wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Des voyous de droite agressent un groupe de personnes originaires de l’Inde en Allemagne de l’Est

Par Stefan Steinberg
27 août 2007

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Aux premières heures du dimanche 19 août, une bande de voyous ivres a attaqué un groupe de huit Indiens lors de la kermesse qui se déroulait dans la petite ville allemande de Mügeln (près de Leipzig). Les huit hommes qui soit travaillent dans le restaurant indien de la ville ou sont des amis du propriétaire ont été agressés par une cinquante de voyous. La petite ville de Mügeln est située en Allemagne de l’Est, dans le Land de Saxe, où un certain nombre d’agressions racistes se sont produites ces dernières années.

Les huit Indiens ont été attaqués par des dizaines de jeunes gens avinés hurlant des slogans racistes tout en frappant et en assénant des coups de pied aux Indiens du groupe qui étaient nettement moins nombreux qu’eux. Les photos prises plus tard ont révélé la gravité de leurs blessures. Tous ont été gravement blessés et souffrent de sévères lésions et d’hématomes au visage et au corps. L’une des victimes a nécessité une hospitalisation prolongée et plusieurs autres membres du groupe ont eu besoin de points de suture et de soins médicaux intensifs au visage en raison des coups de pied répétés reçus à la tête.

Après la première attaque par le groupe de jeunes, les huit victimes se sont enfuies de la fête en traversant la place du marché pour se réfugier dans un restaurant tout proche. Le propriétaire les a laissés entrer mais la bande de jeunes a assiégé le restaurant en cherchant à en enfoncer la porte d’entrée devant une foule de badauds. Des membres du groupe d’Indiens ont affirmé s’être mis à craindre pour leur vie. Ce n’est qu’après l’intervention de la police locale que la situation s’est calmée. Seuls deux des agresseurs âgés de 21 et 23 ans ont été interpellés samedi soir puis relâchés plus tard.

Malgré le caractère raciste évident de l’attaque et la réaction immédiate de la police, les hommes politiques de la région ont minimisé l’agression et la police a immédiatement nié toute motivation politique. Une porte-parole de la police venue de la ville de Leipzig a déclaré lundi à l’agence de presse allemande DDP qu’il n’y avait aucun signe indiquant une motivation néo nazie dans cette attaque et ce en dépit des récits de témoins qui avaient relevé un flot d’insultes permanent lancé à l’encontre du petit groupe de travailleurs étrangers.

S’adressant aux journalistes après l’incident, le maire de la ville, Gotthard Deuse, leur a dit qu’il n’y avait pas de néo nazis dans la ville et que s’il s’avérait que l’incident présentait effectivement une motivation d’extrême droite, il était très vraisemblablement dû à des gens venus de l’extérieur. Deuse a également indiqué que la police avait été prévenue qu’il risquait d’y avoir des incidents durant la kermesse. Et pourtant elle n’a rien fait pour les éviter.

Le ministre-président du Land de Saxe, Georg Milbradt (Union chrétienne-démocrate, CDU) s’est rendu lundi dans la petite ville et a condamné l’attaque tout en multipliant des platitudes à l’adresse des journalistes pour qualifier l’attaque.

En fait, cet incident, fait suite à une série de violentes agressions perpétrées au cours de ces dernières quinze années contre des étrangers dans des villes d’Allemagne de l’Est depuis la réunification de l’Allemagne. Bien que l’atmosphère nationaliste et obtuse qui a prévalu dans l’ancienne République démocratique allemande (RDA) stalinienne ait certainement joué un rôle dans le renforcement des préjugés stupides en Allemagne de l’Est, le fait est que bon nombre de jeunes impliqués dans ces récentes attaques sont nés après la dissolution de la RDA en 1989-90.

En fait, des sentiments d’extrême droite et des organisations néo nazies telles le Parti national allemand (NPD) n’ont pu se développer dans un certain nombre de villages et de villes en Allemagne de l’Est qu’en raison du manque d’emplois et de la destruction et dégradation de l’industrie de la région et qui sont l’œuvre de l’ensemble des principaux partis politiques en Allemagne. Dans des conditions où depuis la réunification en 1990 un terrain vague économique a été créé dans une grande partie de l’ancienne Allemagne de l’Est, chaque organisation politique majeure, indépendamment de ses racines, qu’elles se trouvent à l’Ouest ou à l’Est, a affirmé qu’il n’existait pas d’alternative au chômage de masse et à la croissance de la pauvreté endémique de vastes couches de la population.

