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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Grande-Bretagne: Brown forme un nouveau gouvernement comprenant des libéraux, des ex-conservateurs, des personnalités du monde militaire, de la police et du monde des affaires

Par Julie Hyland
7 juillet 2007

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La première démarche entreprise par Gordon Brown en tant que nouveau premier ministre britannique, en l’occurrence le remaniement de son gouvernement, lui a valu les accolades de l’establishment politique et des médias.

Onze des 22 membres sortants du gouvernement de Tony Blair ont été remplacés dans le remaniement du gouvernement travailliste. Les commentateurs politiques ont tiré un parallèle avec le président français, Nicolas Sarkozy, du fait que Brown ait nommé pour la première fois une femme au poste de ministre de l’Intérieur ainsi qu’un musulman au gouvernement qui comprend des libéraux et des conservateurs.

L’on affirme que Brown a agi ainsi dans le but de rompre avec « la vieille politique » et de tenir sa promesse initiale d’utiliser le vaste espace du « terrain commun » de la politique britannique afin de créer un gouvernement indépendamment des « sigles des partis ». Le Parti travailliste, tout comme les médias, a acclamé le remaniement ministériel comme étant un effort pour tirer un trait sur l’ère Blair. Le fait que Brown envisage d’éventuelles réformes constitutionnelles, y compris la création d’un jury citoyen, a incité Jackie Ashley du Guardian a déclaré avec enthousiasme, dans une analogie avec la révolution anglaise, que « les têtes rondes avaient pris le relais des royalistes » et qu’« enfin la direction du Labour "renouait" avec le parti. »

Le message d’un Parti travailliste « renouant » avec la grande masse de la population laborieuse fut renforcé par l’ancienne ministre travailliste, Clare Short, qui avait démissionné après le déclenchement de la guerre en Irak. Exprimant l’espoir que Brown représentait un « nouveau départ », elle laissa entendre qu’elle pourrait être disposée à revenir au bercail.

De telles affirmations, contribuent à renforcer la crédibilité de suppositions selon lesquelles Brown pourrait préparer une élection générale d’ici un an. Mais, un regard objectif sur la composition du gouvernement et les premières promesses de Brown montre clairement que ceci est un gouvernement encore plus droitier et plus servile à l’égard du patronat que celui qu’il vient de remplacer, ce que bon nombre de gens avaient tenu pour impossible.

C’est un fait que Brown ne pouvait pas continuer avec la même coterie qu’avant. Non seulement bon nombre de ceux qui en faisait partie, comme l’ancien ministre de l’Intérieur, John Reid, étaient des alliés fidèles de Blair et s’étaient sans cesse opposés à ce que Brown lui succède. Ils étaient aussi trop étroitement liés à la guerre en Irak qui a produit une hémorragie du soutien politique du Parti travailliste.

Jack Straw, en tant que ministre des Affaires étrangères, avait supervisé en 2003 la participation à l’invasion de l’Irak et l’on rapporte qu’il souhaitait retrouver son ancien poste. Bien qu’ayant mené la campagne de Brown pour le poste de chef du Parti travailliste, il occupera cependant le poste de ministre de la Justice (un poste créé suite à la division de l’ancien ministère de l’Intérieur) et celui de président de la chambre des Lords.

La nomination de David Miliband comme ministre des Affaires étrangères passe pour la preuve que la politique du gouvernement Brown sera tout à fait différente de celle de Blair en matière de politique étrangère. La BBC a rapporté que cela « signalait un éventuel changement de la politique étrangère britannique en faveur d’une politique où on n’a pas abandonné toute critique à l’égard des Etats-Unis et d’Israël. »

En fait, les antécédents de Miliband ne révèlent aucune opposition de ce genre à la guerre en Irak. Le site Theyworkforyou.com le présente comme quelqu’un qui « approuve fortement » la guerre en Irak, et laisse au Guardian le soin de faire le commentaire pour ne rien dire à savoir qu’il « n’est pas associé publiquement à la décision d’envahir l’Irak et l’on rapporte qu’en privé il avait des doutes à ce sujet. »

