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La collaboration avec les « renditions » de la CIA met en lumière les attaques contre les droits démocratiques en France

Par Antoine Lerougetel
16 janvier 2006

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La Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) et la Ligue française des droits de l'homme (LDH) ont annoncé le mois dernier qu'elles « déposent ce jour une plainte près le Procureur du Tribunal de Grande Instance de Bobigny pour détentions arbitraires, séquestrations, tortures, et violations de la troisième Convention de Genève sur le sort des prisonniers de guerre. ».

La FIDH et la LDH demandent que des enquêtes judiciaires soient ouvertes sur l'utilisation par la CIA (Agence centrale américaine de renseignements) d'avions secrets « dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, dans le but d'acheminer illégalement des détenus dans des centres secrets de détention. » Elles affirment avoir des informations selon lesquelles la CIA utilise ces mêmes avions comme « centres d'interrogatoires poussés.»

D'après ces deux organisations, la pratique comprend «l'utilisation de procédés de tortures et mauvais traitements formellement prohibés par la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984. » Elles ajoutent qu'il « y a tout lieu de craindre que de telles pratiques étaient mises en oeuvre sur les détenus transportés lors des deux vols incriminés.

Le communiqué poursuit: « A deux reprises au moins, des avions se seraient posés sur des aéroports français (Brest-Guipavas et Paris-Le Bourget), dans des circonstances suspectes, sans que les destinations n'aient été clairement explicitées. Les plus grandes craintes peuvent être formulées quant au transport de prisonniers de la CIA à l'occasion de ces vols. La FIDH et la LDH demandent par conséquent à ce que toutes les investigations nécessaires sur ces faits soient effectuées dans les plus brefs délais par l'autorité judiciaire. » Et de continuer qu'elles « entendent souligner la responsabilité première des autorités françaises, d'enquêter sur ces faits et de poursuivre leurs auteurs. »

La pratique de la « rendition » de la CIA, où pour éviter les restrictions légales sur la torture, l'assassinat et l'emprisonnement arbitraire, des détenus sont conduits dans des pays où de telles interdictions n'existent pas, est devenue maintenant une source d'embarras pour les alliés européens de Washington, tandis que des preuves de leur complicité ont été apportées. Des porte-parole français ont publié des déclarations insincères suggérant qu'ils n'étaient pas au courant des chargements des deux avions identifiés comme appartenant à la CIA et ayant fait escale en France.

Le site web du Nouvel Observateur du 5 décembre cite Baptiste Mattéi, porte-parole du ministre des affaires étrangères qui dit: « Il est tout à fait possible qu'il y ait eu des vols La question est de savoir ce que transportaient ces avions. »

Le site publia un entretien le 2 décembre avec un ancien agent français des renseignements qui prit la défense des services secrets en affirmant que « Si les avions se sont posés sur des bases discrètes, nos services secrets étaient au courant, mais ne savaient pas forcément ce qu'il y avait dedans » Il ajouta cependant que « si les politiques donnent leur accord, ils savent ce que transporte l'avion »

Il existe en fait un long passé de proche collaboration entre les agences antiterroristes de France et des Etats-Unis, collaboration particulièrement intense depuis les attentats d'Al Quaïda du 11 septembre 2001. L'ancien gouvernement de Gauche plurielle du Premier ministre socialiste Lionel Jospin mit en place, à Paris en 2002, un centre antiterroriste joint appelé Alliance Base.

Dana Priest écrivit dans le Washington Post du 18 novembre 2005 que ce centre faisait partie d'un réseau commun d'installations dans plus de deux douzaines de pays « où des agents de renseignements américains et étrangers travaillent côte à côte pour traquer et capturer des personnes suspectées de terrorisme et détruire ou pénétrer leurs réseaux. »

Ces centres de renseignements contre-terroristes (CTICs), poursuivit le Post, " prennent des décisions tous les jours sur le moment et la manière d'appréhender des suspects, sur la nécessité de les enlever pour les interroger et les détenir dans des pays étrangers Quasiment chaque capture ou assassinat d'une personne suspectée de terrorisme hors d'Irak depuis les attentats du 11 septembre 2001, soit plus de 3 000 au total, fut le résultat du travail de services de renseignements étrangers collaborant avec l'Agence, dit le directeur adjoint des opérations de la CIA à un comité du Congrès lors d'une session à huis-clos qui se tint cette année. »

Priest affirma que « à Paris, tandis que l'acrimonie entre les Etats Unis et la France était à son comble sur la question de l'invasion de l'Irak en 2003, la CIA et les services de renseignements français étaient en train de mettre sur pied l'unique centre d'opérations multinationale de l'Agence et d'exécuter des opérations pièges dans le monde entier Portant le nom de code Alliance base, [ce centre] comprend des représentants de Grande-Bretagne, France, Allemagne, Canada et Australie.»

