout ce que l'ASG a à proposer c'est de remettre à flot le programme de réformes sociales qui a si manifestement fait naufrage sous la forme du SPD. Cette « Alternative » est animée principalement par d'anciens membres du SPD et elle aspire à une collaboration étroite avec les syndicats.

Les expériences faites chez Opel montrent que les syndicats sont non seulement incapables de s'opposer efficacement à des trusts opérant au niveau international, comme General Motors, mais qu'ils jouent un rôle important dans l'imposition des licenciements, des baisses de salaires et d'autres attaques contre leurs propres adhérents. Ce qui est en cause ici, ce ne sont pas seulement les actes de tel ou tel dirigeant syndical ou membre du comité d'entreprise corrompu, mais découle directement de l'orientation même des syndicats.

Ceux-ci considèrent que c'est leur tâche d'obtenir « le plus possible » pour leurs adhérents dans le cadre des rapports économiques et politiques existants. Ils aspirent à se gagner hommes politiques et patrons, afin de maintenir « leur » usine, « leur » site et de défendre les intérêts de « leur » pays.  Pour réaliser cela, ils sont prêts à tous les compromis et par là, malléables à l'extrême. Dans une économie globale, dominée par des trust et des marchés financiers transnationaux, ils deviennent inévitablement les complices de leurs employeurs et de leurs gouvernements respectifs dans la lutte pour les sites et les débouchés, comme on l'a vu à l'occasion de la signature récente d'accords avec Opel mais aussi avec Daimler, Volkswagen, Siemens et même avec le service public.  

S'il est une leçon à tirer des récents événements chez Opel, c'est que les intérêts et les acquis des travailleurs ne peuvent être défendus aujourd'hui qu'au moyen d'une stratégie internationale qui unisse la classe ouvrière au-delà des frontières nationales. Une telle stratégie doit être dirigée contre le système capitaliste existant et lutter pour une réorganisation de la société sur une base socialiste.

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