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Les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine s'amplifient

Par John Chan
Le 10 avril 2006

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Juste avant la visite du président chinois Hu Jintao aux Etats-Unis le 20 avril, les débats ont resurgi avec force au sein du Congrès américain en faveur de sanctions commerciales contre la Chine. Alors que la nécessité d'une loi immédiate a été retardée, il ne fait aucun doute que le président Bush subit une pression considérable pour soutirer des concessions économiques substantielles de son homologue chinois.

Deux sénateurs, Charles Schumer, démocrate de New York, et Lindsey Graham, républicain de la Californie du Sud, ont parrainé un projet de loi qui menace d'apposer des taxes de 25 pour cent aux exportations chinoises si Beijing ne réévalue pas le yuan. Alors qu'un vote était prévu le 31 mars, Schumer et Graham sont revenu sur leur décision, du moins pour le moment, après une visite en Chine le mois dernier au cours de laquelle des fonctionnaires chinois leurs promirent des réformes supplémentaires sur les taux de change chinois.

En juillet dernier, suite aux pressions exercées par les Etats-Unis, Beijing abandonna officiellement les taux fixes entre le yuan et le dollar américain. Mais la banque centrale chinoise maintint la monnaie au sein d'une marge étroite d'environ huit yuans pour un dollar. Des sections insatisfaites du Congrès et du patronat américains avancent l'argument que cette démarche est loin d'être suffisante pour « corriger » le déficit commercial considérable entre les Etats-Unis et la Chine. Ils accusent Beijing de maintenir le yuan artificiellement bas, jusqu'à 40 pour cent, conférant ainsi aux exportations chinoises une avance concurrentielle « déloyale ».

Le déficit commercial américain avec la Chine gonfla l'année dernière au point d'atteindre plus de 200 milliards de dollars et le déficit général de la balance courante américaine atteignit 805 milliards de dollars. Fin février de cette année, la China détrôna le Japon comme premier détenteur mondial de devises étrangères, 853,7 milliards de dollars américains qui sont dus pour la plupart à l'achat par la banque centrale chinoise de bons du Trésor américain et d'autres valeurs basées sur le dollar. D'ici la fin de cette année, la réserve en devises étrangères de la Chine pourrait atteindre le record de un trillion de dollars, tout comme le déficit général de la balance courante américaine.

La Chine étant devenue une force économique mondiale, les relations sino-américaines sont devenues plus complexes et créaient des déchirements au sein de l'élite dirigeante américaine. De nombreuses entreprises américaines recourent à la Chine comme plateforme de main-d'oeuvre bon marché en y faisant d'importants investissements. Leur inquiétude est que les sanctions commerciales américaines contre la Chine affecteraient leur profit tout en ne changeant pas grand-chose au déficit commercial. Des entreprises moins compétitives ont, avec l'aide des bureaucraties syndicales, exercé de fortes pressions pour bloquer les exportations chinoises bon marché, les rendant responsables du déclin de l'industrie américaine et de la perte des emplois.

En ce qui concerne le gouvernement Bush, les questions sont tout autant d'ordre stratégique qu'économique. A long terme, il continue de considérer la Chine comme un « concurrent stratégique » et poursuit une politique d'encerclement consistant à établir des bases militaires et des alliances avec les pays voisins de la Chine. A court terme, cependant, Beijing s'est révélé être un allié utile dans la fausse « guerre contre le terrorisme » et aussi par la pression exercée sur la Corée du Nord pour qu'elle rejoigne la table des négociations. Du reste, toute démarche entreprise par Beijing pour stopper ou même ralentir ses achats de dollars américains aurait des conséquences immédiates sur l'économie américaine, éventuellement en la plongeant dans une récession.