Sa seule divergence avec Blair ayant quelque substance était de toute apparence l’évocation de sa « consternation » en conseil des ministres sur le fait que Blair n’ait pas appelé à un cessez-le-feu au Liban l’année dernière. Et, en tant que ministre de l’Environnement, il avait déclaré lors d’une réunion aux Etats-Unis que l’introduction d’un changement climatique nécessiterait « une direction forte » à Washington.

Le fait que de telles choses puissent passer pour une critique ou même une opposition à Washington est révélateur du degré de dépendance de la Grande-Bretagne à l’égard des Etats-Unis. Miliband est mieux connu pour le rôle déterminant qu’il a joué dans la fabrication de New Labour. Il fut d’abord connu en 1997 pour avoir été à la tête du groupe politique de Blair et n’a cessé de grimper rapidement les échelons depuis.

Deux critiques éloquents de l’Irak sont entrés au gouvernement. L’ancien secrétaire général adjoint des Nations unies, Sir Mark Malloch-Brown a été nommé secrétaire d’Etat à l’Afrique, l’Asie et l’ONU et John Denham, qui avait quitté le gouvernement pour protester contre l’invasion de l’Irak, occupe le nouveau poste de ministre d’Etat pour l’Innovation, les Universités et les Aptitudes. L’amiral Sir Alan West, l’ancien chef de la marine britannique et un vétéran décoré de la guerre des Malouines, a été nommé ministre de la Sécurité.

Dans la mesure où ces nominations signifient un éventuel changement de trajectoire, celui-ci serait motivé par la débâcle de l’invasion menée par les Etats-Unis en Irak. Malloch-Brown avait attaqué le manque de respect de Blair et de Bush à l’égard des Nations unies en disant que la seule chose positive émanant de la guerre en Irak est qu’elle caractérisait le point culminant de « l’unilatéralisme américain ».

Le multilatéralisme était à présent « fortement de retour », affirma-t-il, en raison d’une nouvelle « reconnaissance saine des limites même de la puissance américaine à influencer et à façonner les problèmes dans de nombreux endroits du monde ».

West a décrit l’éventualité d’une attaque militaire de l’Iran comme étant « horrifiante ». Il a dit, « Nous ne devrions pas le faire, la question devrait être résolue d’une autre manière » et il a attaqué le gouvernement pour avoir affaibli les forces armées britanniques.

Mais tout changement de trajectoire se fera dans le cadre d’une promotion agressive des intérêts de l’impérialisme britannique au sein du partenariat avec les Etats-Unis. Brown reste engagé en faveur d’un maintien de bonnes relations avec la Maison-Blanche, a dit son porte-parole. « Il croit très fortement à l’importance des relations avec les Etats-Unis et à l’importance des relations avec le président des Etats-Unis. »

Le fait que les divergences entre Blair et Brown ne sont qu’une question de nuance fut souligné par le fait que Des Browne, le ministre de la Défense, fut le seul à conserver son poste ministériel après le remaniement. Browne avait joué un rôle primordial lors de la détention des quinze marins britanniques dans les eaux territoriales iraniennes, attisant le tapage fait par les médias.

La nomination de West comme ministre de l’Intérieur et responsable de la sécurité fait entrer dans les plus hautes sphères gouvernementales des militaires ne disposant d’aucun mandat électoral. Dans le même contexte, Brown a nommé l’ancien directeur de la Police métropolitaine de Londres, (Lord) John Stevens, comme son conseiller principal à la sécurité internationale.

