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Grève de 24h en France: plus d'un million de manifestants contre la politique du gouvernement Chirac

Par Antoine Lerougetel
6 octobre 2005

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Plus d'un million de salariés débrayèrent et manifestèrent mardi dans 150 villes partout en France contre la politique néo-libérale du gouvernement gaulliste du président Jacques Chirac et du premier ministre Dominique de Villepin. C'est à l'appel de toutes les sept principales centrales syndicales et de tous les partis de la Gauche, y compris le Parti socialiste, que ces actions eurent lieu.

Les salariés y participèrent pour exprimer leur opposition à la diminution du pouvoir d'achat de leurs salaires et de leurs pensions, au démantèlement des protections du Code du Travail, aux nouveaux contrats d'embauche qui rendent plus facile le licenciement des travailleurs, et aux réductions drastiques des allocations chômage. Les autres questions soulevées furent la crise du logement, la chasse aux immigrés par le gouvernement et la répression policière de la contestation sociale ­ surtout celle des manifestations lycéennes pour la défense du service public de l'éducation.

En Ile de France, les grèves ont fortement perturbé les transports en commun, et plus encore dans les villes de province. Le trafic aérien aussi fut touché et l'aéroport de Lyon entièrement fermé. Beaucoup de classes et quelques écoles furent fermées.

Le même jour, tandis que les défilés battaient le pavé partout en France, la montée de tension au sein de l'élite politique s'exprima dans un différend ouvert dans la direction du parti gouvernemental gaulliste, l'UMP. Le premier ministre Villepin et Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur de droite et président de l'UMP, eurent une algarade sur la manière de gérer la résistance populaire croissante.

Lors de la réunion habituelle du mardi des députés UMP à l'Assemblée nationale, Villepin s'attaqua à Sarkozy au sujet de sa rhétorique provocatrice de néo-libéralisme pur et dur. Il déclara : « Nous devons nous méfier de nos propres utopies. Dans l'histoire de la France, les ruptures [expression favorite de Sarkozy] et les révolutions se terminent toujours dans le sang».

Le reproche de Villepin reflète la peur grandissante dans l'establishment patronal et politique devant la montée de résistance populaire contre la politique de droite du régime, anxiété intensifiée par le rejet de la Constitution européenne dans le référendum en France et par la débâcle subie par la candidate conservatrice Angela Merkel dans les élections allemandes de ce mois-ci.

Des équipes de sympathisants du WSWS distribuèrent des milliers de tracts de la déclaration du comité de rédaction « A l'offensive mondiale libérale et impérialiste il faut opposer l'internationalisme socialiste ». La disposition sérieuse et réfléchie des manifestants pouvait se voir dans le grand intérêt porté à la déclaration. Plusieurs d'entre eux, ayant commencé à lire le tract, revinrent en prendre d'autres pour leurs amis.

Des commentateurs de la presse signalèrent que la mobilisation, d'importance égale aux actions anti-gouvernementales du 10 mars de cette année, fut le mouvement social le plus vaste si tôt après la rentrée depuis plus de 30 ans. Les mouvements sociaux en France ont tendance à atteindre leur plus haut développement au printemps, et une telle mobilisation au début de l'automne est prémonitoire d'une très grande confrontation entre la classe ouvrière et le gouvernement dans les semaines et les mois à venir.

Il y a un grand écart entre le décompte des manifestants fait par la police et celui des syndicats, mais on peut affirmer qu'au moins 100 000 personnes participèrent à Paris et 50 000 à Marseille, où les salariés de ferry de la SNCM en grève contre la privatisation, appuyés par les travailleurs portuaires, ont été en tête de cortège. Il y a eu des défilés entre 10 000 et 20 000 manifestants dans des dizaines de petites et moyennes villes.

Jusqu'à la moitié des salariés de l'éducation débrayèrent, et de gros bataillons d'enseignants et de personnel non enseignant étaient visibles, tout comme des lycéens qui avait été à l'avant-garde de l'opposition à la réforme Fillon de l'éducation l'année scolaire dernière. En plus des appels pour l'abrogation des lois qui allongent les heures de travail des enseignants, introduisent l'annualisation, et minent l'égalité éducative, les revendications mettaient l'accent sur les coupes dans le budget de l'éducation et la réduction du personnel enseignant, le licenciement de milliers d'enseignants non titulaires et la fermeture de classes.

Il y a aussi une vaste opposition au soutien exprimé par le nouveau ministre de l'éducation Gilles de Robien en faveur de l'éducation privée, presque exclusivement catholique, qui représente près de 20% de l'éducation primaire et secondaire française.

D'autres salariés du public étaient bien représentés dans les manifestations, avec plus de 25 pour cent de fonctionnaires en grève aux côtés de près de 20 pour cent de travailleurs de la poste et 30 pourcent des électriciens d'EDF, qui défilaient en particulier contre la vague grandissante de privatisations. Beaucoup d'hospitaliers participaient pour s'opposer aux dégradations du système médical.

Un aspect majeur de la journée fut la participation de salariés du privé, dont le taux de syndicalisation n'est que de 7 pour cent, et qui sont plus vulnérables à la victimisation que ceux du public. Ces travailleurs du privé, sur lesquels les bureaucrates syndicaux et groupes d'extrême gauche comme la Ligue Communiste Révolutionnaire et Lutte Ouvrière ont tiré un trait car ils sont trop intimidés pour faire grève, étaient nombreux dans la rue.

Les salariés de Hewlett-Packard, menacés de licenciements massifs, étaient en tête de cortège à Paris et se trouvaient aussi à côté des travailleurs de ST Microelectrics dans les rues de Grenoble. Des hôtesse de l'air de British Airways et des salariés d'Air France et de l'aéroport d'Orly avaient des contingents à Paris, ainsi que du personnel d'Eurocopter et de Saint-Gobin.

