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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Allemagne : le Parti de la Gauche s’oppose à la grève des conducteurs de train

Par Ulrich Rippert
5 décembre 2007

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Après maintes tergiversations et l’adoption de positions contradictoires, le Parti de la Gauche s’est finalement clairement prononcé contre la grève des conducteurs de trains allemands en se rangeant du côté du syndicat maison Transnet, de la direction des chemins de fer et du gouvernement.
Dans une interview accordée à la station de radio Deutschlandradio Kultur, le dirigeant du Parti de la Gauche, Gregor Gysi, a dit qu’il rejetait la revendication essentielle du syndicat des conducteurs de train GDL (Gewerkschaft Deutscher Lokomotivführer) pour un contrat séparé. Bien que la « revendication pour des salaires élevés des conducteurs » soit tout à fait justifiée, Gysi a dit, « Ce que je trouve injuste, c’est qu’ils veulent avoir leur convention collective propre. » Selon lui la devise est « une entreprise, une convention collective ».
L’argumentation disant oui à une augmentation de salaire significative et non à une convention collective est absurde. Car sans le retrait du GDL de la communauté tarifaire avec Transnet, il n’y aurait jamais eu la revendication pour une hausse de salaire de 31 pour cent pour les conducteurs de train. La perte de revenu que les agents de conduite et tous les autres cheminots ont endurée ces dernières années avait été acceptée par Transnet et le syndicat des fonctionnaires GDBA (Gewerkschaft Deutscher Bundesbahnbeamten, Arbeiter und Anwärter). Le retrait de la convention collective et la revendication pour un accord spécifique étaient la condition préalable pour lutter contre cette perte de revenu et pour l’obtention d’une hausse des salaires.
La revendication de Gysi pour une unité syndicale serait justifiée si Transnet était une organisation démocratique et respectant la volonté de ses membres. Ceci n’est pas le cas. Transnet est dans la poche de la direction de la Deutsche Bahn (DB, Chemins de fer allemands). De nombreux permanents de Transnet sont financés directement et indirectement par la DB. Cette dépendance est volontairement cachée aux adhérents. Le dirigeant de Transet, Norbert Hansen, n’est pas non plus disposé à révéler à ses membres le montant de la rémunération qu’il empoche en occupant le poste de vice-président au conseil de surveillance de la DB.
La preuve que les membres de Transnet n’exercent pas la moindre influence sur la politique du syndicat est révélée dans le fait que malgré l’opposition à la privatisation des chemins de fer et qui a été exprimée dans d’innombrables résolutions par une majorité d’entre eux, Hansen et la direction syndicale poussent en avant la privatisation de concert avec la direction de la DB. Le fait que c’est dans ces conditions, que Gysi rejette un accord séparé du GDL et sa revendication pour une convention collective indépendante ne signifie rien d’autre que la subordination du GDL aux dictats de Transnet.
Le Parti de la Gauche rejoint les briseurs de grève de la direction de Transnet en répétant les arguments de la Fédération des syndicats allemands (DGB), du Parti social-démocrate (SPD), de la direction de la Deutsche Bahn et du gouvernement. Tous refusent que les conducteurs de train bénéficient de leur propre accord pour éviter toute lutte indépendante des travailleurs hors du contrôle de la bureaucratie du DGB. Tout ceci est enjolivé par une foule de balivernes abstraites sur « l’unité des travailleurs » et la « solidarité de l’entreprise ». Tout comme Gregor Gysi, le président de la fédération patronale, Martin Kannegiesser, est également un fervent défenseur de la convention collective unitaire et du syndicat unitaire.
Toutefois, si les travailleurs n’ont que le droit d’adhérer à un syndicat unitaire financé par les patrons et lié à la responsabilité gouvernementale par le biais du SPD, alors le droit démocratique fondamental « de fonder des associations pour la sauvegarde et l’amélioration des conditions de travail et des conditions économiques » (« A tous et dans toutes les professions » : Constitution allemande, article 9) n’est plus garanti. Alors, les conditions ressemblent plus à celles qui ont existé dans l’ancienne Allemagne de l’Est où l’affiliation politique et syndicale était limitée à l’appartenance à un parti et à un syndicat unique dont le but était de réprimer tout mouvement indépendant de la classe ouvrière.
L’attaque lancée par le Parti de la Gauche contre la revendication essentielle des grévistes confirme ce que le World Socialist Web Site et le Parti de l’égalité sociale d’Allemagne (PSG) avaient écrit concernant la nature de ce parti. La fusion du Parti du socialisme démocratique (PDS) en Allemagne de l’Est avec une aile de la bureaucratie syndicale en Allemagne de l’Ouest et qui avait elle-même formé le groupe de l’Alternative électorale Travail et Justice sociale (WASG) était une union de forces sociales apparentées.
Issu de l’ancien parti d’Etat d’Allemagne de l’Est, le PDS (Parti du socialisme démocratique) parle certes beaucoup de démocratie et de socialisme, mais considère que sa tâche primordiale consiste à stabiliser les conditions sociales existantes et à contenir tout mouvement d’en bas. Pour des raisons identiques, les syndicats se considéraient eux-mêmes comme un facteur d’ordre et, confrontés au virage droitier du SPD, craignent de perdre leur influence sur le lieu de travail.
Ce n’est pas par hasard que la direction du Parti de la Gauche rassemble de nombreux permanents syndicaux. Une importante délégation du DGB était présente au congrès fondateur du Parti de la Gauche au début de l’été, y compris le dirigeant de Transnet, Norbert Hansen. Pour connaître la vraie nature de ce parti, il suffit de jeter un regard sur la politique pratiquée par le sénat de Berlin où pendant plus de six ans le Parti de la Gauche.PDS, en alliance avec le SPD, a appliqué une politique d’attaques sociales féroces.
Le fait que durant la première grève de grande envergure ayant eu lieu depuis la formation de ce parti, il se soit placé du côté du DGB, du SPD et du gouvernement n’est en rien surprenant, mais révèle l’expression de la vraie nature du Parti de la Gauche.

