La lettre ouverte suivante a été adressée le
28 novembre 2007 aux conducteurs de train en grève en Allemagne.
Chers collègues,
En tant que président du Parti de l’égalité
sociale (Partei für Soziale Gleichheit, PSG), je vous lance un appel à ne pas céder
en ce moment critique !
Votre conflit salarial actuel s’est
développé en une lutte pour le pouvoir et a atteint un stade critique. L’attitude
arrogante et intraitable du patron des chemins de fer allemands (Deutsche Bahn,
DB) Hartmut Mehdorn, et de son chef du personnel, Margret Suckale, bénéficie du
soutien du gouvernement allemand, de la fédération patronale, de la fédération
allemande des syndicats (DGB) et de l’establishment de
l’Union européenne (UE). Ils travaillent tous ensemble et sont déterminés
à faire un exemple. Quiconque ose intervenir contre les réductions impitoyables
de salaire et les attaques contre les programmes sociaux sera isolé, intimidé
et forcé à capituler.
Après la trahison du mouvement de grève en
France, ces forces se sentent à présent suffisamment puissantes pour briser la
grève des conducteurs de train allemands.
La direction du syndicat des conducteurs de
train GDL (Gewerkschaft Deutscher Lokomotivführer) et la commission tarifaire
ont accepté de négocier avec la direction de la DB et ce bien que la direction
des chemins de fer continue de rejeter la demande centrale du GDL pour un
contrat séparé et qu’elle n’ait pas avancé de nouvelle proposition qui
soit sérieuse. Ceci prouve que la direction du GDL est incapable de résister à
la pression considérable qui pèse sur elle et qu’elle commence à présent
à capituler. Elle cherche à éviter la lutte et s’apprête pour cela à
accepter un compromis pourri.
Si on laisse cela se produire, cela aura des
conséquences catastrophiques pour les conducteurs de train, leur famille et
tous les travailleurs.
C’est pourquoi tous les membres du GDL
qui avaient voté cet été majoritairement à 96 pour cent en faveur de la grève,
doivent prendre l’initiative et mettre un terme aux tractations de la
direction du GDL. Des lettres de protestation adressées à la direction des
chemins de fer et à la commission tarifaire sont absolument insuffisantes. Il
est nécessaire d’étendre la lutte au-delà du cadre étroit établi par les
syndicats et de commencer une vaste offensive politique.
A cette fin, il est indispensable de mettre en
place des comités d’action qui visent sciemment la coopération de tous
les autres cheminots ainsi que les ouvriers et les employés des autres domaines
de l’industrie ou du secteur public. Ces comités d’action devraient
renouer avec la tradition des conseils ouvriers qui ont joué un rôle tellement
important durant les premières décennies du siècle dernier. Ces comités d’action
doivent devenir le point de convergence afin de concrétiser le soutien et la
solidarité qui existent déjà au sein de vastes couches de la population.
C’est sur cette base qu’une grève illimitée des
conducteurs de train doit être menée et qui sera étendue à tous les autres
cheminots. La menace proférée par le Beamtenbund (Fédération des fonctionnaires
allemands, DBB) de confisquer la caisse de grève du GDL dans le but de soumettre
au chantage les conducteurs de train et les forcer à reprendre le travail doit
être rejetée.
Le Parti de l’égalité sociale fera tout ce qui est en
son pouvoir pour soutenir ce combat. En tant que parti international, nous
établirons les liens avec les travailleurs en France et dans d’autres pays
dans lesquels les travailleurs et leur famille sont confrontés aux mêmes
problèmes et ont mené des luttes similaires. L’élite dirigeante et les
gouvernements nationaux coordonnent leur offensive contre la classe ouvrière
avec l’aide de la bureaucratie de l’Union européenne à Bruxelles
tandis que les syndicats cherchent à limier et à isoler toute action déterminée
en montant une couche de travailleurs contre l’autre jusqu’à ce que
chaque mouvement de grève soit finalement étouffé. Il est temps à présent de
défier une telle stratégie et d’y mettre fin !
Afin de faire sortir la grève des conducteurs de train de
l’impasse qui se profile et d’empêcher qu’elle ne soit
trahie, il est indispensable de faire un courageux pas en avant. Une grève
illimitée, soutenue par des comités d’action et de solidarité, peut et
doit devenir le point de départ d’une vaste mobilisation politique contre
la direction des chemins de fer, le gouvernement et la bureaucratie de l’UE.
Tous ceux qui croient qu’un tel développement est trop difficile
devraient considérer l’alternative. Le fait d’accepter des
négociations en l’absence d’une offre sérieuse de la direction a
déjà été le premier pas vers la capitulation de la part des dirigeants du GDL.
Quiconque hésite à présent et espère que de mauvais résultats de négociations
peuvent être rejetés par le vote des grévistes, cherche à se tromper lui-même.
