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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France: Le parti socialiste choisit un candidat blairiste pour l’élection présidentielle

Par Antoine Lerougetel
21 novembre 2006

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Ségolène Royal a été désignée candidate du Parti socialiste pour l’élection présidentielle de 2007. Les 218 771 adhérents ayant versé leur cotisation ont déposé leur vote dans 4 000 urnes transparentes le 16 novembre 2006. Parmi ces électeurs, on compte 68 049 nouveaux membres qui ont adhéré au Parti socialiste (PS) via Internet, et payé des cotisations réduites d’un montant de 20euros, afin de pouvoir participer au scrutin.

Royal a obtenu 60,6 pour cent des voix. Les deux autres candidats étaient Dominique Strauss-Kahn, le ministre des Finances du gouvernement de gauche plurielle de Lionel Jospin (1997-2002), qui a obtenu 20,8 pour cent et Laurent Fabius, premier ministre de 1984 à 1986 sous la présidence du socialiste François Mitterrand, avec 18,5 pour cent.

Les trois candidats étaient de proches collaborateurs de Mitterrand, président de 1981 à 1995. Ils ont travaillé avec lui à dissiper les aspirations socialistes de la classe ouvrière française et à imposer un programme d’austérité servant les intérêts de la bourgeoisie française. Tous trois ont promis et maintenu une allégeance inébranlable au programme droitier du Parti socialiste élaboré en juin de cette année.

Ce vote a été l’aboutissement d’un processus de sélection qui a duré six semaines et comporté six débats, trois à la télévision et trois devant les adhérents du parti.

Les débats ont servi de vitrine au Parti socialiste et à ses candidats à l’investiture pour démontrer leur capacité à défendre les intérêts des grandes entreprises françaises et européennes dans le pays comme à l’étranger. Les candidats ont rivalisé pour démontrer leur capacité à étouffer la résistance de la classe ouvrière et des jeunes engagés à défendre leur niveau de vie et les droits démocratiques et sociaux.

Depuis septembre 2005, Royal a été soutenue avec force par les médias et présentée comme la meilleure candidate présidentielle du PS. La série de débats était vue par l’establishment français comme un test de la capacité de Royal à tenir bon sous la tempête, et pour espérer empêcher que ne se reproduise ce qui s’était passé lors de l’élection présidentielle de 2002 où le candidat du parti socialiste, Lionel Jospin était battu par le néofasciste Jean-Marie Le Pen et s’était trouvé en troisième position. Cela avait provoqué une réaction spontanée de masse qui avait mis en danger les institutions de la cinquième République bourgeoise. Royal a passé le test et conservé le soutien de l’élite politique et médiatique.

Avant les débats, Royal avait fait clairement comprendre aux élites dirigeantes françaises qu’elle était capable de rompre avec les contraintes imposées par la rhétorique traditionnelle du Parti socialiste qui consiste à accorder un soutien de pure forme à l’antimilitarisme, à considérer la criminalité comme un problème social, à défendre les droits des travailleurs et les aspirations égalitaires. Contrairement à Jospin qui, tout en poursuivant un programme pro-capitaliste, cherchait à se distancer de la politique libérale extrême de Tony Blair, Royal a déclaré son admiration pour le premier ministre britannique.

Elle a demandé que les jeunes délinquants soient pris en main par l’armée, que soit supprimée la carte scolaire (revendication de la droite pour « la liberté de choix »), et que le temps de présence, dans leur établissement, des enseignants des collèges (élèves de 11 à 15 ans) soit doublé. Elle a aussi fait la proposition populiste et démagogique de jurys citoyens qui évalueraient le travail des élus.

Royal a gagné l’investiture non pas parce qu’elle présentait un programme populaire, mais parce qu’elle a été systématiquement construite par les médias comme la candidate la plus à même de battre le candidat de l’UMP au pouvoir (Union pour un mouvement populaire). Comme l’a écrit le journal Libération, la question n’était pas de choisir « le candidat qui représenterait le mieux le parti aux élections présidentielles », mais « le candidat le plus à même de battre la droite. » Il était question de « voter utile ». C’est une manière cachée de dire qu’il s’agit de choisir le candidat le mieux à même d’attirer le soutien des médias bourgeois et de l’establishment politique.