Les attaques de Gysi contre les conducteurs de train en grève indiquent dans quelle direction ce parti se dirige. Ceci a été souligné par les déclarations faites par d’autres dirigeants du Parti de la Gauche. Dans une lettre adressée au groupe parlementaire du parti, le vice-président du groupe parlementaire, Bodo Ramelow, explique pourquoi il rejette les objectifs des grévistes pour une « convention collective indépendante et séparée des autres cheminots. »

Ramelow écrit que le GDL « abuse » de la volonté des conducteurs de lutter, dans le but d’arriver par la force à « l’indépendance comme objectif principal de la grève. » Il dit que ceci est « inacceptable ». La lutte du GDL signifie en fin de compte « la fin d’une convention collective de branche » pour les chemins de fer et doit de ce fait être rejetée. L’abandon « des conventions collectives territoriales et du syndicat unitaire » est fondamentalement une erreur, affirme-t-il.

Bodo Ramelow est un représentant typique de la bureaucratie syndicale telle qu’on la trouve dans le Parti de la Gauche. Il a débuté sa carrière dans le syndicat HBV (syndicat du commerce, des banques et des assurances), l’un des prédécesseurs du syndicat Verdi. Suite à la chute du Mur de Berlin en 1989, il est allé en Allemagne de l’Est pour devenir le président régional du syndicat en Thuringe, et grimpant ensuite les échelons au sein du PDS.

En même temps que Ramelow, un autre membre de la direction du Parti de la Gauche a également exprimé son opposition à la revendication des conducteurs de train pour une convention collective spécifique. Ulrike Zerhau, vice-présidente au niveau national du syndicat, a soumis « dix thèses » dans lesquelles elle accuse le GDL de représenter les « aspirations élitaires » de ses membres. Leur lutte divisant présentement les cheminots, précise-t-elle, fait ainsi le jeu de sections d’entrepreneurs qui depuis un certain temps cherchent à attiser la rivalité entre les salariés.

De toute évidence, cette permanente de Verdi qui engrange un salaire juteux grâce à un mandat de permanente syndicale a perdu tout contact avec la réalité. Comment expliquer sinon que la revendication des conducteurs de train, qui autrement doivent se contenter de 1500 euros par mois, soit qualifiée d’« aspiration élitaire » ?

Le point 9 de ses « 10 thèses » dit : « La grève du GDL, indépendamment du succès qu’elle pourrait avoir, changera le comportement au sein du syndicat des cheminots… les grèves qui sont menées par des groupes individuels dans une entreprise donnent cours à des reproches mutuels et engendrent de l’amertume et de la colère. » Ceci « causant des fissures dans le camp des travailleurs » et facilitant des attaques sévères de la part des entreprises. Ce faisant, elle rejette la responsabilité de la chasse aux sorcières organisée par le dirigeant de Transnet et Cie sur les conducteurs de train.

Dans sa dernière thèse, Zerhau conclut que la lutte du GDL « modifiera les rapports de force dans les prochaines grèves » au détriment du camp patronal. Elle justifie cela dans les termes suivants : « Si le GDL arrive à ses fins, d’autres groupes de salariés y verront un signe positif pour organiser leur propre action. D’autres découvriront peut-être bientôt qu’il vaut mieux se trouver dans une position de négociation en solitaire et agiront en conséquence. »

Il est à peine possible d’exprimer plus clairement la crainte d’un bureaucrate syndical devant le fait que la classe ouvrière se libère de la camisole de force de la bureaucratie syndicale du DGB pour agir indépendamment.

Zerhau, Ramelow et Gysi s’adonnent à un jeu cynique avec l’aspiration, compréhensible de la part des travailleurs, à l’unité et à la solidarité. Ils en appellent à la crainte que différentes professions et groupes pourraient être montés les uns contre les autres au cas où un éclatement des conventions collectives actuelles aurait lieu.

Or, il n’est pas possible de surmonter ce danger en forçant les conducteurs de train à revêtir la camisole de force du syndicat Transnet. L’unité est d’abord et avant tout une question politique et non organisationnelle. La politique de Transnet qui impose les dictats de la direction à ses propres membres, ne sert qu’à affaiblir et à diviser les travailleurs.

Quant au GDL, il n’a aucune alternative à offrir. Dans ses négociations actuelles avec la direction de la DB il prévoit aussi d’externaliser les conducteurs de train dans une filiale indépendante. A défaut d’augmentation de salaire, cette option n’aurait que des conséquences négatives pour les cheminots.

L’unité et la solidarité ne peuvent être réalisées que sur la base d’une perspective politique qui place les besoins et les intérêts des grandes masses de la population au-dessus des intérêts de profit des patrons et des banques.

(Article original paru le 22 novembre 2007)


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