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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Espagne: nouvelle capitulation du Parti socialiste devant l’Eglise catholique

Par Paul Stuart
6 novembre 2006

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Le 22 septembre la vice-présidente du Parti socialiste espagnol (PSOE), Maria Teresa Fernández de la Vega, mettait la dernière main à un accord visant à poursuivre le financement de l’Eglise catholique par l’Etat, malgré le fait que la séparation de l’Eglise et de l’Etat soit officiellement établie par la constitution espagnole depuis 1978. Le président du Parti socialiste, Jose Luis Rodriguez Zapatero, avait peu de temps avant, exprimé « son entière compréhension et son soutien total » au pape Benoit XVI qui avait lui, dans un discours prononcé le 12 septembre en Allemagne, déclaré que le christianisme se fondait sur la raison alors que la propagation de l’islam se faisait par la violence.

Le pape qui a déclaré à maintes reprises que l’Europe était de civilisation chrétienne et qui s’est opposé à ce que la Turquie devienne membre de l’Union européenne, avait cité ainsi de manière provocante, l’empereur byzantin Manuel II Paléologue : « Montre-moi ce que Mahomet a apporté de nouveau et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l’épée la foi qu’il prêchait. »

Le 20 septembre, Zapatero était venu à la défense du pape et avait insisté pour dire que les sociétés musulmanes dans le monde entier devaient se calmer et permettre à « la compréhension de prévaloir ». Il dit: « Je suis absolument convaincu que le pape n’a à aucun moment voulu provoquer une controverse, une confrontation avec ou une critique de la confession islamique ou des peuples qui la pratiquent. »

Des commentateurs de droite se montrèrent surpris de ce rapprochement de Zapatero et du Vatican. Il est toutefois conforme aux efforts entrepris par le PSOE pour apaiser la droite dont les menaces vis-à-vis des droits démocratiques ont obtenu le soutien total du Vatican.

En juillet, le pape s’est adressé à la 5ème Rencontre mondiale des familles à Valence, s’en servant comme d’une tribune pour attaquer la politique du gouvernement du PSOE, notamment sa législation sur le mariage homosexuel qui avait figuré en tête des campagnes de propagande du parti de droite Partido Popular (PP). Il dit à des journalistes avant d’atterrir en Espagne que la nature voulait que « l’homme et la femme soient faits l’un pour l’autre » et pressa les évêques de rester fermes « dans une période de laïcisation rapide ».

Dans son allocution il disait que la Rencontre de Valence « fournissait une nouvelle impulsion pour proclamer l’évangile de la famille.»

Les mesures de laïcisation du Parti socialiste espagnol et les mesures prises pour réduire l’influence de l’Eglise catholique avaient obtenu un large soutien. Une étude de la Fundacion Santa Maria avait noté que l’Eglise était considérée comme l’institution en laquelle les gens avaient le moins confiance et qui était la moins en rapport avec les Espagnols. Elle prédisait qu’en l’espace d’une génération l’Espagne aurait cessé d’être un pays catholique. Le PSOE aurait pu trouver du soutien pour couper tous les liens politiques et financiers avec l’Eglise catholique, mais il fit le contraire.

Après une réunion du conseil des ministres, le gouvernement annonça une augmentation de l’« impôt catholique » de 0,52 pour cent à 0,70 pour cent. Cet impôt est un impôt volontaire : le contribuable demande à l’office des impôts de verser une fraction de son impôt sur le revenu dans les caisses de l’Eglise.

Le recours à une augmentation de cet impôt volontaire est censé remplacer le fonds de 30 millions d’euros (38 millions de dollars US) que le gouvernement met de côté tous les ans pour couvrir tout déficit des finances de l’Eglise ; cela, en plus des 3,5 milliards d’euros (4,4 milliards de dollars US) de fonds gouvernementaux à destination des institutions religieuses. Une étude plus détaillée sur les subventions d’Etat, estime, elle, cette somme à 5,06 milliards d’euros (6,38 milliards de dollars US).

L’Eglise est à présent aussi obligée de payer la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) sur les ventes et acquisitions (une exigence de la législation européenne et non une législation imposée par le PSOE) et de présenter un rapport annuel au gouvernement sur la façon dont elle dépense les subventions provenant de l’Etat.

Avant les négociations, le PSOE avait indiqué qu’il réduirait considérablement le financement de l’Eglise par l’Etat et que cela forcerait l’Eglise catholique à dépendre plus fortement du soutien de la population. Il essaya de conférer au changement insignifiant consistant à s’appuyer un peu plus sur l’impôt volontaire cette signification : il aurait lié « le revenu de l’Eglise catholique directement à la volonté des contribuables ».

Mais ce bluff ne peut pas cacher le fait que l’Eglise catholique se montra satisfaite du marché.

Bien que les responsables du clergé espagnol aient requis une augmentation de l’impôt catholique à 0,8 pour cent, le porte-parole de l’Eglise, Juan Antonio Martinez Camino, dit au cours d’une conférence de presse : « Tout le monde y gagne. Le gouvernement parce qu’il résout un problème ; l’Eglise parce que le financement devient plus libre et ceux qui paient parce qu’ils peuvent choisir volontairement à qui ils donnent leur argent. »

De proches défenseurs du PSOE s’inquiètent de la façon dont une capitulation aussi visible devant les exigences de l’Eglise sera reçue par la population. Un éditorial publié par El Pais le 22 septembre déclare : « Le gouvernement a peut-être des raisons de rechercher un accord qui satisfasse l’Eglise et de régler provisoirement la situation de cette manière sans toucher au fond du problème. Il serait déplorable qu’il le fasse en paiement d’un prix politique pour que la hiérarchie catholique relâche sa pression sur le gouvernement. »

Depuis que le PSOE a été élu à la suite d’une révolte populaire contre le gouvernement du Partido Popular en mars 2004, la Conférence des évêques a pour la première fois depuis les années 1930 conduit ses congrégations dans des manifestations contre la politique gouvernementale sur le mariage homosexuel, le divorce accéléré et la recherche sur les cellules souches.

