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WSWS : Nouvelles et analyses : Amérique du Sud

La signification des nationalisations au Venezuela et en Equateur

Par Bill Van Auken
20 janvier 2007

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Les inaugurations présidentielles au Venezuela et en Equateur la semaine passée ont été l’occasion d’appels au « socialisme » et à la « révolution ».

Lors de la cérémonie du serment qui a eu lieu le 10 janvier à Caracas, le président réélu du Venezuela, Hugo Chavez, a annoncé ses plans pour la nationalisation de CANTV, la société nationale du téléphone du pays, qui a été privatisée en 1991, au même temps que l’industrie énergétique. Il a aussi annoncé des plans pour augmenter le contrôle de l’Etat sur les réserves de pétrole du pays.

« Que tout ce qui a été privatisé sera désormais nationalisé, a déclaré Chavez. Nous nous dirigeons vers le socialisme et rien ni personne ne peut nous en empêcher », a-t-il ajouté. Un peu plus tard, il a dit : « Je suis plutôt en ligne avec [Léon] Trotsky — la révolution permanente. »

En Equateur, Rafael Correa, est devenu président le 15 janvier dans une cérémonie dans laquelle il a annoncé ses plans pour le début d’une « révolution radicale » et a déclaré qu’il adhérait à un « nouveau socialisme » duquel il a dit qu’il se propageait dans toute la région. Il a aussi menacé de limiter les paiements de la dette étrangère débilitante de l’Equateur et de renégocier les contrats sur le pétrole avec l’étranger. Il a aussi menacé de fermer la base militaire aérienne américaine à Manta.

S’adressant à un auditoire qui comprenait 17 chefs d’Etat, y compris Chavez, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, le président du Nicaragua Daniel Ortega (le dirigeant sandiniste n’avait lui-même été inauguré que quelques jours plus tôt), Evo Morales de Bolivie et Mahmoud Ahmadinejad de l’Iran, Correa a déclaré que « La révolution citoyenne ne fait que commencer et rien ni personne ne peut l’arrêter. »

Les deux inaugurations où on a pu entendre une rhétorique radicale et même « socialiste » condamnant Washington, combiné à la tournée du président iranien de la région à la recherche d’alliés, ont été accueillies par une nouvelle vague de couverture sensationnaliste des médias aux Etats-Unis sur le « virage à gauche » de l’Amérique latine.

Il vaut la peine de noter qu’un de prédécesseurs de Correa, l’ancien colonel de l’armée équatorienne Lucio Gutierrez  a été décrit comme faisant partie de ce virage après qu’il eut obtenu la présidence en 2002 sur une plateforme très semblable à celle de Correa. Après un peu plus de deux ans au pouvoir, il a été chassé du palais présidentiel par des manifestations de masse en réponse à l’adoption de politiques économiques de droite, son tournant vers Washington et la corruption généralisée de son régime.

L’annonce par Chavez de « nouvelles nationalisations » a été le signal pour une glissade record de la bourse de Caracas, où CANTV est la plus importante société parmi celles dont les actions y sont négociées ainsi que des actions liées au Venezuela sur Wall Street.

Il n’y a pas le moindre doute que les événements de la semaine passée sont une manifestation du changement politique en cours en Amérique latine, qui s’est développé en partie en réponse à la dévastation sociale et économique qui a suivi le modèle du soi-disant « consensus de Washington » appelant pour des privatisations générales et des politiques du libre marché. Ils ont aussi été alimentés par le déclin économique relatif du capitalisme américain par rapport à ses rivaux en Europe et en Asie et par le fait que Washington est presque exclusivement préoccupé par ses aventures militaires au Moyen-Orient.

Le résultat en est la défaite des partis traditionnels de la droite et la victoire de candidats qui se décrivent eux-mêmes ou ont été historiquement associés avec la « gauche », non seulement au Venezuela et en Equateur, mais aussi en Bolivie, au Brésil, au Chili, au Pérou, en Uruguay, en Argentine et au Nicaragua.

Alors que ces gouvernements ont des origines politiques différentes et qu’ils différent grandement sur les politiques à adopter, ils s’engagent dans une forme ou l’autre de rhétorique populiste dénonçant le « néo-libéralisme » et critiquant la politque américaine. Ils font appel à la colère populaire envers l’atterrante inégalité sociale sur tout le continent et, dans la plupart des cas, ont amorcé des programmes d’aide sociale limitée pour s’assurer le soutien des couches les plus pauvres de la société.

