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La visite du président chinois révèle les tensions entre Washington et Pékin

Par Patrick Martin
25 avril 2006

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La visite de quatre jours du président chinois Hu Jintao aux États-Unis, qui s'est conclue jeudi par une rencontre avec George W. Bush à la Maison Blanche, n'a mené à aucun véritable progrès sur les questions-clés opposant les deux grandes puissances. Au contraire, des signes de tension croissante se sont manifestés, la Maison Blanche de Bush faisant subir à ses invités une série d'affronts diplomatiques, allant de l'insignifiant au flagrant, qui ont été enregistrés en détail par les médias américains et assurément constatés par les visiteurs de Beijing.

Malgré les demandes chinoises, la Maison Blanche n'a pas traité l'événement comme une visite d'état, ce qui aurait impliqué un souper en soirée, suivi d'une cérémonie officielle. Cette attitude marque un sensible recul par rapport au traitement accordé aux prédécesseurs de Hu, Jiang Zemin et Deng Xiaoping, au cours des visites précédentes de chefs d'état chinois à Washington.

Lorsque l'hymne national chinois a été joué pour accueillir Hu, le présentateur de la Maison Blanche a annoncé «République de Chine», le nom officiel de Taiwan, au lieu de «République populaire de Chine», le titre du régime de Pékin. Étant donné que le statut de Taiwan constitue le problème numéro un de la politique étrangère de la Chine, cela peut difficilement être expliqué par un oubli.

Encore plus significative a été la décision de représentants de la Maison Blanche de permettre à une activiste en vue de l'organisation illégale Falun Gong de participer à la conférence de presse commune de Bush et Hu, qu'elle a interrompue par la suite par ses cris dénonçant la répression exercée sur le groupe quasi-religieux. Wengyi Wang, un médecin d'origine chinoise qui vit à New York, avait été admise à la conférence de presse grâce à un laissez-passer d'un jour émis au journal du Falun Gong, Epoch Times, qui a récemment publié une série d'articles, écrits par Wang, alléguant que les autorités chinoises s'emparaient des organes de disciples incarcérés du Falun Gong.

Durant plusieurs minutes, Wang s'est dressée sur une plate-forme de caméra criant, en anglais et en chinois, «Président Hu! Vos jours sont comptés», «Président Bush! Mettez fin à ses tueries!» ainsi que d'autres slogans anti-Pékin. Elle a ensuite tenté de dérouler une bannière. Des agents des services secrets l'ont finalement arrêtée, et elle a été par la suite traduite en justice sous des accusations de tentative d'intimidation et de menace d'un représentant étranger, pouvant mener jusqu'à une peine de six mois en prison.

Étant donné la manie de sécurité en cours à Washington, il est inconcevable que la décision de fournir un laissez-passer à une activiste du Falun Gong ait été involontaire, d'autant plus que c'était une activiste connue pour avoir chahuté l'ancien président chinois, Jiang Zemin, lors d'une apparition à Malte en 2001. La Maison Blanche refuse l'accès à de tels événements de façon routinière, et pas seulement à ceux soupçonnés d'avoir l'intention de perturber, mais aux journalistes de publications socialistes et anti-guerre qui pourraient poser des questions embarrassantes.

Il y a seulement trois mois, lors du discours de Bush sur l'état de l'Union, la police de Capitol Hill a arrêté Cindy Sheehan, activiste contre la guerre en Irak, car elle portait un t-shirt anti-guerre. Elle y avait assisté en tant qu'invité d'un membre démocrate du Congrès. Alors que les agents des services secrets ont mis trois minutes pour intercepter la représentante du Falun Gong (un chroniqueur du Washington Post a fait le commentaire que leur stratégie semblait consister à la laisser crier jusqu'à ce qu'elle en perde la voix), ils auraient été beaucoup plus rapides pour saisir et mettre sous silence un élément perturbateur dénonçant Bush pour avoir le sang de l'Irak sur les mains.

