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Les syndicats en appellent au président Chirac pour résoudre la crise du CPE

Par Rick Kelly et Antoine Lerougetel
Le 30 mars 2006

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Après les grèves et les manifestations de mardi en France, les syndicats redoublent d'efforts pour mettre fin au mouvement contre le CPE (contrat première embauche) et stabiliser le gouvernement du président Jacques Chirac et du premier ministre Dominique de Villepin. La loi du CPE qui permet que des jeunes travailleurs soient licenciés sans justification durant une période de deux ans, est devenue le point de convergence de l'opposition au programme droitier du gouvernement de la part des travailleurs et des jeunes français.

Douze centrales syndicales et organisations d'étudiants se sont mis d'accord pour organiser mardi prochain, 4 avril, une autre journée de grèves et de manifestations contre le CPE. Il est probable que cette journée nationale d'action sera massivement suivie ; les protestations anti-CPE de mardi dernier rassemblèrent plus de deux millions d'étudiants et de travailleurs en grève. Dans leur déclaration commune, cependant, les syndicats soulignèrent que l'unique objectif de cette action est de faire pression sur Chirac et Villepin pour négocier un accord avec eux.

«Il est urgent que les plus hautes autorités de l'Etat prennent la mesure de la situation et répondent sans ambiguïté à cette revendication. Pour éviter l'enlisement du pays dans une crise profonde, le gouvernement doit s'y résoudre. L'intersyndicale demande au Président de la République d'utiliser ses prérogatives constitutionnelles pour que le CPE soit retiré.»

Cette déclaration commune fut publiée au lendemain d'un appel similaire lancé à l'adresse de Chirac par les dirigeants des cinq syndicats ­ la CGT (la Confédération Générale du Travail), la CFDT (Confédération française démocratique du travail), FO (Force ouvrière), ainsi que deux syndicats patronaux, la CFTC et la CFE-CGC. Les cinq syndicats eurent la semaine dernière des entretiens avec Villepin, sans pour autant déboucher sur un accord.

«Nous vous demandons, Monsieur le Président, d'apprécier combien la crise actuelle est source d'exaspération et de tensions dans le pays », déclarèrent-ils. «Attachés aux valeurs républicaines et démocratiques, nous vous saisissons solennellement afin qu'en application de l'article 10 de la Constitution, vous demandiez au parlement une nouvelle délibération de la loi Egalité des chances excluant notamment l'article 8 relatif au Contrat première embauche.»

Cet appel à l'adresse du président démontre une fois de plus le rôle traître joué par les syndicats dans la lutte anti-CPE. Dès le début, les syndicats se sont efforcés d'empêcher que le mouvement ne prenne un caractère indépendant visant à renverser le gouvernement et à provoquer des élections anticipées. Et ceci, en dépit de l'opposition écrasante contre le gouvernement. Selon les derniers sondages d'opinion publiés par Le Parisien, Villepin bénéficie d'un soutien de 29 pour cent.

Les syndicats essaient à présent de créer l'illusion que Chirac pourrait être un arbitre indépendant dans cette lutte et agir pour la défense des conditions de vie des travailleurs. En fait Chirac a fait, à plusieurs reprises, des déclarations publiques exprimant son soutien total à Villepin et au CPE.

Lors d'une conférence de presse organisée hier par les douze syndicats et organisations d'étudiants, le World Socialist Web Site demanda aux délégués pourquoi ils refusaient d'appeler à une grève générale illimitée visant à renverser le gouvernement. Annick Coupé, du syndicat Solidaires, largement considéré comme l'un des plus combatifs de France, répondit : «Je crois que le mot d'ordre de l'Intersyndicale depuis le début c'est bien le retrait du CPE et nous pensons que si nous gagnons le retrait du CPE, eh bien nous pouvons ouvrir un nouveau contexte social, une nouvelle dynamique de mobilisation sur l'ensemble des préoccupations des salariés. C'est ça notre responsabilité d'organisations syndicales. » Aucun dirigeant des autres syndicats de salariés ou d'étudiants ne répondit à la question du WSWS.

La réponse de Coupé et le silence des autres dirigeants syndicaux met l'accent sur leurs efforts pour obscurcir les questions politiques fondamentales qui sont en en jeu dans la lutte contre les attaques du gouvernement sur les conditions de vie des travailleurs. Les attaques incessantes à l'encontre de la position sociale de la classe ouvrière en France et dans les autres pays capitalistes développés sont, en dernière analyse, causées par la crise du capitalisme mondial. La revendication de la jeunesse et des étudiants français de disposer d'emplois stables est incompatible avec un système social basé sur l'assujettissement des besoins humains à l'accumulation de richesse privée et de profit.