Au même moment, malgré les déclarations comme celle de Chavez et de Correa sur le début d’un « socialisme du vingt-et-unième siècle », ces gouvernements ont universellement défendu la propriété privée capitaliste, ont mis en œuvre les prescriptions générales des institutions financières internationales et ont laissé intactes l’armée et les forces traditionnelles de répression des Etats qu’ils dirigent.

De plusieurs façons, les politiques défendues par Chavez, cet ancien lieutenant-colonel des parachutistes et dirigeant d’un coup d’Etat — loin de signaler une renaissance du socialisme, représentent un écho du type de nationalisme économique et de populisme militaire qu’on associe à des personnalités comme Juan Peron d’Argentine ou, plus tard, au général Omar Torrijos du Panama et au général Juan Velasquez Alvarado du Pérou.

Quant aux nouvelles de « nationalisations » venezueliennes, elles semblent y avoir beaucoup moins que ce que laisse entendre les médias. Bien que Chavez ait présenté ses propositions comme une question pour le Venezuela de « reprendre le contrôle des secteurs stratégiques », les cibles réelles pour les nationalisations étatiques sont de relativement peu d’importance.

CANTV ne détient en aucun cas le monopole sur les communications téléphoniques. Le réseau filé de cette société ne couvre à peine que 11 pour cent de la population, alors que son réseau sans fil, Movilnet, ne contrôle que 35 pour cent de ce marché beaucoup plus grand et payant.

Le plus grand actionnaire de CANTV est la société Verizon Communications Inc., basée aux Etats-Unis, qui en possède 28,5 pour cent des parts. En avril dernier, Verizon a cherché à vendre ses actions au milliardaire mexicain Carlos Slim, propriétaire de Telmex, qui a amassé une part importante du marché des télécommunications en Amérique latine.

Telmex a fait face à une dure concurrence de la part de l'espagnole Telefónica, qui est actionnaire minoritaire de CANTV, mais qui contrôle sa propre compagnie de téléphonie cellulaire au Venezuela, Movistar, qui possède maintenant 48 pour cent du marché. On spécule que la nationalisation pourrait être, en partie, une tentative de faire échouer l'entente avec Slim pour favoriser Telefónica en protégeant la compagnie espagnole de son principal rival.

Une autre raison de s'emparer de CANTV est de retirer du marché la plus grande compagnie du pays dont les actions sont négociées publiquement. Les financiers vénézuéliens se sont servis des actions de la compagnie, qui se transigent à Caracas (pour des bolivars) et à Wall Street (pour des dollars), pour canaliser du capital hors du pays et convertir leurs actifs en des holdings en dollars à l'étranger, contribuant ainsi à la fuite du capital et au taux d'inflation de 18 pour cent du pays.

Pour ce qui est de l'acquisition du secteur de l'énergie électrique, la majorité de ce dernier est déjà entre les mains de deux compagnies d'Etat. La principale compagnie privée qui serait affectée, Electricidad de Caracas, est contrôlée par la firme américaine AES Corp.

Pleine compensation aux actionnaires

Des représentants du gouvernement ont clairement annoncé que tout actionnaire de CANTV ou de compagnies du secteur de l’énergie acquises par l'Etat aura pleine compensation provenant des fonds que le Venezuela a accumulé des revenus du pétrole. « Les actionnaires recevront la juste part de la valeur de leurs actions », a déclaré le ministre des Finances Rodrigo Cabezas au journal vénézuélien El Universal.

Lorsque l'on parle d'un secteur véritablement stratégique de l'économie vénézuélienne, le pétrole et le gaz naturel, il est évident que le gouvernement Chavez ne considère en aucune façon la « nationalisation », ou du moins pas de la manière dont elle pouvait être pratiquée par des gouvernements nationalistes bourgeois à une autre époque, comme Peron en Argentine ou Cardenas au Mexique. 

Le Venezuela est le cinquième plus important exportateur de pétrole au monde, possédant des réserves assurées de 78 millions de barils ainsi que des réserves potentiellement massives dans la ceinture de l'Orinoco qui pourraient atteindre 1,2 billion de barils. 60 pour cent de la production du Venezuela est absorbée par les Etats-Unis.

