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Michelle Bachelet élue présidente

La coalition Démocratie chrétienne et Parti socialiste conserve le pouvoir au Chili

Par Bill Van Auken
Le 17 janvier 2006

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Dimanche dernier, la victoire électorale de Michelle Bachelet, une dirigeante du Parti socialiste du Chili, est présentée de toutes parts comme un signe de plus d'un « virage à gauche » en Amérique latine. L'attention des médias fut en grande partie consacrée au fait que ce médecin pédiatre de 54 ans devienne la première femme à être élue présidente au Chili.

Cependant, l'essentiel du contenu politique des résultats de l'élection réside dans le fait que la coalition du Parti socialiste et de la Démocratie chrétienne, connue au Chili sous le nom de Concertación et qui exerce le pouvoir depuis 1990 dans l'intérêt du patronat, continuera à garder les rênes du pouvoir.

Il ne fait pas de doute que les soi-disant questions « sociales » figuraient au premier plan de la campagne électorale. On a pu voir le candidat de la droite chilienne, l'homme d'affaires milliardaire Sebastian Piñera, se porter candidat sur une plateforme programmatique des « valeurs familiales » cherchant à montrer le contraste entre son mariage traditionnel et sa soi-disant piété religieuse avec le statut de mère célibataire de Bachelet qui se dit agnostique.

En ce qui concerne le Parti socialiste, il organisa la campagne de Bachelet sur le modèle des campagnes du Parti travailliste du premier ministre britannique Tony Blair, en mettant l'accent sur ses qualités personnelles, et ne disant pas grand-chose du programme politique.

Au second tour des élections, Bachelet l'emporta sur Piñera avec 53,5 pour cent des voix contre 46,5. Le milliardaire essaya de faire appel à la fois l'extrême droite ­ promettant de mettre fin aux poursuites du personnel militaire accusé de meurtres de masse, d'assassinats et de torture sous la dictature ­ et aux Chrétiens démocrates, en se qualifiant lui-même « d'humaniste chrétien » et en prenant ses distances par rapport à l'ancien dictateur Augusto Pinochet. A la fin, il échoua dans sa tentative de concilier ces directions divergentes.

Pour un grand nombre de travailleurs chiliens, la droite reste immuablement associée aux horreurs qu'elle infligea à la population durant les 17 années que dura la dictature militaire. Dans les régions plus pauvres où vit la classe ouvrière, y compris les districts miniers, Bachelet l'emporta avec une marge significativement plus importante alors que Piñera obtenait un meilleur score dans les quartiers plus riches de Santiago.

L'évolution de Bachelet est emblématique du constant virage à droite opéré par le Parti socialiste chilien au cours des trois décennies, à savoir depuis le renversement du Parti socialiste du président Salvador Allende et la prise du pouvoir du général Pinochet après le coup d'Etat militaire commandité par la CIA en 1973.

Fille d'un général de l'armée de l'air qui fut torturé à mort sous la dictature pour ses liens étroits avec le gouvernement Allende, Bachelet fut elle-même arrêtée, en même temps que sa mère, et emprisonnée dans le tristement célèbre centre de détention Villa Grimaldi où elle fut également torturée. Après sa libération, elle vécut durant plus de cinq ans en exil, d'abord en Australie puis en Allemagne de l'Est.

Après son retour au Chili en 1979, elle travailla dans une clinique financée par la Suède où étaient soignés des enfants issus de familles ayant enduré la répression politique et la torture. En 1994, quatre ans après que la coalition de la Démocratie chrétienne et des Socialistes ait pris le pouvoir la première fois, elle fut nommée conseillère au cabinet du secrétaire d'Etat à la Santé.

En 1996, cependant, sa carrière politique amorça un brusque tournant. Elle commença des études auprès de l'Académie de guerre de l'armée chilienne et un an plus tard fut envoyée à Washington suivre des cours à l'Université de défense inter américaine. A son retour, elle fut employée au ministère chilien de la défense tout en siégeant à la commission des affaires militaires du Parti socialiste.

