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Trois prisonniers se suicident au goulag de Guantanamo

Par Patrick Martin
14 juin 2006

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Dans un acte de désespoir qui met en évidence les conditions horribles au camp de concentration américain de Guantanamo Bay, trois prisonniers se sont suicidés tôt samedi matin, se pendant avec des draps. Ces morts parmi les prisonniers sont les premières à être confirmées par les autorités américaines.

Selon les représentants américains, deux des prisonniers étaient Saoudiens et le troisième était Yéménite. Les trois notes de suicide ont été écrites en arabe, mais celles-ci n’ont pas été rendues publiques. Durant la dernière année, les trois hommes participaient à une grève de la faim menée par les détenus pour protester contre leur traitement sadique et illégal. Ceux qui ont participé à cette grève, y compris les trois hommes qui se sont suicidés, ont été nourris de force par leurs ravisseurs. Ces derniers ont utilisé la procédure brutale d’attacher leurs victimes à des chaises de métal et à leur enfoncer des tubes dans la gorge, pour les nourrir. 

Le triple suicide est la dernière d’une série d’actions désespérées entreprises par les prisonniers de Guantanamo, dont beaucoup d’entre eux sont détenus depuis plus de quatre ans, n’ont pas vu leurs droits légaux minimums garantis par les conventions internationales respectés, et font face à la possibilité de passer le restant de leurs jours dans un camp de concentration des États-Unis.

Selon les responsables, depuis que les installations sont en fonction, il y a eu 41 tentatives de suicide par 25 détenus, dont 23 tentatives au cours de août 2003, 10 lors d’une même journée. Celles-ci n’ont été révélées par le Pentagone qu’en janvier 2005.

De nombreuses grèves de la faim ont pris place en 2005 et 2006, certaines où le tiers de prisonniers participaient. L’automne dernier, le Commandement Sud des États-Unis, qui dirige la prison, a décidé de systématiquement nourrir de force les prisonniers, utilisant une méthode si violente que l’insertion du tube pouvait causer fréquemment une hémorragie interne. Sous cette torture, la plupart des prisonniers ont abandonné la grève de la faim, bien que plusieurs dizaines aient recommencé la grève plus tôt cette année.

Le mois dernier, deux détenus ont tenté de se suicider par overdose d’antidépresseurs qu’ils avaient accumulés dans leurs cellules. Quelques jours plus tard, une révolte organisée prenait place lors de laquelle une demi-douzaine de prisonniers attaquaient les gardiens à l’aide d’armes de fortune.

Les représentants des États-Unis ont refusé de dévoiler les noms des trois hommes qui se sont suicidés, mais le ministre de l’Intérieur de l’Arabie Saoudite a identifié les deux Saoudiens comme étant Ani bin Shaman bin Turki al Habradi et Yasser Talal Abdullah Yahya al Zahrani.

Un avocat saoudien, Katib al-Shimary, présent pour les détenus de Guantanamo qui proviennent de son pays, a dénoncé le gouvernement des États-Unis pour les suicides, insinuant du même coup que les trois hommes avaient pu être tués. «Leur suicide, s’ils se sont bel et bien suicidés, est une réaction à l’oppression et à l’injustice dans lesquelles ils vivaient,» déclara-t-il au réseau de télévision Al-Arabiya. «Je tiens les autorités américaines responsables de leurs morts.»

Les responsables américains ont refusé de permettre à des avocats étrangers de rencontrer un seul des détenus, limitant les consultations aux avocats qui sont des citoyens américains et ont été autorisés par le Pentagone.

Mufleh al-Qahtani, le directeur adjoint du Regroupement saoudien pour les droits de l’homme financé par l’État, a dit dans une déclaration à la presse locale: «Il n’y a pas de supervision indépendante au camp de détention, aussi il est facile de jeter le blâme aux prisonniers… il est possible qu’ils aient été torturés.»

