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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

La peine de Lewis Libby commuée : la criminalité du gouvernement et la nature de classe de la « justice » américaine

Par Bill Van Auken
7 juillet 2007

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La décision de la Maison-Blanche de commuer la peine de prison de I. Lewis « Scooter » Libby, l’ancien directeur de cabinet du vice-président, Dick Cheney, en dit long sur le caractère criminel du gouvernement américain et sur l’inégalité qui prévaut dans la société américaine.

Libby a été condamné à une peine de trente mois de prison pour des accusations de parjure et d’obstruction à la justice pour avoir menti à des agents du FBI et à un grand jury fédéral dans une tentative de faire avorter leur enquête sur le coulage dans la presse de l’identité d’un agent de la CIA, Valerie Plame. Aujourd’hui il s’en tire à bon compte sa sentence ayant été scindée avant même qu’il ne fasse un seul jour de prison.

Même si la commutation de la peine n’annule pas la condamnation, l’amende de 250.000 dollars et sa mise à l’épreuve de deux ans, Bush a refusé mardi dernier d’exclure de gracier entièrement Libye avant la fin de son mandat. « Je n’exclus pas quoi que ce soit », a dit Bush en réponse à une question sur l’éventualité d’une grâce présidentielle.

Bush n’a pas craint de contredire sa déclaration solennelle de la veille lorsqu’il déclarait qu’il « respectait » le verdict du jury et parlait de la nature sérieuse d’un parjure ou d’une obstruction à la justice.

Quant à l’amende, il n’y a pas de doute qu’elle sera plus que payée par les riches défenseurs de Libby. Ceux-ci ont déjà amassé cinq millions de dollars pour un fonds de défense de Libby et ont mobilisé une petite armée d’anciens officiels, d’avocats, de riches développeurs et les principales personnalités de droite du Parti républicain en son nom.

La poursuite contre Libby est devenue une cause célèbre dans cette couche socio-politique parce que les mensonges de Libby aux enquêteurs fédéraux faisaient partie d’une conspiration pour couvrir des mensonges encore bien plus gros qui furent utilisés pour entraîner le peuple américain dans une guerre criminelle déclenchée pour défendre les profits de l’élite du monde des affaires.

L’identité de Plame a été révélée par le chroniqueur de droite, Robert Novak, et d’autres membres des médias dans une tentative de punir et d’intimider son mari, Joseph Wilson, l’ancien ambassadeur qui a mis à nu une partie de la fausse preuve sur les armes de destruction massive servant à justifier la guerre en Irak.

L’enquête sur la fuite, dont le point culminant fut la condamnation de Libby, a été lancée par le département de la Justice qui, à la demande de la CIA, a nommé Patrick Fitzgerald, un procureur américain de Chicago, en tant que conseiller spécial. La fuite de l’identité de Plame a enragé les officiels de la CIA, qui ont affirmé qu’il pouvait s’agit en fait d’une violation de la loi de 1982 qui criminalisait la divulgation du nom d’un agent secret.

Il était évident dès le début que la campagne pour faire taire Wilson était orchestrée par Cheney et la Maison-Blanche. Dans les premiers jours du procès, l’avocat de Libby décrivait ce dernier comme un « bouc émissaire » pour ses supérieurs, une affirmation que le grand jury semble avoir considéré comme exacte. Il fut révélé après le procès que tout en condamnant Libby, ils se demandaient pourquoi d’autres personnalités, y compris le principal conseiller de Bush, Karl Grove, n’étaient pas également jugées.

Ensuite, dans un revirement de situation inattendu, la défense a brusquement mis fin à ses audiences sans appeler Cheney, Rove ou Libby lui-même à la barre des témoins. Il était clair que Libby et ses avocats avaient pratiquement décidé de concéder la culpabilité de Libby plutôt que de continuer avec la défense qu’ils avaient adoptée au début du procès.

Il ne fallait pas être un expert pour comprendre que Libby avait reçu l’assurance que Bush interviendrait pour empêcher qu’il se retrouve en prison. La décision présidentielle commuant la peine de prison de Libby est l’équivalent juridique de l’argent pour acheter le silence, dont le but est d’acheter le silence de Libby sur les crimes de la Maison-Blanche de Bush et du bureau de Cheney, crimes dans lesquels Libby lui-même a joué un rôle important.

