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Congrès à Brighton: le naufrage politique du New Labour

Déclaration du Parti de l'Egalité socialiste (Grande-Bretagne)
Le 1er octobre 2005

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L'éviction manu militari du congrès du Parti Travailliste de Walter Wolfgang, (82 ans) un membre de ce parti depuis 57 ans qui avait fui l'Allemagne pour échapper aux nazis, témoigne de l'agenda antidémocratique d'un gouvernement décidé à écraser toute opposition à sa politique guerrière et de droite en matière économique et sociale.

Le crime de Walter Wolfgang est d'avoir crié « N'importe quoi ! » au moment où le ministre des Affaires étrangères défendait la guerre en Iraq. Pour cela il fut arraché de son siège par plusieurs costauds du service d'ordre. Plus tard, la police l'empêcha de retourner à la conférence en se référant aux dispositions de la loi antiterroriste introduite par le gouvernement.

Les actions du Parti travailliste sentent le désespoir politique. La direction du parti qui ne rencontre que peu d'opposition interne ou bien de la part des dirigeants syndicaux qui lui sont affiliés, panique pourtant, tel l'empereur qui se découvre sans habits, quand la voix isolée d'un homme âgé remet en question les mensonges et la duperie qui ont servi à justifier la guerre.

Les médias ont largement condamné le traitement réservé à W.Wolfgang par crainte que ne soit révélée l'ampleur de la crise à laquelle le Parti Travailliste est confronté et qui, malgré la rhétorique triomphaliste de celui-ci, pourrait aboutir à un désastre en termes de relations publiques pour Blair. En effet, l'incident devint une occasion de lancer des avertissements pour dire que le Parti travailliste n'a plus le sens des réalités politiques, qu'il est socialement isolé et qu'en tant qu'organisation il est moribond.

Les commentaires les plus significatifs proviennent des journaux qui, comme le Guardian, sont généralement les plus soucieux de défendre le gouvernement Blair.

Dans l'éditorial du 26 septembre de ce journal on pouvait lire : « Ce parti diminué connaît ces temps derniers un pouvoir d'attraction également diminué. Le 5 mai, tout juste 9,5 millions de personnes votèrent Travailliste, soit 4 millions de moins qu'en 1997. Au cours de ces dernières années, le Parti travailliste n'a réalisé qu'une seule fois un score plus mauvais que celui de cette année, c'était en 1983 quand il avait failli disparaître. »

L'ancien conseiller gouvernemental travailliste, David Clark, écrivait, trois jours plus tard dans le même journal : « Le Parti travailliste devrait opérer de toute urgence un renouveau, ceci ne pourra cependant se produire que lorsque Blair sera parti. Le parti qui s'est rassemblé à Brighton est visiblement épuisé. Plus d'un tiers des circonscriptions n'ont pas réussi à envoyer de délégués et ceux qui sont venus paraissaient perdus et démoralisés. Le nombre des adhérents est inférieur à 200 000 et continue de baisser. La base qui lui reste est vieillissante et en grande partie inactive. Le Parti travailliste se trouve au début d'un effondrement organisationnel. Si Blair reste à la tête du parti, les élections locales de l'année prochaine risquent de devenir le genre de débâcle qui laisserait effectivement le parti agonisant dans une grande partie du pays ».

Il conclut en lançant l'avertissement que « l'héritage politique » de Blair « se révèlerait aussi empoisonné pour le Parti travailliste que l'avait été celui de Thatcher pour les conservateurs. »

Le 30 septembre, Polly Toynbee écrivait que l'expulsion de W.Wolfgang « était la manifestation d'un parti faible et vide n'étant même pas en mesure de débattre de la guerre dans laquelle il avait été entraîné Des rapports de campagne électorale montrent un parti vidé de sa substance, souvent une coquille presque vide où même les militants actifs en colère restent inactifs à la maison. »

L'on pourrait bien se poser la question : pourquoi cette surprise, ce choc et cette indignation ? Après tout, c'est un parti qui est au pouvoir depuis 1997 et qui durant tout ce temps a commis toutes sortes de crimes impardonnables. Le Parti travailliste a participé à trois guerres majeures. Au nom de la lutte contre le terrorisme, il a passé des lois abrogeant des droits démocratiques fondamentaux. Il s'est livré au démantèlement systématique de l'Etat-providence dont dépendent des millions de personnes. Et il s'est appliqué à enrichir les grosses entreprises aux dépens directs de la population laborieuse.