Même après le fait, les représentants de l'administration Bush ont défendu la décision de donner une carte de presse à Wang, qu'ils ont présentée comme un exemple de leur engagement envers la démocratie et la liberté de presse. Un de ceux-ci a déclaré au Los Angeles Times: «Nous ne pouvons interdire l'accès aux journalistes lorsque nous proclamons à travers le monde qu'il n'est pas correct de le faire.» Cette même administration enquête présentement sur des fuites ayant révélé l'existence de prisons secrètes de la CIA où l'on pratique la torture et le recours illégal à de l'espionnage intérieur par l'Agence nationale de sécurité. Tant les journalistes que leurs sources risquent la prison.

Le signe le plus inquiétant du conflit américano-chinois, beaucoup plus sérieux que les tours de passe-passe diplomatiques, est contenu dans une déclaration qui a très peu attiré l'attention des médias. Cette déclaration, émise par le Pentagone le jour où Hu visitait la Maison blanche, a confirmé que l'armée américaine considère la Chine comme un adversaire potentiel dangereux et qu'elle repositionne ses forces pour une confrontation militaire future avec Pékin. Bryan Whitman, un porte-parole du secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, a dit aux journalistes que le Pentagone était inquiet «d'un manque de transparence et de certaines incertitudes quant à la voie future qu'empruntera la Chine. Par conséquent, nous et d'autres devons naturellement nous prémunir contre l'inconnu.»

Whitman répondait aux questions soulevées par des articles parus cette semaine dans le Wall Street Journal et dans le Washington Times, deux quotidiens étroitement liés aux forces de droite dirigeant l'administration Bush. Ces articles ont révélé que le Pentagone incorpore de plus en plus dans préparatifs à long terme la possibilité d'un conflit avec la Chine. Ces préparatifs comprennent le transfert de forces de l'Europe vers la région de l'Asie du Pacifique et une augmentation des flottilles de porte-avions et des sous-marins dans le Pacifique.

Selon ces articles, un des changements les plus importants a été les nouvelles procédures d'entretien des navires de guerre de la Marine qui ont été modifiées pour assurer qu'il y ait en permanence quatre forces de frappe avec porte-avions sur le Pacifique. Un autre changement est le transfert de 8000 soldats d'élite de la Marine d'Okinawa vers Guam, île de l'ouest du Pacifique et territoire américain où a été développé une infrastructure pour accueillir des bombardiers à long rayon d'action, des avions espions et des opérations de soutien logistique.

Ces mesures ont été très peu discutées par les médias dans leur couverture du sommet américano-chinois. Également, rien ne transparaît de la possibilité d'une annihilation mutuelle dans les déclarations publiques soigneusement préparées de Bush et Hu. Les 10.000 armes nucléaires de l'arsenal américain peuvent détruire non seulement la Chine, mais toute vie sur Terre. Quant à la Chine, elle a des centaines de bombes nucléaires et de missiles qui peuvent atteindre la plupart des villes américaines.

Le danger d'un conflit militaire entre les États-Unis et la Chine, avec toutes ces conséquences potentiellement cataclysmiques, ne vient pas de personnalités comme Bush ou Hu, mais plutôt de contradictions objectives très profondes. Les mêmes forces économiques qui ont mené à une intégration toujours plus importante des économies chinoise et américaine, peut-être l'expression la plus élevée de l'intégration généralisée de l'économie mondiale, mènent inévitablement à des conflits entre ces deux puissances sur les questions de l'accès aux ressources naturelles, du contrôle des positions stratégiques déterminantes et, en fin de compte, du pouvoir sur le monde.

Depuis le début des années 80, les principales puissances impérialistes (les États-Unis, le Japon et les puissances européennes) ont investi en Chine, développant ce pays comme une plateforme manufacturière off-shore qui joue un rôle décisif dans leur stratégie de classe. Elle leur permet de faire une pression incessante sur les coûts de main d'oeuvre et de générer des surprofits. La croissance du capitalisme mondial depuis un quart de siècle est largement liée à l'ouverture de la Chine.

