Le romancier Martin Amis était interviewé dans
le Guardian jeudi pour réfuter l'accusation de racisme que le romancier
et scénariste Ronan Bennett avait émise contre lui la semaine précédente dans
le même journal. Amis a nié être un raciste, s'est déclaré dégoûté par
l'islamophobie et a loué la « belle réalité » de la société
multiraciale britannique.
Amis fait ensuite marche arrière et déclare
que la question n'est pas celle du racisme, mais de l'idéologie. Dans une
démocratie libérale, argumente-il, les croyances et la couleur de peau ne
comptent pas, sauf si certains de ses citoyens croient à la Charia ou au
Califat ou commettent des actes terroristes. Alors, déclare-t-il, « leur
nombre commence à avoir de l’importance ».
Amis en vient alors à affirmer que les
populations indigènes d'Italie et d'Espagne vont diminuer de moitié dans les 35
prochaines années et que « cela implique certaines conséquences ».
Ses remarques ont une résonance historique bien
définie – une résonance plus grande et plus sinistre même que lorsque
Margaret Thatcher avait dit en 1979 que l'Angleterre était en train
d’être « submergée par une culture étrangère ».
L'article d'Amis dans le Guardian était
la dernière salve en date dans un conflit qui a débuté après qu'un théoricien
de la littérature, le professeur Terry Eagleton de l'université de Manchester,
ait commenté des remarques faites par Amis lors d'un entretien dans le Times
l'année dernière. Peu après, l’alerte terroriste de cette année-là de
l’autre côté de l'Atlantique, Amis fut cité pour avoir dit :
« Que pouvons-nous faire pour leur faire
payer plus cher leurs actes ? Il y a clairement une urgence — ne le
voyez-vous pas ? — à dire, "La communauté musulmane aura à
souffrir jusqu'à ce qu'elle fasse le ménage chez elle." Quelle sorte de
souffrance ? Ne pas les laisser voyager. La déportation à plus long terme.
Limiter les libertés. Fouiller au corps les gens qui ont l'air d'être du
Moyen-Orient ou du Pakistan… Des choses discriminatoires, jusqu'à ce que
ça blesse toute la communauté et qu'ils commencent à être durs avec leurs
enfants. Ils nous détestent parce que nous laissons nos enfants avoir des relations
sexuelles et prendre de la drogue — eh bien, eux doivent empêcher leurs
enfants de tuer des gens. C'est une énorme négligence de leur part. Je suppose
qu'ils justifient cela en s'appuyant sur le fait qu'ils ont souffert du
terrorisme d'État par le passé, mais je ne pense pas que c'est entièrement
irrationnel. C'est contre leur propre passé qu'ils en ont marre ; leur
grand déclin. C'est aussi une question de masculinité, n'est-ce
pas ? » (Interview avec Ginny Dougary, Times, 9 septembre
2006).
Eagleton a identifié ces remarques aux « racontars
d'une racaille du Parti national britannique [BNP, l'équivalent du Front
national en France] », il les a placées dans le contexte de la « Guerre
contre le terrorisme » et a assimilé Amis avec d'autres intellectuels,
libéraux et anciens gauchistes qui ont fortement évolué vers la droite. Au bout
d'une année, et seulement après avoir été défié par Eagleton, Amis déclare
avoir été mal cité. Sa dénégation a peu de poids. Si Dougary avait réellement
fait cela, Amis aurait eu tout le temps de demander une correction, mais il ne
l’a pas fait. De plus, ses remarques rapportées sont parfaitement
cohérentes avec ses remarques écrites sur le sujet.
Eagleton a même commis l'erreur d'attribuer le
passage offensant à un essai d'Amis publié à la même époque que l'interview. Sa
méprise élémentaire ne fait que souligner la symétrie des vues exprimées dans
l'interview du Times et dans l'essai de 12 000 mots, « L'age
de l'horreurisme », publié dans l'Observer.
