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La Nouvelle-Orléans devient une zone de guerre

Une répétition générale pour la loi martiale ?

Par Bill Van Auken
8 septembre 2005

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Le désastre qui a frappé la Nouvelle-Orléans et la côte du golfe du Mexique a donné lieu à la plus grande mobilisation militaire de l'histoire moderne en sol américain. Un personnel militaire de près de 65 000 individus a été déployé dans le secteur du désastre, transformant ainsi la ville portuaire dévastée en zone de guerre.

Des escouades équipées pour le combat portant fusils d'assaut et des colonnes de « humvees » montés de mitrailleurs prêts à faire feu s'entrecroisaient dans ses rues inondées. Des soldats équipés de baïonnettes ont entrepris la prospection des résidences de la ville afin d'imposer l'évacuation complète de la population civile.

Il devient de plus en plus apparent que l'aide aux citoyens assiégés de la ville a été retardée afin d'attendre que cette force militaire massive soit prête à être déployée.

La Nouvelle-Orléans soumise à une loi martiale de facto, le maire Ray Nagin a émis l'ordre le 6 septembre d'évacuer de force les résidents restants, le nombre estimé de ceux-ci pouvant aller de quelques milliers à des dizaines de milliers. Des représentants de la police de la Nouvelle-Orléans ont indiqué qu'ils étaient préparés à sortir de force les gens de leurs maisons.

Des porte-parole de l'armée américaine avaient d'abord affirmé qu'ils supporteraient l'opération mais ils prétendaient que des soldats en uniforme ne participeraient pas directement à ces expulsions. Par contre, le 7 septembre, le général Joseph Inge, chef adjoint du commandement Nord de l'armée, déclarait aux journalistes du Pentagone que des unités de la Garde nationale, qui sont officiellement sous le contrôle de l'état, pourraient être utilisées pour obliger les gens à quitter.

La proclamation de Nagin faisait valoir que la présence de civils « entraverait » et « dérangerait » l'opération d'évacuation. Certains responsables ont cité la possibilité d'un désastre pour la santé publique résultant de l'inondation de la ville par des eaux polluées par des produits chimiques toxiques et des corps en décomposition.

Peu importe la validité de ces raisons, l'évacuation forcée proposée constituera la plus gigantesque opération militaire dirigée contre le peuple d'une ville américaine depuis la Guerre civile.

Malgré l'inclusion d'équipes médicales, d'hélicoptères de sauvetage et d'autres formes d'aide dans le déploiement de l'armée américaine, les contingents de troupes les plus importants ont été déployés en tant que force d'occupation militaire, pour protéger la propriété privée et supprimer les perturbations civiles.

Dans ses communiqués de presse continuels, le Pentagone se vante d'avoir livré à la ville des millions de repas, de galons d'eau et de livres de glace au cours des derniers jours. Toutefois, ces comptes-rendus soulèvent la question de la non disponibilité de ces approvisionnements durant les quatre premiers jours suivant la tempête, lorsque des résidents pauvres de la ville étaient littéralement en train de mourir dans les rues.

La majeure partie de la population ayant quitté la ville, les plus importantes opérations d'approvisionnement n'impliqueront pas d'aide aux victimes de l'ouragan mais un soutien logistique pour les dizaines de milliers de troupes elles-mêmes.

Les défenseurs de l'administration Bush ont fait des déclarations manifestement fausses à savoir que personne n'aurait pu prévoir un désastre à cette échelle, tout en tentant de diriger le blâme vers les dirigeants de l'État et les autorités locales. Le délai fatal dans les secours a été attribué par les opposants de l'administration à l'incompétence criminelle du gouvernement et à son apparente indifférence à la situation critique de la population majoritairement pauvre et noire de la Nouvelle-Orléans.

Même si, sans aucun doute, l'incompétence et l'indifférence ont joué un rôle important, tout porte à croire que l'aide fut volontairement retenue par la Maison blanche et la Pentagone en tant qu'élément d'une stratégie visant à imposer un contrôle militaire sans entrave sur la ville.

Tant des victimes de l'ouragan que des fonctionnaires ont fourni de multiples comptes-rendus indiquant comment les autorités américaines ont retourné de l'aide et bloqué des tentatives de sauvetage dans les jours suivant la rupture des digues de la ville.

