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Le chef des Verts ouvre la voie à une collaboration avec la droite

Par Peter Schwarz
(Article original paru le 23 septembre 2005)

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Le 20 septembre, Joshka Fischer, le ministre des Affaires étrangères allemand, annonça qu'il abandonnait ses responsabilités à la tête des Verts. Suite à la défaite de la coalition SPD-Verts aux élections législatives du 18 septembre, il cherche pour lui-même et pour son parti un nouveau havre politique.

Après l'élection peu concluante de dimanche dernier, les partis politiques allemands se démènent pour former une coalition viable. Fischer offre en fait ses services pour une coalition avec les partis conservateurs de la CDU/CSU (Union démocrate-chrétienne et Union sociale-chrétienne) et le FDP libéral.

C'est la seule conclusion qu'on puisse tirer des discussions intensives dont sont remplis les journaux allemands et qui furent engagées avec autant de résolution par la direction des Verts que par celle des conservateurs. Les Verts se comportent comme une fiancée rougissante: affectée, flattée et ... décidée à ne pas dire non.

Il est difficile de dire si une telle coalition verra le jour. Si elle échouait, ce ne serait pas dû à un manque de volonté des Verts qui ont déjà montré qu'ils étaient capables de tout. Il est plus probable qu'elle échouerait parce que dans le camp conservateur on préfère une « grande coalition » avec le SPD.

Chaque jour qui passe montre plus clairement la volonté des Verts à contribuer à la formation d'un gouvernement stable sous la direction des conservateurs. Le « nouveau chapitre dans l'histoire des Verts » que Fischer avait annoncé mardi mènera les Verts loin dans le camp de la droite bourgeoise.

Du point de vue politique rien ne s'y oppose. Pourquoi Fischer qui a apporté son soutien au président américain Bush dans sa guerre en Afghanistan, ne devrait-il pas collaborer avec Merkel, Stoiber et Westerwelle? Et qu'est-ce qui empêche les Verts, qui partagent la responsabilité des lois « Hartz IV » (réforme de l'assurance chômage) et de l' « Agenda 2010 » de soutenir des mesures de destruction de l'Etat social plus drastiques encore, en collaboration cette fois avec la droite conservatrice?

La métamorphose des Verts

Aucun homme politique n'incarne mieux que Fischer la métamorphose qui s'est opérée chez les Verts. Il conduisit ce parti, né en réaction au tournant à droite effectué par le SPD sous la direction du chancelier Helmut Schmidt, dans une alliance avec le SPD. En 1985, Fischer, alors encore en baskets, prêtait serment en tant que premier ministre Vert d'un gouvernement régional en Hesse. Treize ans plus tard, il faisait son entrée, en costume trois pièces cette fois et en tant que vice-chancelier, au gouvernement fédéral mené par le SPD.

Les Verts qui sont issus du mouvement écologiste et pacifiste extra-parlementaire et dont les milieux dirigeants viennent de la génération protestataire de 1968, se sont transformés sous la direction de Fischer en un parti fiable de la politique officielle. Il n'y a pas de promesse électorale, pas de principe jadis proclamé qu'ils n'aient entre temps désavoué.

Les Verts qui commencèrent avec la démocratie de base, le principe rotatif et les quotas pour les femmes finirent par pratiquer le culte d'une personnalité comme Fischer, un macho et un poseur. Eux, qui défendaient un pacifisme inconditionnel furent admis au gouvernement après avoir approuvé la guerre en Yougoslavie et l'envoi de troupes de l'armée allemande dans tous les coins du globe. Ils promirent de sortir du nucléaire et au lieu de cela ils assurèrent aux trusts énergétiques un nouveau bail pour exploiter des centrales nucléaires dépassées. Ils promirent la république sociale et soutinrent l'Agenda 2010 et les lois Hartz IV. Ils firent l'éloge de la démocratie et de la défense des immigrés et soutinrent les lois anti-terroristes et l'abolition du droit d'asile.

Les média ont apprécié les services de Fischer. Ils en firent une superstar et, suivant ses récentes déclarations, le couvrirent de louanges tellement exagérées que c'en était embarrassant. « Lui seul pouvait faire preuve d'une telle force de persuasion » écrit le Spiegel élogieux. « C'est précisément parce que sa vie fut pleine de ruptures que la base du parti le suivit comme les israélites ont suivi Moïse. Il marcha devant et parfois il fendit les eaux, fracassa des veaux d'or. Fischer fut le grand « dés-idéologiseur » des Verts; il put l'être parce qu'il remplaça les clichés politiques par le charisme politique ».