Deux mois avant la conférence du Labour, un jeune Brésilien innocent, Jean Charles de Menezes, fut tué par balles au nom de la stratégie du « shoot to kill », tirer avec l'intention de tuer qui avait été introduite secrètement deux ans auparavant. Le jour même où W.Wolfgang fut expulsé, la famille de Menezes se trouvait à Londres dans le but de révéler la tentative par la police de dissimuler ce crime.

Le meurtre de Menezes était en soi le résultat de la décision criminelle du gouvernement Blair de participer à la guerre contre l'Iraq conduite par les Américains, guerre préparée et commissionnée sur la base de mensonges, menée au mépris de la volonté populaire et allant de pair avec la destruction massive de droits civils.

Ni la guerre contre l'Iraq ni le meurtre de Menezes ne figuraient à l'ordre du jour du congrès car ni les organisations du Parti travailliste de chaque circonscription électorale ni les syndicats étaient d'avis qu'il s'agissait là des points essentiels à débattre. La raison n'en est pas à chercher , comme le prétend Toynbee, dans le fait que le Parti travailliste fût subitement devenu une coquille vide, mais plutôt dans le fait que les origines mêmes du projet du « New Labour » de Blair se sont faits sentir pendant plus de deux décennies durant lesquelles le parti avait rompu avec la vieille politique réformiste et avait infligé, avec l'aide de la bureaucratie syndicale et en pratiquant une chasse aux sorcières contre les socialistes, défaite sur défaite à la classe ouvrière.

C'est ainsi que le Parti travailliste fut vidée de sa substance et transformé en un instrument idéal par lequel un ordre du jour politique peut être appliqué qui serve uniquement les intérêts d'une oligarchie financière.

C'est ce à quoi Blair fit allusion dans son intervention à la conférence en disant que le grand succès du New Labour avait été de « démêler la fin et les moyens » à savoir la rupture du parti de tout lien politique et social avec la classe ouvrière.

Les gens qui critiquent Blair sont ceux-là mêmes qui l'encouragèrent dans cette voie. Ils s'inquiètent à présent que New Labour soit discrédité et risque de mettre en péril la capacité du parti à poursuivre sa politique d'enrichissement de la couche sociale privilégiée dont ils sont les porte-parole.

Toynbee donna un titre poignant à son article du 30 septembre : « L'étranglement des rêves crée un parti fantôme ». Mais quels rêves furent donc étranglés à Brighton ? Toynbee et Clark sont tous deux partisans du chancelier Gordon Brown. Leur « rêve » était que l'actuelle conférence serait l'occasion pour Blair d'annoncer la date de son retrait de son poste ­ le plus tôt possible- pour que Brown puisse lui succéder.

Ils sont conscients du fait que le Parti travailliste a perdu le soutien de l'électorat ouvrier et qu'il ne peut plus compter sur les électeurs indécis de la classe moyenne dont il avait gagné les voix en 1997. Non seulement ces couches redoutent de plus en plus l'insécurité financière mais nombre d'entre eux sont politiquement opposés à la guerre en Iraq et ont pour cela rompu avec le gouvernement. Ce qui représente une menace pour le gouvernement c'est que coïncident l'accroissement de la misère sociale, du sentiment anti-guerre et de l'anxiété face aux attaques systématiques contre les droits démocratiques.