Même si Villepin et Chirac modifient certains aspects du CPE, voire même s'ils sont forcés de le retirer en bloc, le gouvernement mettrait rapidement en vigueur d'autres mesures à l'encontre de la classe ouvrière. C'est pourquoi le mouvement anti-CPE ne peut progresser que s'il va de pair avec une lutte visant à renverser le gouvernement Chirac-Villepin et à le remplacer par un gouvernement socialiste qui représente véritablement les intérêts des travailleurs et des jeunes. Ceci, à son tour, dépend du développement d'une perspective nouvelle et d'un parti nouveau de la classe ouvrière, indépendant des bureaucraties syndicales et des Partis socialiste et communiste en faillite. (Cf. France: La lutte contre le CPE soulève la question de la nécessité d'une nouvelle direction pour la classe ouvrière

Ces organisations se sont appliquées à faire tout leur possible pour ne pas perdre le contrôle du mouvement anti-CPE et pour qu'il ne revête pas un caractère indépendant. Avant les grèves nationales de mardi, la CGT, contrôlée par le Parti communiste stalinien, publia un mémo interne à ses membres disant qu'« Il faut veiller à ce que, dans les manifestations, les mots d'ordre restent axés sur le CPE, les questions de précarité, d'emplois, de salaires, sans déborder sur des contenus politiques.»

La « gauche » de l'establishment politique espère que le Conseil constitutionnel, qui vérifie la constitutionnalité du CPE, censure la loi, permettant ainsi au gouvernement de remanier ses « réformes » du marché du travail. Bruno Julliard, dirigeant du principal syndicat étudiant, l'UNEF (Union nationale des étudiants de France), étroitement lié au Parti socialiste, déclara à l'Associated Press qu'une telle décision permettrait de mettre fin au mouvement anti-CPE. «Tout le monde saurait que ce serait aussi un rejet du gouvernement, donc cela pourrait être une manière de sortir de la crise.»

Une provocation gouvernementale

Le gouvernement a tiré profit du répit mis à sa disposition par ses adversaires de « gauche » pour cultiver des divisions raciales entre les jeunes en vue de préparer de plus amples répressions policières. Le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarlozy, a joué un rôle primordial à cet égard. Dans un discours publié lundi, Sarkozy fit part d'un certain nombre de critiques à peine voilées sur l'incapacité de Villepin à s'appuyer sur les syndicats pour faire passer le CPE. Sarkozy et Villepin sont rivaux pour la candidature de l'UMP (Union pour un mouvement populaire) à l'élection présidentielle de l'année prochaine. Mais comme le fit remarquer le Financial Times, « [Sarkozy] ne peut pas se permettre d'être trop agressif, vu qu'il est un partisan influent de la 'rupture', ou de l'abandon du modèle social français surprotecteur. »

Dans un entretien cité par le Financial Times, le ministre de l'Intérieur fit un appel direct à l'électorat du néofasciste Jean-Marie Le Pen. « Cessez d'aller vers l'impasse que représente le Front national, revenez vers les partis républicains, nous nous sommes réveillés et nous avons décidé de commencer à parler des sujets qui vous concernent. » Il lança également un appel en faveur de contrôles plus sévères sur l'immigration et davantage de répression contre les consommateurs de drogues.

Les attaques de Sarkozy contre les immigrés sont directement liées au mouvement anti-CPE. Le gouvernement essaie de monter les étudiants et les lycéens « privilégiées » contre les jeunes noirs et arabes au chômage, issus des régions les plus appauvries du pays. D'innombrables articles de journaux ont toutefois fait état du formidable soutien dont les étudiants jouissent de la part des jeunes immigrés et chômeurs. Etudiants et jeunes des banlieues parisiennes touchées par les émeutes de l'année dernière ont défilé côte à côte lors des manifestations anti-CPE.

Le gouvernement, tout comme les médias français et internationaux, ont concentré leur attention sur des incidents violents isolés lors des manifestations anti-CPE. Alors que l'écrasante majorité des manifestants protestait pacifiquement contre le gouvernement, de petits groupes de casseurs attaquèrent des étudiants, dérobèrent les portefeuilles et téléphones portables des gens et s'affrontèrent avec les CRS. L'attention disproportionnée portée à ces incidents est poussée par l'effort de discréditer les manifestations et de diviser la jeunesse française.

Vers la fin de la manifestation de masse de mardi à Paris, Sarkozy décida de rendre visite aux CRS, Place de la République, et félicita ceux qui s'étaient heurtés à des dizaines de casseurs et de manifestants. Quelque 200 policiers furent invités par le ministre de l'Intérieur pour un pot. « Je suis fier de vous, vraiment fier » déclara-t-il. « Mission accomplie. » Il avait auparavant ordonné à la police d' « arrêter autant de casseurs, c'est-à-dire de délinquants, que possible ». La police arrêta 787 personnes, dont 488 à Paris ; l'on signala 46 blessés.

Il ne fait pas de doute que la provocation policière, tout comme l'infiltration de casseurs, joue un rôle significatif dans la violence. La police travaille en étroite collaboration avec des éléments criminels dans les banlieues parisiennes et dans d'autres régions déshéritées, et dispose d'un réseau d'informateurs et d'agents provocateurs. Il faut aussi mentionner que l'incident le plus terrible survenu lors des manifestations fut commis par les CRS. Le 18 mars, Cyril Ferez, salarié des télécommunications âgé de 39 ans, fut brutalement attaqué par la police. Selon des témoins, il se serait fait matraquer et piétiner sur la tête par la police.

Le gouvernement annonça hier que la police sera envoyée pour mettre fin aux blocages des lycées organisés par les lycéens contre le CPE. Selon un syndicat de lycéens, un quart des lycées sont fermés en raison des protestations. Le ministre de l'Education nationale ordonna hier aux proviseurs de mettre fin aux blocages, en recourant, si cela s'avérait nécessaire, à la police.



 

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