Le principal résultat des récentes
négociations tarifaires entre la Deutsche Bahn AG et le syndicat des
conducteurs de train GDL (Gewerkschaft der Lokführer) est l’acceptation par la
commission de négociation de la GDL d’une interruption de la grève jusqu’à la
fin du mois de janvier. Le syndicat prive ainsi les conducteurs de train de
leur arme principale au moment précis où la grève serait extrêmement efficace
et exercerait une forte pression sur la direction de la société de chemin de
fer.
Il faut noter qu’aucune obligation légale ou
autre ne force le GDL à cette décision. Il s’agit d’une concession entièrement
volontaire de la part de la direction syndicale. La période pendant laquelle le
syndicat n’a pas (selon la législation du travail en Allemagne, n.d.t.) le
droit de faire grève finit quand expire le contrat tarifaire et le fort soutien
pour la grève qui s’est manifesté dans la consultation de la base au mois
d’août (presque 96 pour cent des conducteurs de train ont voté en faveur d’une
grève), légitime une grève totale et illimitée.
L’argument selon lequel une longue
interruption de la grève accélérerait les négociations tarifaires qui furent
reprises récemment est inexact. Une grève puissante mettrait au contraire bien
plus vite fin à la stratégie de blocage de la direction de la Bahn AG et du
gouvernement, qui la soutient.
Le chef de la société de chemins de fer, Hartmut
Mehdorn s’est montré très satisfait de cette concession de la direction du GDL
et il y a vu le signe que le syndicat était prêt à faire des compromis
importants sur d’autres points. Il savait pertinemment que cette décision
rencontrerait la résistance des conducteurs de train qui sont eux, prêts à
faire grève. C’est pourquoi il a accepté un paiement unique de 800 euros, à
faire parvenir « de façon rapide et sans complications » aux
conducteurs de train ce mois-ci encore si possible.
La seule fonction de ce paiement unique est
d’endormir les grévistes et de faciliter au chef du GDL, Manfred Schell,
l’imposition d’un arrêt de près de deux mois du conflit. Il est aussi à noter
que les 800 euros seront ajoutés au salaire normal et seront par conséquent
fortement imposés. On « règle » encore, à l’aide de ce paiement, la
question de la hausse de salaire (dont le montant n’est pas encore fixé) pour
la période allant de la fin du dernier tarif (juin), à la fin de l’année.
Même si le GDL n’imposait sa revendication
salariale qu’en partie et obtenait une hausse de salaire moyenne de 150 euros
par mois, les conducteurs de train auraient droit à un paiement rétroactif de
900 euros pour la période allant de juillet à décembre. Et comme nous l’avons
déjà dit, le paiement unique signifie qu’avec la taxation progressive une bonne
partie de cet argent ira directement au percepteur et dans la poche de l’Etat.
Une
convention collective autonome ?
La principale revendication des conducteurs de
train était et reste une « convention collective autonome ». Leur
revendication salariale n’était devenue possible qu’après que le GDL ait
renoncé à la « communauté tarifaire » avec le syndicat du DGB Transnet
et le syndicat de fonctionnaires GDBA. Car ces organisations avaient donné leur
accord dans les récentes années à des baisses de salaires draconiennes et à une
destruction du niveau de vie.
Depuis, la direction des chemins de fer refuse
obstinément de signer avec le GDL une convention qui donnerait aux conducteurs
de train la possibilité de signer des accords autonomes. La revendication d’une
convention autonome a toujours été liée à une sortie hors de la camisole de
force tarifaire et politique imposée par Transmet et le GDBA. C’est précisément
ce que la direction de la Bahn AG (qui considère Transnet comme son
« syndicat maison » et le soutient financièrement de maintes façons)
ne voulait permettre à aucun prix.
Mercredi dernier le GDL a, à la surprise de
tous, fait parvenir une déclaration d’une demi-page à la presse intitulée
« Le GDL obtient une convention collective autonome ». On y dit que
le GDL avait « dans une négociation-marathon de deux jours » obtenu
« une importante victoire d’étape ». Ce qui frappe dans cette déclaration,
c’est qu’on y dit seulement que le contrat « concerne aussi bien les
questions de salaire et de temps de travail des conducteurs de train que les
autres questions tarifaires, par exemple, les dispositions de la convention
collective ». En quoi consiste l’autonomie et jusqu’où va l’indépendance
vis-à-vis de la communauté tarifaire, on n’en dit pas un mot. Même les
conducteurs de train qui sont directement touchés n’ont pas été informés du
détail du contrat, comme a pu s’en rendre compte la rédaction du WSWS
lorsqu’elle s’est informée auprès d’eux.
Un plus ample examen des informations rares et
partiellement contradictoires qui existent montre cependant que l’affirmation
selon laquelle la direction des chemins de fer aurait cédé sur la question
principale et aurait accédé à la demande de convention autonome du GDL n’est
pas crédible. De nombreux éléments indiquent que la direction du GDL garde
délibérément pour elle des informations de détail et trompe ses adhérents.
Le même jour où le GDL annonçait sa
« victoire d’étape », le chef de Transnet, Norbert Hansen, déclarait
dans une interview au Deutschlandfunk que l’accord partiel avec le GDL
s’appuyait sur une nouvelle structure des salaires décidée entre son syndicat
et la direction des chemins de fer.
