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Canada: Le budget conservateur lance un nouvel assaut sur les services publics et sociaux

Par Keith Jones
5 mai 2006

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En rédigeant le budget fédéral déposé mardi dernier, le gouvernement minoritaire conservateur du Canada, au pouvoir depuis trois mois, visait trois objectifs.

D'abord, consolider son appui au sein de l'élite corporative canadienne en démontrant que les conservateurs sont déterminés à mettre de l'avant le «programme de compétitivité mondiale» de la grande entreprise: un programme de baisses d'impôts et de coupures de services sociaux, de privatisation et de dérégulation.

Ensuite, apporter de l'eau au moulin de la campagne des conservateurs pour se présenter comme un parti soucieux des besoins des «familles ouvrières» -- campagne servant à rassembler assez de votes lors de prochaines élections pour donner une majorité parlementaire aux conservateurs.

Et finalement, établir les préparatifs pour un assaut frontal sur ce qui reste des services publics et sociaux concédés à la classe ouvrière lors des trois décennies suivant la 2ème Guerre mondiale.

Le Conseil canadien des chefs d'entreprises (CCCE), le plus puissant lobby de la grande entreprise au pays, a été prompt à appuyer le budget. «Ce budget livre la marchandise à tous égards», a déclaré Thomas d'Aquino, chef de la direction et président du CCCE. Le CCCE a acclamé le nouveau gouvernement pour ses coupures de taxes, pour avoir limité les nouvelles dépenses aux transports, aux infrastructures frontalières, à la sécurité nationale et à d'autres priorités qui «contribuent à la compétitivité», et pour l'engagement à suivre une stratégie fiscale conçue pour faire en sorte que les entreprises canadiennes soient moins taxées que leurs rivales américaines. «Le principal changement d'orientation que l'on observe dans ce budget», a déclaré d'Aquino, «est qu'on admet la nécessité pour le Canada de procurer aux entreprises canadiennes un environnement avantageux au plan de la fiscalité par rapport aux États-Unis.»

En présentant le budget, le ministre des Finances Jim Flaherty a vanté la décision des conservateurs de baisser les impôts de $26 milliards au cours des trois prochaines années, plus que ne l'avaient fait les libéraux lors des quatre derniers budgets réunis, et a juré que les conservateurs continueraient à réduire les impôts lors de futurs budgets.

Les coupures de taxes, et tout particulièrement la diminution de 1 pour cent de l'impopulaire Taxe sur les produits et services (TPS), sont un élément clé dans les tentatives des conservateurs pour élargir leur appui électoral sur la base d'appels populistes de droite. À l'aide de leurs coupures de taxes, les conservateurs cherchent à exploiter la frustration et la colère populaires qui trouvent leur source dans la stagnation ou la baisse des revenus réels et dans la diminution de la qualité des services publics.

Flaherty a présenté divers petits crédits d'impôt, comme le nouveau crédit d'impôt de $1000 pour les uniformes, ordinateurs personnels et autres dépenses reliées à l'emploi ainsi qu'un crédit pour l'achat d'outils pour artisans, comme étant la preuve que les conservateurs prenaient à coeur les intérêts des familles ouvrières.

Cela n'est que ruse et imposture. Et pas seulement parce que les conservateurs croient que ces baisses d'impôts les aideront à bâtir une majorité électorale et ainsi légitimer une future poussée pour éliminer ce qui reste de services sociaux sous le couvert de donner aux Canadiens un plus grand «choix sur la façon dont leur propre argent sera dépensé».

Pour les Canadiens à faible et moyen revenu, l'impact net des 28 coupures de taxes de Flaherty et la baisse supplémentaire d'une coupure que les libéraux avaient faite en novembre dernier sur le taux d'imposition du premier $36.378 du revenu personnel constituera une baisse d'impôt faible, même minuscule. Selon les chiffres mêmes du gouvernement, les familles disposant d'un revenu entre $15.000 et $30.000 économiseront moins de $300 au cours de la prochaine année.

D'un autre côté, les mieux nantis et les riches devraient tirer un bénéfice important, particulièrement de la baisse du taux d'imposition sur les revenus de dividendes.

Pour ce qui est des baisses d'impôt que les conservateurs ont réservé aux entreprises, elles sont considérables: une baisse du taux d'imposition général des entreprises de 19 à 21 pour cent d'ici 2010; l'élimination immédiate de la taxe fédérale sur les gains en capital; l'élimination de la surtaxe des grandes, petites et moyennes entreprises dès janvier 2008; et l'élimination des montants payés en dividendes du calcul de l'impôt sur les profits des entreprises.

Compressions budgétaires et augmentation des dépenses militaires

Certaines sections des médias de la grande entreprise, et de façon révélatrice le Globe and Mail, ont critiqué les conservateurs pour n'avoir pas tenu leurs promesses de radicalement diminuer les dépenses gouvernementales et d'augmenter de façon importante le budget des Forces armées canadiennes (FAC).