Cette « désidéologisation » s'effectua à un rythme époustouflant durant les sept années du gouvernement de la coalition rouge-verte. Les Verts pacifistes ne devinrent pas seulement les défenseurs d'une armé de métier intervenant dans le monde entier, ils s'engagèrent encore avec force pour les lois Hartz IV et pour un strict contrôle budgétaire. Et, comme l'avait fait le FDP dans les années 1970 dans une coalition avec le SPD, ils s'assurèrent que ce dernier ne cède pas à la pression de ses électeurs ouvriers.

La conséquence de cette politique de droite fut la défaite de la coalition rouge-verte. Le dernier gouvernement régional rouge-vert était tombé le 22 mai en Rhénanie-Westphalie et le 18 septembre le SPD et les Verts perdaient leur majorité dans toute l'Allemagne.

Les Verts passent dans le camp conservateur

A présent, les Verts cherchent un nouveau domicile politique dans le camp des chrétiens- démocrates et des libéraux. En abandonnant ses fonctions, Fischer leur a ouvert la voie.

Le surlendemain de l'élection, il annonça aux députés de son parti qu'il ne souhaitait pas poursuivre dans ses fonctions de chef du groupe parlementaire ni d'autres fonctions au sein du parti ou du groupe. Il acceptait son mandat au Bundestag et, dans le cas où les Verts participeraient à un gouvernement, il était aussi prêt à assumer des fonctions ministérielles. Il ne dit pas dans quel type de gouvernement.

Par cette retraite tactique Fischer, qui avait encore fait campagne en faveur d'une coalition rouge-verte comme tête de liste des Verts aux élections législatives, permet à d'autres dirigeants de se positionner au sein de la direction du parti pour ouvrir la voie en direction des conservateurs. Parallèlement, il pose par là les fondements d'une réorientation politique. Il contrecarre aussi les efforts du SPD pour établir malgré tout un gouvernement commun avec les Verts, soit sous la forme d'un gouvernement «feu tricolore » avec le FDP soit sous celle d'un gouvernement minoritaire. Il signale par sa démission qu'une telle option ne l'intéresse plus.

Le ministre-président de Thuringe, Dieter Althaus, considéra la décision de Fischer comme un signal en faveur d'une alliance des Verts, des conservateurs et du FDP. En se retirant de ses fonctions, Fischer avait permis que « se produise plus d'activité », il y avait maintenant « une plus grande ouverture pour des négociations » dit le politicien de la CDU à l'agence dpa et réclama également de la part de son propre parti la plus grande ouverture possible. Le retrait de Fischer de ses fonctions à la tête des Verts permettait selon lui de produire davantage de points de contacts avec eux. Les « choses qui ont joué un rôle dans la campagne électorale [sont ainsi] un morceau d'histoire », dit Althaus. « Si on laisse se dissiper le brouillard électoral, il y aura certainement un accord sur toute une série de points ».

Il est évident que les Verts sont plus que disposés à s'entendre avec la CDU/CSU et le FDP. D'abord, il y a la cour intense qui leur est faite par les politiciens influents de la CDU et du FDP et l'écho favorable que cela trouva dans leur parti. Outre Althaus, de nombreux autres politiciens de la CDU, parmi lesquels l'ancien président du parti, Wolfgang Schäuble, se sont mis à approuver ouvertement une coalition des trois partis CDU, FDP et Verts. Cette option était selon eux préférable à une grande coalition parce que cette dernière conduirait à un renforcement de la frange politique à gauche et à droite, dit Schäuble au journal Süddeutsche Zeitung.

La présidente de la CDU, Angela Merkel, déclara qu'elle ne voulait pas abandonner trop vite l'option d'une coalition CDU, FDP et Verts ; et des signaux positifs à cet égard vinrent même de la centrale de la CSU à Munich.

Au FDP, le vice-président du parti, Andreas Pinkwart, la dirigeante du FDP en Bavière, Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, et le chef du groupe parlementaire du Land de Schleswig-Hoslstein, Wolfgang Kubicki, se déclarèrent, entre autres, en faveur d'une coalition avec les Verts.

Le vice-président du FDP, Rainer Brüderle, dit au journal Bild : « Si on analyse les programmes des partis de façon détaillée, la réconciliation de l'écologie et de l'économie est possible; si la CDU, les Verts et le FDP sortent d'eux-mêmes, on peut y arriver ». Et l'expert financier du FDP, Otto Solms, vit des points d'accord au niveau de la politique financière et fiscale. Les Verts eux aussi prenaient fait et cause pour une législation fiscale simplifiée, dit-il au quotidien Rheinische Post.

