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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Après le premier tour de l’élection présidentielle en France : la lutte pour le « centre »

Par Peter Schwarz
30 avril 2007

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Au deuxième tour de l’élection présidentielle française qui aura lieu le 6 mai, les travailleurs et les jeunes sont face à un choix difficile. Bien qu’ils rejettent et méprisent la candidate du Parti socialiste beaucoup voteront pour elle afin d’empêcher une victoire de Nicolas Sarkozy, le candidat droitier de l’UMP, le parti gaulliste.

Il n’y a aucun doute quant au danger représenté par Sarkozy. Le maire de Neuilly, banlieue huppée de l’Ouest parisien, est le candidat favori des riches, de la bourse et du grand patronat. Il a repris une partie du programme du Front National, le parti d’extrême droite, et prône une stricte politique de loi et d’ordre. S’il devenait président, ses premières mesures seraient de limiter le droit de grève, restreindre l’immigration et réduire les impôts pour les riches. Sa politique a de fortes caractéristiques bonapartistes. 

Mais comme beaucoup le savent, Royal, la candidate du Parti socialiste, ne représente pas une véritable alternative. Son programme est essentiellement le même que celui de Sarkozy et durant la campagne pour le premier tour, elle s’est constamment adaptée à la politique de son rival. Royal défend, elle aussi, de façon inconditionnelle les intérêts du grand patronat.

Si Royal gagnait le second tour de l’élection, elle ne ferait que créer les conditions d’un retour d’autant plus sûr de la droite au pouvoir à une date ultérieure. C’est ce que montre clairement l’expérience de la Grande Bretagne, de l’Allemagne, de l’Italie et de l’Espagne, où la politique droitière de gouvernements sociaux-démocrates a renforcé les forces les plus réactionnaires. En France, le gouvernement dirigé par Lionel Jospin permit le retour triomphal au pouvoir en 2002 des gaullistes qui avaient été chassés ignominieusement du pouvoir en 1997.  

Ségolène Royal a réagi au résultat du premier tour de l’élection en allant vers la droite. Déclarant qu’elle n’appartenait « plus exclusivement aux électeurs socialistes » elle se tourna vers l’UDF, un parti bourgeois de droite, dès que les résultats furent connus. Le candidat de l’UDF,  François Bayrou qui se décrit comme un homme du centre, arriva en troisième position avec 18,6 pour cent des voix.

Daniel Cohn-Bendit, député Vert au parlement européen et ancienne figure de proue du mouvement étudiant de 1968, fait ce moment le tour des rédactions et des studios de télévision répétant qu’une campagne de gauche de Royal était « sans espoir » et ruinerait ses chances au second tour. « Si Royal essaie de jouer la traditionnelle carte socialiste elle perdra, parce que la France est allée à droite » dit-il au journal britannique Guardian.

Le même refrain est répété de tous côtés jusqu’à la nausée. On bombarde les électeurs d’arguments selon lesquels ils devraient soutenir Royal afin de stopper Sarkozy et qui « expliquent » pourquoi Royal doit aller à droite afin de gagner les « voix du centre ». En d’autres mots, accepter le programme droitier de Royal serait le prix à payer pour empêcher Sarkozy de devenir président.  

Ce genre d’argument est entièrement fallacieux. Le « centre » qui détermine prétendument le  résultat de l’élection est une invention abstraite sans aucun rapport avec la réalité sociale. Les classes moyennes sont tout sauf homogènes. Elles sont tout aussi divisées que la société dans son ensemble. Une certaine partie des classes moyennes est bien devenue riche et a rejoint les rangs de l’élite dirigeante, mais la grande majorité d’entre elles ont autant souffert de la démolition sociale que la classe ouvrière.

La situation de millions de détenteurs d’un diplôme universitaire, de travailleurs indépendants, de petits patrons et d’agriculteurs n’est guère meilleure, et souvent pire, que celle de la plupart des travailleurs. Le mouvement de masse contre le CPE (contrat première embauche) l’année dernière en a été une vivante confirmation. L’opposition populaire à une loi destinée à faire de diplômés des universités un réservoir de main d’œuvre à bon marché fut soutenue par de larges couches d’ouvriers et de membres des classes moyennes.

