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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Canada : le système de santé public en danger

Par Éric Marquis
2 septembre 2006

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Le gouvernement du Québec a déposé en juin dernier un projet de loi qui va ouvrir grand la porte au privé dans le domaine de la santé et marquer, une fois adopté cet automne, une étape cruciale dans la campagne de l’élite dirigeante canadienne pour démanteler le système de santé public partout au pays.

Les deux éléments essentiels du projet de loi sont, d’une part, la levée de l’interdiction de souscrire à une police d’assurance privée pour des soins couverts par le régime gouvernemental, et, d’autre part, la mise en place du statut de clinique dite spécialisée permettant à un centre médical privé de conclure un contrat de sous-traitance avec un hôpital public et d’être payé à même les deniers publics.

La nouvelle loi est présentée comme une réponse au jugement rendu en juin 2005 par la Cour suprême du Canada sur l’affaire Chaoulli. La plus haute instance judiciaire du pays a statué en l’occurrence que les longs délais pour obtenir des soins médicaux nécessaires, et l’interdiction de recourir à une police d’assurance privée pour de tels soins, constituaient une violation de la Charte québécoise des droits et libertés.

La nature éminemment politique de ce jugement, rendu sous le couvert d’une défense du droit individuel à la santé et à la vie, est mise à nu par le choix délibéré des juges de la majorité d’écarter de leur réflexion le facteur qui a le plus contribué à allonger les listes d’attente, à savoir : les coupures draconiennes effectuées dans le réseau public de santé sur de nombreuses années, tant par le gouvernement fédéral que par les gouvernements provinciaux.

Autrement dit, on invoque les conséquences inévitables de la politique de compressions budgétaires suivie par tous les paliers de gouvernement pour justifier une intensification de cette même politique qui vise à soumettre encore plus directement la santé publique aux diktats des marchés financiers.

À la faveur de l’incitatif légal fourni par la Cour suprême et sous le prétexte d’une « garantie d’accès », le gouvernement libéral du premier ministre Jean Charest va donc, dès l’automne prochain, permettre aux compagnies d’assurances d’offrir des polices pour les chirurgies de la hanche, du genou et de la cataracte. La liste des soins susceptibles d’être couverts par de telles assurances privées pourra ensuite être allongée par simple décret ministériel.

Quant à l’établissement des cliniques « spécialisées » en tant que sous-traitants pour des organismes publics de santé, le ministre québécois de la santé, Philippe Couillard, l’a ouvertement associé à l’occasion qu’elle offre d’établir une plus grande « flexibilité du travail », c’est-à-dire d’intensifier l’exploitation des dizaines de milliers de travailleurs qui fournissent les soins de santé dans la province.

Le discours officiel sur l’efficacité accrue du secteur privé est démenti par de nombreux rapports internationaux. Par exemple, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, « [...] rien ne permet de dire que [l’assurance-maladie privée] réduit du même coup les temps d’attente dans le secteur public, qui est le seul choix possible pour les catégories à faible revenu ». Dans la plupart des pays où elle joue un rôle prépondérant, ajoute l’OCDE, l’assurance-maladie privée « a souvent engendré de sérieux problèmes d’équité et alourdi la facture des dépenses de santé totales et, dans certains cas, publiques ».

En fait, l’objectif de l’élite dirigeante n’est pas de fournir un système de santé efficace, rationnel et accessible à tous, mais plutôt de transformer un important service public et social, vu comme une dépense de plus en plus insupportable, en une très lucrative source de profits. C’est cette avenue qui est la plus attrayante pour le grand capital.

Au sein de l’establishment politique, il y a consensus depuis longtemps que le statu quo ne tient plus. Le gouvernement libéral Chrétien-Martin et le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard ont, vers le milieu des années 90, imposé des coupures massives au réseau de la santé et ont ainsi frayé la voie à la privatisation.

Sous la pression de son nouveau chef, André Boisclair, le PQ — l’autre parti de la grande entreprise au Québec qui forme aujourd’hui l’opposition officielle — a mis au rancart sa demande initiale que le gouvernement provincial invoque la clause nonobstant de la constitution canadienne pour se soustraire à la décision de la Cour suprême fédérale sur l’affaire Chaoulli. Un élément majeur du projet de loi libéral est d’ailleurs d’inspiration péquiste, comme l’a fait remarquer le ministre Couillard en rappelant que la mise en place de cliniques privées « spécialisées » faisait partie des recommandations de la Commission Clair tenue en l’an 2000 lorsque le PQ était au pouvoir.

Quant à la bureaucratie syndicale, principal promoteur parmi les travailleurs du parti de la grande entreprise qu’est le PQ, elle a laissé le champ libre à la réaction sociale en pliant l’échine devant la loi spéciale adoptée fin 2005 par le gouvernement Charest pour imposer des concessions majeures à un demi-million de travailleurs de la santé et du secteur public de la province.

Le gouvernement Charest, encouragé par une telle capitulation et poussé dans le dos par le jugement sur l’affaire Chaoulli, ainsi que par tout le milieu de la grande entreprise et les médias de l’establishment, met en place ce qui est exigé par l’élite canadienne, soit une ouverture importante au privé dans le domaine de la santé.

Le premier ministre conservateur canadien, Stephen Harper, considéré par l’élite dirigeante comme le plus apte à mettre en oeuvre ses plans les plus impopulaires, n’a laissé aucun doute sur le fait qu’il compte suivre pleinement l’exemple du « modèle québécois ».

Le Québec « fait preuve d'un leadership à l'échelle nationale en élaborant un modèle dont les autres provinces pourraient s'inspirer », a déclaré Harper. « Ce modèle est conforme à notre approche et à la loi canadienne sur la santé », a-t-il ajouté, « et nous accueillons favorablement cette approche novatrice qui servira de point de départ ».

Dans un contexte où l’économie capitaliste mondiale est en profonde crise, où la compétition prend un caractère de plus en plus brutal et où les différentes élites nationales font payer à « leur » classe ouvrière le prix de cette crise, les programmes sociaux et services publics se trouvent attaqués avec force. Au Canada, le système de santé se retrouve clairement dans la ligne de mire de la classe dirigeante.  





 

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