Dans ce dernier, Amis écrit, « Jusque
récemment, on nous disait que ce à quoi nous sommes confrontés, ici, est une « guerre
civile » interne à l'Islam. C'est ce que tout cela était supposé être :
non pas un choc des civilisations ou quoi que ce soit de ce genre, mais une
guerre civile dans l'Islam. Eh bien, la guerre civile semble être finie. Et l'islamisme
l'a gagnée. »
D’après Amis, il y a un choc des
civilisations dans lequel le camp ennemi est constitué de tous les musulmans,
tous également souillés par les attaques suicides d'al-Qaïda. Suivant la
logique incohérente d'Amis, ils endossent une culpabilité collective pour les
crimes de leurs coreligionnaires.
Il relate même la situation qui a mené aux paroles
qui lui sont attribuées dans le Times, décrivant comment il avait été
retenu par la sécurité d'un aéroport pendant une demi-heure pendant que les bagages
à main de sa fille de six ans étaient fouillés. Il écrit, « je voulais
dire quelque chose du genre "même les islamistes n'ont pas encore commencé
à faire exploser leurs propres familles dans les avions. Alors, par pitié
attendez qu'ils le fassent. Oh, et contentez-vous des gens qui ont l'air d'être
du Moyen-Orient." »
Amis a insisté sur le fait qu'il y a une
distinction claire entre l'islamophobie et son propre anti-islamisme, de même
qu'il y a une distinction entre islam et islamisme. Mais ses écrits indiquent
clairement qu'il ne croit pas que de telles distinctions comptent pour beaucoup
dans la pratique. « L'âge de l'horreurisme » offre une suite de
jugements rapides, totalement infondés sur l'islam en général.
Il écrit sur « le manque de curiosité extrême
de la culture islamique » qui, affirme-t-il, était si récalcitrante à l'influence
occidentale qu'elle refusa d'utiliser la roue. Cette affirmation est si bizarre
que l’on peut la mettre au même rang que celles faites par les nazis à
propos des juifs.Les seules influences occidentales auxquelles le monde
islamique était ouvert, dit-il ensuite, étaient celles de Hitler et de Staline.
Il serait trop pénible, pour répondre à
ces propos orduriers, de faire la liste des personnalités illustres
d'origine musulmane qui ont contribué à la culture mondiale. Il ne serait pas
non plus approprié, pour contredire Amis, de mentionner les nombreux
professionnels dont nous dépendons pour la santé, la justice et l'éducation. Sans
parler des voisins attentionnés, des camarades d'école et des collègues, qui n'ont
certainement pas leur place ici.
Christopher Hitchens a pris la défense d’Amis
en le comparant à Jonathan Swift et en avançant l'argument selon lequel « la
dureté dont Amis jetait les bases n'était pas du tout une recommandation, mais
plutôt une expérience sur les limites de ce qu'il est permis de penser ».
Il y a du vrai dans cette assertion. Mais alors
que Swift testait les limites imposées par la bonne société conservatrice sur
la pensée progressiste, Amis teste les limites jadis imposées aux déclarations
réactionnaires dans le milieu académique et littéraire connu par le passé pour
son libéralisme progressiste. Ses entretiens, essais et articles repoussent les
limites d'une idéologie démocratique qui a été formée par l'expérience des
guerres et des révolutions du vingtième siècle.
Ses méthodes et celles de ses partisans sont
un exemple de la lâcheté avec laquelle des pans entiers de l'intelligentsia
libérale se réconcilient avec la droite. À un moment, ils attaquent en faisant
une déclaration raciste, l’instant d’après, ils se rétractent en
niant l'avoir dit, jusqu'à ce que, encouragés par le soutien de leurs pairs,
ils tentent de lancer une nouvelle attaque. Avançant au jugé et testant tout le
temps les limites jusqu'où il leur sera permis d'aller, ils se dirigent
inexorablement vers la droite.
La publication de « L'âge de l'horreurisme »
par l'Observer n'est pas la première fois que ce journal qui se dit
libéral — ainsi que sa publication sœur en semaine, le Guardian —
essaie de légitimer les mesures antidémocratiques introduites par le
gouvernement travailliste en attisant l'islamophobie et les peurs liées à
l'immigration. On peut faire remonter cette ligne éditoriale jusqu'à la
publication par le Guardian d'un essai en trois parties de David
Goodhart, qui affirmait que l'État-providence n'était pas défendable dans une
société ethniquement mixte et à forte population immigrée. On voit clairement
jusqu’à quel point les deux publications s'adressent à un certain milieu,
car aucune personnalité importante n'a critiqué Amis quand ses remarques ont
été publiées pour la première fois.