Les deux candidats perdants ont immédiatement confirmé qu’ils apporteraient leur soutien à la gagnante. Bien que Fabius ait dirigé l’opposition à la Constitution européenne, contre la direction de son parti, et qu’il ait adopté une posture vaguement réformiste contre les positions ouvertement libérales de ses concurrents, son porte-parole Claude Bartelone a déclaré, « La seule chose qui compte, c’est que les socialistes doivent se réunir dans les meilleures conditions possibles, et préparer déjà les affiches et la colle. »

Jean-Luc Mélanchon, député du PS et partisan de Fabius a néanmoins exprimé sa crainte de l’isolement complet du PS par rapport à la classe ouvrière de par le choix d’une candidate aussi ouvertement de droite. Il a exprimé le besoin d’une alternative de « gauche » suffisamment crédible pour détourner les luttes de la classe ouvrière. « Je suis très déçu, je suis perplexe. Je ne pensais pas que le PS se donnerait une orientation politique comme ça… Je me demande ce que je vais faire. La responsabilité des collectifs anti-libéraux est plus grande que jamais. »

Par « collectifs anti-libéraux », il faisait référence aux collectifs mis en place durant le mouvement contre la Constitution européenne. « Ils doivent arriver à dégager un candidat commun entre eux pour qu’il y ait une véritable dynamique de gauche », a-t-il ajouté. Cette déclaration semble quelque peu insincère puisque les positions des trois candidats sont extrêmement droitières.

De même, le Parti communiste (PC) craint que sa politique de droite ne soit encore plus ouvertement mise à jour quand il entrera dans des alliances électorales inévitables avec le PS lors des élections législatives qui se dérouleront juste après le scrutin présidentiel. Le journal du PC, l’Humanité, a écrit, « Et les trois s’adaptent peu ou prou au déplacement du centre de gravité politique et idéologique vers la droite. Qu’est-ce que cette concession, par exemple, au thème de « l’ordre » ? Sinon battre en retraite et abandonner le terrain à l’adversaire de droite. »

Débat sur la politique étrangère

Bien qu’il ne fasse aucun doute que Ségolène Royal était la candidate la plus à droite des trois, les différences entre eux sont minimes et ne sont pas des différences de principe.

La nature de classe de ces défenseurs de l’impérialisme français et mondial est apparue avec le plus de clarté peut-être lors du débat sur la politique étrangère qui s’est tenu le 7 novembre. Royal et Fabius étaient tous deux d’accord avec le jugement de Strauss-Kahn disant que « le monde est dangereux, sensiblement plus dangereux qu’hier » et que « dans la recherche systématique du profit… la compétition pour les matières premières et l’eau a toujours été une des causes premières des guerres » et que « la mondialisation des profits a entraîné la globalisation des conflits ».

Leur réponse à cette situation était d’un nationalisme à la limite du chauvinisme. Strauss-Kahn a affirmé, « le président de la République doit à la fois protéger les Français contre ces menaces et armer la France contre ces conflits ». Il a dit avec insistance que la capacité de défense de la France est cruciale pour que « la France pèse là où elle est présente, dans les organismes internationaux, au FMI et à l’ONU. Et pour cela, la France a besoin de l’Europe. C’est pour cela qu’il y a urgence à ce que se construise l’Europe de la diplomatie et de la défense, qui aujourd’hui est encore dans les limbes. »

Fabius a approuvé et insisté sur la nécessité de faire face à « l’hyperpuissance américaine… et [au] déséquilibre massif du fait de l’unilatéralisme américain ».