En 2000, suite à l'élection du président Carlos Lagos ­ premier socialiste à prendre la tête du gouvernement chilien depuis Allende ­ elle fut d'abord nommée ministre de la santé puis ministre de la défense. En tant que première femme à occuper un poste de ministre de la défense, elle supervisa le plus important réarmement militaire que le Chili ait jamais connu, elle organisa aussi l'envoi de troupes chiliennes en Haïti où elles sont encore associées aux forces de « maintien de la paix » qui avaient pris le relais des Marines américains qui avaient envahi le pays suite à l'évincement de Jean-Bertrand Aristide par Washington.

Le haut commandement militaire avec lequel Bachelet travailla en tant que ministre, est encore en grande partie dominé par les alliés de Pinochet. Sur les 36 généraux que compte l'armée chilienne, au moins 13 furent officiers dans les unités chargées de la répression durant la dictature, et responsables des « disparitions », de l'emprisonnement et de la torture de dizaines de milliers de Chiliens.

« Je veux qu'on se souvienne de mon gouvernement comme d'un gouvernement pour tous », dit Bachelet après que sa victoire fut annoncée. Ce commentaire en apparence inoffensif en dit plus long qu'il ne paraît. D'une part, il reprend la rhétorique de sa campagne électorale concernant l'amélioration des conditions de vie d'une vaste section de la population chilienne, tout en s'adressant, d'autre part, à la droite et aux sections de l'élite dirigeante que ce gouvernement représente, en leur assurant qu'elle protégera leurs intérêts.

La présidente nouvellement élue jura de ne pas dévier radicalement de la politique de libre marché qui fut imposée au pays en écrasant la classe ouvrière sous la dictature et qui n'a cessé d'être appliquée depuis. Elle promit de « continuer sur le même chemin » que ses prédécesseurs et repoussa des suggestions selon lesquelles elle pourrait se distancer des privatisations radicales qui furent entreprises au cours de ces dernières décennies.

Le soi-disant « miracle économique chilien » a fait du Chili l'un des « marchés émergents » les plus attrayants, générant des profits énormes pour les transnationales et l'élite financière du pays, mais laissant à la traîne de larges sections de travailleurs chiliens appauvris et au chômage. Au même titre que le Brésil, le Chili est l'un des pays de l'hémisphère où l'inégalité sociale est la plus forte.

Le marché de Wall Street réagit avec calme aux résultats de l'élection chilienne. Il fait entièrement confiance au nouveau gouvernement pour ne pas entreprendre de changement dans la politique économique qui laisse toute liberté d'action au capital étranger et national. De plus, en ce qui concerne les sections les plus conscientes de l'élite dirigeante, la victoire de Concertación est indubitablement le meilleur résultat.

La participation du Parti socialiste au gouvernement est considérée comme offrant l'occasion de créer des conditions plus favorables de « gouvernance » - une phrase qui est de plus en plus souvent énoncée en faveur des soi-disant gouvernements de gauche qui sont arrivés au pouvoir dans d'autres pays d'Amérique latine. L'idée est que si la droite ­ représentant au Chili les héritiers politiques de Pinochet ­ appliquait le même programme cela créerait des conditions d'instabilité politique plus grandes.

Lors du premier tour des élections, le 11 décembre, il ne manquait à Bachelet que quatre pour cent pour remporter la majorité absolue du vote, alors que Piñera, candidat du parti de la Rénovation nationale (RN), obtenait 25 pour cent des voix. Au second tour, le parti de droite, l'Union démocrate indépendante (UDI), et son candidat Joaquin Lavin soutenaient Piñera, alors que le Parti communiste (PC) appela à voter pour Bachelet.

Le PC chilien en décida ainsi après que Bachelet ait répondu favorablement à une série de questions que le parti stalinien avait posée à la candidate et qui touchaient des points concernant la réforme électorale, le droit du travail, les droits de l'homme et d'autres questions.

Cependant, El Siglo, l'hebdomadaire du Parti communiste, publia une déclaration qui n'était rien moins qu'un démenti tout honteux, soulignant que : « personne ne s'imagine que M. Bachelet va changer le cachet néo libéral de Concertación. Nous espérons seulement qu'elle aura quelques gestes de dignité. » La publication ajouta ; « Quelle que soit la personne à la tête du gouvernement, nous sommes et nous resterons une force d'opposition. » En fait, comme le prouve sa recommandation, le PC était et reste un pilier politique indispensable à l'Etat capitaliste au Chili, même si sa base ne cesse de chuter.


 

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