Quatre étudiants de l’université de
Bradford âgés de 20 ans et un lycéen de 19 ans ont été emprisonnés après avoir
été jugés à l’Old Bailey, la cour pénale de Londres, pour possession sur
leurs ordinateurs de matériel dit « glorifiant le terrorisme
islamique ». Aitaza Zafar, Usman Malik et Awaab Iqbaal ont été condamnés à
trois ans de prison chacun, Akbar Butt à 27 mois d’emprisonnement et le
lycéen, Mohammed Irfan Raja, à une peine d’emprisonnement de deux ans dans
un centre pour jeunes délinquants.
Le climat créé par les politiciens et les
médias après les tentatives d’attentats à la bombe de Londres et de
Glasgow au début de ce mois est tel qu’il n’y a eu que très peu
d’opposition de la part des médias à ces mesures dignes d’un Etat
policier, à savoir l’emprisonnement de ces jeunes pour avoir tout
simplement téléchargé une documentation librement disponible sur l’Internet.
Cette affaire est la première condamnation en
vertu du Terrorism Act 2000, loi contre le terrorisme, pour possession de
matériel utile au terrorisme.
Raja s’était enfui de chez lui, à
Londres, à l’âge de 17 ans en laissant à ses parents une note disant :
« Si ce n’est ici [dans ce monde], nous nous reverrons dans le
[jardin du paradis] ». Selon l’acte d’accusation, il projetait
d’aller combattre en Afghanistan après avoir reçu un entraînement au
Pakistan et c’est pour cette raison qu’il avait rejoint les quatre
étudiants à Bradford. On ne dispose d’aucune preuve sérieuse pour
affirmer que ce n’était pas juste une lubie d’adolescent.
Ses parents lui avaient parlé au téléphone et
l’avaient persuadé de rentrer à la maison au bout de trois jours.
L’on rapporte que Raja avait été déprimé et qu’il avait discuté sur
Internet du fondamentalisme islamique avec les étudiants de Bradford. Ses
parents avaient contacté la police et Raja aurait avoué lors de plusieurs entretiens
son désir de lutter pour « des causes musulmanes à
l’étranger ». Il avait orienté la police vers les étudiants de
Bradford qui furent interpellés pour avoir ce matériel extrémiste sur leurs
ordinateurs.
L’un des étudiants, Atizaz Zafar, a été
interviewé par la BBC Radio 4 dans leur émission Today. A la question de
savoir si le « matériel jihadiste incendiaire » qu’il avait
téléchargé n’était pas un signe d’intention terroriste, Zafar a dit
qu’il « faisait des recherches sur sa religion, et en étudiait tous
les aspects. » Il était devenu plus « conscient politiquement »
en tant qu’étudiant et « la recherche l’avait conduit à
différents sites et endroits. » L’interviewer insista sur la
question de savoir pourquoi il possédait une « documentation abominable »,
dont la vidéo d’une décapitation. Zafar dit qu’il avait téléchargé
un fichier zip contenant plus de 200 documents. « Je ne les ai pas tous lu
et au tribunal, ils ont pris grand soin de choisir un seul document, et un
paragraphe bien précis. » A la question de savoir pourquoi il avait sur
son ordinateur une copie du « manuel du terroriste », il dit être
allé sur un chat room pour discuter de la religion musulmane et de la politique
et qu’il s’agissait d’un des fichiers qu’on lui avait
envoyés, « les gens vous envoient toute sorte de choses. »
Des reportages sur le procès disent que les
cinq jeunes étaient entrés en contact avec un Britannique dénommé Imran qui
leur avait dit en ligne comment aller au Pakistan sans être repéré. Un certain « Brother
Ali » à New Jersey fut également mentionné qui avait dit à Raja de
contacter les étudiants de Bradford. Il n’est pas été inscrit dans le
dossier si l’un de ces hommes leur avait envoyé le fichier zip ou le
« manuel du terroriste ». Ces derniers n’ont pas été non plus cités
comme témoins et aucune explication n’a été fournie sur les raisons pour
lesquelles ils n’ont pas été arrêtés. Ce n’est guère un secret que
de tels chat room peuvent être utilisés par des provocateurs et les services
secrets.
Il règne vraiment une inquiétude dans les
milieux de l’establishment quant à la manière dont les droits
démocratiques sont bafoués dans de telles affaires. David Livingstone, membre
associé à la sécurité internationale à Chatham House, qui abrite l’Institut
royal des affaires internationales (RIIA) de Londres, a comparu comme témoin de
la défense lors du procès. Il a déclaré à l’émission Today
qu’il n’existait pas de preuve que les cinq jeunes gens avaient
projeté d’entreprendre une attaque terroriste. Ces poursuites judiciaires
pourraient « radicaliser » les jeunes Musulmans « de par la
perception d’un sentiment d’injustice », a-t-il dit.