La peur articulée par le Guardian est alimentée par l'évidence grandissante d'un tournant à gauche au sein de la classe ouvrière internationale. Trois événements sont particulièrement importants à cet égard : la Nouvelle Orléans, les élections législatives en Allemagne et l'opposition grandissante contre l'occupation britannique de Basra au sud de l'Iraq.

Au début du mois de septembre, les médias britanniques ont observé avec horreur les conséquences désastreuses du cyclone Katrina. Le modèle économique et politique, qu'ils avaient soutenu avec Blair comme étant le modèle à suivre, fut totalement discrédité par l'indifférence du gouvernement Bush vis-à-vis de la souffrance des pauvres. Leur premier souci fut que ceci pourrait engendrer une instabilité sociale et politique aux Etats-Unis dont les répercussions seraient inévitables en Grande-Bretagne.

S'ensuivirent les élections du 18 septembre en Allemagne où le remède politique de droite préconisé par l'Union chrétienne-démocrate (CDU) fut rejeté. Ceci déçut les attentes de l'ensemble de la presse britannique qui avait ardemment souhaité la victoire d'Angela Merkel, la dirigeante de la CDU, comptant ainsi sur un renforcement en Europe de l'axe Bush-Blair.

A peine un jour plus tard, Basra était en éruption suite à la capture de deux officiers du Special Air Service (une unité des forces spéciales britanniques) engagés dans une opération secrète. La vue de centaines d'Iraquiens menant une bataille rangée avec l'armée britannique contredisait les affirmations de soutien populaire à la nouvelle « démocratie » iraquienne et montrait à quel point l'occupation britannique était vraiment détestée.

Dans son commentaire, Clark lança expressément l'avertissement que « si les élections sans résultat décisif d'Allemagne avaient été concluantes sur un point, c'est que le pays le plus vaste d'Europe ne veut pas du blairisme. En ce qui concerne l'Iraq, Blair est non seulement discrédité, mais son orgueil personnel est devenu un obstacle fondamental à toute discussion rationnelle sur ce qui doit se passer maintenant. »

On promeut Gordon Brown depuis longtemps comme celui qui jouit de liens étroits avec l'ancien mouvement travailliste, comme celui qui est plus en phase avec la population ouvrière et moins directement lié à la guerre en Iraq. L'espoir de nombreux défenseurs du Parti travailliste est que s'il devenait chef du parti cela permettrait à ce dernier de revêtir une « chemise propre » tout en poursuivant pour l'essentiel la même politique.

Mais de tels espoirs avaient déjà été réduits à néant bien avant que le Parti travailliste ne se tire lui-même une balle dans le pied avec l'éviction de W.Wolfgang.

Le discours de Brown au congrès montra bien que, quelle que soit la pléthore d'effets de présentation utilisés, on ne pouvait pas faire ressembler le New Labour à ce qu'il n'était pas. Son programme est fixé par les grosses entreprises et les actionnaires et rien ne pourra lui donner un vernis populaire. Dans son allocution Brown fut d'un blairisme tout à fait orthodoxe qu'il condensa dans son engagement pour une « démocratie » à la Thatcher « des propriétaires immobiliers et des actionnaires »

Il n'y aurait pas de retour « aux vieux jours des hausses inflationnistes des salaires et des conflits sociaux, les vieux jours où les intérêts sectoriels prédominaient sur l'intérêt national et nous poursuivrons et devons poursuivre ce que nous avons promis dans notre manifeste : la stabilité économique, la stabilité de la politique industrielle, la stabilité des relations de travail et la stabilité des finances publiques et notre revendication pour plus d'efficacité et productivité réelle de l'argent. » Ce qui signifie le maintien des lois antisyndicales et davantage de privatisations avec « le recours au secteur privé pour servir l'intérêt public ».

