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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Elections présidentielles françaises

Royal rejoint le camp de Bayrou

Par Peter Schwarz
30 avril 2007

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Ségolène Royal, candidate présidentielle du Parti socialiste français, a réagi aux résultats du premier tour des élections du 22 avril en se jetant dans les bras de François Bayrou, candidat du parti bourgeois de droite, UDF (Union pour la démocratie française). Bayrou, avec 18,6 pour cent des voix était arrivé troisième derrière Royal (25,9 pour cent) et le gaulliste, Nicolas Sarkozy (31,2 pour cent).

Royal a proposé à Bayrou un débat public télévisé en indiquant que le parti de ce dernier bénéficierait de postes ministériels en cas de victoire du Parti socialiste (PS) au second tour des élections le 6 mai prochain. Ces deux propositions ne sont rien d’autre que la formation d’une alliance avec le parti de Bayrou qui est, depuis sa création par Valéry Giscard d’Estaing il y a trente ans, partie intégrante de la politique bourgeoise de droite en France.

Un débat public avec un candidat qui a été éliminé au premier tour et qui ne figure pas au second tour serait un fait sans précédent dans la politique française. Royal offre à Bayrou une tribune pour propager ses idées droitières afin de mieux pouvoir les incorporer dans sa propre campagne.

Bayrou qui se qualifie lui-même de politicien du centre préconise une politique budgétaire de la rigueur, la fin de l’intervention de l’Etat dans l’économie et la baisse du coût de la main d’oeuvre. En tant que ministre de l’Education nationale dans les années 1990, ce catholique pratiquant avait déclenché un gigantesque mouvement de protestation lorsqu’il avait cherché à accroître le financement de l’Etat pour les écoles religieuses et privées.

Bayrou projette de créer un nouveau « Parti démocratique » avant les élections législatives de juin. Le nom du parti s’inspire de celui des Démocrates américains ainsi que de celui actuellement mis sur pied en Italie par la fusion de l’alliance de la Marguerite avec les Démocrates de Gauche (DS, successeur du Parti communiste italien). Bayrou entretient des liens étroits avec Francesco Rutelli, dirigeant de la Marguerite.

Le but du nouveau Parti démocratique italien est de fournir une base parlementaire stable à Romano Prodi, chef du gouvernement italien. Les Démocrates de Gauche mettent l’appareil de leur parti ainsi que l’influence qui leur reste à la disposition de cette manoeuvre alors que la Marguerite fournit la direction politique, qui comprend en premier lieu des politiciens de carrière conservateurs qui ont depuis longtemps perdu toute crédibilité ou soutien populaire.

Un projet identique est à présent amorcé en France. La proposition faite par Royal à Bayrou représente plus qu’une simple manoeuvre tactique pour gagner des voix. Elle marque la fin de « l’union de la gauche » qui se trouvait au coeur de la stratégie électorale du PS depuis sa reconstruction à Epinay en 1971. Son plus important allié était alors le Parti communiste (PCF) qui disposait encore dans les années 1970 d’une influence considérable. S’y rallièrent plus tard, les Verts, le Mouvement républicain et citoyen de Jean-Pierre Chevènement et le Parti radical de Gauche pour former, avec le Parti socialiste et le Parti communiste, le gouvernement de coalition de « la gauche plurielle » de Lionel Jospin.

Les divers gouvernements de “gauche” qui ont gouverné la France depuis les années 1980 n’ont jamais représenté les intérêts de la classe ouvrière. A partir de 1982, un an seulement après avoir été élu président, François Mitterrand abandonnait toutes les promesses de réformes qu’il avait faites durant sa campagne électorale et poursuivait un programme de droite servant les intérêts du grand capital. Une trajectoire identique était poursuivie par le gouvernement d Lionel Jospin.

Les partis de la “gauche plurielle” se sont énormément discrédités du fait de leur politique de droite. Le Parti communiste, en particulier, a subi une défaite de dimension historique. Sa candidate Marie-George Buffet a obtenu moins de 2 pour cent des voix au premier tour. La candidate des Verts Dominique Voynet a obtenu 1,6 pour cent alors que le Mouvement républicain et citoyen et le Parti radical de gauche ne présentaient même pas de candidats.

Et maintenant Royal pense que le moment est venu de faire un pacte ouvert avec la droite. Elle a grande partie adopté leur rhétorique ainsi que leur programme. Jeudi dernier elle a annoncé à TF1, chaîne privée subventionnée par l’Etat, qu’elle cherche à former une « majorité présidentielle » pour échapper à « l’éternelle confrontation bloc contre bloc. » Cette réconciliation de la gauche et de la droite était au cœur du programme électoral de Bayrou.

Elle a aussi repris une revendication clé du programme de Bayrou: exonération financière pour les entreprises consistant en une exemption des charges patronales de sécurité sociale pour deux de leurs employés, mesure visant à aider les plus petites entreprises. Au cours de la même émission télévisée, elle a soutenu énergiquement la « doctrine gaullienne » sur la souveraineté nucléaire.

Les avances de Royal à Bayrou tournent absolument en dérision tous ceux qui soutiennent qu’elle représente une alternative sérieuse à Nicolas Sarkozy, candidat de droite de l’UMP gaulliste. La campagne droitière actuelle de Royal non seulement repousse de larges couches d’électeurs cherchant une réponse à la crise sociale, mais elle renforce la position de Sarkozy. Elle formera aussi la base de la politique de son gouvernement si elle était élue.