D’autres avocats de la défense et des organisations de défense des droits de l’homme et des droits civils ont eux aussi dénoncé le régime de Guantanamo où des prisonniers, la plupart kidnappés en Afghanistan durant et après l’invasion américaine, ont été gardé en isolement, avec des contacts limités avec le monde extérieur et pas d’espoir de voir leurs cas portés devant une cour ou un autre tribunal où leurs droits seraient respectés. Seulement dix des quelque 460 personnes emprisonnées à Guantanamo ont été accusées d’un crime, et aucune n’a été jugée.

La grande majorité des prisonniers à Guantanamo sont soit des soldats arrêtés sur les champs de bataille en Afghanistan, ou ont été kidnappés par l’Alliance du Nord ou la dictature militaire pakistanaise pour être vendus aux militaires américains.

William H. Goodman, le directeur juridique du Centre des droits constitutionnels représentant plusieurs centaines de prisonniers dans des poursuites déposées devant les cours américaines, a dit, «Ce sont les dernières victimes et le cas le plus grave à ce jour des efforts incessants de cette administration pour imposer un système sans lois qui nie la justice, l’équité et un traitement équitable à des gens à travers le monde.»

«Nous avions tous le sentiment que ces hommes devenaient de plus en plus désespérés, a ajouté Goodman. C’est un geste de désespoir parce qu’ils n’ont aucune façon de prouver leur innocence. Un système sans justice est un système sans espoir.»

Kenneth Roth, à la tête de Human Rights Watch à New York, a dit à la BBC que les hommes étaient probablement poussés par le désespoir. «Ces gens se désespèrent parce qu’ils sont incarcérés hors de la loi, a-t-il dit. Il n’y a pas d’issue en vue. Ils n’ont jamais été emmenés devant un juge indépendant. Ils n’ont été accusés et condamnés pour aucun crime.»

Un fonctionnaire d’Amnistie Internationale à Washington DC, Jumana Musa, a déclaré: «Des gens sont détenus pour une période indéfinie depuis cinq ans sans la moindre perspective de rentrer chez eux, de voir leur famille, de faire face à des accusations ou d’en voir l’issue. Il ne fait aucun doute qu’il en découle un sérieux traumatisme psychologique.»

La commission des Nations Unies contre la torture s’est jointe à la condamnation internationale de Guantanamo le mois passé, assimilant le traitement des prisonniers, en particulier leur détention indéfinie sans perspective de procès ou d’éventuelle libération, à une forme de torture. La commission a réclamé que l’administration Bush ferme la prison.

Bush a récemment fait plusieurs commentaires laissant croire qu’il aimerait voir le camp fermé et les prisonniers traduits en justice. Mais ce bavardage est uniquement destiné à la consommation internationale: en pratique, le Pentagone a commencé des travaux d’agrandissement de la prison de $30 millions pour faire de la place pour 100 autres prisonniers à sécurité moyenne.

Aucune des condamnations lancées par des agences extérieures et des groupes de droits de l’homme, toutefois, n’a un caractère aussi accusateur que les commentaires véritablement pathologiques émis par les deux officiers militaires responsables de Guantanamo, l’amiral Harry Harris, commandant de la base, et le général John Craddock, chef du Southern Command (commandement sud de l’armée des États-Unis).

Harris a dit que les trois prisonniers n’avaient «aucun respect pour la vie, que ce soit la nôtre ou la leur… Je crois que ce n’était pas un acte de désespoir, mais un acte de guerre asymétrique contre nous.»

Craddock a ajouté: «Ce sont des éléments déterminés, intelligents, engagés. Ils continuent de faire tout ce qu’ils peuvent … pour devenir des martyrs du Jihad.»

Le caractère orwelien de ces remarques, digne d’un commandant de camp de concentration nazi, n’a pas besoin d’être développé. Un régime qui peut qualifier le suicide de prisonniers désespérés d’ «acte de … guerre contre nous» est capable de tous les mensonges et de tous les crimes.


 

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