Quand les candidats ont évoqué les problèmes de pauvreté et d’inégalité dans le monde, ils l’ont fait dans le but de mettre en garde et de se tenir prêt face à la résistance contre l’exploitation et le pillage impérialiste, tel qu’il se produit en ce moment en Afrique et aussi particulièrement en Irak, Afghanistan, Palestine et Liban, et qui risque de déstabiliser l’ordre mondial. Ségolène Royal l’a dit en ces termes : « Si nous ne réglons pas le problème de la sécurité du monde, alors nous aurons le terrorisme dans nos pays… l’immigration de la misère… autrement dit, défendre un autre ordre mondial, c’est aussi défendre les intérêts bien compris de la France ».

Ils se sont montrés inflexibles sur le fait que les forces armées françaises doivent être maintenues. Fabius a dit avec insistance qu’« aucune considération financière ne peut l’emporter sur l’exigence de la sécurité dans un monde dangereux ». Royal, petite-fille d’un général de la Première Guerre mondiale, s’est étendue sur la question. « Dans le monde instable dans lequel nous vivons, il n’est pas question de réduire l’effort de défense de la France, à la fois pour la protection de nos ressortissants, mais aussi pour la défense des intérêts stratégiques et pour l’intervention sous l’égide de l’ONU. »

Dans la discussion sur le rôle de la France dans la construction d’une armée européenne, la notion même de partage du contrôle sur les armes nucléaires de la France a été catégoriquement rejetée. « Absolument pas », a répliqué Royal à son interviewer, « Sinon il n’y a plus de dissuasion nucléaire. » Fabius, exprimant incidemment son soutien à la conception bonapartiste de la présidence dans la cinquième République, a mis l’accent sur le fait que « la clef nucléaire dépend du président de la République. Et sa crédibilité dépend de la force d’âme et de décision du président. » Strauss-Kahn était entièrement d’accord et a déclaré, « la France doit garder en propre la capacité d’engagement, évidemment lorsqu’il s’agit du nucléaire. »

Tous trois soutiennent le déploiement de l’armée française partout dans le monde pour la défense des intérêts nationaux.

Sur l’Irak, Royal a fait une déclaration remarquable selon laquelle l’actuel régime fantoche des USA, imposé par une armée d’occupation, est « un gouvernement démocratique ». Elle s’est opposée à un retrait immédiat des troupes américaines et a proposé qu’avant le retrait « il faut faire un effort sur la coopération, l’aide au développement ». De même, Strauss-Kahn a affirmé que le retrait des troupes américaines devrait se faire rapidement, «mais il ne peut pas se faire si ça doit conduire à un risque de guerre civile.»

Ils ont choisi avec cynisme d’ignorer le fait que les fomenteurs de la guerre civile ne sont autres que les occupants néocoloniaux, pratiquant les tactiques dévastatrices du diviser pour mieux régner afin de maintenir leur domination. Et les candidats PS à la présidentielle ont gardé le silence sur la motivation réelle de la guerre : prendre le contrôle des ressources stratégiques de la planète et plus particulièrement du pétrole d’Irak. Malgré leurs critiques de Bush, ils ont voulu montrer qu’ils considèrent les Etats-Unis comme un allié.

Tous trois ont rendu hommage au rôle « magnifique » joué par les troupes françaises participant, aux côtés des Allemands et des Italiens, à la Finul (Force intérimaire des Nations Unies au Liban) pour désarmer la résistance du Hezbollah face à l’agression israélienne. Ils n’ont pas fait la moindre critique des actes meurtriers d’Israël, le plus impitoyable allié des Etats-Unis, contre les peuples palestinien et libanais. Ils ont exprimé leur déception sur le fait que les Etats-Unis ne se soient pas directement impliqués au Liban.

Ils ont fait de la sécurité d’Israël une priorité tout en exprimant des platitudes sur le droit des Palestiniens à avoir leur propre Etat. Fabius a dit avec insistance qu’en tant que président de France il refuserait de recevoir le président Ahmadinejad d’Iran ou les dirigeants du Hamas du fait de leur objectif de détruire l’Etat d’Israël.