Selon les déclarations d’Hansen cette nouvelle
structure des salaires prévoit qu’il y aura à l’avenir une soi-disant
convention collective de base, dans le cadre de laquelle 80 pour cent environ
des questions tarifaires seront réglées. S’appuyant sur cette convention, il y
aura des conventions collectives autonomes pour plus d’une dizaine de
catégories professionnelles de la Deutsche Bahn dans le cadre desquelles les
particularités de chaque catégorie seront prises en compte. Cette
« convention collective par groupe de fonction » sera cependant
subordonnée à la convention collective de base, souligne Hansen.
L’autonomie d’une convention collective des
conducteurs de train consiste dans le fait que c’est non pas Transnet mais le
GDL qui formule la convention pour tous les conducteurs de train, bien qu’une
partie des conducteurs soient toujours organisés à Transnet.
Le rapport entre la convention particulière et
la convention de base sera réglé par une « procédure de reconnaissance
mutuelle ». Hansen a dit littéralement : « Ça veut dire que le
GDL signerait un accord reconnaissant la convention de base que nous nous
négocierons et que nous en signerions un pour la convention des conducteurs de
train négociée par le GDL ».
Si cela s’avère vrai, alors cela ne
signifierait que le retour sous une forme modifiée du GDL à la communauté
tarifaire avec Transet et le GDBA. Cela reviendrait à une subordination au
diktat tarifaire du DGB. Ainsi, la direction des chemins de fer, Transnet et le
gouvernement auraient pour l’essentiel atteint ce qu’ils voulaient. La sortie
hors de la camisole de force de la politique tarifaire aura été bloquée.
Même si la capitulation du GDL se traduisait
financièrement par une concession relativement haute sur les salaires, cela
représenterait une défaite pour les conducteurs de train comme pour tous les
travailleurs. Tout d'abord, cela renforcerait le rôle joué par le DGB qui est
le principal instrument des conseils d’administration des trusts et du
gouvernement fédéral dans l’imposition des bas salaires et des « mesures
d’ajustement social ».
Ensuite l’introduction de conventions
salariales spécifiques aux catégories professionnelles mettrait encore plus les
salariés les uns contre les autres et permettrait encore plus de les soumettre
au chantage. Et finalement, cette fragmentation des salariés et ce renforcement
du contrôle de la bureaucratie syndicale sont une préparation directe à la
privatisation des chemins de fer que Transnet favorise depuis longtemps.
Les conducteurs de train doivent mettre un
terme à cette liquidation de la grève et exiger des comptes à la commission de
négociation du GDL et à la direction de la société de chemins de fer. Les
négociations secrètes actuelles conduites par la direction du syndicat doivent
être arrêtées. Les membres du GDL doivent imposer leur droit démocratique à
une information sans restrictions.
Ce ne sont ni la direction de la Bahn AG ni la
commission de négociation du GDL qui ont voté pour la grève l’été dernier, mais
les conducteurs de train du GDL. C’est eux aussi qui ont, du fait de la grève,
subi de fortes pertes de salaires et aussi les provocations de la direction. La
direction du GDL n’a aucun droit d’étouffer la grève et de laisser dans
l’obscurité les membres du syndicat sur l’état des négociations.
Les conducteurs de train doivent eux-mêmes
prendre cette lutte en main.
Nous répétons ce que nous avons écrit il y a
une semaine dans une lettre ouverte : « Tous les membres du GDL qui ont
voté pour la grève à une majorité de 96 pour cent cet été doivent prendre
l’initiative et mettre fin aux manoeuvres de la direction du GDL. Il ne suffit
pas pour cela d’envoyer des lettres de protestations à la direction et à la
commission de négociation. Il est nécessaire que la lutte dépasse les limites
étroites fixées par les syndicats et il faut entamer une vaste offensive
politique. »
« Il est important pour cela de mettre
sur pied des comités d’action qui recherchent délibérément la collaboration des
autres salariés des chemins de fer et celle des travailleurs ou employés d’autres
secteurs d’activité. De tels comités d’action doivent renouer avec la tradition
des conseils ouvriers qui ont existé dans les premières décennies du siècle
dernier et qui ont joué alors un rôle si important. À travers ces comités
d’action doivent être développés et concrétisés la solidarité et le soutien qui
existent déjà dans une grande partie de la population laborieuse. »
« Il faut sur cette base commencer une
grève illimitée qui doit être étendue à tous les salariés des chemins de fer.
Il faut rejeter la menace de confiscation des finances du GDL par la Fédération
des fonctionnaires allemands (DBB- Deutscher Beamtenbund) et le chantage exercé
sur les conducteurs de train. »
« Le Parti de l’égalité sociale
soutiendra une telle lutte de toutes ses forces. En tant que parti international,
nous établirons des liens avec les travailleurs en France et dans d’autres
pays, où de nombreux travailleurs et leurs familles se trouvent devant les
mêmes problèmes et mènent ou ont mené des luttes similaires. Tandis que l’élite
dominante et les gouvernements de chaque pays coordonnent leur action contre
les travailleurs grâce à la bureaucratie de l’UE à Bruxelles, les syndicats
cherchent à limiter tout conflit à un cadre syndical des plus étroits, à les
isoler, les monter les uns contre les autres pour finalement les étouffer. Il
faut mettre fin à cet état de choses maintenant ! »