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Le Sénat américain déclare l'anglais «langue nationale»: la promotion du chauvinisme et du racisme

Déclaration du Parti de l'égalité socialiste
22 mai 2006

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Le Parti de l'égalité socialiste condamne catégoriquement le vote jeudi dernier du Sénat pour faire de l'anglais la «langue nationale» des États-Unis. La mesure, ajoutée à la «réforme» de la loi sur l'immigration, n'est que la dernière d'une série d'actions réactionnaires, ignorantes et à courte vue, dont le but est de consolider la base de droite de l'administration Bush et du Parti républicain. Les implications de ces mesures sont vastes et anti-démocratiques.

La proposition est une concession aux éléments de droite et pro fascistes qui oeuvrent à attiser l'intolérance et la haine envers les immigrants en général, et les Hispano-américains en particulier. Elle met en évidence le caractère profondément non démocratique et inconstitutionnel de toutes les mesures promulguées sous prétexte de «sécuriser la frontière».

Les États-Unis ont existé depuis plus de 200 ans sans une telle élévation de l'anglais par le gouvernement fédéral. Aucune mesure de la sorte n'a été inscrite dans la constitution des États-Unis par les fondateurs. En 1780, une proposition par John Adams de créer une académie officielle dévouée à l'anglais a été rejetée à l'époque car non démocratique.

Pas même au plus haut point des immigrations de masse en provenance de l'Europe de l'Est et du Sud au tournant du 20me siècle, alors que des millions de personnes parlant des dizaines de langues étrangères affluaient aux États-Unis, l'élite dirigeante américaine n'a-t-elle jugé bon de promulguer cette forme de discrimination et d'exclusion. Pourquoi maintenant?

La réponse ne peut se trouver que dans la profonde crise et décomposition de la société capitaliste américaine, l'immense croissance des inégalités sociales, qui a déchiré la société américaine entre les larges masses et une oligarchie financière, et les efforts d'une élite dirigeante, de plus en plus discréditée, pour consolider sa domination en faisant appel aux idées réactionnaires et en se dirigeant vers la mise sur pied d'un État policier. Le système économique et politique américain est incapable d'intégrer sa population variée et de pourvoir à ses besoins.

La mesure a été passée à 63 voix contre 24, avec l'appui de tous les sénateurs républicains sauf un. Neuf démocrates ont voté pour la proposition. Elle ordonne au gouvernement fédéral de «préserver et accentuer le rôle de l'anglais en tant que langue officielle des États-Unis d'Amérique». Elle déclare de plus que personne n'a «le droit ou l'autorisation de faire en sorte que le gouvernement des États-Unis, ou quiconque de ses fonctionnaires ou représentants, agisse, communique, effectue ou rende des services dans une langue autre que l'anglais.»

Ceci est un pays où presque 16 pour cent des gens, soit un total de 47 millions, parlent une autre langue que l'anglais à la maison. La mesure du Sénat est dirigée d'abord et avant tout contre les 35 millions d'Hispano-américains, qui constituent 13,4 pour cent de la population et la section du pays qui s'accroît le plus rapidement, en termes ethniques. Les États-Unis abritent la cinquième plus importante population de langue espagnole au monde. Mais cette mesure aurait aussi un impact dévastateur sur les Américains d'origine haïtienne et sur beaucoup d'autres groupes nationaux ou ethniques.

On peut retrouver parmi ses dispositions un test de compétence de l'anglais pour les étrangers désirant résider aux États-Unis. Présentement, un tel test n'est nécessaire que pour ceux qui veulent obtenir la citoyenneté. Les exigences pour les compétences en anglais, afin d'obtenir la citoyenneté, seraient plus lourdes, les candidats devant en plus faire la démonstration de la connaissance de l'histoire et du système de gouvernement des États-Unis.

Plusieurs dirigeants d'entreprises et de politiciens américains en vue, incluant l'actuel occupant de la Maison Blanche, auraient de la difficulté à rencontrer de tels critères.