Ces critiques sont un signe de l'impatience de la grande entreprise de voir son programme de droite mis en oeuvre.

Le budget recèle en fait plein de coupures dans les dépenses sociales et la promesse d'en faire encore plus dans les budgets à venir.

Il est spécialement important que les conservateurs aient annulé l'entente du précédent gouvernement avec les provinces sur le financement d'un programme ayant pour objectif d'augmenter le nombre de places dans les garderies publiques. Au lieu du programme libéral de garderies, les conservateurs vont offrir aux parents une allocation imposable de cent dollars par mois pour chaque enfant de moins de six ans. Alors que les conservateurs donnent le nom de création de places en garderie à cette mesure, elle est en fait une diminution d'impôt faisant partie d'un programme social de droite comme il est montré par le fait que les familles gagnant un revenu moyen et où les deux parents travaillent vont être beaucoup plus imposés sur les allocations des conservateurs que les familles gagnant dans les 100.000$ et plus où une seule personne travaille.

Les conservateurs et la droite se sont opposés avec véhémence au programme de garderies des libéraux même s'il était loin d'offrir une couverture universelle et qu'il était sous-financé parce qu'ils craignaient qu'il serait une base pour le développement futur d'un nouveau service public national. Un chroniqueur de Canwest jubilait ainsi: «Il sont partis les jours de l'ingénierie sociale des libéraux. Adieu, programmes fédéraux développés par les bureaucrates. »

Le budget a aussi annulé une entente entre Ottawa, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les aborigènes qui a été conclue en novembre dernier et prévoyait une augmentation dans le financement de divers programmes aborigènes d'une valeur de 800 millions au cours de l'année fiscale actuelle et de 5,1 milliards de dollars pour les cinq prochaines années. En remplacement, les conservateurs n'ont alloué que 150 millions de dollars supplémentaires pour 2006-7 et 300 millions pour 2007-8 pour améliorer le logement et la qualité de l'eau sur les réserves et pour améliorer le système éducatif et l'appui socio-économique aux aborigènes, le groupe le plus pauvre au Canada.
Les conservateurs ont aussi cessé de financer un grand nombre de programmes suite aux engagements du Canada de diminuer les émissions de gaz carbonique qu'il avait pris dans le cadre de l'Accord de Kyoto. Les conservateurs n'ont pas officiellement renoncé à la participation du Canada à cet accord, mais ils l'ont répudiée en pratique avec leur promesse de développer un plan «fait au Canada» pour limiter les gaz à effet de serre.

Malgré ce qu'en disent les reportages, le budget a augmenté les dépenses militaires de façon très importante, quoique pas autant qu'il avait été prédit. Les conservateurs ont augmenté le budget du ministère de la Défense de $400 millions en plus de ce que les libéraux avaient prévu pour cette année et de $725 millions de plus en 2007-8, augmentant le budget de base de la Défense (qui ne comprend pas les dépenses spéciales encourues pour les missions outremer comme le déploiement en Afghanistan) à $16,4 milliards annuellement, de $14,8 milliards qu'il était. De plus, dans leur budget, les conservateurs ont réitéré leur promesse électorale d'augmenter le budget militaire à presque $20 milliards par année d'ici 2010.

Avec l'appui des médias de la grande entreprise, les conservateurs ont tenté de mobiliser l'opinion publique derrière le déploiement des FAC en Afghanistan et plus généralement pour que l'armée canadienne abandonne toute prétention d'être une force de maintien de la paix et qu'elle participe plus activement dans les interventions militaires impérialistes. Mais à ce jour, cet effort des conservateurs n'a pas réussi à modifier significativement l'opinion populaire.

Un autre raison pour laquelle le gouvernement minoritaire conservateur a pu choisir de retarder la mise en oeuvre de sa promesse d'augmenter les dépenses militaires, c'est qu'il y a des désaccords importants au sein du gouvernement et de l'armée sur comment dépenser l'argent et sur ce qui est prioritaire. Aussi, des sources au sein de l'armée ont déclaré que si les conservateurs allaient de l'avant avec leur promesse de renforcer la souveraineté du Canada en Arctique en achetant trois nouveaux brise-glace et en établissant un nouveau port nordique, alors il faudrait que le budget de la Défense soit augmenté significativement plus que les $3,5 milliards qu'ont promis les conservateurs pour les cinq prochaines années.

Vers un assaut sur les services publics et sociaux

Les conservateurs ont sans aucun doute évité, pour des raisons électorales, de procéder à une réduction majeure des programmes gouvernementaux dans leur premier budget.

Mais le budget met en place une série de mécanismes qui jettent les bases d'une réforme majeure et régressive de la politique sociale et de massives réductions dans les dépenses sociales.

Le gouvernement a chargé le président du conseil du Trésor John Baird -- un vétéran comme Flaherty du gouvernement ontarien conservateur de droite de Mike Harris -- de réaliser des coupures de $1 milliard dans chacun des deux prochains budgets et surtout de revoir comme les dépenses gouvernementales sont gérées afin de réaliser des économies et promouvoir la sous-traitance et les privatisations.

