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Échange avec un travailleur américain sur les “immigrés clandestins”

17 juin 2006

La lettre suivante a été envoyée par un lecteur. Elle est suivie d’une réponse de Bill Van Auken, qui a écrit sur le sujet.

Messieurs,

Je visite et lis quotidiennement tous les articles affichés sur le WSWS. Je le fais en raison du haut niveau d’intégrité et de précision factuelle de vos reportages et analyses, mais votre présentation du problème de l’immigration clandestine est à la limite de la désinformation et de la propagande. Pas une fois, dans votre récent article du 18/5/06 sur le projet de l’administration Bush d’utiliser la garde nationale américaine, vous ne décrivez avec honnêteté et précision les hordes d’immigrants économiques qui nous inondent en provenance du Mexique, ou passant par le Mexique, comme des immigrants «clandestins» qui violent les lois nationales américaines.

Je suis un ouvrier d’âge mûr, ayant une conscience politique élevée et fine. Je déteste de tout mon être le capitalisme vampirique américain. Ma femme est une immigrée en règle venue d’Europe et nous avons tous deux vécu au Mexique. Nous connaissons bien cette société et nous considérons avec beaucoup de compassion et de compréhension les causes sociales, politiques et économiques qui sont la force motrice d’un tel niveau d’immigration «clandestine»

Nous connaissons la complicité de la ploutocratie capitaliste vampirique à créer les déplacements causés par des accords tels ALENA, GATT (agétac), OMC, FMI et les programmes de la Banque mondiale visant à piller les ressources, les marchés et les économies de pays comme le Mexique. Mais permettre l’immigration clandestine sans contrôle vers les États-Unis de travailleurs déplacés ne fait que conduire au déplacement de la classe ouvrière américaine qui a déjà du mal à s’en sortir. Les travailleurs mexicains sont confrontés à un gouvernement national aussi corrompu et hostile à leurs intérêts que nous, travailleurs aux États-Unis.

La plupart des ouvriers américains ayant une conscience politique développée sont solidaires du sort d’autres personnes de la classe ouvrière, mais nous voyons ce processus comme la porte ouverte pour éroder davantage notre situation économique relative. Nous voulons un système qui se base sur une loi juste qui inclut la réciprocité. Je n’aurais pas le droit d’immigrer clandestinement au Mexique et d’y trouver un emploi rémunéré, car la loi mexicaine est bien plus restrictive et oppressive à l’égard des étrangers que ne le sont les États-Unis.

La classe ouvrière aux États-Unis est divisée et vaincue par la politique de non application de nos lois nationales d’immigration qui donnent accès et garantissent aux patrons une réserve toute prête de main d’oeuvre bon marché qui mine la situation des travailleurs américains. Ces immigrés clandestins devraient rester au Mexique et faire le travail politique nécessaire pour venir à bout du système corrompu qui les opprime et les exploite, et nous, personnes de la classe ouvrière américaine devons faire de même aux États-Unis. Sans programme d’immigration rationnel, basé sur la loi et qui inclut la réciprocité, la situation de toutes les personnes appartenant à la classe ouvrière est diminuée par l’exploitation capitaliste. S’il vous plait, soyez honnête dans l’utilisation de la langue quand vous décrivez un phénomène, car si ce n’est pas le cas, vous imitez notre oppresseur commun. 

Respectueuses salutations,

WH

Virginie de l’ouest

* * *

Cher WH,

Nous sommes sensibles à votre commentaire sur la précision et l’intégrité des reportages du World Socialist Web Site, cependant lorsque vous accusez nos articles sur l’immigration d’être à la limite de la «désinformation et de la propagande», cela laisse un peu perplexe, et je suis persuadé que cela reflète votre propre désorientation politique sur la question.

Votre critique initiale semble être principalement d’ordre sémantique. Nous avons qualifié les quelque 12 millions de travailleurs immigrés qui vivent et travaillent aux États-Unis sans visa valide ou permis de travail de «travailleurs sans papiers», tandis que vous insistez pour qu’ils soient appelés «immigrés clandestins».

Ces termes ont bien sûr une forte charge politique mais tous deux reconnaissent que ces travailleurs sont aux États-Unis sans la permission du gouvernement américain. Le premier terme met en avant leur classe sociale et leur unité fondamentale avec les travailleurs de toutes nationalités, et le second terme met en avant leur statut au regard de la loi et leur culpabilité supposée pour avoir violé les statuts d’immigration américains.

Cependant nos différends sur cette question ne sont en aucun cas des questions de détail, mais vont plutôt au cœur des perspectives avancées par le World Socialist Web Site et le Parti de l’égalité socialiste des États-Unis, qui se basent sur l’unification internationale de la classe ouvrière dans une lutte commune pour le socialisme, en opposition à toutes formes de nationalisme.

Que ces travailleurs sans papiers, en provenance du Mexique, d’Amérique centrale et d’ailleurs, aient violé les statuts américains est un fait établi La question est de savoir quelle attitude les travailleurs, ayant une conscience de classe, doivent avoir à l’égard de ces lois.

On aurait pu argumenter, par exemple, que le WSWS aurait dû qualifier de «grévistes illégaux » (tout comme les immigrés clandestins) les ouvriers des transports en commun de New York qui en décembre dernier ont cessé le travail, en violation de la loi Taylor, antisyndicale. Etait-ce de la désinformation de notre part de ne pas le faire? D’après ce que vous dites de vous-même, j’ai du mal à croire que ce serait là une position que vous auriez.  

Nous avons défendu les grévistes des transports en commun contre les amendes et les menaces de licenciement et même de prison, toutes des sanctions parfaitement légales face à leur grève surprise. Nous défendons pareillement ces travailleurs immigrés contre la détention, la déportation et les menaces de violence et même de mort à la frontière entre le Mexique et les États-Unis.

Ceux qui ont justifié ces attaques contre les travailleurs des transports en commun -- les politiciens et les médias -- l’ont fait selon l’argument que leurs actions nuisaient aux travailleurs à bas salaires. Il est significatif que bon nombre de ceux qui s’en prennent aux immigrés utilisent exactement ce même prétexte qui est tout aussi malhonnête

Ceux dans les Partis démocrate et républicain qui font appel aux sentiments anti-immigrés, en prétendant qu’ils se font du souci pour le travail et les salaires des travailleurs américains, mentent. Leur véritable objectif c’est d’empêcher que la classe ouvrière ne confronte la cause réelle des attaques contre son niveau de vie et de mettre dos à dos travailleurs natifs des États-Unis et travailleurs immigrés.

Que les travailleurs immigrés soient descendus par millions dans les rues des villes américaines pour exiger leurs droits en tant que travailleurs et pour s’opposer aux lois anti-immigrants n’a fait qu’intensifier la peur et la haine des représentants de droite de l’élite dirigeante. Leur plus grande inquiétude est qu’un tel mouvement de masse puisse s’étendre à la classe ouvrière dans son ensemble.  

Nous avons toujours reconnu que l’élite dirigeante de ce pays poursuit une politique d’immigration contradictoire. D’un côté elle veut s’assurer un flot de main d’oeuvre bon marché exploitable à merci parmi les sans papiers, tandis que de l’autre elle persécute ces travailleurs et attise la démagogie nationaliste, faisant des immigrés les boucs émissaires qui seraient responsables de tous les maux de la société. En réalité, ces politiques sont complémentaires, étant donné que reléguer ces travailleurs sans papiers au statut de «clandestins» sert à les maintenir dans la position de main d’oeuvre bon marché et docile.

Vous dites dans votre courriel que vous avez de la compassion envers les immigrés et que vous êtes conscient que ceux qui viennent aux États-Unis le font généralement du fait de conditions de vie intolérables créées par un système capitaliste international qui permet aux multinationales basées aux États-Unis «de piller les ressources, les marchés et les économies» de leur pays.

Et cependant, vous insistez sur le fait que «permettre l’immigration clandestine sans contrôle aux États-Unis de travailleurs déplacés ne fait que provoquer le déplacement de la classe ouvrière américaine qui a déjà du mal à s’en sortir» et que cela crée une «porte ouverte pour éroder davantage notre situation économique relative».

Ce que cela veut dire c’est que les entreprises et les banques sont libres de passer les frontières comme elles l’entendent et de détruire toutes les restrictions nationales à leur exploitation de la main d’oeuvre, des ressources et des marchés dans tous les pays où elles choisissent d’aller. Les travailleurs, eux, doivent être enfermés par les frontières nationales et être soumis à l’application stricte de codes d’immigration draconiens qui leur refusent le droit de vivre et de travailler où bon leur semble.

La classe ouvrière est une classe internationale. Elle est «divisée et vaincue» non pas par la non application des lois d’immigration mais par la politique nationaliste de sa direction, non seulement aux États-Unis mais partout dans le monde.