La nouvelle politique n'est pas allée jusqu'à déclarer l'anglais comme langue officielle aux États-Unis, ce qui aurait pour effet d'interdire tous les services et les communications du gouvernement dans plusieurs langues, mais est un grand pas dans cette direction. Elle ne modifiera pas les lois actuelles qui demandent que le gouvernement fournisse certains documents et certains services, y compris les bulletins de vote et les mesures d'urgence, dans d'autres langues, mais elle pourrait être utilisée pour empêcher que des ordres exécutifs, des règlements, des lignes directrices de la fonction publique et d'autres matériels en plusieurs langues ne soient cautionnés par des lois du Congrès.

Des groupes de défense des immigrants ont signalé que la nouvelle politique vient annuler des ordres exécutifs de l'administration Clinton qui rendait obligatoire les services et les communications multilingues pour un certain nombre d'agences fédérales et qu'elle pourrait miner des ordres de cour et des ordonnances locales pour des services multilingues.

La politique du Sénat est, de plus, un encouragement aux autorités au niveau des états et des municipalités à mettre en place des politiques discriminatoires semblables. Déjà, 27 états américains ont des lois proclamant que l'anglais est leur langue officielle.

Les implications de cette politique sont très larges. Les Américains ne parlant pas anglais pourraient se retrouver dans l'incapacité de communiquer avec les représentants des hôpitaux et de lire de nombreux documents essentiels, faisant face à des obstacles insurmontables lorsqu'ils tenteront de remplir les obligations de la vie quotidienne. L'exercice d'un droit démocratique aussi fondamental que celui de s'inscrire sur la liste électorale pourrait être nié.

La politique va contribuer à de nouvelles attaques sur l'éducation bilingue, privant des millions de jeunes hispanophones ou parlant d'autres langues d'obtenir les connaissances et la formation de base pour un emploi décent, sans parler d'accéder à la culture et aux arts.

Le fait que cette proposition reflète un vaste déclin social et culturel est souligné par la baisse ahurissante des compétences linguistiques des Américains de langue anglaise. Les mêmes représentants politiques de l'élite dirigeante qui prétendent chérir la langue anglaise ont présidé à une hausse désastreuse de l'analphabétisme dans la population en général. Selon un rapport gouvernemental rendu public en 1998, plus de 90 millions d'Américains adultes, près d'un sur deux, sont fonctionnellement illettrés ou presque illettrés, et dépourvus des qualifications minimales nécessaires dans une société moderne.

Cette étude a indiqué que 44 millions d'Américains adultes, sur 191 millions, ne pouvaient pas lire un journal ou compléter une demande d'emploi. Un autre groupe de 50 millions ne pouvaient pas lire ou comprendre à un niveau dépassant la huitième année d'études scolaires. Il n'y a aucune raison de croire que les conditions se sont entre-temps améliorées.

Est-il probable qu'une élite dirigeante qui prive les écoles de fonds et refuse de dégager des ressources pour l'art, la musique ou d'autres formes de culture, produisant une quasi-épidémie d'analphabétisme, soit prête à fournir les vastes ressources qui seraient nécessaires pour permettre aux Américains non-anglophones de devenir compétents dans la «langue nationale»? La réponse est évidente.

Quoi qu'il en soit, l'élévation officielle de l'anglais à un statut privilégié est une mesure intrinsèquement anti-démocratique, discriminatoire et d'exclusion. Son essence réactionnaire était reflétée dans les remarques de certains sénateurs qui ont appuyé l'amendement au projet de loi sur l'immigration.

Le sénateur Lamar Alexandre, républicain du Tennessee, a déclaré que les États-Unis étaient «une idée fragile basée sur quelques principes communs et notre langue nationale commune». La référence à «notre langue nationale commune» est une pure invention, qui contredit l'esprit et la lettre de la constitution des États-Unis.