Ceci inclut également le parti nouvellement formé La Gauche qui, tout à l’image de son prédécesseur, le Parti du socialisme démocratique (PDS), a collaboré étroitement au niveau national et régional à la fois avec le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) et le CDU pour appliquer la politique de rationalisation de l’industrie et de la société de l’Allemagne de l’Est, ce qui a eu des conséquences dévastatrices pour l’emploi et les conditions de vie. En Saxe, par exemple, La Gauche a joué un rôle majeur dans la vente à des fonds d’investissement du parc immobilier public de Dresde ce qui a entraîné des hausses considérables des loyers et du prix de l’immobilier.

C’est cette étroite collaboration entre la droite conservatrice et la « gauche » purement nominale qui a permis aux groupes d’extrême droite de gagner en influence parmi les jeunes des Länder de l’Allemagne de l’Est, tel le Land de Saxe.

Dévastation économique en Allemagne de l’Est

Une étude récente réalisée par l’Institut de Berlin Population et Développement a montré l’étendue de la crise. Suite à la fermeture massive d’entreprises industrielles et de services publics qui avaient existé dans l’ancienne Allemagne de l’Est, de nombreux Länder de l’Est ont été touchés par une forte vague migratoire de jeunes gens cherchant du travail soit en Allemagne de l’Ouest soit à l’étranger. L’on évalue à 1,5 million (soit 10 pour cent de la population totale de l’ancienne Allemagne de l’Est) le nombre de personnes qui ont quitté la région depuis 1990 pour chercher un emploi. La plupart des personnes qui sont parties sont âgées de moins de 35 ans et beaucoup d’entre elles dispose d’un niveau d’éducation ou de formation supérieur à la moyenne.

Les raisons de cette migration de masse sont avant tout d’ordre économique. En dépit de certaines différences régionales entre les Länder, l’économie de l’ancienne Allemagne de l’Est arrive encore loin derrière celle de l’Allemagne de l’Ouest. Le taux de chômage se situe dans de nombreuses villes et villages à plus de 25 pour cent alors que dans certaines villes d’Allemagne de l’Est, ce taux atteint même 50 pour cent. Il en résulte que beaucoup de villes et villages d’Allemagne de l’Est sont habités par une grande proportion de personnes âgées et de jeunes gens sans qualification et qui n’ont que peu de chance de trouver un emploi raisonnable et qui sont souvent qualifié de « génération perdue ».

L’étude de l’Institut de Berlin conclut en disant : « Dans ces régions où les problèmes économiques sont les plus importants, il s’est développé une nouvelle sous-classe dominée par les hommes et dont les membres sont exclus de la participation à une grande partie de la vie de la société… Nombre d’entre eux n’ont pas d’emploi, pas de formation et pas de partenaire. Ce sont précisément ces conditions difficiles qui rendent d’autant plus difficile le ralentissement de cette tendance démographique négative ou même de l’inverser. »

A ce manque d’opportunité s’ajoute aussi la pauvreté. Une récente étude de l’Institut Bertelsmann révèle que (avec deux exceptions en Allemagne de l’Ouest qui sont les villes-Etats de Brême et de Hambourg) les Länder de l’Allemagne de l’Est ont le plus fort pourcentage de familles dépendant des allocations chômage minimales mises en vigueur par les lois sur la réforme Hartz IV et qui rationnent les prestations de l’assurance chômage. Alors que le rapport fait l’éloge de la Saxe pour sa « politique budgétaire solide », près de 10 pour cent de la population du Land est tributaire des paiements Hartz IV.

La pauvreté et le désespoir, fondés sur un manque total d’alternative professionnelle due en premier lieu à une politique anti-sociale de l’ancienne coalition SPD-Verts, et qui est à présent poursuivie par l’actuelle coalition gouvernementale (CDU/CSU-SPD), ont créé à l’Est un terreau fertile pour la croissance d’une couche de jeunes attirés par le populisme d’organisations d’extrême droite telles le Parti national allemand.

Lors des élections de septembre 2004, le NPD d’extrême droite avait été en mesure de remporter plusieurs sièges au parlement du Land de Saxe en obtenant 9 pour cent des voix. Le parti d’extrême droite avait associé une opposition populiste contre les lois Hartz IV mises en vigueur par la coalition SPD-Verts à des paroles racistes contre les travailleurs étrangers. Le NPD avait réussi à gagner du soutien principalement dans les régions rurales défavorisées proches de la République Tchèque, où le chômage dépasse souvent les 25 pour cent. La région dite la Suisse saxonne, à l’Est de Dresde, est considérée comme un bastion des néo nazis. Deux jours à peine avant les élections régionales en Saxe, en septembre 2004, l’ancien chancelier Gerhard Schröder avait de façon provocatrice accusé la population allemande d’avoir une « mentalité d’assistés » (« Schnorrer-Mentalität »).