Mais ce même processus remet en question la domination américaine de la région de l'Asie-Pacifique. La force industrielle et financière croissante de la Chine augmente son poids stratégique dans le monde et lui permet de lancer un programme plus ambitieux d'armement, de diplomatie et d'expansion économique. L'impérialisme américain réagit à la montée de la Chine en y voyant une menace à son hégémonie en Asie orientale, ainsi que dans l'Océan Indien, et même en Afrique et en Amérique du Sud.

Les politiciens américains ont beau rituellement invoquer la démocratie, le conflit américano-chinois n'a rien à voir avec les actes répressifs de la dictature stalinienne à Pékin. Au contraire, le maintien de la Chine comme source presque inépuisable de main-d'oeuvre à bon marché pour le capital international exige un régime politique interne qui refuse aux travailleurs tout droit démocratique et étouffe toute opposition aux méthodes les plus brutales d'exploitation.

La grande entreprise américaine compte sur la dictature de Pékin pour surveiller et mettre au pas les travailleurs chinois, et aussi fournir un débouché de plus en plus important aux produits américains. Le voyage de Hu Jintao était clairement vu par la direction chinoise comme une occasion de montrer cette relation. Le président chinois a passé deux jours à Seattle où il a rencontré des chefs exécutifs, visité l'usine d'avions de Boeing et dîné en compagnie du milliardaire Bill Gates de Microsoft. À Washington, après avoir été froidement reçu par la Maison Blanche, Hu a été l'invité d'honneur à un dîner parrainé par le Conseil américano-chinois des affaires, où il a été introduit par l'ancien secrétaire d'état Henry Kissinger, qui fut l'architecte du tournant par l'impérialisme américain vers des relations plus étroites avec Pékin au début des années 70. Plus de 900 chefs exécutifs ont pris part au dîner, et plusieurs dizaines d'autres ont été invités au déjeuner de la Maison Blanche.

La Chine a réagi avec une extrême précaution à la campagne américaine visant le contrôle des ressources pétrolières du Golfe Persique et du bassin caspien, bien que celles-ci soient essentielles au développement futur de l'économie chinoise. Pékin aimerait mieux user de méthodes diplomatiques et économiques que risquer une confrontation avec Washington.

La politique de l'administration Bush, par contre, a eu un caractère beaucoup plus provocateur, de haut fonctionnaires tels le secrétaire à la Défense Rumsfeld et la secrétaire d'État Rice laissant entendre que la Chine devait être animée d'arrière-pensées lorsqu'elle a décidé de renforcer ses forces armées, qui restent de loin technologiquement inférieures à celles des États-Unis. Il y a un degré considérable de témérité dans cette pose, non seulement en raison du risque de déclencher un conflit militaire, mais aussi compte tenu du rôle grandissant de la Chine dans le système financier mondial.

La Chine a accumulé les plus importantes réserves de devises étrangères au monde, dépassant le Japon cette année. La banque centrale chinoise détient plus de $1 billion, surtout en dollars pour l'instant, bien qu'elle ait commencé à convertir une partie de ces réserves en euros et en yens japonais. Comme l'a fait remarquer le New York Times dans un commentaire sur la visite de Hu: «Si la Chine décidait de les liquider, ainsi que ses autres titres américains, dans le cadre peut-être d'une politique visant à desserrer l'arrimage du yuan au dollar, les taux d'intérêt américains pourraient augmenter de manière significative, ce qui frapperait de plein fouet le marché du logement et les dépenses des consommateurs.» Ceci viendrait à son tour miner la capacité des consommateurs et des entreprises américaines à payer leurs dettes et aurait des conséquences incalculables pour les marchés financiers mondiaux.

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