Le fait est que la grande masse de la population française s’est déplacée à gauche ces dernières années, même si Cohn-Bendit soutient le contraire. C’était nettement visible tant dans les protestations contre le CPE que dans le rejet de la constitution européenne par l’électorat français en 2005 et dans les innombrables manifestations de masse et grèves ayant à maintes reprises paralysé le pays ces douze dernières années. La forte participation au premier tour de l’élection présidentielle, qui atteignit le record de 85 pour cent, est elle aussi l’expression d’une conscience politique grandissante chez des classes opprimées qui étaient, jusqu'à présent, restées en grande partie passives.

La France à laquelle fait allusion Cohn-Bendit est celle des riches et de cette couche particulière connue sous le nom de « France bobo » ou bourgeois bohême. Ceux-ci vivent dans les anciens quartiers ouvriers rénovés des grandes villes, portent des vêtements de marques, mangent exclusivement de la nourriture « bio », ont une bonne éducation, des goûts exclusifs et faisaient souvent partie dans leur jeunesse de l’extrême gauche. Ces éléments ont voté en très grande partie pour Bayrou, un ami proche, par ailleurs, de Cohn Bandit.  

Dans sa campagne, Bayrou s’est adressé à des couches conservatrices d’électeurs en grande partie ruraux, choqués par la polarisation grandissante de la société et ayant la nostalgie d’un passé révolu et idéalisé. Son programme est un mélange d’illusion et de tromperie. Ce carriériste bourgeois de droite qui eut des fonctions ministérielles et officielles pendant un quart de siècle, s’est posé en révolutionnaire et en « adversaire du système ». Il prêche de surmonter la division entre la gauche et la droite à un moment ou la polarisation sociale n’a jamais été aussi prononcée. Il fait des coupes budgétaires un des piliers de son programme et promet dans le même temps des améliorations sociales.   

Tout, chez Bayrou, n’est que façade et trompe-l’œil. Son score relativement élevé est l’expression d’une disposition momentanée. Il a été en mesure d’obtenir le soutien de tous ceux qui craignent que Sarkozy n’exacerbe les tensions sociales et qui sont en même temps déçus par le Parti socialiste et le fait qu’il ne représente pas d’alternative. Il serait tout à fait faux de voir le score de Bayrou comme l’expression d’un « centre » stable. Les sondages publiés avant le premier tour avaient déjà montré clairement que parmi les électeurs potentiels de Bayrou il y avait un grand nombre d’indécis et nombreux furent ceux qui ne votèrent qu’à la toute dernière minute pour le candidat de l’UDF. 

Ce que Léon Trotski a écrit en 1934 en décrivant la classe moyenne française est toujours valable aujourd’hui : « en accord avec sa situation économique, la petite bourgeoisie ne peut pas avoir de politique à elle. Elle oscille toujours entre les capitalistes et les ouvriers. Sa couche supérieure la pousse à droite, ses couches inférieures, opprimées et exploitées sont capables, dans certaines conditions, d’aller brusquement à gauche ». 

Bayrou, qui prévoit de constituer un nouveau parti avant l’élection législative de juin, soutiendra le candidat qui aura les meilleures chances de gagner au second tour et qui lui promettra le plus de ministères dans le prochain gouvernement, et ce sera probablement Sarkozy. En attendant, Royal lui fait la cour et comme on pouvait s’y attendre, les candidats des partis qui se trouvent à sa gauche, de Buffet à Laguiller en passant par Besancenot, lui ont apporté leur soutien. Cela ne fera que contribuer à pousser les électeurs hésitants de Bayrou dans le camp de Sarkozy, voire dans celui du candidat du Front National, Jean Marie le Pen. Celui-ci, bien qu’ayant perdu des voix, en a tout même obtenu 3,8 millions.

La classe ouvrière ne peut gagner les couches inférieures de la petite bourgeoisie qu’à l’aide d’une politique résolue d’alternative. « Une réelle alliance du prolétariat et de la classe moyenne n’est pas une question de statistiques parlementaires mais de dynamique révolutionnaire » écrivait Trotski en 1934. « Cette alliance doit être forgée au cours de la lutte ».  

Il n’est guère besoin de préciser que Royal s’oppose radicalement à une telle ligne d’action. Sarkozy a pour sa part l’avantage de poursuivre son cours politique avec assurance et agressivité. Une opposition efficace à Sarkozy exige un mouvement de la classe ouvrière défendant ses propres intérêts avec autant d’intransigeance et d’énergie que celui-ci. C’est la seule manière de gagner les couches hésitantes de la classe moyenne qui veulent non pas des manœuvres parlementaires, mais une solution à la crise sociale.