Sur la question de l’Iran, ils se sont montrés inflexibles sur le fait que ce pays ne devrait pas être en mesure de faire ou d’obtenir de l’uranium enrichi à des fins militaires. Ils sont d’accord sur la question des sanctions si les Iraniens ne cédaient pas aux injonctions des Nations Unies. Royal est allée jusqu’à refuser à l’Iran le droit au développement indépendant d’une technologie nucléaire pacifique de production d’énergie, car cela représentait un pas en avant vers son utilisation à des fins militaires.

Sur l’Union européenne

La différence la plus nette entre les candidats est apparue sur la question de l’Union européenne. Lors du référendum de 2005 sur la Constitution européenne, Fabius avait argumenté en faveur du « non », tandis que Royal et Strauss-Kahn soutenaient tous deux la Constitution en accord avec la majorité dans le parti. Mais ce ne sont là que des différences tactiques sur la manière dont les intérêts français au sein de l’Union européenne peuvent être les mieux défendus.

Tous trois ont prôné une Union européenne capitaliste forte et cherché à semer l’illusion qu’il était possible de la réformer pour maintenir des services sociaux et un niveau de vie décents et empêcher le chômage de masse et les délocalisations. Strauss-Kahn se tourne vers le renouvellement de l’axe franco-germanique.

Fabius a réitéré la théorie des cercles : le premier cercle serait les pays de l’euro-zone, le second serait les pays qui n’auraient pas l’euro comme monnaie, tel le Royaume-Uni et le troisième serait un cercle extérieur qui aurait des relations commerciales spéciales avec l’Union européenne, des pays comme l’Ukraine et la Turquie, et les pays du Maghreb, anciennes colonies de la France, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie. Ils ont tous été d’accord pour dire qu’il fallait faire une pause dans l’expansion de l’Europe et ont catégoriquement écarté l’idée d’une Europe à 50.

Strauss-Kahn, s’exprimant en chef d’Etat responsable de l’impérialisme européen, a dit préférer continuer les négociations avec la Turquie au sujet de son entrée dans l’Union européenne, bien qu’il ne pense pas que cela serait possible avant 2040-2050. « Mais la Turquie, si elle n’est pas liée à l’Europe, basculera de l’autre côté et nous aurons à nos portes un pays qui sera très fortement connecté et à l’Irak et à Iran. », dit-il.

Aucun des candidats n’a fait la promesse d’abroger la loi antiterroriste et la loi de prévention de la délinquance, toutes deux  profondément rétrogrades et autoritaires. Ils n’ont pas non plus condamné le recours à la loi d’état d’urgence du président Jacques Chirac et du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy. Cette loi avait été faite pour la guerre coloniale en Algérie (1954-62), mais a été appliquée en France durant les émeutes des jeunes de banlieues à l’automne 2005.

Sur les questions sociales, quelques propositions symboliques apparaissent dans le programme électoral du PS. Leur manque de sérieux apparaît dans le fait que leur coût n’a aucunement été détaillé. D’après des experts indépendants pour le Figaro elles s’élèveraient à 46 milliards d’euros, somme que le PS n’a aucune intention de mobiliser.

L’éditorial du Figaro du 13 novembre comparait ainsi Royal au dirigeant de droite, en faveur du tout sécuritaire, du parti gaulliste UMP (Union pour un mouvement populaire) au pouvoir, Nicolas Sarkozy qui sera très probablement son principal adversaire à l’élection présidentielle « Même message : la protection – contre les menaces du dehors (mondialisation, délocalisations) et du dedans (délinquance, crise de l’éducation, faillite de l’intégration.) »

Le Figaro, journal conservateur, ne tranche pas sur la question de savoir lequel des deux servirait au mieux les intérêts de la bourgeoisie française dans la période des luttes de classes à venir : « Alors que la tempête gronde, entendront-ils le pilote qui, d’une voix douce, promet de les mettre à l’abri du "vent mauvais" ? ou bien estimeront-ils qu’il faut un capitaine décidé à affronter les quarantièmes rugissants ? »

Le processus de sélection du Parti socialiste souligne la nécessité urgente de construire en France et en Europe un parti totalement indépendant de telles forces, qui se base sur un programme socialiste internationaliste.

(Article original anglais paru le 18 novembre 2006)


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