Des salariés de la grande distribution de Géant Casino, Auchan, Trois Suisses et la Redoute, tout comme des travailleurs de Legrand, Renault, Airbus, Alcatel et Ford défilèrent. A Lille, dans le nord de la France, des salariés de Heineken étaient dans la rue contre « les cadences infernales » et les verriers de Boissois Glaverbel contre la suppression d'emplois.

Un aspect significatif de la manifestation de Paris fut la présence massive de cadres organisés par la CFE-CGC (la Confédération française de l'encadrement). Trois mille cadres participèrent et dénoncèrent « la braderie du code du travail ». Richard, cadre d'Eurodisney, dit à la presse, « La mobilisation de l'encadrement est énorme aujourd'hui. On est là pour faire marcher les boîtes, mais pas contre les gens qui bossent avec nous. »

D'importantes délégations défilèrent derrière des banderoles syndicales portant les badges et autocollants de leurs organisations : la CGT (Confédération générale du travail) influencée par le Parti communiste, les confédérations alignées sur le Parti socialiste ­ FO (Force Ouvrière) et la CFDT (Confédération française démocratique du travail), avec les syndicats de l'éducation et enseignants ­ la FSU (Fédération syndicale unitaire) et l'Unsa (Union nationale de syndicats autonomes) orientée vers le PS. Cependant, on remarquait que bon nombre de travailleurs arrivaient avec leurs collègues, amis et famille sans banderoles ni badges syndicaux, saisissant l'opportunité de montrer leur désir de résister à l'offensive néo-libérale.

Dans une démarche visant à raviver la crédibilité des partis de la Gauche plurielle (Parti Socialiste, Parti Communiste, Verts) du gouvernement antérieur de Lionel Jospin, la LCR, qui depuis des années se présente comme l'authentique alternative socialiste des Staliniens et des Sociaux-Démocrates, signa un appel commun le 1 octobre pour les mobilisations du 4 octobre. Le langage creux du document, qui s'oppose à l'« offensive libérale et répressive organisée par le gouvernement Chirac-Villepin-Sarkozy » a comme but de fournir une couverture pour ces partis qui, au gouvernement, ont pratiqué le nombre le plus important de privatisations depuis la Libération. Ils ont mené une offensive continue contre les acquis sociaux, suivant la ligne de l'Union européenne, et le Parti socialiste a joué un rôle majeur, dans les commissions de l'UE.

On pouvait remarquer de petites délégations des partis de la Gauche plurielle dans les défilés. Libération du 5 octobre observa : « Après avoir signé ensemble un appel pour dénoncer «le désordre social», le PS, le PCF, les Verts et la LCR s'étaient répartis le trottoir hier le long du cortège parisien. Après les boules de neige de Guéret en mars sur les lunettes de Hollande et l'oeuf de La Courneuve sur le crâne de Fabius, l'accueil réservé aux socialistes dans la manifestation n'allait pas de soi. Le patron du PS avait d'ailleurs opté pour une participation sans risque à Tulle. Et son ex-numéro deux, lui, à Rouen. Moins craintifs, Henri Emmanuelli, Vincent Peillon et Arnaud Montebourg, les nonistes du trio du Nouveau Parti socialiste, étaient à Paris, devant le Cirque d'hiver. »

Dans des déclarations faites à la presse pendant la journée, les principaux dirigeants syndicaux ont clairement affiché leur intention d'adopter leur pratique habituelle, celle de freiner le mouvement social au moyen des « temps forts », en encourageant les illusions que le gouvernement serait prêt à négocier un recul avant qu'une vraie bataille soit engagée. Bernard Thibault de la CGT déclara, « Gouvernement et Medef ont quelques jours pour donner des signes tangibles qu'ils ont entendu le message. La CGT est déjà prête à envisager des suites si les réponses appropriées ne viennent pas, et les syndicats ont déjà pris date en ce sens. »

Jean-Claude Mailly de FO dit: "Ou gouvernement et patronat répondent aux questions, ou ils ne le font pas et alors nous verrons la suite." Gérard Aschiéri chantait le même air : « Est-ce que le gouvernement va entendre ? C'est-à-dire négocier sur les salaires, l'emploi, le service public ? S'il n'entend pas, on est prêts à discuter des suites d'actions »

Les uniques craintes que de telles déclarations provoqueront chez le gouvernement et les patrons c'est que peut-être elles ne vont pas suffire à juguler le mouvement.

Une professeur de théâtre interviewée à Amiens exprima son opposition aux attaques du gouvernement contre l'éducation et contre les enseignants et admit qu'elles n'étaient que la continuation de la politique du gouvernement antérieur de la Gauche plurielle de Lionel Jospin. Le WSWS lui demanda si elle croyait qu'une telle alternative bis au gouvernement actuel pourrait renverser la vapeur. Elle s'exclama, « Il faut qu'on y croie ! ».

Deux jeunes professeurs, Célia et Cécile, qui avaient participé à la longue lutte pour défendre les retraites en 2003 et qui avait suivi la campagne du WSWS pour une perspective socialiste, déclarèrent qu'elles voyaient la nécessité de construire une alternative socialiste aux partis de la Gauche plurielle. Elles reconnaissaient que la situation économique en France comme à l'étranger, signifiait que l'offensive néo-libérale contre les acquis sociaux serait implacable. Elles se rappelaient avec une amertume particulière la trahison finale de Bernard Thibault de la CGT et de Gérard Aschiéri de la FSU le 10 juin 2003. Elles souhaitèrent continuer la discussion sur les perspectives du WSWS.

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