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Pourquoi les agences de sécurité canadiennes ont-elles laissé le présumé complot terroriste se développer?

Par Keith Jones
13 juin 2006

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Les reportages des médias, dont les informations proviennent en grande partie du gouvernement, de la police et du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), indiquent que les forces de sécurité canadiennes ont laissé le présumé complot terroriste de Toronto prendre forme et se développer durant plusieurs mois, et même durant plusieurs années, et ce, avec l’approbation de leurs supérieurs politiques.

Ces reportages, ainsi que la feuille de route des forces de sécurité canadiennes, suggèrent fortement que les supposés terroristes, pour la plupart de jeunes hommes ou des garçons, auraient été manipulés par un ou plusieurs agents provocateurs.

Depuis samedi de la semaine dernière, le gouvernement minoritaire conservateur, le SCRS, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et les médias ont cherché à alimenter la peur du public en affirmant que seule l’action rapide des forces de sécurité canadiennes avait pu empêcher les Canadiens d’être victimes d’une série d’atrocités planifiées par un groupe de 17 terroristes inspirés par Al-Qaïda. Lors d’une conférence de presse le week-end dernier, le commissaire-adjoint de la GRC, Mike McDonnell, a soutenu que le présumé groupe terroriste de Toronto «posait une réelle menace. Il avait la capacité et l’intention de mener ces attaques.»

Mais l’histoire qui ressort d’une lecture approfondie des reportages de la presse est très différente: chaque mouvement du groupe de Toronto était étroitement surveillé par l’État canadien; les forces de sécurité avaient depuis longtemps accumulé assez de preuves pour pouvoir arrêter la majorité sinon toutes les personnes du groupe, mais elles ne l’ont pas fait, préférant «démanteler le complot terroriste» au moment qui leur conviendrait et de la façon qui servirait le mieux leurs objectifs et ceux du gouvernement; lorsque certains membres du groupe auraient tenté d’obtenir les matériaux pour faire une bombe, ceux avec qui ils auraient fait affaire pour obtenir de l’engrais au nitrate d’ammonium étaient des policiers en civil

Le SCRS et la GRC ont déclaré que les membres du présumé groupe terroriste étaient sous surveillance depuis 2004. D’importants ministres du gouvernement actuel et de son prédécesseur libéral ont admis avoir été au courant depuis des mois de l’opération policière contre le groupe de Toronto. La ministre libérale de la Sécurité publique Anne McClellan et le ministre de la Défense Bill Graham avaient été informés en décembre 2005 au plus tard.

Chrisitie Blatchford, journaliste aux affaires criminelles au Globe and Mail, bien connue pour son rôle d’intermédiaire de la police et de la Couronne, a écrit jeudi que, à partir de décembre dernier, alors qu’une partie du groupe aurait participé à un camp d’entraînement de guérilla, les autorités «avaient suffisamment de preuves» pour procéder à des arrestations. Des commandos de l’unité militaire spéciale canadienne, Joint Task Force-2, avaient été déployés à quelques minutes d’hélicoptère du camp et une équipe de surveillance de la GRC et du SCRS examinaient minutieusement les activités à cet endroit. Toutefois, la seule intervention réalisée par les autorités canadiennes fut de convaincre les résidants des villages près de Washago, qui avaient remarqué l’envahissant camp d’entraînement parmi eux, de ne pas avertir les «suspects terroristes» que les résidants étaient au courant de leur présence.  

Blatchford affirme que ses sources du service de sécurité lui avaient révélé, alors que leur longue surveillance se poursuivait, «qu’ils pouvaient à peine croire... ce qui était advenu du petit groupe d’amateurs relativement inoffensif qu’ils avaient connus au départ.»

Autrement dit, les autorités canadiennes, selon les aveux de leurs propres agents de sécurité, ont été témoins du développement d’un groupe terroriste, décidant de ne pas intervenir alors qu’ils avaient suffisamment de preuves pour procéder à des arrestations et porter des accusations criminelles.

La durée et l’ampleur de la surveillance par l’État, la volonté des autorités de permettre à une supposée conspiration terroriste de croître et le fait que des membres du groupe aient finalement été arrêtés au cours d’une opération montée par la GRC et le SCRS suggèrent fortement que le groupe a été infiltré.