Ce que fait Chavez dans le secteur pétrolier ressemble beaucoup à la « nationalisation » des réserves de gaz naturel de la Bolivie proclamée par le président Evo Morales, bien que Chavez semble renoncer à l'effet dramatique consistant à envoyer des troupes dans les champs pétrolifères. Il s'agit donc d'une tentative pour négocier avec les multinationales de l'énergie opérant dans la ceinture de l'Orinoco -- ExxonMobil, Conoco, Chevron, et l'entreprise française Total -- une position majoritaire dans la production pétrolière pour la compagnie nationale PDVSA et une plus grande part des profits de leur entreprise commune.

On prévoit que les géants de l'énergie américains accepteront ces conditions afin de maintenir leur emprise, même diminuée, sur les réserves de pétrole du Venezuela, une immense source de profits.

Le ministre vénézuélien du Pétrole, Rafael Ramirez, a clairement fait savoir lundi que le gouvernement n'avait aucune intention de modifier ses contrats actuels liés au gaz naturel, signés par le propre gouvernement de Chavez en 1999, lorsqu'il a ouvert ce secteur à l'investissement et à l'exploitation par le privé.

Les plus importants groupes financiers de Wall Street n'ont vraiment pas pris au pied de la lettre les déclarations de Chavez à propos du « socialisme du 21e siècle » et de la « révolution permanente ».

« Nous ne sentons pas l'intention de Chavez de bouter dehors le secteur privé au Venezuela ; la nationalisation de CANTV et des autres anciennes compagnie d'énergie d'Etat a une valeur plus symbolique, » déclare JP Morgan.

« Nous ne voyons pas une abolition de la propriété privée de bout en bout »,  confirme Merrill Lynch.

Cette dernière affirmation est une sous-estimation. Au cours des dernières années, le secteur privé vénézuélien a cru à un taux de 10,3 pour cent, plus que le double du taux du secteur public.  Durant cette même période, il y a eu une croissance négligeable du secteur manufacturier du pays, avec un taux de chômage officiel de 10 pour cent.

La principale croissance s’est faite dans le secteur financier vénézuélien, qui bénéficie des conditions de profitabilité parmi les meilleurs dans le monde. Comme le Financial Times le notait sur un ton sarcastique en août dernier, « Traditionnellement en temps de révolution, les banquiers se trouvent face au peloton d'exécution. Mais au Venezuela ils font la fête. »

L'article continue, « plutôt que de nationaliser les banques, la redistribution “révolutionnaire” de l'argent du pétrole a engendré de riches individus qui transforment de plus en plus Caracas au point où la ville attire les banques suisses et autres banques internationales.  Et ce ne sont pas que les banques privées qui profitent de la révolution. »

Le journal notait qu'en 2005, les avoirs des banques au Venezuela avaient augmenté par un tiers, passant de 29,3 milliards à 39,8 milliards de dollars.

En d'autres mots, indépendamment des programmes sociaux que Chavez a été capable de financer grâce aux prix gonflés du pétrole, les commandes suprêmes de l'économie du Venezuela demeurent fermement sous le contrôle du capital financier international et domestique.

Le caractère de plus en plus bonapartiste de son gouvernement — une loi proposée dans le cadre de son nouveau mandat lui offrirait le droit de gouverner par décret durant une période de 18 mois — reflète les immenses divisions sociales entre les riches et les pauvres qui dominent encore la société vénézuélienne.

Les mesures sociales de Chavez, aussi limitées soient-elles, combinées à sa rhétorique anti-impérialiste, provoquent de plus en plus l'ire de Washington. Dans son témoignage la semaine dernière devant le Congrès sur la « menace globale », le directeur du service de renseignement national, John Negroponte décrivait le gouvernement de Chavez de menace à la « démocratie »

En 2002, Washington a répondu à cette « menace » en orchestrant un coup de droite qui a avorté seulement à cause de l'opposition de masse de la classe ouvrière vénézuélienne et des pauvres. Il est certain que la CIA développe un autre plan pour renverser le gouvernement de Chavez. 

Nous ne savons pas si Chavez est plus familier avec la théorie de la révolution permanente de Trotsky que s’il avait simplement lu le titre du livre. Quelque soit la réponse, la perspective centrale est toujours vrai pour le Venezuela et pour l'Amérique latine dans son ensemble. 

Il est impossible pour ces pays de se libérer des griffes de l'Impérialisme sur la base d'une révolution nationale dirigée par une section de la bourgeoisie ou des ses représentants - incluant des dirigeant militaires radical. Cette tâche ne peut être menée à bien qu'avec la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière en tant que parti intégrante d'une classe révolutionnaire internationale pour mettre un terme au capitalisme.

(Article original anglais paru le 18 janvier 2007)

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