Le sénateur Lindsey Graham, républicain de la Caroline du Sud, a plus ouvertement exprimé les motifs racistes et anti-hispaniques de la proposition. Citant les récentes manifestations de millions d'immigrés hispaniques pour exiger une politique juste et humaine envers les travailleurs sans papiers, il a parlé de la nécessité de «renforcer notre langue commune», ajoutant: «C'est une bonne chose à dire, car quand les manifestants sont dans la rue à brandir le drapeau mexicain, certains d'entre nous doivent répondre à cela.»

Comme pour la proposition du président Bush de militariser la frontière américano-mexicaine, qui était motivée par des calculs politiques à courte vue, la désignation officielle de l'anglais comme la langue nationale a des implications vastes et ultimement tragiques qui sont à peine prises en compte par les droitiers qui en font la promotion. Cet appel au chauvinisme américain ne peut qu'intensifier les tensions nationales et ethniques, et déclencher un processus aboutissant à des conflits violents et ouverts entre différents groupes ethniques.

Dans l'ensemble de l'Europe aujourd'hui, des gouvernements réactionnaires jouent sur les différences linguistiques, religieuses et culturelles pour détourner leurs populations du fossé de classe grandissant entre riches et pauvres et justifier des mesures toujours plus répressives. Maintenant l'élite dirigeante américaine adopte la même ligne de conduite, dans un pays où les implications sont, à tout le moins, plus explosives qu'en Europe.

Comme pour la brutale politique anti-immigrés annoncée par Bush dans son discours à la nation de lundi passé, la réponse des démocrates à la mesure du Sénat sur la langue anglaise a été toute en conciliation et en capitulation. Peu disposés à s'opposer à la mesure républicaine sur une base de principes, les démocrates ont soumis leur propre amendement au projet de loi sur l'immigration qui proclame l'anglais la langue «commune et rassembleuse» du pays. La mesure parrainée par les démocrates indiquait seulement que les «droits existants» à des services gouvernementaux bilingues ne seraient pas remis en cause, impliquant de ce fait, à tout le moins, la volonté commune de s'opposer à toute prolongation de tels droits.

Cette version diluée de la mesure républicaine a également été adoptée, par un vote de 58 à 39. Des sénateurs en vue ont fait savoir qu'un des deux amendements en lice sur la langue anglaise ferait partie de tout projet de loi sur l'immigration qui sortirait des négociations avec la Chambre des représentants.

Ce corps a adopté un projet de loi en décembre dernier qui ferait des travailleurs sans papiers des criminels et rendrait passible de poursuite criminelle quiconque héberge ou aide de tels «malfaiteurs», y compris un médecin, un professeur ou un prêtre. Il ne saurait y avoir aucun doute sur la version de la mesure sur la langue anglaise qui sera appuyée par les réactionnaires qui contrôlent la Chambre républicaine.

L'opposition à toute forme de discrimination sur la base de la langue est un principe démocratique fondamental qui doit être maintenu. Mais comme pour tous les autres droits fondamentaux -- la liberté de parole et d'expression politique, le droit à une procédure équitable, le droit à la vie privée, le droit de voter et d'être candidat -- ce n'est pas en s'en remettant au parti démocrate qu'il sera préservé face à la poussée de l'élite dirigeante vers un régime autoritaire. Les deux partis de la grande entreprise aux États-Unis sont complices dans l'assaut sur les droits démocratiques, parce que cette attaque est une réponse à la crise du système capitaliste qu'ils défendent tous deux.

Seule la classe ouvrière américaine peut défendre les droits des immigrants, avec ou sans papiers, ainsi que tous les autres droits fondamentaux, en rompant avec le système des deux partis et en établissant un mouvement politique indépendant basé sur l'unité des travailleurs à l'échelle internationale dans la lutte contre le capitalisme global et pour la mise en place d'une société socialiste. C'est le programme pour lequel luttent le Parti de l'égalité socialiste et le World Socialist Web Site.

 


 

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