Aaron Broussard, président de Jefferson Parish, par exemple, a fondu en larmes durant une apparition à l'émission de télévision « Meet the Press » sur NBC, déclarant : « Ce n'est pas seulement Katrina qui a causé toutes ces morts en Nouvelle-Orléans, ici. La bureaucratie a commis le meurtre ici, dans la plus grande région de la Nouvelle-Orléans. »

Il a cité des actions répétées de la FEMA (secours civils) impliquant le sabotage délibéré des secours. Il a rapporté que la FEMA aurait retourné des camions chargés d'eau envoyés par Wal-Mart affirmant que la ville n'en avait pas besoin. Il a dit aussi que l'offre par la garde côtière de carburant, urgemment nécessaire pour faire fonctionner les génératrices, avait été annullée par la FEMA.

Enfin, il a affirmé qu'un jour plus tôt des agents de la FEMA étaient venus et « avaient coupé chacune des quatre lignes de communication d'urgence » sans aucun avertissement. Le shérif local, ajouta-t-il, a fait reconnecter les lignes et posté ensuite des gardes armés afin qu'elles ne soient pas coupées de nouveau.

Ce dernier, et plus sinistre, exemple est conforme à la « guerre d'information », doctrine du Pentagone, qui exige un contrôle total des communications dans une zone ciblée pour l'invasion et l'occupation.

Denise Bottcher, porte-parole de la gouverneure Blanco, a de plus accusé la FEMA d'avoir sciemment bloqué des offres d'aide du maire de Chicago Richard Daley, du gouverneur du Nouveau-Mexique Bill Richardson et d'autres.

Un porte-parole de la sénatrice Mary Landrieu (démocrate, Louisiane) a aussi déclaré aux médias que la FEMA avait suspendu l'aide provenant d'organismes publics et privés, retardé l'autorisation au service forestier américain d'utiliser un avion-citerne pour éteindre les feux et retardé l'arrivée de trains Amtrak pour évacuer les gens de la ville. Des offres de compagnies privées pour la fourniture d'équipements de communication ont aussi été suspendues par l'organisme. Il y a eu aussi des rapports affirmant que la Croix-Rouge avait été empêchée d'aller dans la ville et que la FEMA avait refusé de permettre le déchargement de nourriture, d'eau et d'équipements médicaux apportés par bateaux dans le port de la Nouvelle-Orléans.

L'objectif apparent de ce comportement obstructionniste organisé par l'organisme qui est supposément responsable de la coordination des secours était de bloquer toute aide significative jusqu'à ce que l'armée puisse intervenir dans la ville avec une force écrasante.

C'est ce qui est arrivé le 2 septembre, des commandants militaires traitant la Nouvelle-Orléans comme zone de combat. C'est le terme qu'a utilisé le général Gary Jones, de la Garde nationale de Louisiane, dans une entrevue à Army Times.

« Cet endroit va ressembler à une petite Somalie, » a déclaré le général Jones. «Nous irons et nous reprendrons cette ville. Ce sera une opération de combat afin d'avoir cette ville sous contrôle. » Le journal a compris clairement le message, faisant référence dans son reportage aux troupes entrant en jeu pour « combattre l'insurrection dans la ville. »

Il y a eu de nombreux rapports de résidents de la Nouvelle-Orléans se faisant traiter en effet comme s'ils étaient des « insurgés, » la police et des troupes interdisant l'accès à la ville pour empêcher les gens d'essayer de quitter.

Plus de 1000 policiers et troupes de la Garde nationale furent envoyés le 2 septembre prendre le contrôle du Centre des congrès de la Nouvelle-Orléans : une des zones où l'on avait laissé les évacués mourir. Les autorités militaires faisaient référence à l'opération en tant que mission « dégager et défendre, » utilisant la phraséologie employée par le Pentagone pour décrire ses attaques sur des villages en Iraq où se trouve une résistance substantielle à l'occupation américaine.

Le lieutenant général H. Steven Blum, chef du Bureau de la Garde nationale, s'est vanté d'avoir « pris d'assaut le centre des congrès, » tout en avouant aux journalistes du Pentagone : « Nous avons attendu d'avoir assez de forces en place pour constituer une puissance écrasante. »

Questionné spécifiquement par un journaliste si le rassemblement de ces forces constituait la raison pour laquelle il aura fallut attendre jusqu'au 2 septembre pour que la Garde nationale arrive avec une quelconque aide significative, Blum répondit : « Ce n'est pas seulement juste, c'est exact. Vous avez exactement exprimé de façon concise ce qui était nécessaire et je vous ai dit pourquoi. Nous avons pris le temps de bâtir les bonnes forces. »

De plus, le même jour, des représentants de l'administration Bush ont envoyé à la gouverneure de la Louisiane Kathleen Blanco un document juridique exigeant qu'elle cède par écrit le contrôle de la Garde nationale de l'État ainsi que des unités de police locales et d'État. La note recherchait leur mise sous tutelle fédérale en invoquant l'Acte sur l'insurrection, un code de loi permettant au président de prendre contrôle des milices de l'État sous condition que les gouvernements d'État eux-mêmes ne sont pas en mesure de « supprimer la rébellion. »

Blanco a rejeté cette demande, la voyant sans aucun doute comme l'aveu d'un échec de sa propre administration.