Selon Blatchford, le SCRS a rencontré les prétendus terroristes «pour des entrevues au début de sa longue enquête, espérant franchement que cela leur ferait peur». En fait, de telles rencontres, tout comme le genre d’harcèlement qu’a subi l’un des accusés, Fahim Ahmed, font partie des techniques classiques pour développer des informateurs et des provocateurs.

Selon l’article du Globe and Mail de Hayly Mick et Colin Freeze, Ahmed s’est plaint il y a environ une année à l’imam d’un centre islamique de la banlieue de Toronto que des agents du SCRS avaient convaincu un employeur de ne pas l’embaucher et la femme de Ahmed s’est peu après plainte au même imam que les agents du SCRS l’avaient poussée dans sa maison alors que son mari était absent.

Les forces de sécurité du Canada ont une longue histoire de «coups montés» et de provocations, y compris le maintien en vie du groupe terroriste Front de libération du Québec (FLQ) au début des années 1970 après qu’il se soit effondré devant la répression étatique et sous le poids de la banqueroute de sa perspective politique nationaliste et petite-bourgeoise. Les révélations que la GRC avait entrepris des activités illégales avaient forcé le gouvernement libéral de Trudeau à former une commission royale d’enquête. Le résultat de l’enquête fut la création d’un nouveau service de sécurité, le SCRS, qui obtenait le droit légal de faire la plupart de ce que la GRC avait fait illégalement.

En vertu de la loi antiterroriste adoptée à toute vapeur par le Parlement quelques semaines après les attentats terroristes de septembre 2001, les règles portant sur la preuve furent changées pour permettre aux autorités de l’État, au nom de la sécurité nationale, d’empêcher que les personnes accusées de terrorisme, leurs avocats et le public puissent connaître la nature exacte ou l’origine d’éléments clés de la preuve.

Il sera d’autant plus difficile de juger dans ce cas et dans les suivants où la conspiration terroriste se termine, si même elle existe, et où la manipulation et la provocation des agences canadiennes de sécurité commencent.

Le SCRS, la GRC, des libéraux tels que Anne McClellan, le Globe and Mail et le

National Post, sans parler de Stephen Harper et de ses conservateurs, se sont longtemps plaints que les «Canadiens ne comprennent rien» au terrorisme. Ce qu’ils veulent dire par là c’est que le public s’est montré peu réceptif aux proclamations de l’establishment que le Canada est sur la ligne de front dans la «guerre au terrorisme» et doit par conséquent procéder à des changements radicaux dans sa politique intérieure, militaire et étrangère, comme ceux imposés par Bush, Tony Blair en Grande-Bretagne et John Howard en Australie.

Ces forces ont accueilli le présumé complot terroriste de Toronto comme une soi-disant «sonnette d’alarme» pour les Canadiens.

Pour le gouvernement conservateur minoritaire, qui fait face à une large opposition populaire à sa décision le mois dernier d’étendre l’intervention des Forces armées canadiennes en Afghanistan et à sa campagne pour forger des liens plus étroits avec l’administration Bush, la «sensation» causée par les événements de Toronto a fourni un moyen commode pour effectuer un virage sec à droite. 

Bien que le gouvernement n’ait pas encore annoncé de changements drastiques de politique, il a signalé qu’il mettrait sur la table de nouvelles mesures anti-terroristes à la session parlementaire de l’automne, et le ministre de la Sécurité publique Stockwell Day a annoncé une grande expansion des capacités canadiennes de renseignement à l’étranger. Selon Day, il reste seulement à déterminer si cela prendra la forme d’un changement de mandat pour le SCRS ou l’établissement d’un nouveau service canadien du renseignement à l’étranger.

Le Globe and Mail a profité du présumé complot terroriste de Toronto pour condamner en page éditoriale tout affaiblissement de la Loi anti-terroriste, qui doit maintenant faire l’objet d’une révision obligatoire après cinq ans d’application, tandis que le Post a réclamé des «milliards de plus» pour accroître le personnel du SCRS et de la GRC.


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