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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

L’interruption des livraisons de pétrole russe accentue la lutte à propos des matières premières

Par Peter Schwarz
13 janvier 2007

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L’interruption des livraisons de pétrole qui transitent par le plus important oléoduc reliant la Russie à l’Europe a déclenché une vive discussion sur l’approvisionnement énergétique de l’Europe à l’avenir.

Dans la nuit du 6 au 7 janvier, Transneft, le monopole d’oléoducs russe a fermé l’oléoduc Droujba, le plus important et qui relie les champs pétrolifères de la Sibérie occidentale aux raffineries européennes. L’Allemagne dépend de cet oléoduc qui a une capacité de 2 millions de barils (318 millions de litres), pour un cinquième de son approvisionnement. La Pologne dépend également fortement de ce pipe-line pour ses besoins en énergie.

Derrière la rupture des livraisons il y un conflit entre la Russie et la Biélorussie par le territoire de laquelle transite le pétrole russe.

Au début de l’année, la société énergétique Gazprom contrôlée par le Kremlin avait augmenté le prix qu’elle fait payer à la Biélorussie pour son gaz de 46 à 100 dollars par millier de mètres cubes. La Russie avait aussi introduit une taxe de 180 dollars par tonne de pétrole exportée en Biélorussie. Gazprom affirme que cette augmentation était destinée à empêcher la Biélorussie de revendre, au prix du marché mondial, du pétrole importé à bas prix de Russie.

Le régime de Minsk a pris sa revanche en imposant une taxe de transit de 45 dollars par tonne de pétrole livrée par la Russie à l’Union européenne. Selon des sources russes, la Biélorussie avait, après que Transneft eut refusé de payer cette taxe, répliqué en essayant de siphonner du pétrole à partir de l’oléoduc. La riposte de Transneft a été de fermer le robinet.

Une issue au conflit n’est pas en vue pour le moment. Néanmoins on estime que l’Europe n’aura pas à subir une impasse énergétique. D’une part, la plupart des pays européens ont des réserves de pétrole suffisantes pour deux ou trois mois et, d’autre part, ils pourraient aussi importer du pétrole via d’autres oléoducs ou par bateau.

Toutefois, on estime sérieuses les conséquences à long terme de ce conflit. L’Union européenne importe 82 pour cent de son pétrole et 57 pour cent de son gaz à partir d’Etats tiers. Dans 25 ans ce pourcentage aura atteint 93 pour cent pour le pétrole et 84 pour cent pour le gaz.

C’est en particulier l’ancien gouvernement de coalition (SPD et Verts) en Allemagne dirigé par le chancelier Schröder qui avait misé sur un partenariat à long terme avec la Russie, un fournisseur fiable au temps de l’Union soviétique. Schröder lui-même a de bon rapports personnels avec le président russe Poutine et il est actuellement président du conseil de surveillance du Consortium du gazoduc de la Baltique, son salaire étant payé par Gazprom.

Il y a un an, un conflit similaire entre la Russie et l’Ukraine avait conduit à une interruption de courte durée des livraisons de gaz russe à l’Europe. Depuis cette première interruption, l’importation de produits énergétiques à partir de la Russie est de plus en plus considérée comme comportant des risques.

L’actuelle chancelière allemande, Angela Merkel, (Union démocrate chrétienne) a fait remarquer que le conflit énergétique entre la Russie et la Biélorussie montrait que l’Allemagne ne pouvait pas se rendre dépendante d’un seul fournisseur d’énergie en particulier. Elle a fait de la sécurité énergétique un thème prioritaire de la présidence allemande de l’Union européenne qui a commencé cette année.

Ernst Uhrlau, chef du BND, les services de renseignement extérieurs allemands, s’est, lui aussi, mêlé à la discussion. L’interruption des livraisons d’énergie à l’Allemagne montrait que la question de l’énergie était une question de la plus haute importance pour l’Allemagne et ses services secrets, a-t-il dit.

L’Association fédérale des consommateurs d’énergie (VEA) a également mis en garde contre une dépendance accrue de l’Allemagne vis-à-vis de la Russie en matière de  gaz et de pétrole. A Hanovre, le président de la VEA, Manfred Panitz, a déclaré : « Ce que la Russie fait aux anciens Etats soviétiques pourrait nous arriver à nous… Dépendre de la Russie est dommageable, je considère cela inquiétant. » Un déclin des ressources énergétiques en provenance de la Mer du Nord ne devrait pas être compensé par des importations russes ; sinon, le pourcentage des livraisons allemandes d’énergie venant de Russie pourrait rapidement monter de 30 à 50 pour cent, ajouta-t-il.

