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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le monde du travail frappé par de nouveaux suicides

Par Françoise Thull
12 juillet 2007

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De nouveaux suicides en série ont frappé le monde du travail récemment. Ils font suite à ceux qui étaient survenus en l’espace de juste quelques mois au Technocentre de Renault à Guyancourt (Yvelines), un centre de recherche du producteur automobile français (voir http://www.wsws.org/francais/News/2007/mars07/020307_suicides.shtml).

Chez Peugeot-Citroën (PSA) ce sont quatre suicides qui se sont produits en moins de quinze jours, en avril et mai dans un même atelier de l’usine Peugeot-Citroën de Mulhouse (Haut-Rhin) qui compte 10.500 salariés. Les salariés concernés étaient âgés de 30 à 40 ans et employés en CDI (contrat à durée indéterminée). Ces suicides font suite à celui d’un salarié de l’usine PSA de Charleville-Mézières, dans les Ardennes, au mois de février. Ce salarié avait invoqué ses conditions de travail dans une lettre d’adieu.

Ces suicides ne touchent pas seulement l’industrie automobile. Un autre suicide à être rapporté dans la presse fut celui d’une employée de la centrale nucléaire EDF (Electricité de France) de Chinon (Indre-et-Loire) survenu le 27 février dernier. Il devint un sujet d’actualité parce que le tribunal des affaires de la sécurité sociale de Tours délibérait en mai dans le litige opposant la famille d’un des collègues de cette employée, un technicien supérieur de 49 ans de la même centrale, qui s’était donné la mort en août 2004, faisant ainsi passer le nombre de suicides à six en trois ans.

Aucune statistique officielle n’existe sur le nombre de suicides liés au travail étant donné qu’ils ne sont que très rarement classés en accidents du travail, même lorsqu’ils surviennent sur le lieu du travail, et donc à plus forte raison quand ils ont lieu en dehors du lieu du travail.

Christian Larose, président de la section travail du Conseil économique et social, dirigeant syndical CGT et co-auteur d’un livre intitulé « Violences au travail » a, dans une étude réalisée à titre privé, estimé qu’entre 300 et 400 personnes par an (une personne par jour) se donnait la mort pour des raisons liées aux mauvaises conditions de travail, un chiffre qui serait selon lui en nette progression.

Les difficultés que rencontrent les familles des victimes de suicides à faire valoir leurs droits ressemblent à un vrai parcours du combattant comme le montre le cas du suicide survenu le 20 octobre 2006 au Technocentre de Renault, que la Caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine venait de reconnaître début mai comme accident du travail. La direction de Renault a fait savoir le 27 juin qu’elle avait déposé un recours contre le classement de ce suicide comme accident du travail.

Non seulement les familles touchées par ces drames ont-elles à déplorer la mort d’un proche qui est souvent le seul gagne-pain, mais elles doivent encore livrer bataille devant les tribunaux pour faire reconnaître les causes réelles du décès en prouvant la responsabilité de l’employeur et la détérioration des conditions de travail. Une tâche gigantesque consistant à engager des procédures judiciaires contre des multinationales aux ressources financières quasi illimitées. Dans ces conditions, il est facile d’imaginer qu’il existe un fort écart entre le nombre de cas reconnus officiellement comme suicides dus au travail et leur nombre réel. Le refus des entreprises à reconnaître la part des conditions de travail dans ces suicides en les imputant à des difficultés personnelles, fait que seule une infime partie de cet iceberg est visible.

Selon des articles de presse, le groupe PSA a développé ces dernières années la pratique d’envoyer des lettres « culpabilisantes » aux salariés en congé maladie. D’après le journal Le Monde, la CGT aurait rassemblé une centaine de ces lettres depuis un an. « Il s’agit de lettres-types » précise Vincent Duse, délégué CGT, « elles ont été envoyées à des salariés malades du site de Mulhouse qui avaient fourni un certificat médical. »

Selon Le Monde, qui s’est procuré une de ces lettres, le chef du personnel y attirerait « l’attention sur l’importance et la fréquence de l’absence » du salarié en soulignant que l’« absentéisme personnel est incompatible avec l’organisation industrielle et perturbe de façon inacceptable le fonctionnement de [l’]unité de production ». Pour conclure, il est demandé au salarié malade « de modifier [son] comportement de façon notable et durable ».

Dans les usines automobiles où des employés en intérim travaillent côte à côte avec des employés en CDI (contrat à durée indéterminée), il n’est pas rare que ces derniers soient obligés d’aligner leur rythme de travail sur celui des employés en situation plus précaire et qui, dans l’espoir d’une embauche, donnent le meilleur d’eux-mêmes, en l’occurrence leur santé et même leur vie.

Le groupe PSA avait aussi annoncé, avant la période où ces suicides eurent lieu, des réductions massives d’effectifs. Il était connu depuis le mois de février que le groupe visait la suppression de 4.800 emplois. Un comité central d’entreprise extraordinaire de Peugeot-Citroën qui eut lieu le 9 mai sous la direction de Christian Streiff, l’ancien président d’Airbus, avait confirmé la suppression de ces postes en 2007 en France, sur la base de départs volontaires.