Ce n'est qu'une fois qu'Eagleton a eu le
courage de rompre les rangs qu'il est devenu difficile pour les journalistes, jusque-là
silencieux, d’éviter plus longtemps de commenter les opinions racistes d’Amis.
Yasmin Alibhai-Brown, écrivant dans l'Indépendent, a catalogué Amis
comme quelqu'un « dont les démons reviennent par la porte de derrière, les
persécuteurs et haïsseurs de musulmans », observant que de tels
personnages « de nos jours sont aussi susceptibles de venir des clubs
Groucho et Garrick que des lieux secrets et abjects fréquentés par les néofascistes ».
Le club Groucho est associé aux médias et le club
Garrick aux arts dramatiques.
Tout aussi révélateur, Amis a répondu par une
tentative d'invoquer une solidarité sociale, notant que l'été dernier encore,
longtemps après que ses remarques aient été publiées, Alibhai-Brown et lui-même
avaient trinqué ensemble au festival littéraire de Cheltenham.
Amis et Alibhai-Brown avaient débuté leur
carrière au New Statesman. De jeune homme cynique, jouant avec des idées
de gauche et que l'on voit dans son récit autobiographique Expérience
– quand il aimait désigner la maison familiale comme « le manoir des
fascistes » – Amis est devenu un homme de droite. C'est une
trajectoire que son ami de l'époque du New Statesman, Christopher
Hichens, a aussi suivie.
L'admission par Alibhai-Brown de ce que les
opinions d'Amis sont prépondérantes parmi l'élite littéraire britannique est
notable. Toujours un groupe privilégié, les membres de l’élite littéraire
étaient autrefois remarqués pour leur éducation et leur culture plutôt que pour
leur richesse. Mais de plus en plus, ses représentants sont attirés, on
peut même dire absorbés, dans l'orbite de la strate ploutocratique qui a
bénéficié du pillage de l'État-providence et du pillage des ressources
mondiales par une nouvelle vague d'impérialisme. De vastes sommes d'argent se
sont accumulées dans les mains d'une minuscule oligarchie, qui établit
maintenant les normes pour le reste de la société. La mesure du succès
intellectuel et littéraire est devenue la mesure dans laquelle les écrivains et
les intellectuels peuvent se distinguer de la masse de la population par leurs
comptes en banque et leurs portefeuilles d'actions. L'essai plein de haine
écrit par Amis exprime les intérêts sociaux les plus profonds de ce groupe,
parce qu'il exprime la polarisation sociale croissante qui s’est produite
à l'échelle mondiale.
Qualifier Amis, ce principicule littéraire, de
raciste comme l'a fait Eagleton est considéré par ses pairs comme l'équivalent
d'un acte de lèse-majesté. En se regroupant pour le défendre, l'élite
littéraire révélait ses propres intérêts sociaux et, soyons francs,
économiques. C'était évident d'après la rapidité avec laquelle la controverse
s'est résumée en une attaque contre Eagleton, accusé d'avoir rompu les rangs,
et sur la question du marxisme. John Sutherland, professeur de littérature moderne
anglaise à l'Université de Londres, a dénoncé Eagleton pour avoir pris
publiquement position contre son collègue Amis, professeur à l'Université de
Manchester — ce qui, a insisté Sutherland, pouvait menacer la carrière
d'Amis — dans le but de pouvoir vendre davantage d'exemplaires d'une « Introduction
au marxisme » qui était « on peut bien le dire, dépassée ».
Michael Henderson a écrit dans le Daily Telegraph,
« Ni Amis, ni personne d'autre, n'a de leçons de tolérance à recevoir de
la part d'un marxiste de la vieille école. » Dans l'Observer,
Jasper Gerrard a écrit, « la raison pour laquelle nous employons encore
des universitaires, dont la qualité principale est leur marxisme, est un mystère ».