La recherche de sources d’énergie servant d’alternative a de vastes conséquences politiques et met l’Europe en conflit avec les autres grandes puissances : les Etats-Unis, le Japon et des pays en expansion avides d’énergie comme la Chine et l’Inde ; tous s’efforçant d’avoir accès à des réserves énergétiques qui sont de moins en moins abondantes. De plus, les gouvernements européens, désireux chacun de couvrir leurs propres besoins, sont très divisés lorsqu’il s’agit de développer une politique énergétique commune.

Un objectif central des guerres menées par les Etats-Unis en Afghanistan et en Irak était de prendre le contrôle des importantes réserves de pétrole et de gaz d’Asie centrale et de la région du golfe Persique. C’est aussi ce qui sous-tendait le refus des gouvernements allemand, français et d’autres gouvernements européens à participer à la guerre contre l’Irak. Ils voyaient leurs propres intérêts impérialistes menacés et ont cherché par conséquent à développer leur coopération avec la Russie.

L’assurance d’une Russie qui se sert délibérément du pétrole et du gaz pour poursuivre ses objectifs de politique extérieure pousse à présent les pays européens dans les bras des Etats-Unis. La première visite à l’étranger de la chancelière allemande Merkel en tant que présidente de l’Union européenne l’a conduite à Washington, où elle s’est efforcée avec ostentation de renforcer la position d’un président américain politiquement affaibli. Pendant sa visite elle n’a pas prononcé une seule parole critique vis-à-vis du plan annoncé par Bush d’accroître le nombre de troupes américaines en Irak ou de l’exécution précipitée de Saddam Hussein. Le président français Chirac collabore lui aussi avec les Etats-Unis contre la Syrie au Liban.

Mais un rapprochement avec Bush n’entraîne pas pour autant une diminution des intérêts qui opposent l’Europe et les Etats-Unis. Tout en offrant son soutien à Bush, Merkel est aussi déterminée à faire valoir les intérêts allemands et européens.

Le gouvernement allemand a prévu un programme ambitieux pour les six mois de sa présidence de l’Union européenne. Il veut soumettre au sommet européen prévu pour le printemps de cette année un plan d’action pour l’énergie. Le but de ce plan est de garantir les livraisons d’énergie et de matières premières à l’Europe. En même temps, le gouvernement allemand cherche à faire avancer le processus de Lisbonne qui vise à faire de l’Union européenne une économie plus concurrentielle au niveau mondial en y augmentant la flexibilité du travail.

Il prévoit ainsi de présenter jusqu’en juin un plan pour remettre sur les rails le processus de la Constitution européenne qui doit permettre à l’Europe de parler d’une seule voix dans les questions de politique extérieure, les partenaires les plus importants, comme l’Allemagne, jouant un rôle dirigeant dans la détermination de cette politique.

Ces efforts s’accompagnent d’un réarmement militaire. L’Union européenne ne peut pas s’opposer sérieusement aux Etats-Unis sans accroître fortement ses capacités militaires. Les troupes allemandes ou celles de l’Union européenne sont déjà déployées dans des foyers de crise importants du Proche-Orient (Liban), en Afghanistan et dans la Corne de l’Afrique. La lutte pour la « sécurité de l’énergie », c'est-à-dire pour l’accès aux réserves de pétrole et de gaz naturel, devient une des forces motrices du militarisme croissant.

Dans une interview parue mardi dans le quotidien londonien Times, la chancelière allemande déclarait : « Pour nous l’énergie est ce qu’était auparavant le charbon et l’acier. » Merkel faisait ici allusion à l’origine de l’Union européenne, issue de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, mais sa remarque se rapportait plus encore à la période précédant les deux guerres mondiales au siècle dernier, des guerres qu’une lutte acerbe pour le minerai lorrain et le charbon de la Ruhr avait fortement contribué à déclencher.

Les conflits actuels et les réactions internationales à propos des livraisons de pétrole russe montrent l’impossibilité d’exploiter de façon pacifique et raisonnable les ressources du globe dans le cadre d’un système social dominé par des trusts puissants et leur course aux profits.

(Article original paru le 10 janvier 2007)


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