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Grande-Bretagne: la police tire sur un homme lors d’une «descente antiterroriste»

Par Rick Kelly
8 juin 2006

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Vendredi dernier, aux petites heures du matin, un travailleur des postes de 23 ans, Abdul Kahar Kalam, fut atteint d’un coup de feu à l’épaule lors d’une importante descente policière dans l’est de Londres. Environ 250 officiers de police auraient participé à cette opération, réagissant apparemment à des «renseignements précis» sur le développement d’un engin chimique «potentiellement fonctionnel» dans la maison. Kahar, qui a été soigné pour ses blessures et qui a obtenu son congé d’hôpital dimanche, a été arrêté sous la loi antiterroriste, tout comme son frère de 20 ans, Abdul Koyair Kalam. Les deux sont présentement détenus au commissariat de police à haute sécurité de Paddington Green à Londres.

La police a fourni très peu de détails sur tous les aspects du dossier, incluant la nature du soi-disant complot terroriste, la descente elle-même, et les circonstances entourant le coup de feu qui a atteint Kahar. Étant donné le silence sur l’affaire et la série de reportages contradictoires qui ont été publiés, il est impossible de déterminer avec certitude ce qui est précisément arrivé. Cependant, les informations qui ont été rapportées jusqu’à maintenant soulèvent plusieurs questions importantes quant à la nature de la soi-disant activité terroriste et la réaction de la police face à celle-ci.

Les avocats des deux hommes ont insisté sur le fait qu’ils étaient innocents. Julian Young a soutenu que Koyair, qui travaille dans un supermarché, «nie toute implication dans la réalisation, préparation, ou instigation d’attentat terroriste et il a maintenu cette position depuis le début... Il ne connaît rien à propos du cyanure, des explosifs ou des vestes ou des ceintures constituées d’explosifs, ou des bombes ou des armes à feu.»

Kate Roxburgh, qui représente Kahar, qui travaille pour les postes britanniques, a nié de la même façon que son client était impliqué d’une quelconque manière dans le terrorisme. Dans une déclaration expliquant comment il avait été atteint par le coup de feu, les avocats de Kahar ont expliqué: «Il a été réveillé vers quatre heures du matin par des cris venant d’en bas; il est sorti du lit en pyjama, évidemment non armé et sans rien dans les mains, et il s’est dépêché de descendre l’escalier. Alors qu’il descendait l’escalier, ne pouvant savoir ce qui se passait plus bas, la police est apparue à un tournant, se dirigeant vers lui, et a fait feu, sans aucun avertissement. On ne lui a pas demandé de ne plus bouger, on ne lui a donné aucun avertissement, il ne savait pas que les gens dans sa maison étaient des officiers de police avant qu’on ne lui tire dessus. Il est chanceux d’être encore en vie.»  

Le compte-rendu de Roxburgh rappelle l’exécution de Jean Charles de Menezes par la police dans le métro de Londres l’an dernier. Menezes, immigrant brésilien et électricien qui n’entretenait aucun lien avec le terrorisme, fut atteint de plusieurs coups de feu à la tête, à bout portant, tirés par des officiers en civils. Le Ministère public étudie présentement un rapport de la Commission indépendante des plaintes contre la police et considérerait porter des accusations contre le préfet de la Police métropolitaine, Sir Ian Blair.

On ne sait pas encore si la police a tiré sur Kahar selon sa politique «tirer pour tuer» qui avait été révélée pour la première fois à la suite du meurtre de Menezes. La police n’a pas admis avoir fait feu sur Kahar, alors qu’un reportage de News of the World a allégué qu’il avait été atteint accidentellement par son frère après que celui-ci eut mis la main sur un pistolet de la police durant une échauffourée avec les officiers.

L’avocat de Koyair, Julian Young, a rejeté ces allégations, qui découleraient d’informations fournies par une «source de Whitehall» selon News of the World De tels rapports contradictoires nous rappellent encore une fois la campagne de désinformation et de mensonges qui a pris place à la suite du meurtre de de Menezes et lors de laquelle on avait soutenu au départ que le jeune travailleur transportait possiblement une bombe et qu’il avait tenté de fuir au moment de son arrestation.

Les avocats de Koyair ont aussi condamné la police pour avoir divulgué des renseignements sur le soi-disant complot terroriste aux médias alors qu’eux, les représentants des accusés, n’y avaient pas accès. «Les expressions ‘étouffer l’affaire’ et ‘Stockwell’ [la station de métro où de Menezes fut tué] nous viennent à l’esprit», a déclaré Young.

La maison d’une famille d’immigrants, voisine de celle des deux frères qui ont été arrêtés, a aussi été perquisitionnée. La police aurait interrogé la famille, quatre adultes et un bébé âgé de huit mois, durant 12 heures avant de les relâcher sans accusation. La famille, dont le nom n’a pas été divulgué, a par la suite déclaré que «nous voulons être clairs: nous sommes entièrement innocents et nous ne sommes impliqués d’aucune façon dans une quelconque activité terroriste.»

Le père a condamné la descente de police violente: «Nous aimerions exprimer notre profonde colère et le grand choc que nous avons subi en conséquence de l’opération qui a pris place, a-t-il déclaré Les membres de ma famille et moi-même avons été assaillis physiquement. J’ai reçu de grands coups à la tête qui ont demandé que je sois hospitalisé.» Une femme présente dans la maison a aussi dû être hospitalisée pour choc.

Un porte-parole de la famille a dit qu’elle considérait entreprendre des poursuites contre la police pour entrée illégale et assaut et avait embauché Gareth Peirce, l’avocat spécialisé dans les droits humains qui a travaillé sur le cas de de Menezes.