La décision de Bush de commuer la sentence a été décrite par la Maison-Blanche comme un acte de pardon, qui visait à corriger une sentence « excessive » tout en maintenant le caractère sacré du verdict du jury. Mais il n’en est rien en réalité. Comme tout ce que réalise cette administration, il s’agit plutôt d’un geste hors-la-loi visant à couvrir des crimes et à défendre des pouvoirs sans bornes pour l’exécutif.

Comme le Washington Post le rapportait mardi, la sentence était loin d’être excessive. « Trois personnes sur quatre accusées d’obstruction à la justice depuis deux ans, soit 283 personnes selon les données du département de la Justice, ont été condamné à la prison », a rapporté le Washington Post. « La durée moyenne de la peine dépasse les cinq années. Les personnes ayant reçu de treize à trente et un mois de prison forment le plus grand groupe, exactement ce que Libby a reçu comme peine. »

La décision de Bush d’accorder sa clémence à Libby — sans consulter Fitzgerald ou le procureur du département de la Justice responsable des pardons — visait à offrir le maximum de secret, puisque de telles décisions ne sont soumises à aucune révision juridique et même les documents qui en traitent ne sont pas soumis à la Loi d’accès à l’information.

La commutation de peine de Libby est une confirmation de plus que ce gouvernement se croit totalement au-dessus de la loi et opère davantage à la manière d’une famille criminelle que d’une administration démocratique et constitutionnelle.

La réaction des médias et de la soi-disant opposition politique représentée par le Parti démocrate à la libération de Libby par la Maison-Blanche fut remarquablement silencieuse.

En l’occurrence, les divers candidats démocrates à la présidence ont prononcé quelques mots. Hillary Clinton déclara que la commutation démontrait que dans l’administration Bush, « le copinage et l’idéologie avaient préséance sur la compétence et la justice », alors que Barack Obama affirma que cela « renforçait le legs d’une administration marquée par une politique de cynisme et de division ». Cette question aura posé certains problèmes politiques à ce dernier, car l’avocat-conseil de la campagne d’Obama, Robert Bauer, est venu à la défense de Libby dans un article intitulé « Une défense progressiste pour le pardon de Libby ».

En contraste avec la réaction des politiciens, Joseph Wilson a condamné plus directement et agressivement les actions de Bush, soutenant qu’elles étaient représentatives d’un gouvernement qui était « entièrement corrompu ». 

 « Le fait que le président ait court-circuité notre système de justice en offrant à Scooter Libby un laissez-passer hors de prison, annulant ainsi tout incitatif à dire la vérité au procureur, sème le doute autour du bureau du président et fait de lui un suspect potentiel dans une affaire d’entrave à la justice », a déclaré Wilson, ajoutant qu’« Ils ont étouffé l’affaire. »

Et dans le cas des médias, la plus ardente défense vint du Wall Street Journal, qui publia un éditorial décrivant la situation difficile dans laquelle se trouvait Libby comme une « tragédie personnelle » et qualifiant le fait que Bush ne l’ait pas complètement gracié comme « une sombre période dans l’histoire de l’administration ».  

Le Washington Post, qui avait critiqué abondamment la poursuite contre Libby, fut d’accord avec la commutation de peine de Libby, mais affirma que Bush était allé trop loin en annulant complètement toute peine de prison. Le Post reprit l’argument de la droite républicaine, en comparant le cas de Libby à celui du président Clinton, « qui mentit sous serment mais qui ne fut pas congédié ou emprisonné ».

Il semble que les rédacteurs du journal aient oublié le fait que Clinton fut essentiellement forcé de mentir sur une question purement personnelle qui n’avait de réelle importance que pour lui et sa famille, alors que les mensonges de Libby faisaient partie d’un complot politique visant à mener une guerre illégale d’agression qui a entraîné la mort de centaines de milliers d’Irakiens et tué ou blessé des dizaines de milliers de soldats américains.

Le New York Times, de son côté, a osé dire que la commutation avait pour but d’acheter le silence de Libby. « Les présidents ont le pouvoir de la clémence et des pardons », nota le Times. « Mais dans ce cas-ci, M. Bush n’avait pas l’air d’un dirigeant qui doit prendre une dure décision au plan de la justice. Il ressemblait davantage à un homme inquiet de ce qu’un ancien loyaliste puisse dire face à la possibilité d’un séjour en prison. » Et malgré tout, après avoir suggéré que Bush lui-même était coupable d’entrave à la justice, le journal n’a même pas abordé la question à savoir que Bush ou quiconque devaient être tenus responsables de leurs actes.