C'est pourquoi le gouvernement Bush est engagé dans un numéro d'équilibriste en essayant de bénéficier d'un maximum de concessions économiques et autres de la part de Beijing, sans provoquer une aggravation du conflit commercial. Durant sa visite à Beijing, le secrétaire américain au Commerce, Carlos Gutierrez, lança le 30 mars l'avertissement suivant : « Il est important que nos collègues en Chine reconnaissent que les voix aux Etats-Unis qui s'élèvent pour réclamer une politique protectionniste sont réelles. »

A peine quelques heures plus tard à Washington, Timothy Adams, sous-secrétaire américain au Trésor, chargé des Affaires internationales, déclara au Sénat que la Chine avait été « bien trop timide » dans sa démarche vers un taux de change flexible. Dans le même temps, cependant, il précisa clairement que le gouvernement Bush était contre des tarifs discriminatoires contre la Chine tels qu'ils étaient stipulés dans la loi Schumer-Graham. « Il y a plusieurs projets de lois devant le Congrès qui fermeraient notre marché aux produits chinois au cas où la Chine ne ferait pas plus d'efforts sur son taux de change. Nous ne soutenons pas de telles approches isolationnistes. Elles feraient du tort à notre économie sans atteindre nos objectifs communs, » dit-il.

Au lieu de cela, le gouvernement Bush soutint un nouveau projet de loi introduit par le sénateur républicain, Charles Grassley, président de la commission des finances, et Max Baucus, sénateur démocrate et membre de la commission des finances. Bien que ce projet de loi soit moins extrême et ait moins de conséquences immédiates que celui de Schumer-Graham, il pourrait bien être plus lourd en implications car il impose des sanctions à l'encontre de pays dont on estime que leur « monnaie est en mauvais alignement » avec les Etats-Unis.

Jusqu'à ce jour, le Trésor américain a rejeté les revendications faites par des législateurs de qualifier la Chine de « manipulateur de devises » en vertu d'une loi commerciale votée en 1988. Conformément aux règles actuelles, le Trésor peut éviter de qualifier la Chine de manipulateur de devises car Beijing maintient un taux de change fixe plutôt que « d'avoir l'intention » de dévaluer sa monnaie. De plus, en 1994, alors que le gouvernement Clinton avait décrit la Chine, Taïwan et la Corée du Sud de « manipulateurs de devises », ce fait n'avait entraîné que peu de conséquences réelles.

Selon le projet de loi Grassley-Baucus, cependant, le « mauvais alignement » des monnaies ne nécessiteraient aucunement une intention quelconque de la part d'un gouvernement étranger. La loi accorderait au pays visé une période de six mois pour corriger ses « effets de mauvais alignements » sous peine de se voir infliger une série de pénalités, dont des tarifs prévus par le règlement de l'Organisation mondiale du Commerce.

Le groupe de réflexion américain, Stratfor, remarqua que le tout dernier projet de loi était un compromis entre le Congrès et la Maison Blanche. « Bush n'a pas besoin de recourir à des actes de répression contre la Chine pour maintenir sa propre position au sein du Parti républicain. Si le projet de loi Graham-Schumer avait été soumis au vote et adopté, Bush n'aurait rien pu faire d'autre que de prendre en compte cette situation et d'adopter une position de « ligne dure » contre la Chine lors de sa visite à Hu. Des sondages d'opinion révèlent que Bush est confronté à une crise de légitimité et, en dépit du manque d'enthousiasme du gouvernement d'agir contre la Chine, il aurait été obligé de se rallier à son parti. A présent, le gouvernement dispose d'un certain répit, » écrivit-il.

Bien qu'il soit peut probable que le nouveau projet de loi soit voté avant la visite en Chine du président, le sentiment en faveur du protectionnisme demeure fort au sein du Congrès. Pour manifester son engagement en faveur d'une action contre le commerce « déloyal » de la Chine, le gouvernement Bush s'associa le 30 mars à l'Union européenne (UE) pour défier la Chine devant l'OMC au sujet de ses tarifs d'importation élevés « illégaux » sur les importations de pièces détachées automobiles. Bruxelles et Washington donnèrent soixante jours à Beijing pour régler le différend sous peine de se voir infliger une autre procédure. Le sénateur Baucus a favorablement accueilli la démarche mais a averti de façon provocatrice : « Nous nous trouvons dans une situation dangereuse en ce qui concerne nos relations avec la Chine, en partie parce qu'elle ne respecte pas toujours les règles. »

Des commentateurs financiers américains ont exprimé leur nervosité quant aux perspectives de guerre commerciale avec la Chine. Un article du journal britannique l'Observer du 26 mars cite Philip Swagel, analyste de l'American Enterprise Institute. Il compara le projet de loi Graham-Schumer au Smoot-Hawley Act des années 1930 [Loi sur les tarifs douaniers] qui généra des blocs commerciaux rivaux et un conflit commercial. Swagel avertit que si des tarifs douaniers étaient imposés à la Chine, Schumer « entrerait dans l'histoire comme celui qui avait coulé l'économie américaine. »

Un éditorial du Los Angeles Times du 24 mars, dénonça la campagne de réévaluation du yuan comme une « absurdité ». L'article précisa : « Même si sa monnaie augmentait, la Chine serait encore à même de produire des marchandises bien moins chères. Et si elle augmentait fortement, les gagnants seraient vraisemblablement d'autres fournisseurs, tels le Vietnam ou l'Indonésie, et non les fabricants de la partie nord de l'état de New York La relation économique entre la nation la plus riche du monde et la nation la plus peuplée est dans l'ensemble très positive, du fait que les épargnants chinois garantissent notre train de vie somptueux en achetant des bons du Trésor. Un capricieux tarif douanier de 27,5 pour cent empoisonnerait certainement une source de laquelle nous sommes devenus dépendants. »

Ces commentaires soulignent les contradictions énormes de l'économie capitaliste mondiale qui trouve son expression la plus nette dans l'interdépendance entre les Etats-Unis et la Chine. Les entreprises américaines transnationales investissent ou délocalisent leur production en Chine pour exploiter sa main-d'oeuvre bon marché dans le but de compenser la baisse du profit. Les Etats-Unis sont à la fois le premier marché de consommation du monde et la nation à la plus forte dette publique. La banque centrale chinoise et celle des autres pays asiatiques ont acheté des quantités massives de valeurs basées sur le dollar, ce qui permet à l'économie américaine de continuer à croître et à absorber les exportations asiatiques. Certains analystes évaluent à 3 milliards de dollars le flux de devises étrangères qui entre dans le pays tous les jours.

La situation est encore davantage compliquée par l'arrivée de l'euro en tant que monnaie concurrentielle mondiale. Bien que l'UE exige également une réévaluation du yuan, les intérêts européens sont en conflit avec ceux des Etats-Unis. La Commission européenne publia un document, avant la réunion des ministres des Finances européens du 7 avril à Vienne, pressant la Chine d'introduire une flexibilité plus grande de ses taux de change mais « de manière progressive ». La Commission avertit qu'une réévaluation brutale du yuan par rapport au dollar pourrait contribuer à un plus grand affaiblissement du dollar par rapport à l'euro, et causer du tort aux exportations et à la croissance économique européennes.

Quant à la Chine, la bureaucratie de Beijing est pleinement consciente que son « miracle économique » est tributaire de l'énorme flot continu d'investissements dans le pays et du maintien de vastes marchés d'exportation aux Etats-Unis et en Europe. Toute instabilité économique conduirait immédiatement à une augmentation du chômage et attiserait davantage les tensions sociales. Durant son séjour aux Etats-Unis, il est attendu du président chinois qu'il signe des accords pour l'achat de 80 avions Boeing d'une valeur de 6 milliards de dollars, dans le but d'apaiser le Congrès américain sur les questions commerciales. Toutefois, ceci n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan.

Les Etats-Unis n'ont d'autre solution à leur position économique en déclin que de continuer à emprunter à des sources étrangères et ce même à un taux encore plus élevé. Même sans une crise commerciale provoquée politiquement, ces processus ne peuvent se poursuivre indéfiniment et finiront par atteindre un point de rupture entraînant des conséquences dévastatrices pour l'économie des Etats-Unis, de la Chine et du monde.




 

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