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Québec solidaire: nouveau mécanisme pour attacher les travailleurs au PQ

Par Richard Dufour
28 avril 2006

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Québec solidaire (QS) - parti fondé en février dernier suite à la fusion de l'Union des forces progressistes (UFP) de Amir Khadir et Option citoyenne de Françoise David - a accueilli avec enthousiasme les résultats d'une élection complémentaire tenue au début du mois dans le comté Sainte-Marie-Saint-Jacques de Montréal-Centre.

La candidate du nouveau parti a obtenu 22 pour cent du suffrage, pas loin derrière les deux partis établis de la grande entreprise: le Parti libéral du Québec avec 28 pour cent des voix, et le Parti québécois (PQ) qui a conservé le comté avec 41 pour cent des voix. Le taux de participation, quant à lui, n'a pas dépassé 32 pour cent des électeurs éligibles.

«Une nouvelle alternative de gauche s'est formée», a affirmé un Amir Khadir visiblement emballé, tandis que la co-dirigeante de QS, Françoise David, proclamait: «Nous sommes les seuls à proposer une véritable alternative aux idées néolibérales qui ont fait reculer la justice sociale au Québec depuis vingt ans». Le parti entend présenter des candidats dans toutes les circonscriptions aux prochaines élections provinciales prévues d'ici 2008.

La prétention de Québec solidaire à représenter une alternative légitime aux partis de l'establishment québécois ne résiste toutefois pas à l'analyse.

La rhétorique vaguement «progressiste» du nouveau parti n'est accompagnée d'aucun engagement à remettre en cause le système de profit qui représente le principal obstacle à la pleine satisfaction des besoins humains. QS ne propose pas d'ambitieuses réformes sociales visant à améliorer de façon significative le niveau de vie de la majorité. Ses dénonciations répétées du «néo-libéralisme», présenté comme le choix purement subjectif de politiciens conservateurs, passent sous silence la base objective du tournant universel vers la droite de la politique officielle, à savoir la faillite du capitalisme lui-même.

Face à la contradiction fondamentale entre une économie globalement intégrée et le système dépassé des États-nations capitalistes, Québec solidaire ne préconise pas l'unité des travailleurs par-delà les frontières dans une lutte commune contre le capitalisme mondial. QS appelle plutôt à un renforcement de l'État et fait passer cet appareil historique de maintien par la force des divisions de classe pour un levier du progrès social. Sur la base de cette perspective nationaliste réactionnaire, QS embrasse les efforts d'une section de l'élite dirigeante québécoise pour fonder un nouvel État capitaliste en Amérique du Nord par le biais de l'indépendance du Québec.

Les carrières politiques des deux principaux dirigeants de Québec solidaire se caractérisent d'ailleurs par l'aisance avec laquelle ils ont évolué dans le milieu nationaliste québécois dominé par le PQ, le parti de la grande entreprise qui prône un accroissement des pouvoirs dévolus à l'État québécois pouvant aller jusqu'à la séparation d'avec le Canada.

Françoise David admet que sa «déception» à l'endroit des politiques «néolibérales» du PQ ne remonte pas plus loin qu'à l'an 2000, c'est-à-dire après quinze années de gouvernements péquistes de droite et après avoir pris part à un sommet tri-partite (gouvernement, patronat, syndicats) convoqué en 1996 par le premier ministre péquiste Lucien Bouchard pour lancer, au nom du «déficit zéro», de nouvelles coupes drastiques dans les dépenses sociales.

Amir Khadir est, lui aussi, un récent converti des milieux nationalistes conservateurs du Québec. En 2000, il s'est présenté aux élections fédérales en tant que candidat du Bloc québécois, parti né au début des années 90 d'une scission de l'aile québécoise du Parti conservateur de Brian Mulroney et oeuvrant depuis sur la scène fédérale pour la souveraineté du Québec.

La formation de Québec solidaire est avant tout la réponse d'éléments bien définis des classes moyennes à deux processus étroitement liés: d'une part, les brutales contre-réformes appliquées par le PQ au pouvoir (fermetures d'hôpitaux, élimination de dizaines de milliers d'emplois dans le secteur public), et d'autre part, une radicalisation des masses en réaction à l'assaut patronal sur le niveau de vie, révélée notamment par les grandes manifestations ayant secoué la province à la fin 2003 et la longue grève étudiante de début 2005.

Ce double processus a profondément miné la capacité du PQ à se présenter comme un parti «proche du peuple» et celle de la bureaucratie syndicale à lui subordonner politiquement les travailleurs québécois.

Dans ce contexte, des éléments des classes moyennes au discours gauchisant, mais attachés par mille liens à l'État québécois et à la perspective d'en accroître les pouvoirs au nom de la souveraineté du Québec, sont appelés à intervenir pour empêcher une véritable rupture politique des travailleurs avec le PQ et son programme nationaliste.

De ces efforts est né Québec solidaire. Il regroupe en son sein une petite section de la bureaucratie syndicale; les membres d'Option citoyenne, issus largement d'organismes communautaires qui avaient jusqu'ici accepté de bonne grâce les coupures budgétaires, comme en atteste la participation de Françoise David au sommet socio-économique de 1996; et finalement les ex-radicaux de l'UFP. Ces derniers sont particulièrement impatients de mettre au rancart leurs anciennes professions de foi «socialistes» pour s'intégrer à la politique bourgeoise officielle. Lors des dernières élections provinciales de 2003, par exemple, l'UFP avait accepté une invitation du PQ à des rencontres officielles visant à établir un accord électoral.