De plus, il a été carrément déclaré dans le budget que les conservateurs ne fourniront aucun financement pour accompagner leur «garantie de temps d'attente pour les soins de santé», une promesse que les Canadiens ayant besoin de certains traitements médiaux les recevront dans un intervalle de temps précis, autrement les gouvernements provinciaux (qui sont responsables de la santé selon la constitution) couvriront les frais de leur exécution à l'extérieur de la province.

Le refus du gouvernement de financer cet engagement montre qu'il ne vise pas à résoudre la crise qui a été créée dans le réseau public de la santé du Canada par deux décennies de coupures budgétaires fédérales et provinciales. C'est plutôt un moyen de légitimer et permettre un rôle accru des compagnies privées dans l'octroi des services de santé et d'offrir aux riches un accès à des soins médicaux de qualité plus rapide qu'à ceux ayant des revenus plus bas.

Finalement, et fait le plus important, le budget a donné l'assurance que les conservateurs allaient focaliser le gouvernement fédéral autour de ses responsabilités constitutionnelles «de base», ce qui sera un des principes fondamentaux sur lesquels s'appuiera le gouvernement pour résoudre le «déséquilibre fiscal» entre Ottawa et les gouvernements provinciaux.

C'est un fait connu que le document constitutionnel fondateur du Canada, l'Acte de l'Amérique du nord britannique de 1867, a laissé les affaires sociales aux provinces parce que les promoteurs de chemin de fer, banquiers et industrialistes naissants qui ont mené la campagne pour la Confédération leur accordaient une importance mineure et croyaient que ce serait mieux d'en laisser la responsabilité aux individus, aux familles, à l'église et aux organismes de charité.

Les conservateurs voient le retrait du gouvernement fédéral de la politique sociale et le transfert des responsabilités associées aux provinces comme un moyen d'accélérer le démantèlement de l'État providence, tout en satisfaisant les sections de l'élite dirigeante au Québec et dans l'Ouest qui veulent une plus grande autonomie et plus de pouvoir pour les gouvernements provinciaux.

Le chroniqueur du Globe and Mail John Ibbitson, un partisan des conservateurs qui s'est fait un nom en tant que promoteur du gouvernement ontarien de Mike Harris, pouvait à peine contenir son enthousiasme: «Un jour, on s'en rappellera comme le budget qui a tout changé. [Un] nouveau gouvernement conservateur s'apprête à restreindre sérieusement les pouvoirs d'Ottawa, redonnant aux provinces la responsabilité de gérer les relations de tous les jours entre les citoyens et l'État. Ceux qui continuent de croire en un gouvernement central fort, capable de défendre et d'étendre les standards nationaux en matière de politique sociale en utilisant sa capacité de dépenser pour forcer la coopération des provinces devraient être furieux.»

Flaherty avait à peine terminé son discours budgétaire que Gilles Duceppe, chef du Bloc québécois (BQ) favorable à l'indépendance du Québec, annonçait que son parti allait voter en faveur du budget conservateur, assurant ainsi non seulement son adoption mais aussi la survie du gouvernement conservateur minoritaire.

Duceppe, dont le parti prétend être progressiste et même favorable aux travailleurs, a justifié le soutien de son parti au budget en disant que le BQ veut donner aux conservateurs la chance de tenir leur promesse de céder plus d'argent et de pouvoir aux provinces. En adoptant ce point de vue, le BQ répond fidèlement aux désirs des deux ailes de l'establishment québécois, la fédéraliste et l'indépendantiste.

«Le plus important», a dit Duceppe, «est la promesse de régler le déséquilibre fiscal. Le vrai budget, ce sera l'an prochain. En attendant, nous ne voulons pas jouer au bluff comme les deux autres partis.»

Les attaques lancées par les libéraux contre le budget conservateur l'ont été de la droite. Le chef par intérim des libéraux, Bill Graham, et le critique aux finances John McCallum ont accusé les conservateurs d'avoir abandonné un «engagement à la prudence fiscale», parce qu'ils n'ont pas associé leurs baisses d'impôts à un montant équivalent en coupures budgétaires.

Les sociaux-démocrates du Nouveau parti démocrate (NPD), que même le Globe and Mail considère comme n'ayant «jusqu'à présent» été «que des critiques timides» du gouvernement conservateur, ont proclamé leur opposition au budget. Le chef du parti Jack Layton a cité les déductions fiscales aux entreprises et l'étranglement des programmes environnementaux comme les raisons pour lesquelles son parti devrait voter contre le budget.

Mais Layton s'est acharné à démontrer que le NDP est un parti «responsable» qui est prêt à travailleur avec le gouvernement fédéral le plus à droite depuis la grande Dépression: «Nous allons voter contre, mais nous allons proposer des amendements. nous sommes ici pour améliorer le budget, mais on verra.»

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