Plusieurs Verts de premier plan se sont exprimés positivement vis-à-vis d'une coalition avec le FDP et la CDU/CSU, tels Oswald Metzger, expert en questions budgétaires Uschi Eid, tête de liste des Verts en Bade-Wurtemberg, et le député Vert bavarois au Bundestag, Jerzy Montag. D'autres tiennent l'affaire pour prématurée mais pensent qu'elle a un sens pour l'avenir. Le président des Verts de Brême, Dieter Mützelburg dit ainsi : « En principe, je ne dirais pas non à une coalition entre le FDP, la CDU et les Verts. Mais je ne crois pas que se soit maintenant le bon moment. » Les deux secrétaires nationaux des Verts, Claudia Roth et Reinhard Bütikofer, ont toujours souligné qu'ils étaient prêts à participer aux discussions exploratoires avec la CDU, auxquelles Angela Merkel les a invités vendredi.

Un parti bourgeois de la classe moyenne

L'évidence avec lequel on discute à Berlin d'une coalition CDU, FDP et Verts et le fait que même les politiciens conservateurs les plus à droite n'excluent plus une collaboration avec les Verts montrent combien ce parti, que beaucoup avait jadis considéré comme une alternative de gauche au SPD, est allé à droite à l'intérieur du camp bourgeois.

Les Verts sont devenus le parti d'une classe moyenne urbaine à revenus élevés et ils réagissent à la croissance de la pauvreté et du chômage de la même façon que les autres partis bourgeois, en allant à droite.

Les questions de mode de vie qui séparait jadis les Verts des partis bourgeois établis ont beaucoup perdu de leur acuité, ce qui est déjà visible dans le fait que le FDP est conduit par quelqu'un qui dit ouvertement être homosexuel et la CDU par une femme divorcée, sans enfant et protestante, ce qui, il y a encore vingt ans, aurait été impensable.

La protection de l'environnement, le cheval de bataille des Verts, est devenu un secteur économique profitable grâce auquel de nombreux partisans du FDP et de la CDU gagnent leur l'argent, allant de la vente de produits écologiques jusqu'aux éoliennes. Et, face à la hausse du prix du pétrole, l'industrie elle-même reconnaît la nécessité de trouver de nouvelles sources d'énergie. Une interview, donnée récemment au quotidien taz par Ralf Fücks, le dirigeant de la fondation Heinrich Böll qui est liée au parti Vert, montre combien les Verts se sont rapprochés des conservateurs et des libéraux du point de vue programmatique.

Fücks dit à propos de la coalition rouge-verte: « Il n'y aura plus jamais d'alliance historique, de projet de génération de ce type... Le gouvernement rouge-vert était important pour nous rendre capables de gouverner et pour faire avancer la modernisation écologique. Cela n'a pas forcément fait du bien aux Verts du point de vue programmatique... Nous sommes pour un autre projet de justice sociale que celui du SPD. Ce qui est Vert c'est la combinaison entre autodétermination, prise en charge de soi et solidarité. La participation sociale a lieu à travers l'accès à des biens publics tels que l'enseignement et la culture. Les sociaux-démocrates se concentrent davantage sur les paiements sociaux de transfert ».

« Autodétermination », « prise en charge de soi », refus de « paiements sociaux de transfert», ce sont des slogans comme on en trouve dans les programmes du FDP et d'autres partis néo- libéraux. Des étiquettes vertes pour la politique de Merkel et Kirchhof.

Fücks continue dans la même veine: « Il s'agit d'une nouvelle combinaison d'assurance sociale élémentaire et d'auto-prévoyance. Si les syndicats s'étaient décidés il y a quinze ans à détourner une partie des hausses de salaires vers les fonds d'investissement alors les salariés d'aujourd'hui seraient les grands actionnaires de la république ». Il réclame « un nouvel équilibre entre les investissements publics et les transferts sociaux. Nous dépensons trop pour garantir le revenu et pas assez pour l'avenir ». Peter Hartz, qui donna son nom aux lois attaquant l'Etat social, n'aurait pas dit mieux.

Fücks tire le bilan suivant: « Les Verts représentent aujourd'hui le milieu innovateur de la société». Les récents événements devraient ouvrir les yeux à tous ceux qui se bercent d'illusions que ce parti a encore la moindre chose à voir avec une politique de gauche.

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