Amis lui-même a condamné Eagleton dans le Financial
Times comme un « idéologue délaissé qui ne peut se lever le matin sans
la gouverne de Dieu et de Karl Marx. Ceci le rend particulièrement peu fiable
dans le combat contre l'islamisme parce qu'une part de lui est un croyant. »
On a ici une idée de la portée profonde de ce
conflit. C'est une attaque contre la conscience sociale accumulée pendant des
siècles qui ont été éclairés par le mouvement intellectuel que l'on appelle les
Lumières, qui a culminé dans le marxisme et les grandes luttes de la classe
ouvrière pour l'égalité sociale. Amis et ses défenseurs sont coupables d'une
tentative d'éradiquer tout ce qui est humain et progressiste dans la tradition
intellectuelle occidentale de sorte qu'une caricature vidée de sa substance
puisse être brandie comme quelque chose à défendre – par la force si
nécessaire – contre la barbarie qui est supposée émaner de l'Orient et se
trouver incarnée dans l'Islamisme.
Eagleton n'est pas un marxiste, mais le fait qu'il
fasse des références favorables à Marx dans ses cours et ses livres, suffit à
le condamner aux yeux d'Amis et de ses amis. La campagne qu'ils ont lancée est
une tentative délibérée de bannir le marxisme et toute pensée progressiste des
universités et des cercles intellectuels plus larges. Une association avec le
marxisme rend apparemment un universitaire internationalement connu inapte à
l'emploi dans une université. Ainsi, Sutherland a terminé son commentaire du 4
octobre dans le Guardian par cette question, « Eagleton est-il un
trop gros poisson sur les campus pour être réprimandé en raison d'un
comportement non respectueux envers ses pairs — si toutefois les
autorités de l'université considèrent que cela est nécessaire ? Ou bien peut-être
sont-ils d'accord avec leur professeur de théorie culturelle ? »
En s'attaquant à Eagleton, l'élite littéraire
britannique envoie un message aux universitaires plus jeunes et moins bien
établis, aux écrivains en herbe et aux étudiants, les avertissant que le
marxisme n'est pas acceptable et qu'ils feraient mieux d'adopter la même
posture dégénérée qu'Amis s'ils espèrent être publiés, recevoir une promotion
ou une mention quelconque au-delà d'un passable.
Toute la portée du projet d'Amis transparaît
quand on considère la trajectoire de son développement depuis l'époque où il
était directeur littéraire du réformiste New Satesman jusqu'à la
publication de Koba the Dread [Koba le Terrible, inédit en français] en
2002. Koba se proposait d'être un examen du phénomène stalinien.
Il y a de quoi faire pour les talents d'un
romancier dans un tel projet. On pourrait même défendre l'idée que seuls des
romanciers peuvent donner corps à l'histoire et que leur travail est aussi
nécessaire que celui de l'historien à notre compréhension du passé. La capacité
des romanciers à révéler le contenu émotionnel des relations sociales est un
talent spécifique à leur art qui dépend du développement de leurs propres
facultés subjectives et de la technique linguistique avec laquelle ils expriment
leur vision des choses. Cette subjectivité, qui est une exigence tellement
essentielle à leur travail, nécessite pourtant une base dans
l'objectivité. Un roman sans ce fondement dans l'objectivité n’est
qu'un étalage de technique. Il peut nous évoquer les images d'une imagination
haute en couleur, mais la réaction émotionnelle qu'il suscite rappelle la
manière dont une publicité perturbe nos émotions pour détourner nos facultés
critiques.
Koba a toutes les
apparences d'une œuvre adolescente, inconséquente, banale et
émotionnellement immature, bien qu'elle soit écrite par un homme plus près de la
soixantaine que de 16 ans. Les apparences ne trompent pas. C'est pour
l'essentiel ce qu'est le livre. Pourtant, ces qualités négatives ont été
mobilisées dans un projet aussi sophistiqué qu'une page de publicité. Le
produit qu'Amis veut nous vendre c'est la conception selon laquelle le
stalinisme était la conséquence inévitable et nécessaire du marxisme, et selon
laquelle Staline était l'héritier de Lénine et de Trotsky, et l'Union
Soviétique l'équivalent de l'Allemagne Nazie.