Cette solution de repli des partisans de Brown devait faire en sorte que cet hymne au New Labourisme garantirait au moins un transfert de pouvoir organisé. Mais elle ne fit que convaincre Blair de la faiblesse de son rival. Le discours du premier ministre montra clairement qu'il comptait bien rester à son poste au moins jusqu'à la veille des prochaines élections. Il n'y aurait pas de « retour en arrière » ni en Iraq ni sur le plan national. Au lieu de cela, les acquis sociaux feraient l'objet d'attaques encore plus virulentes pour concurrencer la Chine, l'Inde, le Vietnam et la Thaïlande, où « les frais de la main-d'oeuvre ne coûtent qu'une fraction de la nôtre. »

« A chaque introduction d'une nouvelle réforme gouvernementale, j'ai souhaité rétrospectivement être allé plus loin, » poursuivit Blair.

Quand Blair déclare qu'il ne peut y avoir de retour en arrière dans la politique de droite du New Labour, il ne fait qu'exprimer en de courtes formules médiatiques les exigences des grosses entreprises. Il insiste pour dire qu'il ne peut y avoir aucun relâchement des attaques contre les conditions de vie et les droits démocratiques de la population laborieuse car le capitalisme l'exige ainsi.

Mais il a également raison dans un autre sens. Il n'est plus possible de revenir au réformisme vieux style du Parti travailliste et il n'y a plus moyen de ressusciter le cadavre politique du Parti.

New Labour est l'incarnation organisationnelle de la dictature d'une élite fabuleusement riche sur tous les aspects de la vie politique. Le déclin du parti est le résultat d'une tentative délibérée et soutenue d'exclure la classe ouvrière de la politique et qui a été la base politique d'un accroissement exceptionnel de l'inégalité sociale.

C'est le succès même du projet du New Labour qui a conduit à son naufrage politique. La majorité de la population ne peut pas être réconciliée avec une politique basée sur son appauvrissement systématique et pourtant aucune autre voie n'est acceptable aux yeux des grandes entreprises qui soutiennent le Parti travailliste.

L'absence au sein du Parti travailliste d'une opposition véritable à la politique de Droite de Blair démontre que la dégénérescence du parti n'est pas simplement le produit d'une mauvaise direction. Elle est enracinée dans l'échec de la vieille perspective du Parti travailliste qui cherchait à améliorer les antagonismes de classes au moyen de différentes formes de réglementation économique au niveau national.

L'intégration mondiale de tous les aspects de la production, de la distribution et des échanges ainsi que la mobilité internationale sans précédent du capital imposent à chaque gouvernement capitaliste qu'il baisse continuellement les salaires, accroisse l'exploitation et réduise les impôts dans le but d'attirer des investissements et de rester compétitif. Les vieilles organisations nationales du mouvement ouvrier qui reconnaissent l'inviolabilité du système de profit, traduisent ceci en impératifs politiques qu'ils déclarent inviolables.

Cela représente une sérieuse menace pour la classe ouvrière. Il n'y aura pas de relâche dans la destruction des emplois et dans les réductions des salaires et de l'accroissement de la productivité, il y aura davantage d'aventures militaires comme la guerre en Iraq et de plus en plus de lois répressives en Angleterre même. Aucune section du Parti travailliste ou de la hiérarchie syndicale ne s'opposera au programme gouvernemental. Une direction tout à fait différente est nécessaire.

Les millions de personnes qu'on a jusque là privées de représentation politique ont donc exprimé leur insatisfaction et leur aliénation en abandonnant leur vieux parti. Mais les travailleurs ont besoin d'un nouveau parti qui défende leurs intérêts de classe indépendants. C'est autant un besoin objectif au début du vingt et unième siècle que ce l'était il y a un siècle quand le Parti Travailliste fut fondé.

Ce qu'il faut, c'est un parti d'une tout autre qualité, un parti basé sur le programme de l'internationalisme socialiste. Son objectif doit être de remplacer la propriété privée des moyens de production et de surmonter la division du monde en Etats-nations antagonistes. Sa méthode doit être l'unification politique et organisationnelle de la classe ouvrière internationale. Voilà la perspective politique avancée par le Parti de l'Egalité socialiste (GB).


 

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