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Grande-Bretagne: Les questions politiques derrière la lutte de faction des travaillistes

Par Chris Marsden et Julie Hyland
9 mai 2006

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Il y a un élément remarquable dans la violente lutte de faction qui a éclaté à l'intérieur du gouvernement travailliste, à la suite de la déroute du parti lors des élections municipales du 4 mai. Dans un contexte où le parti se trouve apparemment au beau milieu d'une guerre civile, où certains se font accuser de vouloir destituer le premier ministre Tony Blair à la faveur d'une révolte de palais, personne n'a jusqu'ici pointé du doigt un seul désaccord politique substantiel entre les différentes factions groupées autour du premier ministre et du chancelier de l'Échiquier (ministre des Finances) Gordon Brown.

La raclée reçue par les travaillistes a été le résultat d'une désaffection populaire massive envers le gouvernement. Le parti perd des appuis de façon dramatique depuis que Blair a défié l'opinion publique pour rejoindre l'administration Bush dans sa guerre illégale contre l'Irak.

Lors des élections générales de 2005, le parti a réussi à s'accrocher au pouvoir avec seulement 25 pour cent du vote au pays. Le dernier vote a non seulement montré que Blair n'a pas été pardonné pour la guerre et l'occupation sanglante qui s'en est suivie, mais qu'en plus ce sentiment alimente une opposition grandissante aux attaques du gouvernement sur les droits démocratiques et à son programme actuel de privatisations et de coupures de services sociaux essentiels.

Loin d'entreprendre une quelconque reconsidération de ces politiques, tous ceux impliqués dans cette querelle interne de parti ont pour première préoccupation de s'assurer que l'hostilité des travailleurs envers le programme pro guerre et pro patronal des travaillistes ne puisse s'exprimer politiquement. Au lieu de cela, une lutte entre deux factions de droite se joue, dans les limites exclusives des médias, au sujet de qui pourra le mieux imposer les diktats de l'oligarchie financière.

Affichant son mépris pour le verdict populaire dévoilé lors des élections à propos de son leadership, Blair a entrepris un remaniement impitoyable de son cabinet pour convaincre ses supporters des médias qu'il était toujours le chef et qu'il écoutait leurs instructions.

Dans les semaines qui ont précédé les élections, la presse avait ciblé les alliés clé de Blair, à savoir: le ministre de l'intérieur Charles Clarke, pour ne pas avoir procédé à la déportation de ressortissants étrangers à leur sortie de prison, et le ministre John Prescott, au sujet d'une affaire extraconjugale. De plus, Washington aurait exprimé son mécontentement à l'endroit du ministre des Affaires étrangères, Jack Straw, pour avoir qualifié toute attaque militaire sur l'Iran d'acte «de folie».

Même s'ils ont été parmi ses plus loyaux partisans, Blair a renvoyé Clarke, il a dépouillé Prescott de la majorité de ses pouvoirs et a rétrogradé Straw.

Le cabinet a été rempli de loyalistes de Blair, dont Alan Johnson et David Miliband, qui sont tous deux perçus comme de potentiels candidats à la chefferie contre Brown.

Cette manuvre a galvanisé l'opposition parmi les députés contrariés qui ont ainsi conclu que Blair n'avait aucune intention de se retirer. Suite à la réaction négative des médias face au remaniement et à des éditoriaux insistant que Blair avait fait son temps, des rumeurs ont été encouragées selon lesquelles des lettres demandant au premier ministre de fixer un calendrier pour une «transition ordonnée» vers Brown et même pour une lutte potentielle au leadership auraient circulé.

Ce qui s'est produit par la suite était hautement révélateur. Lors d'une contre-attaque, Blair a laissé savoir aux partisans de Brown à l'intérieur du parti et aux médias qu'ils étaient en train de jouer avec le feu. Dans leur empressement à le destituer, ils risquaient de créer une ouverture pour les forces politiques contre lesquelles le Nouveau Parti travailliste avait été créé.

Il était prévu que Brown devait passer à la télévision de BBC dimanche matin, où on s'attendait à ce qu'il demande publiquement à Blair de signifier la date de son départ. Mais quelques heures avant que l'interview ne débute, le chef de presse de Blair, David Hill, a fait parvenir un message écrit à la BBC qui dénonçait Brown pour être le candidat bidon des forces de gauche dans le parti qui voulaient défaire tout le projet du Nouveau Parti travailliste. «Selon moi, il y a une tentative de faire perdre son siège au premier ministre et d'annuler les réformes blairistes», pouvait-on y lire.

Sur la défensive, Brown a lui-même averti dans son entrevue télévisée que des «motards d'escorte tentaient d'imposer l'ordre du jour»: «Je suis en politique depuis longtemps et j'ai vu au cours des vingt-cinq dernières années le Parti travailliste se diviser et les extrémistes en prendre la direction et les modérés en perdre le contrôle, c'est une recette pour un désastre.»

Plus tard le même jour, le nouveau ministre de l'Intérieur John Reid a donné une entrevue à la radio dans laquelle il avertissait lui aussi que le premier ministre était la cible d'une tentative de coup par l'aile gauche menée par le groupe Compass qui «voulait arrêter le programme de réforme et revenir au vieux Parti travailliste».