Le site financé par le Département américain de sécurité intérieure, MIPT Knowledge Base, produit des résumés annuels de l'activité antiterroriste française. Dans celui de 2001 il fit remarquer que « à la suite des attaques perpétrées aux Etats-Unis, la France avait joué un rôle important dans la mise au point d'une réponse des Nations Unies face au terrorisme et avait rejoint d'autres alliés de l'OTAN pour invoquer l'Article 5, clause de défense mutuelle du traité de l'OTAN. Paris accorda sans attendre à l'aviation américaine une autorisation sans condition de survoler le territoire français pendant trois mois et proposa des installations aériennes, navales et terrestres qui firent partie intégrante de l'opération Enduring Freedom. »

Le MIPT nota qu'en novembre 2001 le gouvernement Jospin vota le projet de loi sur la sécurité qui « élargit les pouvoirs de la police en matière de perquisition, de surveillance téléphonique et d'Internet Le ministre des finances, Laurent Fabius apporta une réponse rapide aux demandes émanant des USA de geler les biens des Talibans et d'Al Quaïda Les Français étaient parmi les principaux partisans pour la création du comité de lutte contre le terrorisme du Conseil de sécurité des Nations Unies et ils coopérèrent avec les personnels américains lors de réunions du G8 sur le contre-terrorisme. »

Le résumé du MIPT pour 2002 commence ainsi: « La France a fourni un soutien militaire, juridique et sécuritaire absolument remarquable dans la guerre contre le terrorisme. La France a fait une contribution militaire significative à l'opération Enduring Freedom, dont 4 200 personnels militaires soutenant les opérations en Afghanistan. Les avions du porte-avions Charles de Gaulle firent plus de 2000 missions de vols de reconnaissance, de frappe et de guerre électronique sur l'Afghanistan. La France a fourni un soutien aérien rapproché aux US et à la coalition pendant l'opération Anaconda. »

Le site insista sur le fait que « en octobre, le Ministre de la justice décida d'ajouter un cinquième magistrat à son équipe spécialisée de juges antiterroristes. »

Dans son résumé de 2003, le site MIPT écrivit : « La France est en train de changer sa législation intérieure pour y incorporer les dispositions du mandat d'arrêt européen et pour consolider ses procédures pour la coopération judiciaire internationale. »

Le gouvernement français, en alliance avec l'Allemagne et la Russie s'opposa à la décision de Washington d'envahir l'Irak en mars 2003 faisant fi des procédures décisionnaires des Nations Unies. La France cherchait à utiliser les mécanismes des Nations Unies pour protéger ses propres intérêts pétroliers en Irak et au Moyen Orient contre la tentative de Washington d'établir l'hégémonie américaine. Ceci n'affecta cependant pas la collaboration des services de renseignement franco-américains contre des forces jugées représenter une menace envers la ruée des grandes puissances pour le contrôle des ressources stratégiques du monde.

Les agents des renseignements américains et des relations étrangères étaient extrêmement embarrassés et désavouaient l'hystérie anti-française entretenue par le Secrétaire à la défense américain, Donald Rumsfeld. Un autre article de Dana Priest, dans le Washington Post du 3 avril 2005, sur la collaboration franco-américaine fit remarquer : « Les French fries (frites à la française) sont devenues des freedom fries (frites de la liberté) sur l'avion Air Force One du Président des USA et dans les cafétérias du Congrès, Rumsfeld interdit aux fonctionnaires généraux de téléphoner à leurs collègues français, interdit que des avions américains ne participent au salon de l'aéronautique du Bourget et désinvita les Français de l'important exercice militaire américain Red Flag auquel ils participent depuis des décennies. »

L'article se poursuit ainsi: « Trois mois après le début de la dispute, le Département d'Etat et la CIA plaidèrent en faveur de la France, en citant sa collaboration en matière de renseignements. Bush finit par dire à Rumsfeld d'arrêter, d'après deux anciens fonctionnaires du Département d'Etat. Le Secrétaire d'Etat de l'époque, Colin L. Powell écrivit une note de service disant que punir la France ne faisait pas partie de la politique américaine Mais Rumsfeld persistait encore un an après, excluant les forces armées françaises de l'exercice Red Flag de 2004Les services de renseignements essayèrent de se tenir à l'écart de la mêlée 'Les Français tenaient absolument à démontrer qu'il n'y avait vraiment aucune diminution de la collaboration', dit Wolff, diplomate américain ici. »

Le degré d'implication de la France dans les interventions militaires néocoloniales américaines dépasse de loin le partage de renseignements et d'activités antiterroristes. Un autre site officiel américain, National Defence, dans sa mise à jour du 7 avril 2005, fit une étude détaillée des moyens militaires français et de déploiement stratégique. Faisant remarquer que la France participait pleinement à la transformation en cours de l'OTAN et avait plusieurs officiers en poste à la Strategic Allied Command Transformation (Transformation des commandes alliées stratégiques) à Norfolk, Virginie, USA, il signala que des généraux français avaient récemment pris le commandement de deux forces majeures de l'OTAN : l'ISAF (Force internationale d'assistance et de sécurité) en Afghanistan et la KFOR au Kosovo.

