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WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

La Chine expédie d'autres soldats au Liban

Par John Chan
5 octobre 2006

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Dans une tentative de soutenir ses intérêts au Moyen-Orient et de renforcer ses rapports avec l’Europe, Beijing expédiera jusqu’à mille soldats pour renforcer les forces de l’ONU au Liban. Ce sera la plus grande mission de « maintien de la paix » de la Chine depuis qu’elle a été impliquée dans une opération de l’ONU pour la première fois à la fin des années 1980.

Le premier ministre chinois Wen Jiabao a annoncé le déploiement lors d’une conférence de presse donnée à l’occasion de sa visite au premier ministre italien Romano Prodi le 18 septembre. « La Chine est très préoccupée par la situation au Liban et espère que le problème pourra être entièrement résolu », a déclaré Wen. Il a aussi annoncé que la Chine doublait son aide financière qui atteint maintenant 5 millions $.

Le contingent chinois comprend 240 ingénieurs qui sont déjà au Sud-Liban dans la Force intérimaire des Nations unies au Liban, la Finul.  Avant l’invasion israélienne en juillet, la Chine avait envoyé 180 observateurs militaires dans la région qui furent sa première force de « maintien de la paix » au Moyen-Orient.

L’administration Bush a appuyé l’assaut israélien qui a fait 1200 morts, principalement des civils libanais, pour avancer les intérêts américains contre la Syrie et l’Iran. L’assaut faisait partie d’une stratégie pour élargir la guerre au Moyen-Orient dans le but de dominer la région riche en pétrole. Après que l’armée israélienne eut échoué à détruire la résistance contrôlée par le Hezbollah, Washington et Tel-Aviv ont accepté le « cessez-le-feu » proposé par les Européens dans la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU.

Malgré qu’elle détienne un droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU, la Chine n’a rien fait lorsqu’Israël a attaqué le Liban. Ce n’est que lorsqu’un observateur chinois pour l’ONU, Du Zhaoyu, a été tué avec trois autres observateurs par les bombardements israéliens d’un poste de l’ONU le 24 juillet que Beijing a menacé de présenter une résolution condamnant les gestes d’Israël. Chine est rapidement abandonné cette position sous la pression des Etats-Unis, pour ensuite se rallier à la résolution 1701. Comme les puissances européennes, elle était profondément préoccupée que l’escalade du conflit régional vienne miner les intérêts de la Chine pour le pétrole.

Avec une force de l’ONU prise en tenailles dans une zone hostile et sans possibilité de désarmer le Hezbollah, plusieurs pays ont hésité à envoyer des soldats dans la région. A ce jour, seulement 5000 soldats, surtout Italiens et Français, ont été déployés, beaucoup moins que l’objectif révisé de la Finul de 15000 soldats.

Au début, Beijing n’avait offert que 240 ingénieurs. Toutefois, la Chine a rapidement exploité la situation pour faire pression sur la France, l’Italie et les autres puissances européennes pour la levée de l’embargo sur les armes en provenance de l’Union européenne imposé à la Chine après le massacre de la place Tienanmen en 1989.

Le déploiement chinois relativement important est un appui politique de taille aux opérations de la France, de l’Italie et de l’Allemagne au Liban. Les troupes de la Chine, qui a établi des relations diplomatiques avec Israël en 1992, sont considérées par le régime sioniste comme plus acceptables que les troupes de pays musulmans asiatiques comme le Bangladesh ou l’Indonésie.

En fait, Israël fait de très bonnes affaires avec la Chine en lui fournissant des technologies militaires occidentales qui sont officiellement proscrites par l'embargo sur les armes. Le nouveau chasseur F-10 de la Chine, par exemple, est basé sur un modèle développé par Israël et financé par les États-Unis durant les années 1980. 

Le président français Jacques Chirac, un de ceux qui encouragent le plus la levée de l'embargo, a salué la décision chinoise en la qualifiant de « contribution non négligeable. » En 2004, en tant que président de la Commission européenne, Prodi souhaitait empêcher toute levée d'embargo, faisant référence à la réputation de la Chine sur le respect des « droits de l’homme ». Le mois dernier à Pékin, en tant que premier ministre italien, il a déclaré que l'Italie « souhaitait que l'embargo soit levé » et il a demandé que le problème soit résolu « le plus rapidement possible. »  

Les conflits pour mettre un terme à l'embargo occidental sur les armes en Chine, en vigueur depuis 17 ans, montrent l'existence de tensions internationales croissantes. Sous des pressions de plus en plus importantes des États-Unis, la Chine recherche de nouveaux alliés dans l'Union européenne. Inquiétés par l'impact de l'agression américaine sur les intérêts européens au Moyen-Orient, certains à l'intérieur des cercles dirigeants européens voient la Chine comme un contrepoids potentiel aux États-Unis. Au cours des dernières années, la France et l'Allemagne appuyaient une levée de l'embargo sur les armes en Chine, mais n'étaient pas prêtes à s'opposer aux États-Unis, qui eux se sont toujours opposés à ce que cela soit fait. 

La Chine et son « maintien de la paix » 

Comme les autres puissances, la Chine ne déploie pas de troupes au Moyen-Orient pour la « paix », mais pour défendre ses propres intérêts, et particulièrement en s’assurant des sources en énergie. La Chine vient tout juste de commencer un projet sino-syrien d'exploitation pétrolière au nord-est de Damas, par la Kawkab Oil Company. Avant de visiter la Chine, Prodi avait significativement fait référence aux intérêts de Beijing qui étaient en jeu : « C'est un gros importateur de pétrole de l'Iran ; ne pensez qu'à la dépendance énergétique de la Chine envers toute cette région. » 

On ne peut savoir clairement ce que les troupes chinoises feront au Liban. Les équipes d'ingénieurs sur place s'affairent au déminage. Même si les « gardiens de la paix » chinois vont probablement éviter toute opération de grande envergure, leur seule présence marquera le début d'une augmentation des interventions militaires chinoises ailleurs.

Les médias chinois d'Etat et la caste militaire ont salué la mission de paix au Liban comme un tournant dans la politique étrangère chinoise. Un général de renom, Peng Guangqian, a accueilli la nouvelle. « Cela correspond au nouveau profil international de la Chine et à ses responsabilités croissantes… Les 2.3 millions de soldats Chinois veulent jouer un rôle important dans la préservation de la paix dans le monde et favoriser le développement commun, » a-t-il dit à l'agence de nouvelles officielles de Xinhua le 21 septembre. 

Après la révolution de 1949 en Chine, le régime maoïste à chercher l'appui de différents mouvements de « libération nationale » en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Sa rhétorique anti-impérialiste, comme sa fausse prétention d'être socialiste, visait en premier lieu à maintenir un appui domestique. Après avoir réussit à se rapprocher des Etats-Unis en 1971 et pris un siège au Conseil de sécurité de l'ONU, la direction chinoise avait initialement refusé toute mission de paix, craignant qu'une intervention militaire outre-mer ne provoque une opposition intérieure.  

En 1979, lorsque Deng Xiaoping se tourna ouvertement vers le marché capitaliste, la diplomatie chinoise prit également un virage brusque. Elle mena une guerre frontalière contre le Vietnam à la demande des Etats-Unis. Beijing abandonna graduellement sa rhétorique de défense des masses au Moyen-Orient, en Afrique et ailleurs.  Elle participa pour la première fois à une opération de l'ONU en Namibie durant l'année 1989, la même année que le massacre de la classe ouvrière de la place Tienanmen.

Alors que le capital international entrait à flot et que l'économie de la Chine croissait rapidement durant les années 1990, ses missions de l'ONU prirent de l'expansion à des endroits tels que le Timor-Oriental, le Liberia et le Congo. Selon le ministre de la Défense de la Chine, elle a envoyé plus de 6000 personnes dans 15 missions de l'ONU depuis 1990, faisant de la Chine le plus important contributeur des 5 puissances ayant un droit de veto sur le Conseil de sécurité.  

« Les responsabilités croissantes » de Beijing en déployant des troupes au Liban, reflète les aspirations de l'élite capitaliste chinoise émergente pour un plus grand rôle dans le monde. Au milieu d'une croissance des inégalités sociales croissantes, Beijing exploite également les missions de l'ONU pour nourrir l'image « d'une grande puissance » et pour promouvoir le nationalisme au pays. Le bien-être des gens autour du monde est la dernière des considérations de la direction chinoise.

(Article original paru le 4 octobre 2006)

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