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WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Le test nucléaire de la Corée du Nord pose un dilemme pour la Chine

Par John Chan
14 octobre 2006

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Le test nucléaire de la Corée du Nord lundi dernier a provoqué une importante crise politique au sein de la direction chinoise, qui se cherche à établir comment elle y répondra. Elle confronte une grande pression de l’administration Bush pour qu’elle donne son soutien à de dures sanctions contre la Corée du Nord — un geste qui ne fera qu’approfondir la divergence qui se développe avec son allié officiel de longue date.

Après que Pyongyang eut annoncé son test proche la semaine passée, Beijing s’y est opposé avec vigueur et a appuyé une déclaration du président du Conseil de sécurité de l’ONU qui la condamnait. L’ambassadeur chinois à l’ONU Wang Guangya a averti à New York que « personne ne protégerait » la Corée du Nord et qu’elle devra subir de « sérieuses conséquences » si elle faisait sauter son engin nucléaire.

La menace implicite que la Corée du Nord perde le soutien de son principal bienfaiteur économique a été soulignée par la visite du premier ministre japonais Shinzo Abe à Beijing le week-end dernier. Abe et le président chinois Hu Jintao ont émis une déclaration commune disant que le test nucléaire était un sujet de préoccupation pour les deux gouvernements.

L’appui de Hu pour Abe, qui exploite depuis longtemps la « menace » nord-coréenne pour justifier la renaissance du militarisme japonais, était particulièrement irritant pour Pyongyang. Les responsables de la Corée du Nord ont dénoncé la Chine pour être « chauvine » et ont déclaré qu’ils n’avaient pas besoin de la protection de la Chine. Lundi, la Corée du Nord n’a averti la Chine de l’explosion que 20 minutes avant qu’elle ait lieu.

Deux heures plus tard, Beijing publiait une déclaration furieuse pour « s’opposer résolument » au test nucléaire. Le ministre chinois des Affaires étrangères a condamné la Corée du Nord pour avoir « ignoré l’opposition universelle de la communauté internationale et avoir mené de façon flagrante un test nucléaire ». Au même temps, il appelait pour de la retenue de tous les côtés et pour une résolution négociée de la crise. Aux Nations unies, l’ambassadeur chinois Wang a appuyé « des mesures punitives » contre la Corée du Nord, mais s’est opposé à des éléments clés de la proposition de résolution des Etats-Unis.

La Chine craint que le test puisse être le déclencheur d’une course aux armements nucléaires dans la région du nord-est de l’Asie, avec le Japon et même la Corée du Sud qui obtiendront la bombe atomique. Mercredi, Abe a officiellement répété la politique officielle du Japon selon laquelle le pays ne voulait pas d’arsenal nucléaire. Mais une discussion est actuellement en cours dans les cercles dirigeants du Japon sur un changement de position. Le mois dernier seulement, l’ancien premier ministre Yasuhiro Nakasone a suggéré que le Japon devrait considérer développer des armes nucléaires. « Nous sommes actuellement dépendants des armes nucléaires américaines, mais nous ne savons pas nécessairement comme l’attitude américaine va évoluer. »

Le test nucléaire de la Corée du Nord vient briser l’accord tacite qu’avait Beijing envers les Etats-Unis qu’il empêcherait Pyongyang d’acquérir des armes nucléaires si les Etats-Unis empêchaient ses alliés — le Japon et la Corée du Sud — de faire de même. Alors que la Corée du Nord réagissait à la position de plus en plus agressive de l’administration Bush avec des menaces de son cru, la Chine devait réaliser un acte d’équilibrage délicat. Depuis 2003, Beijing a forcé Pyongyang à prendre part à des pourparlers à six voix, auxquels participaient les Etats-Unis, les deux Corées, la Chine, le Japon et la Russie, en ligne avec les demandes de Washington pour des pourparlers multilatéraux.

En jouant un rôle utile pour l’administration Bush, la Chine a été capable d’améliorer ses rapports avec Washington. Mais cette tactique a toujours comporté de grands dangers. Les Etats-Unis ont exploité le programme nucléaire nord-coréen comme un outil pratique pour accroître les tensions régionales et pour affirmer de nouveau son rôle dominant contre ses rivaux — particulièrement Beijing. Du point de vue des Etats-Unis, les pourparlers à six n’étaient qu’une façon d’augmenter la pression sur les autres participants pour qu’ils prennent une ligne plus dure avec Pyongyang.

L’appel de Beijing pour de la « retenue » de tous est une tentative désespérée d’empêcher une confrontation ouverte. La Chine a envoyé une mission diplomatique à Pyongyang pour presser Kim de revenir aux réunions multilatérales. Au même moment, le président chinois Hu a téléphoné à Bush pour réitérer sa ferme opposition à la « nucléarisation » de la péninsule coréenne. Mais alors que ses principaux efforts diplomatiques se sont effondrés, toutefois, la Chine est forcée de réévaluer sa stratégie.

Un tampon utile pour la Chine

La Corée du Nord a été un Etat tampon utile à Beijing pour les 50 dernières années. Après le déclenchement de la guerre de Corée en 1950, Mao Zedong a envoyé des millions de soldats chinois au-delà de ses frontières pour empêcher les forces américaines d’établir un Etat client à la frontière de la Chine. En 1961, même alors que la Corée du Nord tendait vers Moscou dans la dispute entre l’Union soviétique et la Chine, Beijing a néanmoins atteint une alliance militaire officielle avec Pyongyang.

Depuis l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, la Chine a été la principale bouée de sauvetage économique du régime stalinien à Pyongyang. Beijing approvisionne la Corée en nourriture et en pétrole et est son plus grand partenaire commercial et son principal investisseur. Les dirigeants de la Chine ont pressé le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il de suivre la voie de la « réforme du marché » en offrant de la main-d’œuvre à bon marché aux investisseurs étrangers. La « politique du Soleil » de la Corée du Sud de développement économique du nord semblait, à la fin des années 2000, offrir le moyen de diminuer les tensions et de réunifier la péninsule coréenne.

Quant à elle, la Corée du Nord a cherché une garantie de sécurité et la normalisation des relations avec les Etats-Unis. La posture téméraire de Pyongyang n’a jamais eu pour but de mener une véritable lutte anti-impérialiste, mais plutôt de faire pression sur les Etats-Unis pour en arriver à une entente. Le jour suivant le test nucléaire, la Corée du Nord a offert d’abandonner son programme d’armes nucléaires si les Etats-Unis prenaient les « mesures correspondantes ». L’administration Bush, toutefois, s’est constamment opposée à tous pourparlers bilatéraux directs avec Pyongyang pour mettre fin à la confrontation actuelle. En 2002, Bush a en fait désigné la Corée du Nord pour un « changement de régime » en l’incluant dans son « axe du mal » aux côtés de l’Irak et de l’Iran.

Une résolution pacifique à l'impasse avec la Corée du Nord irait à l'encontre des intérêts américains. La Chine a déjà remplacé les Etats-Unis en tant que plus grand partenaire commercial de la Corée du Sud et du Japon. L'intégration de la Corée du Nord dans les économies dynamiques de la région augmenterait le potentiel d'un bloc commercial contre les Etats-Unis, conjugué à des demandes de la Corée du Sud et du Japon visant le retrait de bases militaires américaines. De plus, une Asie du Nord-Est plus stable permettrait au Japon et à la Chine d'exploiter les vastes ressources de pétrole et de gaz de l'Extrême-Orient russe. Moscou utilise déjà ses réserves d'énergie comme une arme stratégique pour développer des liens plus étroits avec l'Asie orientale, et plus particulièrement la Chine, pour faire contrepoids aux Etats-Unis. Les puissances européennes sont intéressées à établir d'étroits liens commerciaux et de transport avec l'Asie orientale par voies terrestres. La péninsule coréenne constitue une voie-clé.

Les tentatives chinoises de mettre un terme à la confrontation avec la Corée du Nord par des pourparlers à six se sont continuellement butées à un problème fondamental. Pour l'administration Bush, ses menaces constantes contre la Corée du Nord ont joué le rôle très utile de maintenir une atmosphère de tension et d'instabilité et d'affecter les plans économiques de ses rivaux. Il y a un parallèle à faire avec l'Iran. Washington comprend que toute solution pacifique à l'impasse avec Téhéran profiterait économiquement aux puissances européennes et asiatiques qui ont déjà d'importants investissements en Iran.

L'essai nucléaire nord-coréen laisse la Chine dans un dilemme. Si Pékin se montre incapable de rappeler à l'ordre la Corée du Nord, elle sera ciblée de plus en plus par l'administration Bush à cause de son appui pour un « Etat voyou ». Durant l'élection présidentielle américaine de 2000, la campagne de Bush s'est concentrée beaucoup sur l'idée que la Chine était le « compétiteur stratégique » des Etats-Unis. D'un autre côté, si Pékin étrangle par des sanctions l'économie nord-coréenne, elle risque de précipiter un effondrement politique déstabilisateur, et pas seulement pour la péninsule coréenne, mais à l'intérieur de la Chine même.

De plus en plus d'indices montrent que Pékin prend ses distances avec la Corée du Nord. A la suite de la dernière ronde de pourparlers à six en septembre 2005, la Chine a fourni un appui crucial aux efforts du Trésor américain pour sévir contre les « activités illicites » de la Corée du Nord et l'a aidé à forcer une banque de Macao à geler les actifs de Pyongyang. Après que les Etats-Unis eurent ignoré les demandes de la Corée du Nord pour mettre un terme aux sanctions financières, Pyongyang a réagi violemment en juillet en faisant l'essai d'un missile à longue portée. Comme le dernier test nucléaire, c'était une tentative désespérée pour obtenir des concessions de Washington.

Le fossé entre la Corée du Nord et la Chine était visible durant la « crise du missile ». Le chef de la Corée du Nord, Kim Jong-il, a refusé de rencontrer une délégation chinoise de haute instance qui avait était envoyée à Pyongyang pour le persuader de participer à nouveau aux pourparlers multilatéraux. Les représentants chinois ont dû faire le pied de grue pendant des jours pour obtenir une entrevue. La réponse de la Chine a été d'appuyer la résolution japonaise 1965 au Conseil de sécurité de l'ONU qui condamnait les essais de missile. La relation entre les deux pays, qui était décrite en Chine comme étant très étroite, en est train de se détériorer très rapidement.

L'essai nucléaire a suscité un débat parmi les cercles dirigeants chinois. Zhang Liankui, enseignant à l'Ecole centrale du Parti communiste, a déclaré au Financial Times le 9 octobre : « C'est le plus gros échec diplomatique depuis l'établissement de la République populaire [en 1949]. La Chine est la plus grande perdante, car elle a offensé la Corée du Nord et les Etats-Unis.

« C'était une politique stupide pour la Chine de considérer l'arme nucléaire de la Corée du Nord comme un levier contre les Etats-Unis. Au lieu de cela, l'arme nucléaire va être pointée vers la Chine », a dit Zhang. Les armes nucléaires auxquelles il réfère ne sont pas celles grossières de la Corée du Nord, mais celles beaucoup plus sophistiquées et puissantes que pourrait rapidement fabriquer le Japon ou la Corée du Sud.

Shen Dingli, un expert de premier plan des questions de sécurité chinoise de l'Université Fudan de Shanghai, a déclaré que la Chine ne pouvait pas tout simplement laisser tomber son alliance avec la Corée du Nord. Il a dit au New York Times : « La Chine doit continuer de voir la Corée du Nord à travers le prisme de Taiwan. Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que la Chine abandonne complètement son allié alors que l'Amérique continue de soutenir Taiwan et permet au mouvement indépendantiste d'y croître. » Il prédisait que les tensions de la péninsule coréenne pourraient compromettre l'objectif de Beijing de réunification avec la Taiwan et perturber l'environnement pacifique nécessaire au développement économique interne de la Chine.

Un commentaire paru dans le journal officiel China Daily avec pour titre « Les discussions à six toujours essentielles à la solution nucléaire coréenne » dénonçait le test nucléaire nord-coréen. Au même moment, le journal plaidait que de « s'aligner du côté de Washington » serait une erreur. « L'hostilité des Etats-Unis envers la DPRK [Corée du Nord] n'est un secret pour personne…Alors que le test nucléaire de la DPRK allait inévitablement avoir un impact négatif sur les relations Chine/ DPRK, cela ne veut pas dire cependant que la Chine doit nécessairement abandonner l'amitié traditionnelle qui existe entre les deux pays. »

Une possible porte de sortie pour le problème de la Chine — et qui a été très prudemment présenté — est la possibilité pour la Chine de procéder à sa propre version de « changement de régime » à Pyongyang. Un article du Times de Londres faisait le commentaire suivant : « Pour la Chine, l'argument de pousser Kim [Jong-il] dehors, avant que le grondement [en Corée du Nord] ne se transforme en révolte est devient donc plus fort de jour en jour.

« Beijing a cultivé d’« intéressants » généraux sous le manteau d'échanges militaires prolongés et pourrait même utiliser le fils aîné du Cher Dirigeant, Kim Jong-nam, qui est à Beijing, étant tombé dans la disgrâce de son père, comme un gage dans une stratégie de « continuité » pour remplacer Kim avec quelqu'un de plus pragmatique et malléable. »

L'article soulignait qu'une telle stratégie à haut risque était peu probable à moins que la crise ne s'aggrave. Ayant établi le précédent du « changement de régime » en Irak, les Etats-Unis ont sans aucun doute encouragé d'autres pays à considérer les mêmes méthodes pour protéger leurs intérêts économiques et stratégiques. De telles méthodes ne peuvent qu'intensifier encore plus les rivalités et les conflits entre les puissances régionales et internationales.

(Article original paru le 13 octobre 2006)

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