La police a déclaré que les descentes étaient nécessaires parce qu’une bombe chimique avait été développée sur ces lieux. La police a surveillé les appels téléphoniques, les courriers électroniques et les allées et venues de Kalam dans les semaines précédant l’opération de vendredi après qu’un informateur l’eut dénoncé au MI5 le mois passé.

Selon le Sunday Times, l’informateur est une connaissance de l’homme et il l’a entendu expliquer comment il voulait remplir un sac de tissu avec des explosifs. Le quotidien rapporte aussi que l’on croyait que la bombe contenait beaucoup de cyanure, un produit chimique dangereux qui se disperserait en un nuage toxique si la bombe explosait. 

Aucune substance dangereuse ou suspecte, que ce soit chimique ou explosive, n’a été trouvée lors de la fouille poussée de la police.

Malgré le sensationnalisme de la couverture de la descente par la majorité de la presse britannique (certains sont allés jusqu’à rapporté que l’on «suspectait une usine de bombes à poison»), les circonstances entourant l’opération suggèrent que la police n’a jamais pensé trouver la moindre substance chimique dans les deux maisons.

Les autorités n’ont toujours pas expliqué pourquoi elles avaient imposé une zone de restriction aérienne dans laquelle il était interdit aux avions de voler à moins de 2500 pieds, mais n’ont pas décidé d’évacuer un seul voisin avant la descente. Un cordon policier a été formé à seulement trente mètres de la maison alors que les fouilles avaient lieu.

Les premiers officiers de police à entrer dans la maison ne portaient aucun équipement de protection contre une attaque chimique. Selon News of the World, des experts en biochimie n’ont commencé les recherches des substances chimiques que cinq heures après que la descente eut commencé. Avant que cette fouille ne commence, la police a soi-disant enquêté sur les circonstances entourant les tirs sur Kahar.

Alors que le directeur-général du MI5 a donné des détails sur les prétendues activités terroristes au premier ministre Tony Blair et au secrétaire de l’Intérieur John Reid avant la descente, le niveau d’alerte nationale de la terreur n’a pas été changé, restant à «important, général».

Un officiel qui n’a pas été nommé a contredit plusieurs reportages selon lesquels la police croyait que la soi-disant bombe chimique était «amorcée et prête à exploser». «Ils avaient des renseignements sur ce qui devaient entrer dans la composition de la bombe, a-t-il déclaré au Sunday Times [La police] ne serait probablement pas entrée [dans la maison] si elle avait eu des doutes sérieux qu’il y avait une bombe chimique.»

De plus, la maison jumelée en banlieue de Londres serait un lieu mal commode pour la production d'armes chimiques. Les deux hommes, qui sont nés à Londres de parents venant du Bangladesh, vivaient ensemble dans la maison à trois chambres avec au moins huit autres personnes, y compris leurs parents. «Ça ne fait aucun sens qu'il y aurait une arme chimique dans la maison où ils vivent avec leur mère», a dit un voisin aux médias.

Il est également apparu que Kahar et Koyair pourraient avoir su qu'ils étaient sous surveillance policière. Au cours des dernières semaines, des résidants ont vu des hommes assis dans des voitures non identifiées, garées aux deux bouts de Lansdown Road. «Pendant environ trois mois, ils restaient là, chacun à un bout de la rue, de 9:00 du matin à 6:00 du soir», a déclaré à Independent un résidant âgé de 19 ans, Ashish Khetani. «Ils étaient en civil, mais nous savions qu'ils venaient de la police en raison des téléphones, des tasses de thé et de la paperasse» 

Selon des compte rendus de presse, les deux frères étaient connus de la police, ayant commis cambriolages et vols quand ils étaient plus jeunes. Les hommes sont plus tard devenus de fervents religieux, laissant pousser leur barbe et adoptant le code vestimentaire islamique.

Vendredi, devant le Royal London Hospital où était traité Kahar, ses amis ont protesté contre l'attaque par balles et l'arrestation qu'il a subies. Il a été rapporté que Kahar tirait une grande fierté de son emploi aux postes britanniques et montrait à des amis ses fiches de paye, les encourageant à faire application. Un de ses collègues, Lutfur Rahman, a indiqué au Sunday Times qu'il était sûr que Kahar n'était impliqué dans le terrorisme. «Quand je vois toutes ces choses à la télé, c'est comme s'ils parlent d'une autre personne», a-t-il dit.

«On se tient toujours ensemble», a dit un parent au Guardian après avoir visité Kahar à l'hôpital. «S'il était un militant, pensez-vous qu'il se tiendrait ainsi avec moi? Il travaille pour les postes britanniques, il travaille pour le gouvernement à livrer le courrier. Il aime sa motocyclette et nous faisons des tours dessus à Enfield. Il se rendait au centre sportif pour se mettre en forme pour l'été. Ce n'est pas un mauvais garçon. Il prie, et puis? Nous prions tous.»

Un jeune homme de la région a dit au journal qu'il croyait que Kalam a pu avoir été victime d'une vendetta. «Nous connaissons tous Guantanamo», a-t-il dit. «Ils peuvent enlever votre frère et vous ne le revoyez jamais. »

Il y a tout lieu de questionner la véracité de la version rapportée de l'attaque par balles contre Kahar et des événements ayant mené à la descente de vendredi dernier. Le gouvernement Blair a utilisé la prétendue guerre contre la terreur pour fouler aux pieds des droits démocratiques et des normes constitutionnelles de longue date. Ces dernières années, des descentes policières massives, visant dans plusieurs cas des personnes innocentes, ont servi à accoutumer les gens ordinaires à des méthodes d'État policier, à préparer le terrain pour d'autres lois «anti-terroristes» répressives, et à détourner l'attention publique des problèmes intérieurs du gouvernement.

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