Dans le même temps, des politiciens influents du CDU et du SPD s’étaient réunis pour pratiquer les coupes sociales les plus claires et pour rationaliser l’industrie dans le Land de Saxe, au bénéfice du gouvernement fédéral de Berlin. Depuis la réunification et jusqu’en 2002, le parlement régional avait été dirigé par le politicien vétéran du parti de droite CDU, Kurt Biedenkopf, qui avait renoncé à un poste universitaire important à l’Ouest pour devenir le fer de lance de l’introduction du capitalisme à l’Est.

Biedenkopf a joué un rôle de tout premier ordre dans le développement d’un réseau de liens très étroits entre la politique et les affaires et qui a permis à une petite poignée d’entreprises de haute technologie, d’entreprises du bâtiment et de banques, d’engranger des bénéfices énormes aux dépens de la population en général.

Après avoir créé les conditions économiques pour le développement de l’extrême droite, Biedenkopf et le CDU ont attisé le feu par des initiatives politiques provocantes tout en fermant les yeux sur les activités des groupes néo nazis. Lorsqu’en 1991, une bande violente de voyous avait poursuivi des demandeurs d’asile dans la ville de Hoyerswerda et que la police avait assisté à la scène sans intervenir, le ministre-président de Saxe avait refusé de commenter les faits.

Durant la décennie qui avait suivi la réunification, le gouvernement régional de Biedenkopf s’était fait une réputation de paradis pour des politiciens de droite. De 1990 à 2000, le ministère de la Justice était dirigé par Steffen Heitmann dont le nom avait fait les gros titres en 1993 lorsqu’à la suite d’une visite à Stuttgart, capitale du Land de Bade-Wurtemberg, il avait déclaré : « Les Allemands doivent être protégés contre un trop plein d’étrangers ! »

En 2002, Biedenkopf avait remis le pouvoir entre les mains de son collègue du parti et ministre des Finances de longue date du Land de Saxe, Georg Milbradt, et qui est membre du CDU depuis 1973. Malgré l’opposition expresse de Biedenkopf, son ancien ministre des Finances fut élu en avril 2002 ministre-président de Saxe. Milbradt dirige actuellement le Land de Saxe grâce à une grande coalition avec le SPD.

En plus de poursuivre la politique de son prédécesseur, à savoir de collaborer étroitement avec le patronat et les banques (Milbradt a joué un rôle de premier ordre en tant que ministre des Finances de Saxe lors de l’introduction sur les marchés internationaux de la banque publique du Land de Saxe, la Sachsen LB Bank, ce qui résulta dans la récente faillite de la banque avec des dettes s’élevant à 17,3 milliards d’euros ou 23,3 milliards de dollars), Milbradt adhère à la tradition de Biedenkopf consistant à contourner les néo fascistes en reprenant à son compte leur programme.

En 2005, il avait dit en s’adressant à un auditoire international venu commémorer le bombardement de Dresde : « Notre message aux autres pays est que la vaste majorité de la population ne soutient pas le NPD. Il n’a aucune influence sur le gouvernement régional et sa chance d’accéder au pouvoir est nulle. »

En fait, la méthode de Milbradt pour isoler le NPD consiste à adopter son programme. Pas plus tard que fin juillet, Milbradt avait accordé une interview au quotidien Saarbrücker Zeitung dans laquelle il reprenait la revendication de base des partis d’extrême droite, à savoir leur opposition à l’ouverture du marché du travail allemand aux travailleurs des pays de l’Europe de l’Est.

Dans cette interview, Milbradt mettait en garde contre le danger de la main d’œuvre bon marché d’Europe de l’Est menaçant les travailleurs allemands. Ceci, a-t-il déclaré pourrait conduire à l’augmentation  des voix pour le NPD. En tant qu’alternative, Milbradt a dit qu’il n’y avait aucune raison « pour une activité frénétique… L’ouverture des frontières signifie tout simplement procurer plus de voix au NPD. L’on ne peut pas dire, on a besoin de gens à Francfort/Main et donc introduire la libéralisation (du marché du travail); tout en laissant les gens des régions frontalières s’en sortir par leurs propres moyens. » Milbradt a précisé qu’il avait conclu un accord sur cette question avec les ministres-présidents des autres Länder d’Allemagne de l’Est.

Eu égard à ses relations d’affaires et à ses partenaires internationaux, Milbradt a condamné les récentes violences commises à Mügeln. Le fait demeure cependant que ce sont ses propres priorités économiques et politiques, soutenues par ses alliés du SPD et de La Gauche, qui ont créé les conditions menant à l’accroissement de l’influence d’organisations d’extrême droite en Saxe et à d’abominables attaques comme celles qui se sont produites dimanche dernier.

(Article original paru le 23 août 2007)


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés