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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Les travailleurs de Volkswagen à Bruxelles parlent au WSWS: le rôle des syndicats est « honteux »

Par nos reporters
9 janvier 2007

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Le piquet de grève à l’entrée de l’usine Volkswagen de Forest reste encore assuré 24 heures sur 24. Le conseil d’entreprise a, à plusieurs reprises, tenté de faire cesser l’occupation de l’usine pour renvoyer les travailleurs chez eux, mais en vain.

De nombreuses discussions au sujet des primes de licenciement relativement élevées avaient lieu parmi les travailleurs. Cette question fut aussi l’objet de conversations avec deux travailleurs de VW, Philip et Christian, qui tous deux rejettent l’accord parce que l’avenir du personnel de l’usine demeure tout à fait incertain. On demande en principe aux travailleurs de signer un « blanc-seing ».

Philip : « Pour moi de toute manière, dès le début, c’est une vaste manipulation. C’est un cinéma, mais avec un très mauvais scénario. Au mois d’avril ou mai [avant les élections pour le parlement fédéral belge] on va voir et les politiques et les syndicats aller à la télévision et dire : on a gagné.

« Les syndicats se sont en particulier concentrés sur les primes de départ qui regardent en premier lieu les travailleurs qui ‘veulent partir de toute manière’. Donc, sur la base de ces montants énormes qui ont leurré tout le monde, beaucoup de gens qui avaient un doute quant à l’avenir de l’usine ici, ont signé, sans avoir un emploi. Ça a servi à manipuler les gens. On ne pourra pas me dire qu’il y a 1900 personnes qui vont trouver un travail demain, ça c’est jamais vrai.

« Les syndicats ne sont pas à leur place, que ce soient les syndicats allemands ou les belges. Pour moi, la prime c’est une manipulation comme les autres et le rôle des syndicats est qu’il n’y ait pas de casse, que la base ne bouge pas. Donc de toute manière ce que le patron veut, ça passe, mais surtout ça doit se faire sans casse. Dans la situation qu’on vit maintenant, ils sont impuissants donc ils essaient de gratter le maximum pour les gens ici, mais ils ne peuvent pas le faire. C’est complètement honteux d’avoir des syndicalistes qui sont dans un conseil d’administration, les syndicats à leur place, les patrons à leur place, chacun fait bien son boulot, de part et d’autre et ça doit tourner comme ça. »

Christian : « Beaucoup de gens sont partis, et surtout beaucoup d’anciens avec les prépensions et autres, des travailleurs avec une certaine expérience dont on ne peut plus profiter et qui ne sont plus là pour dire comment ça c’est passé il y a vingt ans. La mémoire de l’entreprise est partie. On est censé se séparer de toutes les personnes de plus de 50 ans, alors qu’est-ce qu’on a comme expérience dans cette entreprise ? »

Les deux hommes étaient particulièrement frustrés de ce que les négociations entre les patrons et les syndicats ne soient pas rendues publiques.

Philip : « Je propose que les négociations qu’il y a eu entre les syndicats et la direction soient rendues publiques. Il n’y a pas de raison qu’ils chipotent entre eux et qu’on ne sache pas quoi. »

Christian : « Cela se passe actuellement au niveau politique quand on vote pour un droit démocratique, il se passe des discussions au parlement, on a le droit d’y assister sans pour autant avoir droit à la parole. Dans le cas d’une entreprise comme celle-ci, toutes les négociations devraient pouvoir avoir lieu dans une salle, à la limite que ce soit filmé avec un grand écran de façon à ce qu’on puisse suivre ces gens, pour lesquels nous avons voté et qui doivent nous représenter, parce qu’on ne peut pas prendre la parole tous à la fois, en direct au lieu d’attendre le procès-verbal qui vient deux semaines après. Souvent le procès-verbal est publié, mais entre-temps il y a eu d’autres réunions avant qu’on ait le procès-verbal de la première réunion. Et nous, on est au courant de quoi ? On reçoit un avis de la direction, un avis par nos délégués et un autre avis par la presse. Et donc, on doit se faire une opinion, par personne interposée sans savoir ce qui s’est passé. Le jour où on rendra ça public, les gens avant de parler devant la direction ou autre, sauront qu’ils sont écoutés par la base et réfléchiront peut-être à deux fois parce qu’ils savent qu’il y a des élections tous les quatre ans et parce qu’ils savent qu’ils doivent représenter ce que nous leur avons demandé. »

Alain Desmet a également décidé de voter « non » vendredi. Il a dit à nos reporters : « Quand moi j’ai commencé en 1985, on était 8.400 ici, on va rester à 2.000, ça fait un dégraissage de 75 pour cent alors qu’à Wolfsburg, la maison-mère [en Allemagne], qui est censée montrer l’exemple pour moi, au niveau du Konzern [groupe] en ce qui concerne la qualité produit fini, comparé à nous, ils sont nuls. On a eu le listing en début d’année, nous étions en deuxième position sur la qualité du produit fini sortant d’ici alors que Wolfsburg est à l’avant-dernière position. Il faudra m’expliquer la stratégie du patron, parce que là, je ne la comprends pas. Il y a beaucoup de gens qui ont signé pour la prime de départ parce qu’ils savent que l’année passée ils ont eu un gros problème de santé ou autre chose, ils sont restés quatre, cinq ou six mois à la maison, donc ils savent très bien que s’ils ne signent pas demain, à la reprise ils allaient d’office avoir leur licenciement en raison de leur mauvais dossier médical. »

