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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le gouvernement italien pousse en avant la « réforme » des retraites

Prodi achève le travail commencé par Berlusconi

Par Marianne Arens
18 août 2007

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Après une nuit de négociation, le premier ministre italien, Romano Prodi, a obtenu le 20 juillet un accord avec les plus importants syndicats italiens sur la soi-disant dernière « réforme » des retraites. La réforme de Prodi est une étape importante vers la suppression du système relativement généreux de retraite italien datant des années 1960.

En Italie, dans un pays où les allocations chômage et les prestations sociales sont inférieures à celles versées dans les autres pays d’Europe occidentale, le projet de retraite constitue un élément crucial des acquis sociaux. Théoriquement au moins, il était possible en Italie de prendre sa retraite à 57 ans. Il y a trois ans, l’âge moyen de départ à la retraite y était de 59 ans.

Le prédécesseur de Prodi au poste de premier ministre, Silvio Berlusconi, avait déjà tenté en 2004 de mettre fin au système de retraite. Selon la proposition de Berlusconi, les Italiens devaient travailler au moins jusqu’à l’âge de 60 ans, en comptant 40 ans de cotisation au lieu des 35 ans présentement requis pour toucher une retraite complète.

L’une des principales promesses de Prodi, faites lors de la campagne des législatives il y a dix huit mois, avait été l’annulation de cette « réforme », connue sous le nom de lo scalone (l’escalier). Le projet que Prodi fait présentement avancer est toutefois non moins que la politique de Berlusconi, dans une forme légèrement modifiée.

Au lieu de reporter l’âge de départ en retraite de 57 à 60 ans à partir de janvier 2008, le relèvement se fera par étape à 61 ans d’ici 2010. Au début de 2008, l’âge minimum de la retraite sera porté à 58 ans et l’augmentation des années de cotisation sera également introduite progressivement. L’objectif du gouvernement, tout comme celui des autres gouvernements européens, est d’arriver à un âge de départ en retraite qui se situera entre 65 et 67 ans, contribuant ainsi à fortement alléger le budget de l’Etat.

Dans le même temps, la nouvelle loi cherche à se distancer du système de retraite paritaire pour s’orienter de plus en plus vers un système de retraite privé versé par des fonds de pension qui sont à la merci des aléas des marchés financiers et du pouvoir d’achat individuel.

La conséquence inévitable en sera un accroissement des inégalités sociales et la pauvreté des retraités. Dans des conditions d’un taux de chômage élevé et de précarité de l’emploi grandissante, il est de plus en plus difficile pour des millions de gens disposant d’un bas salaire de mettre de côté des fonds pour leur retraite. Les retraités actuels ont déjà beaucoup de mal à faire face à l’inflation croissante. Selon les statistiques, 24 pour cent des retraités italiens, voire plus de trois millions de personnes, vivent avec moins de 500 euros par mois et 31 pour cent touchent une pension entre 500 et 1 000 euros.

La détérioration des conditions du système de retraite a contraint ces dernières années des centaines de milliers de retraités à descendre dans la rue pour protester. En octobre 2003, dix millions d’Italiens ont participé à la grève générale et, à la fin de la même année, plus d’un million ont pris part à une manifestation à Rome qui a rassemblé contre les projets de Berlusconi non seulement des salariés et des retraités mais également des jeunes, des étudiants et de nombreux artistes et auteurs célèbres.

En juin dernier, de vastes manifestations avaient eu lieu une fois de plus dans de nombreuses villes italiennes, illustrant ainsi la détérioration continue des conditions de vie des retraités. Tous les principaux syndicats avaient participé à ces manifestations et avaient promis d’user de leur influence pour défendre et améliorer le régime des retraites et les salaires.

Toutefois le 20 juillet, à peine quelques semaines plus tard, l’ensemble des dirigeants des principaux syndicats, Guglielmo Epifani (CGLI), Raffaele Bonanni (CISL) et Luigi Angeletti (UIL), signaient le projet du gouvernement qui sera soumis fin août au parlement dans le cadre du projet de budget (finanziara). En Italie, c’est la période des grandes vacances d’été et de nombreuses entreprises sont fermées et le gouvernement est en vacances. Le but est bien évidemment de faire passer la mesure en évitant des protestations de masse de la part de la classe ouvrière.