Dans son analyse de ce rapprochement de Royal avec Bayrou, le journal Libération fait le commentaire suivant: “ En mettant le cap au centre, Royal s'inspire, sur le plan stratégique, de la coalition italienne emmenée par Romano Prodi en Italie et, sur le fond, de la rénovation idéologique conduite par Tony Blair en Grande-Bretagne.” Il ne fait pas de doute que cela est vrai. On pourrait aussi ajouter à cette liste l’ancien chancelier social démocrate allemand, Gerhard Schröder.

Du point de vue de la classe ouvrière, de tels gouvernements conduits par des sociaux démocrates ou des “socialistes” se sont montrés bien plus efficaces en matière de coupes budgétaires et d’attaques sur les droits sociaux que des gouvernements de droite, qui ont des divisions internes ou sont dominés par les intérêts de cliques disparates. Des baisses de salaires et de droits sociaux sans précédent se sont produites, notamment en Allemagne durant les sept années du gouvernement Schröder.

La classe ouvrière est aujourd’hui incapable de défendre un seul acquis social si elle ne rompt pas avec le Parti socialiste et ses appendices de “gauche”. De nombreux travailleurs et jeunes vont voter pour Royal parce qu’ils veulent arrêter Sarkozy, mais cela ne contribuera en rien à résoudre la crise sociale et politique. La différence entre une présidence conduite par Royal et une présidence conduite par Sarkozy sera juste une question de nuances.

Il revient aux gauchistes petits-bourgeois de présenter Royal comme “le moindre mal” et de l’aider à faire campagne derrière le slogan « Tout sauf Sarkozy. » La LCR (Ligue communiste révolutionnaire), LO (Lutte ouvrière) et le Parti communiste ont exprimé leurs regrets de voir Royal se rapprocher de Bayrou mais continuent néanmoins d’appeler à voter pour elle au second tour.

Alain Krivine de la LCR a déclaré que les propositions de Royal à Bayrou étaient « une très mauvaise idée qui risque de démobiliser ue partie de la gauche », mais s’est empressé d’ajouter : « On a très clairement dit que le second tour devient un référendum pour ou contre Sarkozy. On vote contre Sarkozy et le seul moyen, c'est un bulletin Ségolène »

Lutte ouvrière s’est déclaré « pas surpris » par la proposition de Royal, mais a persisté à appeler à voter Royal pour « faire barrage à Sarkozy. »

Le Parti communiste continue aussi à appeler à soutenir Royal afin de “battre Sarkozy.” Il se prépare même à participer à un meeting électoral de Royal la semaine prochaine à Paris, aux côtés de socialistes en vue et de Verts. Le Vert Noël Mamère a justifié son empressement à participer à un tel évènement en ces termes : « « Il y a le feu à la maison face à la coalition Sarko-Le Pen. On ne se pose donc pas de questions. Si on nous invite à des meetings, il faut y aller... »

Le rapprochement de Royal vers Bayrou a tout d’abord reçu un accueil favorable au Parti socialiste. Mais cela a cependant changé quand lors d’un meeting électoral à Montpellier, mercredi dernier, Royal a promis à Bayrou une participation à son gouvernement. Il y avait aussi à ce meeting un autre intervenant, le député européen Vert Daniel Cohn-Bendit qui défend depuis longtemps une alliance entre les socialistes, l’UDF et les Verts.

Cette annonce a provoqué la peur de certains permanents du Parti socialiste qui craignent de perdre leur situation et privilèges. Du fait de la loi électorale française, non seulement les postes ministériels et les sièges à l’Assemblée nationale dépendent des accords entre partis, mais aussi des dizaines de milliers de postes dans les collectivités territoriales.Une alliance entre le Parti socialiste et l’UDF pourrait coûter leur poste à bien des permanents du PS.

La proposition de Royal d’accepter des ministres UDF dans un futur gouvernement a fait l’effet d’une bombe au Parti socialiste. Le journal Libération cite un permanent du PS : «Qu'on s'adresse aux électeurs de Bayrou, c'est une chose. Qu'on se mette dans sa main, non.»  Même le secrétaire du parti et compagnon de Royal, François Hollande s’est senti obligé de se dissocier discrètement de la proposition de Royal.

Royal a immédiatement réagi en disant qu’elle ne céderait pas à la pression de son parti. « Je suis une femme pratique, une femme qui s'adapte aux circonstances » a-t-elle dit lors d’une émission télévisée sur France 2. « Je suis au-dessus des partis, bien sûr, puisque je dois rassembler un Français sur deux. » 

Mercredi dernier, devant une équipe de télévision convoquée pour l’occasion, elle a pris un petit déjeuner ostentatoire à la terrasse d’un restaurant parisien avec Dominique Strauss-Kahn. L’ancien ministre des finances est depuis longtemps partisan d’une coalition avec la droite et apparaît comme un possible premier ministre sous Royal.

Il ne fait aucun doute que le Parti socialiste, qui s’est jadis loyalement adapté au programme de droite de Mitterrand, poursuivra fidèlement aussi la nouvelle trajectoire de Royal, à condition que postes et carrières soient garantis.


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