Brown a récompensé ses plus fidèles alliés. Alastair Darling a hérité du ministère des Finances tandis que les conseillers les plus proches de Brown, Nick Brown et Douglas Alexander, ont respectivement été nommés aux postes de « chief whip » [chargé de s’assurer que les députés votent conformément au souhait de la direction du parti] et au ministère pour le Développement international. Un autre allié clé, Ed Balls, occupe également un nouveau poste, celui de secrétaire d’Etat à l’Enfance, à l’Ecole et à la Famille, tandis que sa femme, Yvette Cooper, a été nommée ministre du Logement. Pour multiplier les liens familiaux, le poste de secrétaire de cabinet fut confié à Edward Miliband, le frère de David Miliband.

Toujours est-il que la continuité de la politique de Blair par Brown est démontrée par la nomination de Jacqui Smith comme ministre de l’Intérieur. Smith, en tant que fidèle « blairiste », était aussi une partisane farouche de la guerre contre l’Irak. Dans son ancienne qualité de « chief whip » cependant, on lui sut gré d’avoir fait régner la paix entre les factions de Blair et de Brown au sein du parti.

Durant la dernière course à la direction du parti, Brown avait été le seul candidat en lice, Smith avait mis en garde contre tout virage à gauche du parti et avait appelé à lutter pour les électeurs dans les régions prospères du sud-est au lieu « d’un repli sur nos terres d’origine… Nous avons changé notre paysage politique en prenant clairement possession du centre, » a-t-elle précisé.

John Hutton, un autre « blairiste », conserve le ministère du Commerce, des Entreprises et de la Réforme régulatrice tandis que l’ancienne candidate au poste de vice-premier ministre, Hazel Blears, est nommée au poste de ministre des Communautés et du gouvernement local.

Aux côtés de Blears, quatre autres candidats au poste de vice-premier ministre se sont vus dotés de postes gouvernementaux. Harriet Harman, qui avait remporté cette course, devient présidente de la Chambre des communes et Peter Hain devient ministre du Travail et des Retraites.

Alan Johnson devient ministre de la Santé. Ses liens avec la bureaucratie syndicale sont considérés comme très précieux compte tenu que Brown cherche à intensifier la privatisation du système de santé publique. L’une des dernières démarches de Brown en tant que ministre des Finances avait été de couper drastiquement le budget 2007-2008 du service de santé britannique (NHS), en supprimant près d’un tiers en le faisant passer de 9,3 milliards d’euros à 6,3 milliards d’euros. Il a également promu le chirurgien de renom, Sir Ara Darzi, sous-secrétaire d’Etat à la Santé. Darzi s’est fait le champion de la « reconfiguration » du NHS par la fermeture des hôpitaux et des services entiers et en rentabilisant les opérations.

Jon Cruddas, qui avait été promu au rang de candidat de « gauche » lors de la course à la direction, reste sans poste. Il aurait décliné un poste inférieur, probablement tellement inférieur qu’il n’avait pas d’autre choix que de ne pas l’accepter.

Shaun Woodward, par contre, qui était passé des conservateurs dans les rangs de Labour en 1999, a été promu ministre pour l’Irlande du Nord. La défection la semaine passée du député conservateur de longue date, Quentin Davies, en faveur du Parti travailliste a été portée au crédit de Woodward.

Au moins trois membres libéraux-démocrates ont rejoint le gouvernement. Lady Shirley Willians, qui a dirigé le Parti social-démocrate, à présent défunt et qui était né d’une scission au sein du Labour en 1981, a refusé un poste ministériel mais devrait jouer un rôle de conseillère en matière de prolifération nucléaire. Lady Neuberger, la porte-parole libéral- démocrate de la Santé, a également accepté la charge de conseillère en matière de promotion du bénévolat et son collègue de parti, Lord Lester, sera conseiller en matière de réformes constitutionnelles.

Les ouvertures de Brown aux libéraux-démocrates datent d’avant sa nomination au poste de premier ministre quand il a proposé le ministère de l’Irlande du Nord à Paddy Ashdown, ancien chef de file des libéraux-démocrates. Ashdown a décliné l’offre mais le recrutement de Williams, Lester et Neuberger laisse supposer que les libéraux-démocrates sont loin d’être aussi hostiles à une coalition de fait avec Labour que leurs protestations publiques ne le laissent entendre.

