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WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient

Le régime irakien prêt à céder les réserves pétrolières aux géants américains de l’énergie

Par Jerry White
12 janvier 2007

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Tandis que l’administration Bush se prépare à intensifier la violence militaire contre le peuple irakien, le régime de Bagdad mis en place par les Américains est prêt à approuver une nouvelle loi sur les hydrocarbures qui donnera une mainmise sans précédent des vastes réserves de pétrole du pays aux conglomérats énergétiques américains et britanniques. Cette nouvelle loi, dont les termes sont détaillés par le journal britannique The Independent du 7 janvier, ridiculise toute prétention de souveraineté irakienne et souligne que l’objectif réel de l’entreprise sanglante de l’impérialisme américain est de coloniser le pays et de s’emparer de quelques-unes des plus importantes réserves de pétrole non exploitées qui restent dans le monde.

Le texte de cette nouvelle loi, qui sera approuvée selon toute attente par le parlement irakien dans les jours qui viennent et mise en place dès le mois de mars, a été rédigé par une entreprise américaine d’experts-conseils employée par l’administration Bush et a été présentée aux principales compagnies pétrolières ainsi qu’au Fonds monétaire international pendant l’été. En décembre, bon nombre, sinon la majorité, des députés irakiens n’avaient toujours pas vu cette législation.

The Independent, qui s’est procuré une version de la loi, divulguée par fuite, rapportait dimanche : « On s’attend à ce que le conseil des ministres approuve, dès aujourd’hui, une nouvelle loi controversée sur les hydrocarbures, fortement appuyée par les gouvernements américain et britannique qui va radicalement remodeler l’industrie pétrolière irakienne et ouvrir la voie à la troisième plus importante réserve pétrolière du monde. Cette loi permettrait la première opération de grande envergure de compagnies pétrolières étrangères dans le pays depuis la nationalisation de l’industrie en 1972. » Le journal a ajouté que la nouvelle loi « marquerait un écart par rapport à la norme concernant les pays en voie de développement » et serait la première en son genre pour tout producteur de pétrole important du Moyen-Orient, où l’Arabie saoudite et l’Iran, premier et second plus importants producteurs mondiaux, « contrôlent tous deux étroitement leur industrie au moyen de compagnies nationalisées sans collaboration étrangère notable », comme c’est le cas pour la plupart des membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP).

L’aspect juridique le plus significatif de cette législation en instance est l’introduction de ce qu’on appelle des accords de partage de production (APP) où l’Etat garde la propriété des réserves de pétrole mais déverse des milliards aux compagnies pétrolières étrangères pour les dédommager de leur investissement dans l’infrastructure et le fonctionnement des forages, pipelines et raffineries.

D’après l’avant-projet de loi, les APP en Irak seraient arrêtés pour une durée de 30 ans ou plus, permettant ainsi aux compagnies pétrolières étrangères de conserver des arrangements favorables quelles que soient les mesures prises par un prochain gouvernement pour réguler les profits, les taux d’imposition ou les niveaux de production. Une disposition d’un avant- projet antérieur de la nouvelle loi, dont on ne sait si elle sera retenue dans la dernière version, insiste sur le fait que tout conflit avec une compagnie étrangère doit en dernière instance être réglé par arbitrage international et non irakien.

Les conditions accordées par la garantie de la nouvelle loi assureront des bénéfices massifs à ExxonMobil, Chevron, BP et autres conglomérats énergétiques. Tandis qu’elles recouvrent les coûts de leurs investissements initiaux pour développer un champ pétrolifère, les compagnies étrangères pourront conserver 60 à 70 pour cent du revenu du pétrole. Après avoir récupéré leurs dépenses initiales, les compagnies peuvent empocher jusque 20 pour cent des bénéfices.

Par contraste, la compagnie française Total avait signé un accord avec Saddam Hussein avant la seconde guerre en Irak pour développer un immense champ qui aurait permis à la compagnie de ne conserver que 40 pour cent des bénéfices tandis qu’elle recouvrait ses frais et 10 pour cent par la suite, d’après le Dr Muhammed-Ali Zainy, économiste haut placé du Centre for Global Energy Studies (Centre d’études de l’énergie mondiale.)

Des experts en énergie disent que les conditions qui sont sur le point d’être acceptées par le gouvernement irakien ne peuvent être comparées qu’aux accords de partage de production signés par la Russie avec Shell dans les années 90, suite à la liquidation de l’URSS et à la « thérapie de choc » économique qui avait accompagné le démantèlement de l’économie nationalisée.

Dans la première moitié du vingtième siècle, sous le système des accords de concession, les compagnies pétrolières étrangères avaient le contrôle du pétrole sous terre dans leurs colonies et payaient une redevance symbolique aux soi-disant gouvernements nationaux. Devant l’insurrection anticoloniale de l’après Seconde Guerre mondiale, les compagnies multinationales énergétiques commencèrent à promouvoir le système d’accords de partage de production en opposition au mouvement grandissant de nationalisations de l’industrie pétrolière au Moyen-Orient et ailleurs. Introduits d’abord en Indonésie suite au renversement, soutenu par les Etats-Unis, du régime nationaliste de Sukarno en 1965, de tels arrangements permettaient aux compagnies étrangères d’extraire du pétrole et des bénéfices massifs tout en maintenant un semblant de souveraineté nationale.