Déclarant que les jeunes préparaient un
« mauvais coup », Livingstone dit, « Si on doit poursuivre en
justice toutes les affaires malveillantes, on finira par engorger le système
judiciaire et il est clair qu’il faudra construire davantage de
prisons. »
Livingstone a appelé à recourir à la méthode
traditionnelle de la discussion pour traiter avec des étudiants qui sont
attirés par le fondamentalisme islamique, « plutôt que d’utiliser la
lourdeur de l’instrument massue du système judiciaire. »
Toutefois, au plus haut niveau des milieux politique,
judiciaire et policier on est bien déterminés à recourir à la peur
d’attaques terroristes non seulement pour utiliser de telles mesures
draconiennes mais pour en mettre d’autres en place.
Le premier ministre Gordon Brown a dit qu’il
a l’intention, lors de la prochaine session parlementaire, de prolonger
la durée de 28 jours de la garde à vue, durant laquelle la police peut détenir
un suspect sans chef d’inculpation. Bien que la proposition d’une
période de 90 jours ait été repoussée de justesse en 2005 lorsque Tony Blair
l’avait soumise au parlement, Brown a appelé à une
« consultation » pour prolonger la période de détention jusqu’à
56 jours en soutenant les revendications de la police selon lesquelles elle a
besoin de davantage de temps pour consulter en détail les mémoires
d’ordinateurs et réunir des preuves dans les affaires de terrorisme.
Brown a également annoncé son intention de former
une « force unifiée des frontières » pour intensifier « la lutte
contre le terrorisme » en créant une force en uniforme « hautement
visible » qui intégrerait les agents d’immigration et les agents
douaniers. Il appelle également à l’introduction d’une carte
d’identité, en dépit d’une opposition de longue date de la part des
défenseurs des droits humains. D’autres mesures comprendront une
tentative de réunir le soutien de tous les partis pour l’utilisation
d’interception du courrier électronique et des appels téléphoniques afin
d’obtenir des éléments de preuve.
Brown a déclaré que la police et les services
de sécurité traquent actuellement 2 000 individus, soit une augmentation de 400
au cours de ces neuf derniers mois. Les forces de sécurité affirment que quinze
complots terroristes ont été découverts depuis le 11 septembre et qu’une
trentaine d’autres sont en préparation.
Certaines indications sur le régime de plus en
plus opprimant qui est en train d’être mis en place par la police et les
services de sécurité en Grande-Bretagne et qui prend particulièrement pour cible
les jeunes musulmans et les jeunes issus du sous-continent indien figurent dans
le rapport rédigé par la police métropolitaine (de Londres) concernant les
quatre premiers mois de 2007. En vertu des lois anti-terrorisme quelques 23 000
« arrestations et fouilles » ont été effectuées, soit une
augmentation de 37 pour cent par rapport à l’année précédente. Seulement
27 arrestations ont eu lieu pour délit de terrorisme mais 242 autres
arrestations ont été effectuées. Au moins 16 pour cent des personnes contrôlées
étaient des personnes originaires du sous-continent indiencontre 12
pour cent pour le reste de la population.
D’autres preuves que la « guerre
contre le terrorisme » permet de balayer tout semblant de droits
démocratiques ont été présentées dans un reportage diffusé par la télévision
britannique Channel 4 montrant comment des prisonniers terroristes sont traités
à la prison Franklin dans le Comté de Durham. Quelques 10 pour cent des détenus
dans cette prison sont des musulmans et l’on rapporte que les chefs des
trois principaux procès qui se sont déroulés en Grande-Bretagne l’année
dernière s’y trouvent aussi.
Hussain Osman, l’un des condamnés pour
l’attentat suicide à la bombe manqué, du 21 juillet 2005, aurait eu sa
cellule mise à feu. Channel 4 a rapporté que cet incident s’était produit
après que des menaces de mort auraient été émises contre Omar Khyam, condamné
pour être le chef du groupe du soi-disant complot de la bombe à l’engrais
d’avril dernier. L’on rapporte que Dhiren Barot, condamné en
novembre dernier pour avoir planifié divers attentats à la bombe au Royaume et
aux Etats-Unis aurait été ébouillanté. Barot souffre de brûlures profondes du
troisième degré et qu’un surveillant de prison a décrites comme étant les
pires qu’il ait jamais vues. Ces trois incidents ont tous eu lieu au
cours de ces trois dernières semaines.
L’épouse d’Omar Khyam a dit à
Channel 4 que les autorités de la prison avaient été averties auparavant :
« Omar s’est finalement fait placer en isolement et, à peine
quelques jours plus tard, Dhiren Barot a été attaqué, ce qui n’aurait pas
dû arriver vu que la prison savait qu’il y avait des menaces. »
Selon des sources de Channel 4, il y a des
fascistes parmi les détenus, des membres de Combat 18 ou des partisans du
British National Party (Parti national britannique), et on trouve des croix
gammées gribouillées sur les murs. Il s’était crée un conflit sur la
question de savoir où les prisonniers musulmans feraient leurs prières.