En dépit de rapports selon lesquels la proposition faite à Ashdown avait été faite derrière le dos des deux partis, il apparaît à présent que le dirigeant libéral-démocrate, Sir Menzies Campbell, avait été en discussion avec Brown au sujet du poste ministériel et ne l’a décliné qu’après que la chose ait été connue du public. Le Gardian rapporta avoir été informé par des « sources autorisées » que les pourparlers « en étaient à un stade plus avancé que les camps des deux hommes ne l’avaient reconnu jusque-là. Il apparut que Lord Kirkwood, un collaborateur de haut rang de Sir Menzies, et Alistair Darling, le ministre du Commerce et de l’Industrie et un allié du ministre des Finances, avaient eu plusieurs discussions ces jours derniers. »

Le recrutement de Sir Digby Jones, l’ancien directeur général du Conseil du patronat britannique comme ministre du Commerce est tout aussi révélateur. Digby Jones a écarté toute adhésion au Parti travailliste, mais est sur le point d’être élevé à la dignité de pair et sera le chef de file du groupe travailliste à la Chambre des Lords. Il est à la tête d’une liste extensive d’hommes d’affaires faisant leur entrée au gouvernement pour former le nouveau « Conseil des entreprises de Grande-Bretagne » de Brown.

Ce conseil nouvellement créé sera dirigé par le patron du fonds d’investissement Permira, Damon Buffini, ce qui revient à un rejet direct des appels lancés par les syndicats pour que Brown intervienne contre les fonds d’investissement. Le directeur de Permira, une société de capital-risque et de capital-investissement, qui est déjà conseiller gouvernemental en matière de réforme éducationnelle, dirigera une équipe de grands patrons, y compris Sir Terry Leahy le PDG de la chaîne de supermarchés Tesco [le numéro un britannique de la distribution], Sir Richard Branson, le PDG de la chaîne de magasins Virgin et Sir Alan Sugar de la société d’électronique et d’informatique Amstrad.

Selon le Financial Times, le conseil a pour but « d’aider à injecter des expertises privées dans des domaines tels que la compétence et les réformes de soutien aux entreprises. M. Brown souhaite également recourir à ce conseil pour dépolitiser d’autres aspects des dépenses publiques aux entreprises, tel le financement relatif de divers secteurs. »

Le journal a rapporté que l’accession de Brown au pouvoir « a engendré une course aux dons vers les coffres du Parti travailliste avec quatre hommes d’affaires, y compris des personnalités de fonds d’investissement, versant au parti plus d’un demi-million de livres sterling ces dernières semaines. »

Les quatre riches hommes d’affaires qui ont ces dernières semaines fait don chacun jusqu’à 350 000 euros sont Sir Ronald Cohen, « le doyen du fond d’investissement britannique », Nigel Doughty d’un fonds de capital-risque, l’ancien partenaire de la banque d’investissements Goldman Sachs, Jon Aisbitt, et Peter Coates, le patron des paris sportifs sur internet.

Le Financial Times a remarqué un « certain rapprochement » entre le Labour et le patronat après « des relations tendues au cours du troisième mandat du Parti travailliste. »

« Les entreprises britanniques ont cruellement besoin de quelques réformes visant la règlementation, » écrit-il, en demandant instamment à Hutton de « nettoyer Whitehall, en quête de problèmes causés par les règlements, les charges fiscales et les initiatives gouvernementales. » En signe des choses à venir, le journal poursuivait en disant que « le flexible marché du travail britannique a bien fait les choses au cours de cette dernière décennie, mais il n’est plus aussi flexible qu’il l’était. Ceci devrait être la priorité absolue de M. Hutton. »

(Article original anglais paru le 2 juillet 2007)


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