La Conférence épiscopale qui avait d’abord eu des inquiétudes quant à une intervention aussi ouverte dans la vie politique, a bien vite mis tout son poids derrière la campagne encouragée par le Vatican et pressant les prêtres de boycotter les lois même si cela signifiait pour eux la prison.

Cette mobilisation extra-parlementaire fut initiée par feu le pape Jean Paul II sur son lit de mort. Parlant à des prêtres espagnols en visite au Vatican il avait exigé une lutte pour inverser l’« affaiblissement » de l’« empreinte de la foi catholique sur la culture espagnole ».

Le pape Benoît XVI, son successeur, agit dans le même esprit.

Le Vatican a, au cours de l’histoire, considéré l’Espagne comme une forteresse et il est à présent engagé dans une campagne concertée avec le PP (et d’autres partis de droite en Europe) pour lutter contre toute manifestation de laïcisme et d’une pensée de gauche. Le gouvernement du PSOE est considéré comme une cible privilégiée, non seulement à cause de sa politique sur les droits des homosexuels et sur des questions similaires, mais parce qu’il est parvenu au pouvoir à la suite d’une radicalisation de la classe ouvrière.

John L.Allen, le correspondant à Madrid de l’hebdomadaire catholique américain National Catholic Reporter, fit à ce propos le commentaire suivant:

« Des observateurs dans l’ensemble du monde catholique ont attendu de voir si cette crise pouvait encourager les catholiques espagnols à inventer un nouveau mode de résistance, un nouveau plan de bataille… L’Espagne est essentielle dans le désir du pape Benoît XVI de réveiller les racines chrétiennes de l’Europe… Ce qui se précise en Espagne indique peut être une stratégie politique et culturelle plus vaste sous Benoît XVI et les tensions que cette stratégie peut engendrer à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Eglise. »

Le Vatican espère utiliser menaces de droite et protestations de masse non seulement afin de réaliser ses exigences immédiates, mais afin de déstabiliser et si possible de renverser le gouvernement en alliance avec le PP.

Pendant tout le 19e et le 20e siècle, l’Eglise catholique a participé à l’oppression des révoltes populaires et démocratiques et à celle des luttes ouvrières et elle a résisté à toute forme de progrès. Dans l’histoire de l’Espagne elle a été l’axe principal de la réaction et tout mouvement progressiste a, par nécessité, pris une forme anticléricale.

Pendant les luttes révolutionnaires des années trente, la hiérarchie catholique espagnole et le pape Pie XI on appelé à une « guerre sainte pour la restauration intégrale des droits de l’Eglise » contre les « antéchrists rouges ». Lorsqu’a éclaté la guerre civile espagnole les évêques catholiques rejoignirent les forces fascistes de Franco et, à la victoire de celui-ci, le catholicisme devint religion d’Etat et l’Eglise fut chargée de la censure de tous les livres, journaux et magazines, du cinéma, de la radio, de la télévision et de l’éducation.

Avant l’effondrement de la dictature franquiste entre 1975 et 1978 des tensions étaient apparues entre Franco et le Vatican. Des parties de l’Eglise commencèrent à prendre leurs distances vis-à-vis de Franco et faisaient partie de l’opposition lorsque se produisit l’inévitable effondrement du régime. On leur permit alors d’échapper à la justice grâce à une alliance avec le Parti communiste et le Parti socialiste.

Lorsque Franco mourut en 1975, et qu’une monarchie parlementaire fut instaurée, l’Eglise est restée non seulement intacte mais elle a encore, à travers les accords entre l’Eglise et l’Etat passés en 1979, gardé une position privilégiée. Bien que la nouvelle constitution déclarât qu’il n’y avait plus de religion d’Etat, la clause 3 de l’article 16 déclarait que seraient prises en compte « les croyances religieuses de la société espagnole » et que seraient maintenues « les relations de coopération conséquentes avec l’Eglise catholique et d’autres religions, »

Victorino Mayoral, un député du PSOE, admit que les récents accords signifiaient que l’Espagne « était d’une part une société laïque, mais que de l’autre elle restait un Etat catholique. »

Sous le gouvernement du Partido Popular (1997-2004) l’Eglise collabora avec le président Jose Maria Aznar afin de regagner une bonne partie des pouvoirs qu’elle avait perdus après la chute de Franco en particulier dans le domaine de l’éducation, où le PP prévoyait de réintroduire l’enseignement religieux obligatoire. Ces plans furent contrariés par la révolte populaire qui chassa le PP du pouvoir.

Jusqu’à présent, les plans du PP concernant l’Education ont été suspendus par le PSOE. Mais la dernière chose que le PSOE veut est une confrontation directe avec l’Eglise. Le gouvernement a insisté pour dire qu’il ne menacerait pas les relations entre l’Eglise et l’Etat en répudiant les accords de 1979. Au lieu de dévoiler le rapport existant entre les protestations organisées par l’Eglise et les provocations du Partido Popular, Zapatero a choisi de renforcer l’autorité du Vatican et de fournir un soutien financier permanent à l’Eglise catholique espagnole.

(article original publié le 26 octobre 2006)

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