D’après les chiffres de l’Agence internationale de l’énergie, les APP ne sont utilisés que pour 12 pour cent des réserves mondiales de pétrole, dans des pays où les perspectives d’exploration sont incertaines et où les coûts de production sont élevés. Ce n’est nullement le cas en Irak où le coût d’extraction du pétrole par baril est parmi les plus bas au monde du fait que les réserves sont relativement proches de la surface et que de nombreux champs ont déjà été découverts mais pas développés du fait des années de guerre et de sanctions économiques. La plupart des gigantesques champs pétrolifères d’Irak sont déjà localisés et tracés sur la carte et il n’y a donc aucun risque et coût d’exploration, contrairement à ceux de la Mer du Nord, de l’Amazone ou des sables goudronneux du Canada, où d’énormes investissements sont nécessaires.

L’accord signé par le régime de Bagdad soutenu par les Etats-Unis revient au système de concessions qui existait quand l’Irak était sous contrôle britannique.The Independent remarque, « Dans le chapitre intitulé “Régime fiscal”, l’avant-projet de loi dit clairement que les compagnies étrangères n’ont aucune restriction pour sortir leurs bénéfices hors du pays et ne sont soumises à aucun impôt si elles le font. » Le projet de loi déclare « une personne étrangère peut rapatrier ses procédures d’exportation [en accord avec les régulations de change en vigueur à ce moment] ». Les parts dans les projets pétroliers peuvent aussi être vendues à d’autres compagnies étrangères : « On peut librement transférer des parts appartenant à des partenaires non Irakiens. »

Une guerre pour le pétrole

L’Irak possède 115 milliards de barils de réserves de pétrole connues, soit dix pour cent du total mondial, et on estime qu’une industrie fonctionnant à pleine capacité pourrait générer 100 milliards de dollars de revenus annuels. Les ressources les plus importantes sont celles des champs du Majnoon et de Qurna Occidental, à proximité de Basra au sud du pays, qui contiennent près du quart des réserves établies d’Irak. En plus de cela, on estime que l’Irak possède entre 100 et 200 milliards de barils de réserves possibles, y compris dans le désert occidental.

Ces vastes réserves inexploitées de pétrole facile à atteindre et à bas prix, sans parler du gaz naturel, sont depuis longtemps une cible essentielle des conglomérats énergétiques américains et britanniques, notamment parce que la découverte de nouveaux gisements de pétrole ailleurs ralentit de façon draconienne et que les réserves existantes diminuent. Avec l’augmentation de la demande, particulièrement de la part des pays en rapide voie de développement tels la Chine et l’Inde, le contrôle du pétrole du Moyen-Orient, et tout particulièrement des vastes réserves d’Irak, est devenu un objectif géostratégique vital pour l’impérialisme américain. 

Dès le milieu des années 90, l’inquiétude grandissait à l’idée que le développement des sanctions imposées par les Nations-Unies après la première guerre du Golfe permettrait à Saddam Hussein d’établir des accords lucratifs avec la France, la Russie la Chine et d’autres compagnies pétrolières, qui excluraient les Etats-Unis et la Grande-Bretagne et réaligneraient l’industrie énergétique mondiale. L’écrivain politique Kevin Phillips fit remarquer dans son livre Théocratie américaine : le péril et la politique de la religion radicale, du pétrole et  de l’argent emprunté au 21e siècle, « Tant que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pouvaient  maintenir en place ces sanctions, en utilisant des allégations sur des armes de destruction massive, Saddam ne pouvait pas mettre en application son propre plan d’expansion à grande échelle des concessions pétrolières (estimées à 1,1 million de milliards) à leurs rivaux économiques en Europe et en Asie. »

Des mois après l’invasion américaine de l’Irak, et après une longue bataille juridique avec la Maison-Blanche, il a été révélé que le contrôle des champs pétrolifères d’Irak était une des principales questions discutées lors de la réunion «Energy Task Force» du vice-président Dick Cheney avec des cadres de l’industrie pétrolière en 2001. Parmi les objets publiés par injonction de la cour, il y avait des cartes des champs pétrolifères, des pipelines et des raffineries d’Irak, ainsi qu’une liste des « étrangers à la recherche de contrats pour champs pétrolifères irakiens », citant plus de 60 entreprises de 30 pays, plus particulièrement de France, Russie et Chine, qui avaient des projets soit déjà acceptés, soit en cours de discussion avec Bagdad. Le géant français Total, par exemple, devait obtenir le champ pétrolifère Majnoon à 25 milliards de barils, tandis que Lukoil de Russie avait un contrat pour développer les champs pétrolifères du Qurna Occidental.

L’article de The Independent sur la nouvelle loi sur les hydrocarbures fait remarquer qu’il est peu probable que ces contrats soient considérés valides par le gouvernement irakien et que « ExxonMobil est à présent considéré par les initiés comme le favori pour accaparer les droits sur le champ Majnoon ».

Les agissements du régime fantoche de Bagdad ont confirmé le fait, soupçonné par des millions de personnes de par le monde, qu’un pays tout entier a été détruit et des centaines de milliers de gens tués dans une guerre pour le pétrole et les profits.

(Article original anglais publié le 11 janvier 2006)


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