Pour Bush, l'appropriation du contrôle militaire total était une question d'importance politique. Selon l'Acte sur l'insurrection, le président américain doit donner l'ordre public à ceux en « rébellion » de cesser et de se disperser. Il y a peu de doute que s'il avait reçu le consentement de la gouverneure de la Louisiane, il serait allé en ondes en tant que « commandant en chef », dans une tentative visant à dissiper la vague d'indignation balayant le pays face à la réponse du gouvernement au désastre.

Dès le 29 août, un porte-parole de la Maison blanche Scott McClellan disait à la presse que « la loi martiale avait maintenant été déclarée au Mississippi et en Louisiane, » un signe des intentions de l'administration mais non la réalité législative dans aucun des deux états.

Empêché de prendre un contrôle militaire total, Bush a dépêché le lieutenant général Russell Honore du commandement Nord américain pour mettre sur pied une structure de commandement parallèle supervisant les troupes en service actif.

Les médias ont adulé Honore, le saluant comme le « John Wayne » de la Nouvelle-Orléans, les résidents de la ville assumant sans doute le rôle des Indiens. Leurs commentaires tendaient à faire valoir que l'armée est la seule institution qui puisse « faire le travail. »

Que l'organisme civil qui a été créé pour gérer de tels désastres, la FEMA, ait été vidé de ses moyens et qu'un ancien organisateur de concours hippique au chômage, Michael Brown, soit placé à sa tête, a tout à voir avec de telles perceptions.

Le plus inflexible partisan de la thèse selon laquelle l'armée doit assumer la direction est le Wall Street Journal, dont le bureau de rédaction profite des plus intimes relations politiques avec la Maison blanche de Bush. Dans un éditorial du 6 septembre intitulé « Bush et Katrina, » le Journal a fait le commentaire suivant : « Le gâchis de la Nouvelle-Orléans ne s'est amélioré qu'après l'implication du Pentagone. Même si l'armée est normalement exclue de l'application domestique de la loi par un acte de 1878, Posse Comitatus, les responsables à la Défense ont fait preuve de beaucoup d'imagination au sujet de ce qu'ils peuvent faire et de ce à quoi le public s'attend maintenant à la suite du 11 septembre.»

La réaction de Washington au désastre de la Nouvelle-Orléans n'est certainement pas une manifestation « d'imagination, » encore moins « de ce à quoi le public s'attend maintenant. »

En réalité, l'élite américaine et les deux principaux partis ont utilisé le 11 septembre comme prétexte pour mettre en uvre des attaques d'une grande portée sur les droits démocratiques et ouvrir une brèche dans les barrières juridiques, comme le Posse Comitatus, qui empêchent l'utilisation de la force militaire contre le peuple américain.

Le mois dernier seulement, le Washington Post publiait un article révélant que le commandement Nord de l'armée américaine avait développé une série de « plans de guerre » pour que l'armée « assume la direction » lors de crises domestiques.

Même si apparemment ces plans impliquaient une réaction à des supposées attaques terroristes, incluant la détonation d'un dispositif nucléaire dans une ville américaine majeure, la catastrophe qui a frappé la Nouvelle-Orléans a fourni les conditions idéales pour mettre ces plans à l'essai.

Le recours grandissant à l'armée, toutefois, n'est une réaction ni aux menaces terroristes, ni aux catastrophes naturelles. Sur la scène internationale, l'élite dirigeante américaine s'est tournée vers l'emploi de l'attaque militaire et la saisie d'actifs stratégiques et de territoires comme moyens pour compenser le déclin relatif de la position du capitalisme américain dans l'économie mondiale.

Sur son territoire, le tournant vers la loi martiale est une manifestation des craintes grandissantes à l'intérieur de l'incroyablement riche oligarchie financière américaine que les conditions de polarisation sociale et le constant déclin des conditions de vie de la vaste majorité des travailleurs ont créé un baril de poudre social.

Le refus délibéré de fournir nourriture, eau et moyens d'évacuation à des dizaines de milliers d'habitants de la Nouvelle-Orléans afin de préparer un exercice militaire constitue un crime. C'est aussi un avertissement que l'intensification de la crise sociale aux États-Unis accentue la menace de répression militaire et de dictature.

 

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