Dans le même temps, contrairement à Renault qui avait annoncé un recul de ses ventes, les ventes de PSA augmentaient. Le groupe avait fait connaître une hausse de 6,5 pour cent des ventes et une augmentation de 5,6 pour cent de son chiffre d’affaires par rapport à celui des trois premiers mois de 2006, ainsi qu’une augmentation de 1,6 pour cent de ses ventes en Europe de l'Ouest.

Les suppressions d’emplois devaient se faire sans recourir officiellement aux licenciements. Jean-Luc Vergne, directeur des ressources humaines, avait déclaré : « nous avons choisi de ne pas recourir à des plans sociaux avec licenciements. Le dispositif … conduit à ne pas remplacer les partants ». Le dispositif en question est appliqué à compter du 1er juin 2007 et s’étalera sur une durée de 6 mois. Il est issu de l’accord sur la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) signé le 6 avril 2007 par cinq des six organisations syndicales du groupe PSA (CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO et GSEA), à l’exception de la CGT.

Cette « gestion des compétences » est régie par une législation datant de 2005. En effet, la loi du 18 janvier 2005 de « Programmation pour la cohésion sociale », dite loi Borloo, impose dorénavant aux PME et aux groupes au-delà de 300 salariés à engager tous les trois ans des négociations entre les « partenaires sociaux », à savoir les syndicats et les organisations patronales, sur l’emploi et la mise en place d’un dispositif GPEC. Le GPEC a pour objet d’identifier à l’avance les réductions possibles d’effectifs et d’adapter en permanence le nombre des salariés aux besoins de l’entreprise.

Ces pratiques ont pour effet d’augmenter la pression sur les salariés en intensifiant le travail. Des conditions sont créées où la pression au travail devient intolérable pour ceux qui sont censés garder leur emploi. Le soutien de ces mesures par les syndicats laisse les salariés à la merci du patronat et sans perspective pour se défendre. Les syndicats de PSA n’ont mis en avant aucun projet pour défendre les 4.800 emplois supprimés chez Peugeot.

Ce n’est pas par manque de combativité des ouvriers de PSA. Le 10 avril, à quelques jours du premier tour de la présidentielle, s’est achevée une grève qui était partie le 28 février de quelque 500 des 3.400 ouvriers de l’usine PSA Peugeot-Citroën d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) après l’annonce des gains obtenus par les ouvriers de Magnetto (entreprise d’emboutissage sous-traitante vendue par PSA il y a trois ans), après leur grève.

Les revendications des grévistes de PSA portaient sur une augmentation de salaire de 300 euros pour tous, un salaire minimum d’embauche de 1.525 euros nets, le départ en préretraite des plus de 55 ans et l’embauche des intérimaires. Le protocole de fin de conflit qui fut signé est loin de satisfaire les revendications formulées initialement, n’accordant aucune augmentation de salaire aux ouvriers en grève.

Un cas qui illustre de façon exemplaire le rôle joué par les syndicats, qui refusent systématiquement d’organiser des luttes contre les suppressions d’emploi en général et permettent aux patrons de monter un site contre l’autre, a été celui d’Airbus. Là, le plan de restructuration « Power 8 » prévoit la suppression de l0.000 emplois en Europe, la fermeture ou la vente de cinq usines et la délocalisation des productions vers des pays à bas salaires.

Alors que les salariés d’Airbus étaient déterminés à s’opposer au plan de licenciement et avaient fait grève, les syndicats ont tout fait pour empêcher qu’une lutte sérieuse ne se développe. Ils ont étouffé les derniers mouvements de grèves en cours contre le plan de restructuration Power 8 des ouvriers d’Airbus des sites de Nantes et de St Nazaire en échange d’une promesse de la direction de reprendre les négociations à une date ultérieure et quelques jours à peine avant la réunion des dirigeants des cinq plus importantes fédérations syndicales avec Nicolas Sarkozy à l’Elysée, avant même que celui-ci n’ait été investi officiellement président de la République.

L’application de la politique d’« électrochoc » annoncée par le nouveau premier ministre, François Fillon, pour conduire la France « au maximum de ses capacités pour qu’elle soit au premier rang de la compétition internationale » et satisfaire le patronat français doit se faire avec le soutien des organisations syndicales.

On s’était efforcé, il y a quelques mois, d’élargir et d’officialiser cette collaboration par une modification de la loi dite de « modernisation du dialogue social », introduite fin janvier par l’ancien premier ministre Dominique de Villepin. Cet amendement d’une législation existante institue une concertation de l’Exécutif avec les « partenaires sociaux » sur l’ouverture de négociations avec ces derniers avant tout projet gouvernemental de réforme portant sur les relations du travail, l’emploi et la formation professionnelle.

Sarkozy pourra donc compter officiellement sur le soutien des dirigeants syndicaux en septembre lorsque figureront à l’ordre du jour ses « chantiers prioritaires » : l’attaque du droit de grève dans les services publics, la création d’un « contrat unique de travail », la « représentativité » des syndicats, la fusion de l’Unédic et de l’ANPE et la « réforme » de la sécurité sociale et des retraites, entre autres.

La dure réalité des conséquences qui découlent de cette complicité et du rôle d’accompagnateur que jouent les syndicats dans les plans de licenciement et l’aggravation des conditions de travail est mise en évidence dans le fait que la France arrive, selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé, au troisième rang mondial, derrière l’Ukraine et les Etats-Unis, où les dépressions liées au travail sont les plus nombreuses.


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