Déclarer que la gauche prépare un coup est absurde. Compass est une association informelle d'apparatchiks et de conseillers politiques qui ont fait leur preuve, certains d'entre eux proches de la bureaucratie syndicale, et qui veulent «rajeunir» le Nouveau Parti travailliste d'une façon qui n'est pas encore spécifiée mais très clairement qui ne constituera pas un retour aux anciennes politiques réformistes du Parti travailliste.

Néanmoins, le but de Blair était de s'assurer de la loyauté des supporteurs de Brown et d'autres députés mécontents depuis moins longtemps en jouant sur leur pire crainte.

La principale caractéristique du projet du Nouveau Parti travailliste a été d'exclure la classe ouvrière de la vie politique. Et alors que Brown est bien au fait que les déclarations d'une menace de la gauche au sein du Parti travailliste est une pure invention, rien ne peut avec autant d'efficacité provoquer une réaction de consternation au sein de tout l'appareil du parti que la possibilité que l'instabilité politique ne vienne miner leur actuel monopole sur le pouvoir.

De plus, sans l'appui de l'élite dirigeante et de ses médias, particulièrement de l'empire médiatique News Corporation appartenant à Rupert Murdoch, les travaillistes sont très au fait qu'ils ne pourront jamais former un gouvernement, peu importe qui est le premier ministre.

Sur ce front, la campagne de peur de Blair a été très efficace. Auparavant, la discussion dans les médias se déployait dans un cadre déterminé: pouvait-on faire confiance à Brown pour un autre mandat aux travaillistes ou bien David Cameron et les conservateurs devaient-ils les remplacer?

Le croque-mitaine de gauche a servi à rappeler que Blair n'était pas le seul qui risquait de perdre dans l'affaire. Dans un contexte de désaffection politique générale envers tous les partis, cela revenait à donner l'avertissement : «Après moi, le déluge».

Ainsi, bien que le Sunday Times ait déclaré en page éditoriale que «Blair doit partir» et caractérisé d' «insensés» ses efforts pour rester au pouvoir, le Times de lundi a souligné que «Gordon Brown doit éviter de devenir un prisonnier de la gauche». Ceux qui s'opposent au premier ministre seraient «une faction rancunière et hostile à tout ce qu'a pu représenter le parti travailliste. Précisément à cause de cela, le chancelier de l'Échiquier devrait faire attention à ces supposés champions d'une cause.»

La même ligne éditoriale a été suivie par le Sun, tandis que le Guardian pro travailliste disait en page éditoriale que Brown «a pleinement raison de ne pas vouloir s'emparer de la direction du parti à la tête d'une armée vengeresse de travaillistes gauchistes», ce qui, rien qu'à y penser, «serait une recette pour un désastre». Le journal Independent ayant refusé de prendre position, il ne restait plus que la presse ouvertement favorable aux conservateurs à demander que Blair parte immédiatement.

Le même jour Blair faisait une apparition devant les médias pour déclarer qu'il ne fixerait pas de date pour son départ, tout en promettant à Brown et à ses critiques de laisser «à mon successeur le temps normalement requis pour se faire valoir».

Il reste à voir si Blair en a fait assez pour éviter une remise en question immédiate de son leadership. Mais ses efforts en ce sens ont au moins démontré qu'en dépit des tensions qui agitent le Nouveau Parti travailliste et les cercles dirigeants en général, il y a une détermination commune à maintenir le dépouillement politique des travailleurs.

La politique est devenue le domaine exclusif de factions rivales de droite, dont les désaccords sont de nature purement tactique et même subjective et qui sont traités par des méthodes proches des intrigues de palais.

C'est une recette pour encore plus de dysfonctionnement et d'instabilité. Les problèmes qui tiraillent le gouvernement ne peuvent être résolus en remplaçant Blair. Même s'il était prêt à jeter l'éponge, cela ne suffirait à personne en dehors de l'appareil du parti.

Blair est détesté parce qu'il incarne les impératifs politiques et de classe partagés par toute la clique des nouveaux travaillistes. Il a été capable de remodeler le parti pour en faire le véhicule politique préféré de la grande entreprise en faisant appel aux intérêts égoïstes de la couche sociale privilégiée qui forme la bureaucratie travailliste et syndicale. Beaucoup de ces éléments sont devenus riches en exploitant leurs connections avec la grande entreprise et ils n'ont pas la moindre intention de mordre la main qui les nourrit.

Si Blair était écarté, le parti travailliste continuerait de poursuivre une politique militaire agressive à l'étranger et une politique socio-économique régressive au pays. Ceux qui font maintenant front commun contre lui cherchent seulement à enrober sous un nouvel emballage des mesures qui sont contraires aux intérêts de larges couches de la population et pour lesquelles il est impossible d'obtenir un mandat démocratique.

Ce qu'il faut ce n'est pas un changement de chef ou de direction politique dans le Nouveau Parti travailliste, mais la construction d'un nouveau parti, d'un parti socialiste, de la classe ouvrière.

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