Des millions et des millions de postes dans les entreprises ont été supprimés aux États-Unis ces vingt dernières années. Faut-il tenir ces soi-disant «immigrés clandestins» pour responsables? Votre lettre indique que vous êtes de Virginie de l’ouest. Dans votre État, le nombre de mineurs est passé de 63.000 à la fin des années 70 à tout juste 15.000 aujourd’hui. Est-ce la faute des travailleurs immigrés sans papier?

Comment les travailleurs américains peuvent-ils défendre avec succès leur travail et leur salaire contre les transnationales qui ont la possibilité de déplacer leurs opérations au-delà des frontières nationales à la recherche des coûts du travail les moins chers?

L’expérience du dernier quart de siècle a montré plus que clairement que la stratégie avancée par l’AFL-CIO (principale centrale syndicale américaine) et le syndicat Mineurs unis d’Amérique de défendre «les emplois américains» en proposant des concessions aux grandes entreprises basées aux États-Unis et en plaidant pour une politique protectionniste auprès du gouvernement est autant vouée à la faillite qu’elle est réactionnaire. La conséquence d’une perspective nationaliste a été un effondrement des syndicats sans précédent dans toute l’histoire: moins de 8 pour cent des travailleurs du secteur privé est syndiquée. Cette longue désintégration du mouvement ouvrier américain est loin d’être le résultat d’une augmentation soudaine de l’immigration.

En commençant par le caractère international de la production dans un système capitaliste toujours plus intégré mondialement, il est clair que les travailleurs américains ne peuvent sérieusement avancer sans établir l’unité et la coordination les plus étroites possibles dans tous les autres pays où des transnationales basées aux États-Unis opèrent.

Etant donné l’intégration étroite des économies américaines et mexicaines, par exemple, n’est-il pas évident que tout doit être fait pour unifier les luttes des travailleurs américains et mexicains, d’établir les liens les plus fermes possibles de solidarité active, de soutien mutuel et d’action coordonnée? Apporter son soutien à des lois qui persécutent les travailleurs mexicains sans papiers et appauvris, contraints à chercher du travail aux États-Unis, va-t-il aider ou empêcher une telle unité? Poser la question c’est déjà y répondre.

Vous dites que vous détestez le capitalisme, et pourtant vous faites écho aux arguments avancés par le gouvernement et les médias qui défendent ce système. Ceci n’est pas un fait du hasard. Toute perspective politique qui se base sur des fondements nationalistes plutôt qu’internationalistes exprime inévitablement les intérêts de classe non pas de la classe ouvrière mais de l’élite dirigeante capitaliste.

L’unique programme viable sur lequel les travailleurs des États-Unis, du Mexique et du monde entier peuvent confronter avec succès le capital multinational c’est un programme qui les unit par delà les frontières nationales, dans une lutte commune, basée sur une perspective socialiste internationaliste.

Ainsi, souhaiter le meilleur aux travailleurs mexicains tandis qu’ils restent chez eux à mener la lutte pour «venir à bout de leur système corrompu», alors que les travailleurs américains mènent leur propre combat aux États-Unis, n’est pas seulement inadéquat mais va à l’encontre du but recherché. C’est une perspective qui se base sur des principes clairement fallacieux.

Les conditions auxquelles sont confrontés les travailleurs mexicains et celles auxquelles sont confrontés les travailleurs américains sont les produits d’un même système capitaliste intégré mondialement, pas juste l’expression des particularités nationales de chaque pays. Dans aucun de ces deux pays on ne peut «venir à bout» du système par un peu de pression et quelques réformes nationales, mais seulement par une lutte politique combinée pour mettre fin au capitalisme. Une telle unité internationale est inconcevable sans la défense implacable des travailleurs immigrés.

Pour finir, vous soulevez la question de la «réciprocité». Notre position est que les travailleurs doivent être libres de vivre et de travailler dans le pays de leur choix et y jouir des pleins droits démocratiques et sociaux. Ceci n’est pas une position adoptée uniquement aux États-Unis, mais aussi en Europe, en Australie, en Asie du sud, en Amérique latine et partout sur la planète.

Mais une telle liberté de mouvement pour la classe ouvrière ne peut être établie que par la prise de contrôle et la réorganisation de la production par la classe ouvrière dans le but de servir les besoins humains et sociaux, plutôt que le profit privé. Le socialisme créera les conditions d’un développement harmonieux des forces productives internationalement, rendant possible la fin de l’inégalité et de la pauvreté indécentes qui obligent des millions de personnes à émigrer loin de leur pays natal.

Ce qui est requis, avant tout, pour mener cette tâche à bien, c’est la construction d’un mouvement politique socialiste et internationaliste de la classe ouvrière.

Cordialement,

Bill Van Auken

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