L'objectif de la culture est de nous élever à
un degré vraiment humain, mais un roman sans objectivité dégrade notre
humanité. Amis se consacre, page après page, aux récits de survivants de la terreur
stalinienne, aux descriptions des interrogatoires, des tortures et des camps. Et
pourtant, il n'y a aucun éclat d'humanité dans son récit. Il examine les crimes
monstrueux du stalinisme comme s'il examinait le cadavre d'un chat mort avec un
bâton. On émerge de cette lecture sans aucune compréhension des causes de ces
horreurs ou de comment elles auraient pu être évitées. Lénine et Trotsky, nous
dit-on, avaient créé un État policier pour l'usage de Staline. Mais si c'était
le cas, pourquoi était-il nécessaire pour Staline d'assassiner Trotsky et toute
personne qui lui était liée ?
En dépit du titre du livre qui pourrait faire
croire au lecteur que c'est un livre sur Staline, Trotsky se révèle être le
véritable sujet de Koba the Dread. Amis ne peut s'empêcher de cracher
son venin sur la page à chaque fois qu'il en écrit le nom. « Trotsky n'a
jamais été un prétendant au pouvoir, écrit-il. Dans cette lutte, il n'était
qu'un poseur (lisant des romans français pendant les réunions du Comité
central) : un résultat d'élections au Congrès de 1921 le classe dixième (et il
n'est pas arrivé dixième parce qu'il était plus humain). Plus prosaïquement,
Trotsky était une ordure homicide et un foutu menteur. Et il faisait cela avec
joie. C'était un tueur de nonnes – ils l’étaient tous. »
Amis a affirmé que l'affinité « rampante »
de la gauche anglaise pour le Hezbollah et son hostilité envers Israël, sont la
seule véritable expression du racisme, l'antisémitisme. Il est révélateur
que lorsqu'il parle du meurtre de Trotsky et de sa famille, il ne puisse
s'empêcher d'utiliser le nom Bronstein — un nom que Trotsky n'a jamais
utilisé et par lequel ses enfants, qui avaient pris le nom de leur mère, ne
furent jamais appelés, mais qui fut constamment utilisé par Staline quand il voulait
cultiver une haine anti-sémite envers Trotsky. Amis révèle, sans s’en
rendre compte, qu'au cœur du sionisme qu'il a embrassé, il existe une
profonde révulsion envers une catégorie particulière d'intellectuels et de
travailleurs juifs dont Staline et Hitler voulaient éradiquer les idées
cultivées et progressistes du cœur de la culture européenne.
Pour Amis, l'invasion de l'Irak était une
erreur. Mais bien qu’il ait une aversion esthétique envers Bush, il redoute
une défaite américaine. Il a peur que « l'aventure de la coalition a donné
à l'ennemi un casus belli qui durera pendant une génération. » Sa peur le
rend prêt à s'engager dans la guerre contre le terrorisme et le pousse à en
recruter d'autres pour la cause. Ses livres s’inspirent des idéologues du
néo-conservatisme et des conseillers de la Maison-Blanche tels que Bernard
Lewis. Transmutées par ses livres, des opinions qui seraient détestables
pour les lecteurs du Guardian, sont reconditionnées pour devenir
acceptables parmi les cercles littéraires qui mépriseraient Bush et ses
fondamentalistes chrétiens.
Amis est une des coqueluchesde la
bonne société littéraire britannique, rarement absent des grands journaux
depuis qu'il a publié son premier roman à 24 ans et depuis longtemps promis à
confirmer les espoirs littéraires placés dans le fils de Kingsley Amis. Le fait
qu’il soit sur le devant de la scène fait de lui une personnalité bien
placée pour mettre au point un changement dans la conscience sociale de larges
pans de la population cultivée qui considère les romanciers et les journalistes
comme une source de recommandations culturelles. Nous sommes en train
d'assister à une tentative concertée de rendre la « Guerre contre le terrorisme »
respectable et de créer un visage présentable pour le néo-impérialisme au
Moyen-Orient.
(Article original anglais paru le 3 décembre
2007)