Alain a 19 ans de service à VW où il contrôle les tableaux de bord au département des cockpits. C’est un travail qu’il aime et il juge qu’il a la responsabilité de fournir un bon travail. « Je suis du principe qu’à partir du moment où les clients donnent au minimum 15.000 euros pour une voiture, au moins ils doivent avoir quelque chose de correct. »

Mario Mailis est préoccupé par le fait que trop peu de travailleurs vont rejeter l’accord. « Il nous faut une majorité des deux tiers pour rejeter l’accord. Autrement, le rejet ne sera pas reconnu, » a dit Mario. Il a travaillé chez Volkswagen pendant 37 ans et nous a dit :

« Le syndicat allemand IG Metall est venu à Bruxelles il y a deux ans pour mettre la pression sur nous en disant, nous avons accepté ceci et cela et maintenant c’est à vous les Belges à prendre vos décisions. Alors ici, on disait, si IG Metall a accepté des conditions de travail plus mauvaises pour les travailleurs en Allemagne, nous devons aussi les accepter en Belgique : augmenter les cadences, augmenter la rentabilité. Donc, on n’a pas eu de soutien de la part de l’IG Metall. A l’époque, nous ne savions pas qu’ils étaient achetés par la direction. »

Un grand nombre de travailleurs employés par les sous-traitants ont rejoint les travailleurs VW à l’entrée de l’usine. Ils seront même plus durement touchés par la réduction du volume de production à Forest que les travailleurs de VW. Aucune indemnité de compensation n’est prévue pour ces salariés des entreprises sous-traitantes de VW.

L’entreprise Johnson Controls qui fournit des sièges pour les voitures produites par l’usine VW de Forest a annoncé le licenciement de 230 salariés sur un effectif de 580. Le ministre belge de l’Economie et de l’Emploi, Benoît Cerexhe, (CDH, Centre démocrate humaniste, anciennement le parti social chrétien belge) estime que 2.300 salariés pourraient perdre leur emploi chez les 35 entreprises sous-traitantes belges qui produisent des pièces pour le seul modèle Golf.

Kilauli Najim travaille depuis 17 ans chez ISS, un sous-traitant qui fait du nettoyage industriel à l’usine Volkswagen. Kilauli a rejoint le piquet de grève à l’entrée de l’usine VW avec un groupe de collègues pour exprimer sa solidarité avec les travailleurs de VW. Il nous a dit : « Nous ne sommes pas ici pour des indemnités, mais pour notre emploi. Ils veulent fermer l’endroit où nous travaillons. Près d’une centaine de personnes sont concernées et ils ne veulent garder qu’une vingtaine de salariés. Et les autres où vont-ils aller ? A la porte, c’est pour ça que nous ne sommes pas là pour une prime.

« Nous travaillons avec des produits incroyables et qui ont détruit notre santé. Les gens de Volkswagen nous ont dit s’il y a beaucoup de salariés qui ont signé pour la prime et si nous avons encore besoin d’hommes, on embauchera les hommes d’ISS. Je pense que ce ne sera pas vrai, car VW recrutera plutôt des intérimaires que de reprendre des travailleurs qui ont déjà un contrat. Je veux garder mon contrat et mon ancienneté, je ne veux pas avoir un nouveau contrat. Je peux travailler n’importe où chez VW, même à la chaîne, mais je veux garder mon contrat. »

Jessica est également employée par un sous-traitant de VW, Arvin Meritor, qui fait les portières de la Golf et de la Polo. Jessica a expliqué : « Nous avons fait grève en même temps que les travailleurs de Volkswagen, car à l’entreprise [Meritor] ils ont parlé de licenciement collectif. Les intérimaires et les CDD [Contrat à durée déterminée] sont déjà dehors et ils doivent licencier 30 CDI [Contrat à durée indéterminée] en plus des employés ; il y a 14 employés sur 33 qui vont rester. Moi, je vais essayer de rentrer ici à VW et sinon je ne sais pas. »

L’organisation stalinienne PTB (Parti du Travail de Belgique) a distribué une lettre ouverte aux travailleurs en grève dans laquelle elle refuse de but en blanc toute lutte pour l’emploi. L’organisation revendique uniquement « le remboursement de toute aide publique (Etat ou sécurité sociale) si l’emploi à Forest diminue d’une unité en dessous des 3000 » et qui a été versée en vingt ans.

Ensuite le PTB se creuse la tête au bénéfice de VW pour savoir quelle production devrait être délocalisée vers Bruxelles. Il n’insiste pas pour le maintien de la Golf à Bruxelles mais pour la production d’autres unités à Bruxelles, telles la Polo qui est construite avant tout à Pampelune en Espagne.

Le PTB est tout à fait conscient qu’une telle politique signifie monter un site contre l’autre. Pour toute justification, il recourt au langage de Bernd Osterloh, le dirigeant du conseil d’entreprise du syndicat allemand IG Metall, qui avait justifié dans les mêmes termes le transfert de la Golf vers le site allemand : « Si l’on revendique un plus grand volume de voitures pour sauvegarder un maximum d’emplois à Forest, cela ne veut pas forcément dire que c’est aux dépens d’autres sites. »

Dans la même lettre, le PTB prend la défense de l’IG Metall, en disant : « Ainsi, la prolongation récente à 33,6 heures ne peut s’expliquer comme une ‘trahison’ d’IG Metall, comme l’est suggéré parfois au piquet. Comme nous, les travailleurs allemands essayent de construire des rapports de forces contre les attaques du même capitaliste, parfois avec beaucoup de succès, parfois avec un peu moins. »

(Article original paru le 6 janvier 2007)


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