Epifani, le secrétaire général du premier syndicat italien, CGIL, a déclaré aux médias que la réunion avec les représentants du gouvernement avait été « dure et difficile » et que l’on avait obtenu un grand nombre de concessions du gouvernement. Epifani a essayé d’apporter un éclairage positif sur l’accord en disant qu’à l’avenir les femmes pourraient également prendre leur retraite à 60 ans. Le fait est pourtant qu’Epifani a apposé sa signature au bas d’un texte qui met fin à l’ancien système de retraite.

Les porte-parole du gouvernement de coalition de Prodi, notamment les représentants des Démocrates de Gauche (DS), le successeur de l’ancien Parti communiste italien, ont mis tout leur poids dans la balance en faveur de la réforme de Prodi. Le 29 juin, lors d’une émission télévisée, Walter Veltroni (DS), le maire de Rome, a déclaré que : « Le système de retraite présente un déséquilibre flagrant et ce déséquilibre est maintenu au prix de vastes sommes d’argent. Ces fonds devraient être transférés et employés pour lutter contre l’insécurité de l’emploi et la précarité. Des négociations ont lieu avec les syndicats mais le report de l’âge de la retraite est absolument indispensable. »

Veltroni s’est porté candidat à la direction future du nouveau Parti démocrate, il a été fêté dernièrement par la presse internationale comme étant une éventuelle alternative à Prodi. L’hebdomadaire américain Newsweek l’a récemment qualifié de « Bill Clinton italien » et a loué son approche positive à vis-à-vis de l’économie de libre marché ainsi que son enthousiasme pour les Etats-Unis.

Les deux partis de gauche de la coalition de Prodi, Refondation communiste (Rifondazione Comunista, PRC) et les communistes italiens (PdCI), ont joué un rôle crucial dans l’application de la nouvelle législation sur les retraites. Les dirigeants des deux partis, l’ancien secrétaire de PRC et son successeur, Franco Giordano, ainsi que le dirigeant du PdCI, Oliviero Diliberto, n’avaient cessé de promettre de rejeter à la fois le scalone de Berlusconi et celui de Prodi, et de défendre de toute leur force l’ancien système de retraite ítalien.

Mais, après la signature par les syndicats du projet de Prodi, le dirigeant du PRC, Giordano a rapidement cherché à présenter l’accord sous un aspect positif en déclarant : « Quiconque a cotisé durant 40 ans peut partir à la retraite. » Il a également avancé la possibilité de soumettre la décision de la réforme des retraites à un référendum populaire.

Le 28 juillet il a tenu des propos tout aussi vagues en déclarant que l’accord « ouvre la voie à un nouveau stade pour une mobilisation politique et sociale de la gauche de par le pays … afin de rétablir l’importante cohésion entre le peuple et la politique officielle, entre les attentes cachées que des millions de personnes placent dans l’Unione [gouvernement de coalition de centre-gauche] et les actions de la majorité gouvernementale. Notre attitude lors du vote parlementaire dépendra de l’issue de ce conflit. »

Deux jours plus tard, le secrétaire national du PdCI, Oliviero Diliberto, déclarait : « Je ne m’attendais pas à un tel contrat, je suis très déçu… Si seulement le gouvernement nous avait entendu raisonnablement il aurait été possible de trouver une meilleure proposition. » A la question de savoir s’il voterait contre le projet au parlement fin août, Diliberto a répliqué : « J’aurais alors à voter contre le projet de budget… On verra ce qui se révèlera être le meilleur moyen parlementaire. Comme toujours, nous luttons pour une amélioration… En automne nous reprendrons la lutte pour les retraites. »

En fait, ces organisations ont depuis longtemps capitulé devant la direction de Prodi. Il y a six mois, elles avaient cédé aux exigences du premier ministre en lui donnant littéralement un blanc seing pour son programme gouvernemental.