Le PQ a pris un virage à droite, admettent les David, Khadir et compagnie. Mais ils passent sous silence le fait que c'est dû à la nature de classe de ce parti et laissent entendre qu'il peut encore être ramené sur la voie du progrès social si une pression suffisante de «gauche» est exercée du dehors.

Toute l'histoire du PQ démontre toutefois le contraire. Il a toujours été un parti de la grande entreprise qui, avec le concours crucial de la bureaucratie syndicale, a réussi à canaliser la radicalisation ouvrière des années 70 dans le cul-de-sac du séparatisme québécois et qui représente aujourd'hui encore le principal obstacle sur la voie de l'indépendance politique des travailleurs.

L'ex-premier ministre péquiste, Jacques Parizeau, reconnaît dans la formation de Québec solidaire un symptôme de l'immense colère populaire que s'est attiré le PQ par ses politiques de libre marché. «On échoue», a-t-il affirmé dans un discours prononcé en février à l'Université Laval, «quand on permet à de nouveaux partis souverainistes ou à de nouveaux mouvements souverainistes d'apparaître.»

Échec à première vue pour le PQ, l'apparition de Québec solidaire représente plus fondamentalement un mécanisme d'autodéfense pour ce parti de la grande entreprise. Fait peu surprenant, Françoise David a laissé la porte ouverte à un «pacte de non-agression» suggéré par le député péquiste Jean-Pierre Charbonneau. Des «discussions formelles avec le Parti québécois» ne sont pas exclues, à condition «qu'on en ait discuté avec nos membres».

Pour dissiper toute crainte de l'establishment politique que son nouveau parti pourrait poser une menace politique sérieuse au PQ, David a déclaré sans ambages: «Il y a des éléments du programme péquiste qu'on ne désavouerait pas. Il serait injuste de les dire néo-libéraux. Le PQ n'est pas dans la même tranchée que le Parti libéral de Jean Charest, notamment dans le dossier de la destruction des acquis sociaux.»

Un dirigeant péquiste pourrait difficilement présenter une défense aussi catégorique du bilan du PQ au pouvoir, qui s'est soldé par une baisse catastrophique dans la position sociale de larges couches de la population.

Les dirigeants de Québec solidaire ne reculent toutefois devant rien pour rassurer l'élite dirigeante qu'ils sont déterminés à respecter l'ordre existant.

«On va élaborer un programme qui sera généreux, mais réaliste, on aura des engagements chiffrés», répète à toutes les tribunes Françoise David, dont le discours vaguement anti-conformiste et profondément «réaliste» lui a valu une certaine notoriété dans les médias officiels.

Le co-fondateur de Québec solidaire et ex-dirigeant de l'Union des forces progressistes, Amir Khadir, a dû lui aussi introduire une forte dose de «réalisme» dans son discours. «Nous mettons en place une nouvelle gauche», explique-il, «une gauche démocratique, qui offre une représentation égale aux femmes, intègre la pluralité des opinions, a une conscience aiguë de l'environnement». Cette nouvelle gauche, s'empresse-t-il d'ajouter toutefois, «n'entretient pas de délire de grandeur et ne promet pas le bonheur garanti à l'humanité».

Québec solidaire a beau promettre qu'il n'aspire pas à sérieusement ébranler le PQ ni à «changer le monde», l'establishment péquiste craint que la moindre critique pourrait déstabiliser un parti aussi discrédité que le sien. Son nouveau chef André Boisclair, qui a amorcé un autre virage à droite en accueillant les plans de privatisation du réseau de la santé et en endossant une loi spéciale du gouvernement libéral contre les travailleurs du secteur public, a coupé court à toute possibilité d'un pacte électoral du PQ avec Québec solidaire.

La bureaucratie syndicale - couche sociale privilégiée qui détient des parts d'actions dans des sociétés capitalistes et bénéficie directement de l'exploitation accrue des travailleurs associée au tournant à droite de la politique officielle - s'oppose aussi dans sa grande majorité à tout relâchement de ses liens de longue date avec le PQ.

Marc Laviolette, l'ex-président de la CSN et actuel président du club politique formé par la bureaucratie syndicale au sein du PQ sous le nom de SPQ Libre (Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre), a fait savoir que la priorité était de «renverser le gouvernement Charest dès la prochaine élection et avancer résolument vers la souveraineté du Québec».

Un autre ancien président de la CSN, Gérald Larose, qui dirige aujourd'hui le Conseil de la souveraineté, a livré le message de façon encore plus directe, déclarant à la sortie du congrès de fondation de QS, auquel il avait été invité, que «seul le Parti québécois est à même de réaliser la souveraineté».

Henri Massé, le président de la plus grande centrale syndicale de la province, la Fédération des travailleurs du Québec, n'a pas non plus mâché ses mots. Québec solidaire «est un peu trop à gauche et ses idées sont utopiques», a-t-il déclaré. «Parmi nos membres, il y a bien sûr des insatisfaits des vieux partis, mais ils attendent des choses plus pragmatiques.»

La réponse de Amir Khadir a été de se vanter du fait que «le conseil central de Montréal de la CSN [Confédération des syndicats nationaux] a déjà donné son appui à la naissance d'un parti de gauche au Québec». Québec solidaire espère ainsi convaincre d'autres sections de la bureaucratie syndicale de prendre part à sa tentative de créer un groupe de pression sur le PQ afin de perpétuer la subordination politique des travailleurs à ce parti de la grande entreprise.





 

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