Le vieux proverbe dit qu’il faut « battre le fer
quand il est chaud ! » Une trahison de la grève par le biais d’une
augmentation de salaire dérisoire de quelques pour cent serait un signe pour la
direction de la DB et d’autres patrons de lancer de nouvelles offensives
plus sévères encore contre les salaires et les conditions de travail. Ceci
entraînerait à son tour de nouvelles grèves et de nouveaux conflits, mais dans
des conditions nettement plus défavorables pour les travailleurs.
En d’autres termes, il est nécessaire cette fois de ne
pas céder et de contrer la reculade de la direction du GDL en organisant une
grève illimitée.
La signification
d’une perspective socialiste
Le patron de la DB, Mehdorn, et l’élite économique et
politique qui le soutient, ont transformé leur campagne contre les
revendications tout à fait justifiées des conducteurs de train pour des
conditions de travail et des salaires décents, pour en faire une question de
principe. Leur rejet répété de la revendication pour un contrat séparé a pour
but d’imposer des bas salaires et des coupes dans les acquis sociaux en
collaboration avec les syndicats jaunes Transnet et GDBA (syndicat représentant
les employés fonctionnarisés des chemins de fer). Ils ont sciemment politisé la
grève et sont déterminés à imposer leurs propres priorités, basées sur la
maximisation du profit et l’enrichissement personnel, au détriment de la
population entière.
Les principes de la libre concurrence doivent être établis
dans tous les domaines de la vie sociale. Un système de transport moderne qui
fonctionne bien et qui avait été maintenu durant des décennies grâce à
l’argent des contribuables doit être dénationalisé et transformé en une
entreprise de logistique mondiale dans le seul but de satisfaire les
actionnaires. Un conseil d’administration comprenant huit membres et qui
a augmenté son propre revenu de 70 pour cent en un an seulement pour engranger
un salaire annuel de 20 millions d’euros, affirme à présent qu’il
n’y a pas suffisamment d’argent pour financer des conditions de
travail et des salaires décents pour les cheminots de base.
Il n’est pas possible de résister à cette offensive
droitière sur la base de la tradition allemande de partenariat social, à savoir
la collaboration étroite entre les syndicats et la direction des entreprises.
C’est ce qui se cache derrière les reculades répétées de la direction du
GDL. Cette dernière est à la recherche d’un compromis viable, dans une
situation où un tel compromis n’existe pas et, ce faisant, elle prépare
la défaite.
La réorganisation de la grève à partir de la base par la mise
en place de comités d’action doit pour cette raison être liée à une stratégie
et une perspective fondamentalement neuves. Il est nécessaire d’adopter
une orientation socialiste qui place les besoins de la population laborieuse au
cœur du développement social au lieu des intérêts de profit du patronat et
des banques. Les domaines les plus importants de la production et des services
aussi vitaux que les chemins de fer doivent être retirés du contrôle de
l’aristocratie financière et placés au service de la société dans son
ensemble.
Ce n’est que sur la base d’un tel programme
qu’il est possible d’établir des relations étroites avec tous les
autres travailleurs et de développer une stratégie qui unisse les travailleurs au-delà
des frontières nationales dans une lutte commune contre les forces combinées des
grands groupes, du gouvernement, du DGB et de l’Union européenne.
C’est sur cette base qu’il faudra également
s’opposer à toute tentative d’exclure de la Deutsche Bahn les
conducteurs de train pour les externaliser dans une société propre. Un accord
tarifaire propre, établi au moyen d’une telle manoeuvre, et préconisé par
certains permanents du GDL, ne représenterait aucun progrès, bien au contraire.
Malgré quelque hausse de salaire dérisoire, un tel accord ne servirait
qu’à accroître les divisions entre les cheminots et ferait le jeu de tous
ceux qui sont favorables à une privatisation et qui préparent davantage
d’attaques féroces contre tous les cheminots.
Le Parti de l’égalité sociale est le seul parti à avoir
défendu cette grève des conducteurs de train, qui est attaquée de toutes parts,
et a cherché à mobiliser le soutien de la population.
Ce qu’il est maintenant nécessaire de faire, c’est
une initiative de taille, une initiative courageuse des membres du GDL pour empêcher
la trahison qui menace et pour réorganiser la grève sur une base démocratique. Non
seulement une telle initiative aurait un grand impact sur les autres cheminots,
mais elle serait aussi accueillie avec enthousiasme par l’ensemble de la
classe ouvrière en Allemagne et de par l’Europe.
Nous lançons un appel à nos lecteurs pour qu’ils distribuent
cette lettre et engagent une discussion sérieuse avec leurs collègues. Prenez
contact avec le Parti de l’égalité sociale et le comité de rédaction du World
Socialist Web Site.
Il est à présent nécessaire d’ouvrir un nouveau chapitre
dans la lutte contre les attaques sur les salaires et les droits sociaux.