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WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient

Une conférence de presse à Bagdad donne les grandes lignes de l’intensification de la guerre américaine

Par James Cogan
26 octobre 2006

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La conférence de presse qu’ont donnée l’ambassadeur américain Zalmay Khalilzad et le général américain George Casey lundi soir à Bagdad, traçait les grandes lignes du « changement de cap » en Irak annoncé par la Maison-Blanche et le Pentagone. Au cours des prochains mois, l’administration Bush a l’intention d’amorcer une intensification téméraire de la violence pour tenter de sauver les intérêts américains de la catastrophe à laquelle elle fait maintenant face.

La ruine absolue de l’Irak imposée par trois ans et demi d’occupation était symbolisée par cette conférence. Comme Khalilzad présentait ce qu’il a appelé la « stratégie et les plans pour le succès en Irak », une coupure de courant sur tout Bagdad a plongé la conférence de presse dans le noir pour près de quatre minutes. L’occupation américaine est incapable de garantir l’électricité même pour ses quartiers généraux lourdement fortifiés. Les Irakiens doivent se débrouiller avec deux ou trois heures de courant par jour, les pénuries d’essence et le chômage de masse. Des milliers de personnes meurent des conséquences de la guerre civile sanglante que l’invasion américaine a attisée entre les factions rivales sunnites et chiites.

La politique fondamentale de l’administration Bush pour assurer les intérêts américains en Irak a été celle de « diviser pour mieux régner ». Depuis 2003, les Etats-Unis ont impitoyablement réprimé la population arabe sunnite qui formait la principale base d’appui du régime baasiste de Saddam Hussein. Les gouvernements irakiens formés à Bagdad depuis l’invasion ont été dominés par les fondamentalistes chiites et les partis nationalistes kurdes, qui se sont vus offrir le pouvoir et les privilèges en échange de leur collaboration avec l’occupation. La nouvelle constitution adoptée l’an dernier a été écrite pour permettre aux gouvernements régionaux chiites ou kurdes au sud et au nord du pays de prendre le contrôle des réserves de pétrole de l’Irak et d’en superviser la vente aux sociétés transnationales de l’énergie que favorisent les Américains.

Le résultat a été une insurrection baasiste et sunnite contre l’occupation et le gouvernement irakien, qui est devenue un conflit sectaire meurtrier entre les extrémistes sunnites et chiites. Il a été estimé que 655 000 Irakiens sont morts et que plus d’un million sont des réfugiés. Le chaos à travers le pays y immobilise 140 000 soldats américains et a empêché toute tentative cohérente de développer la production du pétrole en Irak.

Khalilzad a esquissé lundi soir ce qui est un revirement tactique de la politique américaine. L’administration Bush adopte en grande partie les demandes de l’élite américaine de réaliser une entente avec les baasistes dans le but de renforcer la « stabilité ». En opposition aux plans chiites et kurdes de régionalisme inscrit dans la constitution — dans l’élaboration de laquelle Khalilzad a joué un rôle majeur —, il demande maintenant une « loi sur le pétrole qui partagera les profits des ressources de l’Irak d’une façon qui contribuera à l’unification du pays », « l’amendement de la constitution » et « la transformation de la commission pour éradiquer le baasisme en un programme d’imputabilité et de réconciliation ».

Khalilzad définit la « réconciliation » comme « la persuasion des insurgés sunnites de déposer les armes ». Pour cela, des concessions politiques majeures doivent être offertes à l’élite sunnite, qui restaureront au moins de façon significative son pouvoir et ses privilèges. Une ouverture possible considérée dans les médias américains a été le rappel de la caste des officiers de l’ancienne armée de l’Irak qui avait été complètement dissoute et marginalisée après l’invasion américaine de 2003.

La terminologie employée par le général Casey pour décrire les « insurgés » a mis en évidence le changement qui avait lieu. Durant des années, l’armée américaine a qualifié sans discrimination tous les supporters de la résistance en Irak de « terroristes », ou les a présentés de façon absurde comme des « forces anti-irakiennes ». Toutefois, dans la nuit de mardi, Casey a fait la distinction entre les extrémistes religieux sunnites dans des organisations comme al-Qaïda, et les guérillas baasistes, qu’il a décrites comme des « insurgés qui combattent surtout contre nous et qui soutiennent être l’honorable résistance à l’occupation étrangère en Irak ».  

Tout en laissant entendre qu’une amnistie serait offerte aux insurgés bassistes, Casey a clairement exprimé que les États-Unis voulaient détruire la milice chiite de l’armée du Mahdi, qui est entretenue à Bagdad et au sud de l’Irak par le mouvement du clerc anti-occupation Moqtada Al-Sadr. Ses supporters forment la plus grande faction chiite de l’actuel gouvernement du premier ministre Nouri al-Maliki. Sans directement nommer l’armée du Mahdi, il a déclaré que des « escadrons de la mort et d’autres groupes armés illégaux attaquaient et tuaient des civils » et causaient « des problèmes de sécurité dans les régions au centre et au sud du pays ».

Déclarant qu’un « effort combiné de la police et de l’armée » était nécessaire contre les milices, Casey a insisté que l’administration Bush faisait pression sur le gouvernement Maliki pour que celui-ci sanctionne des mesures répressives. Durant les deux derniers mois, plusieurs indices ont suggéré que Washington et les partis sunnites préparaient un coup d’État par des éléments de la nouvelle armée irakiennesi Maliki continuait à refuser de sanctionner un bain de sang contre l’armée du Mahdi.