Le site déclarait qu'en Afghanistan, la France était le deuxième plus important partenaire des Etats Unis après l'Allemagne. Les contributions françaises comprenaient un contingent de 900 soldats dans l'ISAF, 11 pour cent de ses troupes, et plusieurs bateaux et avions.

Associated Press annonça le 29 août 2005 que le colonel des forces françaises, Gilles Michel, dit à partir de la base aérienne de Bagram, en Afghanistan : « Nous avons dit aux Américains, 'si vous avez besoin d'équipement, nous vous en fournirons'. » Michel dit que le déploiement actuel de la France était le plus important depuis les débuts de la campagne Afghane, et comprenait 500 pilotes français, aiguilleurs du ciel et équipage au sol tout juste arrivés sur les bases opérées par les Etats-Unis en Afghanistan, Tadjikistan, Kirghizstan et Qatar.

Ce qui est peu connu des Français qui se sont massivement opposés à l'invasion de l'Irak conduite par les Etats Unis et qui croyaient pour beaucoup que le gouvernement français était contre la guerre, est le fait que la France fournit une contribution militaire importante aux forces d'occupation.

L'article de Associated Press rapporta que des fonctionnaires français et américains avaient dit que « la France ne prend toujours pas de rôle direct en IrakMais les patrouilles maritimes sous la conduite des Français entre le Pakistan et la Corne de l'Afrique soutiennent indirectement la mission américaine là-bas en empêchant une aide par voie maritime aux insurgés irakiens ou des terroristes alliés basés dans la région du Golfe. Jusque près d'une douzaine de bateaux français patrouillent les mers qui entourent l'Arabie Saoudite, l'Afrique de l'est, l'Iran et le Pakistan, stoppant les bateaux qui se dirigent vers le Détroit d'Hormuz qui garde l'entrée au Golfe persique et à l'Irak. »

Une des raisons essentielles pour laquelle la CIA a choisi Paris pour y établir Alliance Base est l'autorité considérable dont jouissent les cinq juges antiterroristes de France, sous la conduite de Jean-Louis Bruguière, dont les pouvoirs comprennent celui d'arrêter, de détenir et de poursuivre quiconque sur tout le territoire français et d'outremer.

Craig Whitlock, fit remarquer dans le Washington Post du 2 novembre 2004 : «Armé des lois antiterroristes et des programmes les plus stricts d'Europe, le gouvernement français cible avec agressivité les Islamistes radicaux et autres personnes considérées comme menace terroriste potentielle. Tandis que d'autres pays débattent de l'équilibre à respecter entre sécurité et libertés individuelles, la France a rencontré peu de voix discordantes quant à des tactiques qui seraient controversées, sinon illégales aux Etats-Unis et dans d'autres pays. »

Le pouvoir de Bruguière de détenir des suspects en détention provisoire jusque pendant trois ans, pendant qu'il instruit le dossier, ajouté aux dispositions pour le moins vagues du délit d' « association de malfaiteurs », signifie que des couches entières de la population sont soumises à la terreur et à l'intimidation de l'Etat.

La DST (Direction de la surveillance du territoire), agence française de renseignements sur le territoire, emploie un grand nombre de musulmans et de personnes parlant l'arabe pour infiltrer les groupes radicaux.

En même temps, les pouvoirs accordés aux magistrats français ont donné à l'Etat les coudées franches pour ne pas s'embarrasser des restrictions légales en matière d'arrestations arbitraires qui existent dans d'autres pays.

Pour exemple, le cas de Christian Ganczarski, allemand d'origine et présumé agent d'Al Quaïda. Des fonctionnaires saoudiens s'apprêtaient à extrader Ganczarski en Allemagne, mais les fonctionnaires allemands dirent qu'ils n'avaient pas les preuves justifiant une arrestation.

Les Saoudiens le mirent sur un vol à destination de l'Allemagne faisant escale à Paris. Il fut arrêté par la police française le 2 juin 2003. Il était toujours détenu en France 17 mois plus tard, sans aucune preuve d'activités terroristes ou chef d'accusation, sur présomption d'implication dans un attentat en Tunisie. Le fait qu'il y avait des Français parmi les victimes de l'attentat donnait à Bruguière et à son équipe, selon les dispositions de la loi française, le pouvoir de détenir quasiment indéfiniment ce citoyen allemand.

Michel Tubiana, avocat et président de la Ligue française des droits de l'homme déclara: « Il y a eu définitivement une érosion des libertés civiles en France, et pas seulement sur le terrorisme. Nous voyons en ce moment des choses qui auraient été impensables il y a 10 ans. »

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