Cette tâche n’est pas réalisable au moyen du vote le 6 mai. Cela exige une orientation politique fondamentalement nouvelle et la construction d’un nouveau parti politique. Indépendamment de qui gagnera l’élection, Royal ou Sarkozy, la classe ouvrière doit se préparer à des luttes dures. Il est nécessaire à cet effet de faire un bilan politique. 

Un des résultats les plus frappants du premier tour a été l’effondrement du soutien du Parti communiste et de toutes les organisations qu’on qualifie, à titre erroné, d’extrême gauche.  

Les 1,9 pour cent obtenus par Marie-George Buffet marquent le quasi-effondrement du Parti communiste (PCF) qui était, après la Deuxième guerre mondiale, le plus grand parti en France. A l’élection présidentielle de 1981, alors que le PCF était déjà sur le déclin, son candidat, Georges Marchais, était encore en mesure d’obtenir plus de 15 pour cent des voix. La candidate de Lutte Ouvrière, Arlette Laguiller, qui avait obtenu 1,6 million de voix en 2002, en obtint cette fois moins de 500.000.

Ces deux organisations s’étaient donné pour but d’inciter le Parti socialiste à faire quelques concessions et à ranimer son vieux programme social-réformiste. Le PCF a été depuis les années 1970 le plus fidèle allié du Parti socialiste et eut des ministres dans presque tous les gouvernements socialistes. Buffet elle-même était ministre de la Jeunesse et des Sports dans le gouvernement de Lionel Jospin. LO fit campagne avec l’argument qu’un vote pour Laguiller était un avertissement à Royal et que celle-ci ne disposait pas d’un chèque en blanc pour réaliser une politique de droite.  

Le refus obstiné de ces deux partis de sortir de l’ombre du Parti socialiste est la raison pour laquelle de larges portions de leur électorat s’en sont détournés. Dès l’annonce des résultats, les deux candidates ont déclaré leur soutien sans réserve pour Royal. Buffet dit qu’elle appelait sans hésitation « tous les hommes et les femmes de la gauche et tous les démocrates à voter pour Ségolène Royal le 6 mai » et à faire campagne pour elle. Laguiller déclara de son côté « je voterai pour Ségolène Royal et appelle tous les électeurs à en faire autant ». 

La LCR (Ligue Communiste révolutionnaire) est l’exception qui confirme la règle. Son candidat, Olivier Besancenot, a obtenu 1,5 millions de voix, soit plus qu’en 2002. Lui aussi préconise un vote en faveur de Royal tout en soulignant que la lutte contre Sarkozy doit être menée dans les urnes et dans la rue. Il a aussi appelé à des manifestations de masse contre Sarkozy le 1er mai.  

Mais Besancenot ne dit rien quant au but poursuivi par la LCR avec de telles manifestations. La LCR cherche en fait et ce depuis un certain temps à s’unir à d’autres organisations comme le PCF, Lutte ouvrière et divers mouvements contestataires, pour constituer un large rassemblement de gauche qui serait à la disposition du Parti socialiste comme partenaire dans un gouvernement de coalition sous direction socialiste. Le modèle de la LCR est l’organisation italienne Rifundazione Communista qui fait actuellement partie du gouvernement dirigé par Romano Prodi.

Le premier pas d’une nouvelle orientation politique consiste à reconnaître la réalité internationale. Les transformations fondamentales se produisant dans l’économie mondiale, à savoir la mondialisation de la production et la domination par l’économie mondiale de chacune des économies nationales, ont enlevé, en France comme partout ailleurs, toute viabilité à une politique basée sur les réformes sociales et le compromis social. Une défense des acquis sociaux les plus élémentaires exige aujourd’hui un programme international et socialiste qui unisse la classe ouvrière au-delà des frontières nationales dans une lutte contre le système capitaliste.

Le Comité International de la Quatrième internationale et le World Socialist Web Site sont la seule tendance politique à défendre un tel programme. Le résultat de l’élection présidentielle montre que la situation est mûre pour la construction d’une section du Comité international en France. C’est la tâche politique la plus urgente découlant de la présente élection présidentielle.


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