Il y a une logique derrière les appels simultanés à la réconciliation avec les insurgés sunnites et à une action militaire contre l’armée du Mahdi. Le mouvement sadriste tire son appui de millions d’Irakiens chiites pauvres et de la classe ouvrière, particulièrement dans la banlieue de Bagdad de Sadr City, qui a souffert une répression brutale sous le régime de Hussein. Ils s’opposeraient farouchement à tout retour à des positions de pouvoir par des éléments de l’establishment du Parti baasiste. Une telle action ne ferait qu’amplifier l’opposition massive qui existe parmi les masses chiites contre l’occupation américaine et renforcerait la position des éléments les plus radicaux qui sont partisans de la lutte armée.

Une réconciliation avec l’insurrection sunnite négociée par les États-Unis nécessiterait l’anéantissement des milices armées chiites. Un article de la plus récente parution du magazine Time par son correspondant à Bagdad Aparisim Ghosh explique directement la conclusion à laquelle arrivent les cercles politiques et militaires américains. Rejoignant principalement ce dont Khalilzad et Casey avaient donné un aperçu, le Time a défini les moyens pour empêcher la situation en Irak « d’empirer », soit la purge des supporters des partis chiites des nouvelles forces de sécurité irakiennes, des mesures « pour s’occuper de Moqtad al-Sadr et des efforts pour « ramener les sunnites ». 

En faisant référence aux sadristes, Ghosh a écrit : « En public, l’armée américaine affirme que al-Sadr, qui contrôle une section considérable au parlement, est une figure politique importante et qu’il doit être traité en conséquence... Toutefois, en privé, les commandants américains disent qu’ils voudraient ne plus être entravés juste assez longtemps pour porter quelques coups à l’armée du Mahdi. Ça ne serait pas simple : un assaut frontal sur la très populeuse Sadr City n’est pas une option intelligente... mais les États-Unis pourraient bien réussir quelque chose en frappant ces éléments de l’armée du Mahdi qui sont responsables des pires atrocités sectaires et activités criminelles ».

À la conférence de presse de Bagdad, Casey a laissé entrevoir un assaut contre Sadr City. Il a déclaré que l’objectif militaire dans la capitale était de nettoyer les quartiers d’où vient la violence sectaire alléguée et indiquait qu’il allait peut-être réquisitionner des troupes additionnelles pour ce qui se prépare à être l’opération la plus sanglante de la guerre en Irak. 

Les forces d’occupation américaine envahissent déjà des résidences et bureaux des dirigeants de l’armée du Mahdi en préparation pour une offensive majeur. L’agence de presse KUNA rapportait que les troupes américaines ont défoncé lundi les bureaux de l’armée du Mahdi à Holla, la capitale de la province de Babel dans le sud de l’Irak. La même journée, la résidence d’un dirigeant de la milice dans la province de Diwaniya était perquisitionnée. 

Jeudi dernier, les troupes américaines ont arrêté le commandant de l’Armée du Mahdi à Hindiya, une ville près de Karbal, et envahirent une mosquée chiite à Bagdad contrôlé par le mouvement sadriste. Au moins un Irakien a été tué dans le raid et deux autres emmenés. La détention arrive juste 24 heures après l’intervention personnelle de Maliki demandant aux militaires américains de relâcher un dirigeant sadriste en vue, Masen al-Saedi, qu’ils avaient appréhendé la semaine dernière. Ces raids pourraient très bien être des tentatives conscientes pour provoquer la branche armée des sadristes dans une confrontation ouverte pour justifier l’assaut américain.

Cependant, les implications des plans de l’administration Bush vont beaucoup plus loin que l’horrible bain de sang à Bagdad.  Sinistrement, alors que Khalilzad déclarait que les Etats-Unis allaient chercher auprès des Etats arabes voisin, tel que l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et la Jordanie pour de l’aide, il caractérisait la Syrie et le Liban comme étant les forces « au travail pour nous empêcher et les Irakiens de réussir ».

Casey a déclaré que ces deux Etats « donnent un appui aux différents groupes extrémistes et terroristes opérant à l'intérieur de l’Irak ».  Ces remarques suggèrent que l’administration Bush n’a pas encore embrassé l’appel à l’ouverture vis-à-vis la Syrie et l’Iran lancé par des personnalités tel James Baker, le dirigeant du Groupe d’Etude sur l’Irak.  Sa politique demeure celle du « changement de régime » à Damas et Téhéran, en tant que partie constituante de son ambition d’étendre la domination des Etats-Unis sur les ressources et territoires du Moyen-Orient.

Le porte-parole de la Maison-Blanche, Tony Snow, a déclaré la semaine dernière que les discussions en cour sur la situation en Irak « ne changent certainement pas notre position diplomatique à l’égard de la [Syrie ou de l’Iran] ».

Pour sa part, la théocratie iranienne chiite, qui a mené un combat sanglant de huit ans contre les baasistes d’Irak, a peu d’incitation pour appuyer le programme américain à moins que des concessions majeures soient accordées par Washington sur des questions comme l’énergie nucléaire et les sanctions commerciales.  Une offensive contre la milice chiite va probablement mener à l’effondrement du gouvernement irakien à dominance chiite et son remplacement par un régime hostile à Téhéran. .

Le « changement de cap » de l’administration Bush, dévoilé la nuit dernière ne va pas seulement coûté la vie de milliers d’Irakiens et d’Américains, mais pourrait bien provoquer une escalade dans une région déjà très volatile.

(Article original anglais paru le 25 octobre 2006)

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