Il est fort probable que Bush ait pris en considération cette réaction timide des médias et des démocrates — par opposition aux fulminations de la droite républicaines — en déterminant que, une journée après avoir procédé à la commutation de peine de Libby, il pouvait même penser à le gracier totalement.

Comment peut-on expliquer cette absence de réelle indignation au sein de ce qui jadis passait pour l’establishment libéral, centré sur le Parti démocrate et certaines sections de la presse ? Et cela est encore plus surprenant étant donné l’écrasante hostilité populaire envers la commutation de Bush, les sondages montrant qu’au moins 70 pour cent de la population la désapprouvent. 

En dernière analyse, le véritable crime de Libby n’est pas d’avoir menti en réponse à des questions touchant le dévoilement d’identité d’un seul agent de la CIA, bien que des démocrates en vue aient profité de cette affaire pour présenter les républicains comme des « traîtres » et des ennemis de la sécurité nationale. Plutôt, le crime que Libby, Cheney et les autres ont commis et ont tenté de défendre dans l’affaire Plame-Wilson est la défense d’une guerre illégale basée sur des mensonges.

Derrière ce silence il y a sans doute un élément de « à la grâce de Dieu » de la part des participants des activités criminelles et corrompues du gouvernement américain. Après tout, ils travaillent dans la même bulle protégée et privilégiée que Libby et ses associés.

Bien que quelques membres démocrates de la Chambre aient suggéré la tenue d’auditions sur la commutation, même si elles étaient tenues, elles viseraient inévitablement à limiter les dégâts, dans un contexte où l’establishment en son entier est enfoncé jusqu’au cou dans la tromperie et la corruption.

Il y a ici un élément social et politique additionnel à l’œuvre. Au sein de l’establishment politique et médiatique, il y a une ferme conviction que le système sauvage de « justice criminelle » ne vise pas les possesseurs de richesse et les pourvoyeurs de pouvoir tel que Libby. Les prisons et les sentences sévères existent pour contrôler les masses de pauvres et de travailleurs.

Le nombre de prisonniers aux États-Unis a atteint un record de 2.245.000, le plus élevé des nations de la planète et près de 40 pour cent plus élevé que son principal compétiteur, la Chine. L’an dernier, le système de prison américain enregistrait la plus importante augmentation dans le nombre de détenus depuis 2000, rapportait le département de la Justice la semaine dernière. Cette augmentation était en grande partie due aux lois sur les sentences obligatoires, que l’administration a cherché à durcir encore plus, tout en ignorant ces lois dans les cas de Libby.

Dans une déclaration défendant sa décision de commuer la sentence de Libby, Bush pleurait le fait que la « femme et les jeunes enfants (de Libby) avaient également immensément souffert » et que « les conséquences de la condamnation pour son crime sur sa vie antérieure… vont durer longtemps. »

Aucune de ces considérations ne sont prises pour les millions qui sont traînés dans les prisons américaines — plusieurs sur la base de crime mineurs, certains avec des problèmes de santé mentale et incapables de subir un procès, d’autres juvéniles mais jugé comme adultes. Sans l’argent et la puissance de Libby, ils sont pris dans un système légal sans merci qui continue d’envoyer les gens à la potence.

Dans son rôle précédent de gouverneur du Texas, Bush n’a montré aucune de cette compassion à l’égard de ceux se trouvant dans le couloir de la mort comme il l’a fait pour le subalterne de Cheney. Il a envoyé à la mort 150 hommes et deux femmes — exécutant la première femme au Texas depuis 100 ans, Karla Faye Tucker, et s’est publiquement moqué de l’appel qu’elle lui a adressé pour qu’il lui épargne la vie

Ce système légal brutal reflète la brutalité qui frappe les gens de la classe ouvrière en général. Des millions sont privés d’emploi et de pension, voient leur salaire réduit ou perdent leur maison en reprise de financement sans une once de compassion du gouvernement ou de l’élite corporative qu’il représente.

Les crimes pour lesquels Libby est coupable — tout comme Bush, Cheney et les autres dans l’establishment militaire et politique — sont les mêmes qui formèrent la principale accusation contre les nazis lors des procès de Nuremberg il y a 60 ans : conspiration pour mener une guerre d’agression.

Le fait que Libby ne puisse pas être puni, même pour le crime collatéral d’obstruction à la justice et de parjure, démontre que l’establishment politique dans son ensemble, incluant les démocrates et les médias, est complice du même crime sous-jacent.

(Article original anglais paru le 4 juillet 2007)


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