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Des milliers d’étudiants chinois se révoltent contre la perspective de ne pas trouver d’emploi

Par John Chan
13 juillet 2006

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Confrontés à un avenir incertain, des milliers d’étudiants de l’enseignement supérieur ont exprimé le mois dernier leur frustration dans des protestations et des émeutes.

La manifestation la plus importante a éclaté le 15 juin. Quelque 10.000 étudiants, saccagèrent salles de cours et bureaux administratifs dans la ville de Zhengzhou, au centre de la Chine et s’affrontèrent à des centaines de policiers dans l’une des protestations étudiantes les plus acerbes depuis le massacre de la place Tiananmen en 1989.

L’émeute a débuté à l’institut universitaire privé Shendga Economic, Trade et Management College qui est affilié à la prestigieuse université de Zhengzhou qui compte 13.000 étudiants. Après avoir payé des frais d’études et poursuivi des années d’études, les étudiants devinrent furieux en apprenant la décision de l’institut de décerner aux diplômés des diplômes portant son nom au lieu de celui de « Zhengzhou University », comme promis dans sa publicité.

Le titre « Zhengzhou University Shengda Economic, Trade and Management College » révèlera tout de suite aux employeurs le niveau inférieur de leurs qualifications.

Sur le marché du travail chinois, où règne une compétition féroce, même le diplôme d’une université réputée n’est plus une garantie pour décrocher un emploi. Selon de récentes évaluations effectuées par le gouvernement, il est peu probable que les quelque 60 pour cent des quatre millions de diplômés de l’enseignement supérieur trouvent un travail dans l’année, et ce en dépit d’une croissance annuelle de plus de 9 pour cent (voir: Le rêve brisé de la classe moyenne chinoise: des millions de diplômés acculés au chômage).

Le quotidien de Hong Kong Ming Pao rapportait le 19 juin : « Les étudiants, devenus fous, ont d’abord jeté des objets par les fenêtres de leurs logements, il y eut une pluie de bouteilles thermos, de bouteilles de bière, d’extincteurs, de téléviseurs, de machines à laver et de verre. » Plus tard dans la nuit, des milliers d’étudiants se rassemblèrent devant le bâtiment administratif pour scander des slogans exigeant le remboursement de leur argent. Les étudiants détruisirent des bureaux et la bibliothèque et mirent le feu aux statues des fondateurs de l’institut.

« Les étudiants en colère envahirent ensuite les rues en démolissant tout sur leur passage… La police a chargé à plusieurs reprises mais, sous les jets de pierres, elle dut battre en retraite. Quand la police armée de Zhengzhou fut envoyée sur les lieux les étudiants se calmèrent quelque peu, » remarqua le Ming Pao. Une centaine d’agents de police armés et 14 véhicules de police bouclèrent le campus. Le personnel de sécurité prit des photos des étudiants qui avaient participé à l’émeute et empêcha la plupart des étudiants de quitter le collège. Un site internet de l’institut fut fermé après que les étudiants l’aient utilisé pour protester et pour envoyer par courriels leurs commentaires aux média internationaux.

Pour riposter, les étudiants organisèrent des sit-in et un boycott des examens les jours suivants. Un étudiant, Xu, déclara à l’AFP : « La position de l’école reste dure, mais si l’institut ne résout pas cette question, nous continuerons à boycotter les cours et les examens. »

Un enseignant canadien travaillant à l’institut envoya le 20 juin ce courriel au journal canadien Globe and Mail : « Ce matin les étudiants se sont rassemblés et environ la moitié d’entre eux refusent de passer leurs examens aujourd’hui. Ils ont le sentiment d’avoir été trompés et qu’on leur a menti. Ils ont tout perdu y compris l’argent de leurs parents. Les enseignants chinois ont ordonné aux étudiants de passer leurs examens mais ceux-ci ont refusé. »

Le 22 juin, le New York Times expliquait une partie du contexte de ces protestations. La plupart des étudiants inscrits à Shengda n’avaient pas obtenu des résultats suffisamment bons à l’examen national d’entrée à l’université publique pour être admis dans les universités réputées. Ils ont payé 2.500 dollars US par an pour suivre leurs études à Shengda – comparé à un produit intérieur brut (PIB) par habitant de tout juste 1.500 dollars en Chine. Les frais d’études à Shengda sont cinq fois supérieurs à ceux de l’université de l’université de Zhengzhou qui sont au même niveau que dans le reste de la Chine. Au lieu de bénéficier d’une éducation de haute qualité, les frais excessifs ne sont pratiquement qu’un moyen de s’acheter un diplôme universitaire.