A la mi-février, Prodi avait démissionné pour n’avoir pas réussi à rassembler une majorité en faveur d’un maintien des troupes italiennes en Afghanistan. Il s’était déclaré prêt à reprendre ses fonctions qu’après que chacun des neuf partis de sa coalition ait signé un programme en douze points qui, en plus de promesses pour le soutien des missions militaires au Liban et en Afghanistan et l’extension de bases américaines sur le sol italien, exigeait également un soutien pour les « réformes » néo-libérales, y compris la « réforme » des retraites. C’était à ce moment là que le PRC et les autres partis de « gauche » de la coalition avaient accepté de soutenir les propositions de Prodi sur les retraites.

Deux jours avant la réunion de juillet avec les syndicats, tous les partis gouvernementaux avaient adopté au parlement un paquet de mesures proposées par Prodi et qui une fois de plus avait agité sa menace de démission, sa vingtième menace de démission depuis le début de l’année. Ces mesures concernaient l’affectation des excédents budgétaires au financement de comptes les plus divers, comprenant le financement de projets pour jeunes sans emploi régulier, le financement de la participation de l’Italie aux opérations en Bosnie (100 millions d’euros) et celui d’une augmentation dérisoire de 33 euros par mois pour les retraités recevant le minimum de retraite.

Avec l’approbation de ce paquet de mesures, les partis gouvernementaux ont également signalé leur soutien à la « réforme » de Prodi.

Les médias italiens ont rapporté que la commissaire européenne, Emma Bonnino, avait menacé de démissionner si Prodi « venait à céder devant la pression des syndicats » et s’il ajournait sa « réforme » des retraites. L’Union européenne et le Fonds monétaire international ont tous deux exigé que l’Etat italien réduise considérablement ses dépenses de retraite.

Après la réunion avec les dirigeants syndicaux, le ministre de l’Economie, Tommaso Padoa Schioppa, avait exprimé sa satisfaction quant à la « réforme » des retraites tout en se plaignant du « retard » dans son application qui coûtera des milliards d’euros supplémentaires à l’Etat.

Des analystes financiers internationaux se sont montrés sceptiques face au projet qui selon eux ne va pas assez loin. Un représentant de Standard & Poor’s a déclaré que le nouveau modèle de retraite entraînerait même des coûts supplémentaires : « Ceci constitue une énorme source d’inquiétude à l’égard d’un pays qui dépense plus de fonds public pour ses retraites que n’importe quel autre pays en Europe. »

Même son de cloche chez l’ancien premier ministre et dirigeant de l’opposition de droite du pays, le magnat de la presse italienne, Silvio Berlusconi, qui a clamé que le projet de Prodi avançait trop lentement. Dans le même temps, ses alliés de droite, la Lega Nord séparatiste (Ligue du Nord) et l’Alleanza nationale post-fasciste (Alliance nationale) se posent de façon démagogique en défenseurs des retraites des « petites gens. »

Silvio Berlusconi essaie de mobiliser le soutien des petits patrons qui saluent l’abaissement des charges sociales et des impôts tout en considérant Prodi comme un représentant de l’Union européenne maudite. Berlusconi a déclaré que les jours de Prodi étaient comptés et qu’il tentait en vain de maintenir une coalition chancelante.

En fait, c’était la question des retraites qui avait conduit à la chute du premier gouvernement dirigé par Berlusconi. Suites à une série de grèves et de protestations de masse en 1994 contre sa propre « réforme » des retraites, Berlusconi avait été obligé de démissionner après que son partenaire de la coalition, la Ligue du Nord, ait quitté le gouvernement. L’assaut contre les retraites fut alors repris par les deux gouvernements qui suivirent, celui de centre-gauche et le deuxième gouvernement Berlusconi. A présent Romano Prodi achève le processus entamé par Berlusconi.

Les soi-disant partis de « gauche » qui font partie du gouvernement de coalition de Prodi, et en particulier le PRC, n’ont cessé d’affirmer que leur acceptation du moindre virage à droite du gouvernement était nécessaire pour empêcher un retour au pouvoir de Berlusconi. Maintenant, ce même raisonnement fait que ces partis imposent à présent la politique de leur adversaire numéro un.

(Article original paru le 13 août 2007)


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