La « réforme du marché » du système de l’éducation introduite en 1998 par le gouvernement chinois prévoyait l’expansion du système universitaire par l’augmentation du nombre des institutions d’enseignement privé à but principalement lucratif. Des centaines de nouveaux instituts universitaires furent fondées pour accueillir des millions d’étudiants qui n’étaient pas admis dans les grandes universités publiques mais qui étaient en mesure de payer les frais très élevés de l’enseignement supérieur. Certains de ces instituts délivraient des certificats qui portaient les noms d’institutions d’un statut plus élevé en guise d’appât tout en facturant des prix plus élevés. Une législation passée en 2003, exigea cependant que les instituts délivrent des diplômes portant leurs propres noms.

Dans le but d’apaiser les étudiants en colère, Hou Heng, le directeur de l’institut de Shengda, fut forcé de démissionner sous la pression de ses supérieurs de l’université de Zhengzhou et peut-être aussi du gouvernement. Toutefois, il est improbable que les étudiants reçoivent ce pourquoi ils ont payé, un certificat montrant aux employeurs qu’ils ont fait leurs études à l’université de Zhengzhou.

Wang, un étudiant de Shengda et originaire d’une commune rurale de la province de Henan, dit au New York Times pourquoi la dévalorisation des diplômes est catastrophique pour les étudiants. « Il n’existe pas beaucoup de’emplois disponibles dans le monde des affaires et ils iront tous aux diplômés des universités publiques », précisa-t-il. Wang dit que la plupart de ses camarades de cours auront du mal à rembourser leurs dettes face aux énormes difficultés pour trouver du travail.

Les étudiants de Shengda n’étaient pas les premiers à protester. L’année dernière, en décembre 2003, des étudiants de l’East Soft Information Institute de la ville de Dalian qui est affilié à la Northeast University, s’étaient révoltés pour la même raison.

Alors que les manifestations se poursuivaient à Zhengzhou, l’Associated Press rapportait que le 21 juin, quelque 9.000 étudiants du campus de Jiangan de l’Université Sichuan dans le sud-ouest de la Chine, s’étaient révoltés après que les autorités leur aient interdit de regarder la Coupe du monde de football. Ils allumèrent des feux et saccagèrent des installations après que la direction de l’école ait coupé l’électricité à minuit pour obliger les étudiants à préparer leurs examens.

Le 25 juin, selon le service chinois de la BBC qui s’était basé sur des comptes-rendus parus dans des journaux de Hong Kong, des milliers d’étudiants de l’université de Jiujiang dans la province de Jiangsu, ont protesté contre des frais d’études arbitraires. Les étudiants ont saccagé des installations scolaires et plusieurs voitures appartenant à des responsables de l’école.

Le gouvernement chinois est parfaitement conscient du danger que représente l’agitation étudiante qui, par le passé, fut le prélude à un plus vaste mécontentement de la classe ouvrière. En juin 1998, les revendications des droits démocratiques des étudiants de l’université de Beijing devinrent rapidement le point de ralliement de l’aliénation des travailleurs dans le pays entier et qui formulèrent leurs propres revendications. Le mouvement finira dans un bain de sang après que le régime ait donné l’ordre aux troupes et aux tanks d’écraser les manifestations sur la place Tiananmen. Dix-sept ans plus tard, aucun des conflits sociaux qui sous-tendent cette affaire sont résolus, au contraire, ils se sont intensifiés au fur et à mesure que Beijing a multiplié ses mesures capitalistes.

L’éruption de protestations parmi les étudiants chinois pauvres et désespérés fait partie d’un processus mondial plus vaste. Au début de cette année, des étudiants et des travailleurs français ont mené une lutte massive contre une législation draconienne permettant aux employeurs de traiter les jeunes diplômés comme de la main-œuvre jetable.

Les événements explosifs en France semblent à première vue n’avoir aucun lien avec ceux qui se sont produits en Chine. En réalité, les attaques antisociales contre les jeunes en France ne peuvent pas être comprises séparément de la misère infligée à des centaines de millions de travailleurs et de jeunes chinois qui sont impitoyablement exploités par le capital mondial dans le but d’abaisser les salaires et les conditions sociales dans le monde entier.

 

 

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